CONSEIL DE DISCIPLINE |
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collège des médecins du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
24-14-00824 |
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DATE : |
Le 31 août 2016 |
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LE CONSEIL : |
Me Caroline Champagne |
Présidente |
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Dre vania jimenez |
Membre |
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dr Pierre marsolais |
Membre |
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DR LOUIS PRÉVOST, médecin, en sa qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec |
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Plaignant |
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c. |
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DR ALBERT BENHAIM |
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Intimé |
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ |
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Conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil INTERDIT la Divulgation, la Publication ET la Diffusion :
§ DU NOM DU MÉDECIN (identifié comme « Dr A » dans la décision), AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER;
§ des dossiers médicaux déposés sous i-13 et i-14;
§ DU NOM DU PATIENT ET DE SON MÉDECIN MENTIONNÉS À LA PIÈCE I-51, AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER;
§ de TOUTE INFORMATION CONCERNANT L’ÉTAT DE SANTÉ DE L’INTIMÉ ET LA MISE SOUS SCELLÉ DES CERTIFICATS MÉDICAUX SOUSMIS PAR L’INTIMÉ LORS DE LA REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE.
I. INTRODUCTION
[1] L’intimé, Dr Albert Benhaim, est inscrit au tableau de l’Ordre du Collège des médecins du 1er juillet 1986 jusqu’à ce qu’il fasse l’objet d’une radiation provisoire le 28 octobre 2015.
[2] Cette radiation provisoire est prononcée dans le contexte du dépôt d’une plainte disciplinaire pour entrave à l’exercice des fonctions du syndic adjoint du Collège des médecins et qui fait l’objet de la présente décision.
[3] Le syndic adjoint reproche au Dr Benhaim de ne pas lui transmettre des documents dans le cadre de son enquête.
[4] Dr Benhaim plaide qu’il ne peut fournir les documents requis puisqu’ils ne lui appartiennent pas, ne sont pas sous son contrôle et ne sont pas en sa possession. Il explique que les documents demandés appartiennent au Groupe Santé Physimed inc. (« Physimed »), une société dont il est le président et l’actionnaire majoritaire.
[5] Les chefs d’infraction reprochés sont les suivants :
1. Depuis ou vers le 14 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents formulées à l'occasion de la rencontre du 16 décembre 2013 et réitérées par lettres datées du 14 et du 31 janvier 2014 contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q.,c. M-9, r. 17);
2. Depuis ou vers le 28 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents malgré une demande précise à cet effet en date du 20 février 2014, contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q.,c. M-9, r. 17).
II. QUESTIONS EN LITIGE
[6] Les questions en litige sont les suivantes :
A. Le syndic adjoint a-t-il la compétence requise pour faire enquête?
B. Les documents demandés concernent-ils Dr Benhaim?
C. Dr Benhaim a-t-il l’obligation de fournir les documents demandés?
D. Dr Benhaim a-t-il entravé ou entrave-t-il toujours l’enquête du syndic adjoint?
[7] Le Conseil de discipline répond par l’affirmative à toutes ces questions.
III. Contexte
A. Le modèle d’affaires du Groupe Santé Physimed inc.
[8] Au début de sa pratique, en 1988, Dr Benhaim fonde Physimed avec monsieur Gilles Racine.
[9] Au fil du temps, Physimed devient l’un des plus importants réseaux de cliniques médicales au Québec.
[10] Physimed a comme clients quelques 500 employeurs et 300 000 particuliers.
[11] Le modèle d’affaires de Physimed intègre une gamme étendue de services. En effet, Physimed offre sous un même toit :
§ des services de médecine générale et spécialisée;
§ des services d’imagerie et de radiologie;
§ des services de psychologie, de nutrition, de physiothérapie;
§ des soins infirmiers; etc.
[12] En outre, Physimed offre sur place, pour sa propre clientèle ou pour des patients référés par des médecins pratiquant ailleurs, un service de prélèvements d’échantillons sanguins et d’analyses de laboratoire. Ce sont des infirmières à l’emploi de Physimed qui effectuent les prélèvements. Physimed confie les analyses de laboratoire à un sous-traitant, les Laboratoires CDL inc. (« CDL »).
[13] Selon Dr Benhaim, environ 60% des patients de Physimed font faire leurs prélèvements sur place, alors que les autres les font effectuer dans un autre laboratoire privé ou dans le réseau public.
[14] Physimed a également un contrat avec l’Hôpital Sacré-Cœur où sont envoyés les spécimens nécessitant un examen en pathologie et les cytologies gynécologiques.
[15] Physimed compte une centaine d’employés. Elle s’appuie aussi sur une équipe médicale constituée d’environ 20 médecins de famille et de 30 à 35 médecins spécialistes. Ces derniers utilisent les services que leur offre Physimed en contrepartie de frais qui leur sont facturés.
B. L’actionnariat et l’administration de Physimed
[16] Par l’entremise de leurs sociétés de placement et fiducie respectives, Dr Benhaim détient 57% des actions votantes et 72% des actions ordinaires de Physimed, alors que M. Racine possède 43% des actions votantes et 28% des actions ordinaires. Ils sont les deux seuls actionnaires de Physimed.
[17] Dr Benhaim et M. Racine sont également les deux seuls administrateurs de Physimed. Dr Benhaim en est le président et directeur médical tandis que M. Racine agit comme vice-président.
[18] Toutes les décisions importantes concernant Physimed sont prises par Dr Benhaim et M. Racine. En outre, ils signent tous les chèques.
[19] Au quotidien, Dr Benhaim est en charge du volet médical de Physimed.
[20] Les responsabilités de M. Racine concernent plutôt l’administration et les opérations : ressources humaines, financement, comptabilité, informatique, immeubles, sécurité, entretien, etc. Dans le cadre de ses fonctions, M. Racine est notamment en charge de la négociation des contrats avec les différents fournisseurs de Physimed. À ce titre, M. Racine explique qu’il doit obtenir les plus bas prix pour faire face à la concurrence et générer des profits.
C. Les faits à l’origine de l’ouverture de l’enquête du syndic adjoint
[21] Le 24 mai 2007, le quotidien La Presse publie un article signé par la journaliste Pascale Breton et intitulé « 400 dollars pour un médecin de famille - Des cliniques acceptent des patients à la condition qu’ils paient pour un bilan de santé ». L’article concerne principalement la clinique médicale Bois-Francs, mais aussi Physimed. La journaliste mentionne que des frais auraient été exigés à des patients pour certains services médicaux.
[22] Suite à la publication de cet article, une enquête est menée par la Régie de l’assurance maladie du Québec (« RAMQ ») au sujet de la clinique Bois-Francs. La RAMQ n’ouvre toutefois pas d’enquête au sujet de Physimed. Aux termes de son enquête, la RAMQ conclut que la clinique médicale Bois-Francs ne contrevient pas à la loi. En effet, la RAMQ est d’avis que, puisque les tests réalisés dans les bilans de santé ne sont pas des services assurés au sens de la loi, la clinique peut facturer les tests à ses patients.
[23] Le 11 juin 2010, la journaliste de La Presse, A… N…, se rend chez Physimed et demande un bilan de santé. Âgée de 27 ans, elle n’a aucun problème de santé particulier. Mme A... N... complète et signe alors les formulaires de Physimed intitulés « Questionnaire médical pour bilan de santé » et « Sélection d’un médecin de famille - Directives de fonctionnement ». Elle complète aussi le formulaire « Inscription auprès d’un médecin de famille » de la RAMQ.
[24] Dr A est le médecin de famille que Physimed assigne à Mme A... N.... Dr A réalise le bilan de santé que Mme A... N... demande et lui émet une ordonnance d’analyses de laboratoire. Ces analyses sont effectuées par CDL et ce dernier les facture à Physimed.
[25] La facture de CDL à Physimed pour les analyses de Mme A... N... (« la facture de CDL »), ainsi que son montant, sont au cœur de nombreux différends, incluant la présente affaire.
[26] Physimed facture ensuite Mme A... N... pour les analyses. Elle lui charge 340 $ qu’elle acquitte.
[27] Les résultats des tests sont consignés au dossier de Mme A... N... et lui sont communiqués.
[28] Le 30 juillet 2010, La Presse publie un article intitulé « Un médecin de famille… pour 340 $ » sous la signature de la journaliste A… N…. L’article laisse entendre que Physimed donnerait accès à un médecin de famille, à condition que le patient se soumette préalablement à un bilan de santé au coût de 340 $.
[29] Le jour même de la publication de l’article dans La Presse, la RAMQ institue une enquête relative aux allégations qui y sont contenues. Elle en informe Physimed le 4 août 2010. L’objectif du mandat d’enquête de la RAMQ est d’«effectuer rapidement toutes les vérifications nécessaires auprès du Groupe Santé Physimed et auprès des médecins y pratiquant, afin d’établir la nature et la portée des sommes exigées aux personnes assurées, plus particulièrement celles en lien avec le bilan de santé ».
[30] Dans le cadre de son enquête, au moyen d’une assignation à produire, l’enquêtrice de la RAMQ demande au Dr Benhaim de produire la facture de CDL chargée à Physimed pour les tests et analyses de laboratoire des prélèvements de Mme A... N..., effectués le 11 juin 2010. Physimed et Dr Benhaim refusent de fournir à la RAMQ cette facture et les autres documents qu’elle demande. Ils soutiennent essentiellement que ces documents portent sur des services qui ne sont pas couverts par la RAMQ et que celle-ci ne pourrait donc pas enquêter à leur égard. De plus, ils invoquent le fait que ces documents comportent des informations commerciales privilégiées qui doivent demeurer confidentielles étant donné la concurrence dans cette industrie.
[31] En décembre 2011, la RAMQ entreprend alors des procédures judiciaires contre Physimed et Dr Benhaim afin d’obtenir une ordonnance de la Cour supérieure les forçant à lui remettre la facture de CDL. En septembre 2012, la RAMQ se désiste finalement de ses procédures.
[32] Le 29 novembre 2012, la RAMQ assigne le président de CDL, M. Laurent Amram, à produire la même facture que celle demandée en novembre 2010 au Dr Benhaim. CDL informe Physimed des nouvelles démarches de la RAMQ pour obtenir la facture.
[33] Le 21 décembre 2012, Physimed transmet alors une mise en demeure à tous les membres du conseil d’administration de la RAMQ. Physimed exige d’eux qu’ils prennent les mesures requises pour que l’enquêtrice de la RAMQ cesse immédiatement toute démarche visant à obtenir la facture de CDL.
[34] Dans cette mise en demeure, Physimed relate en outre, sur plusieurs pages, les événements survenus depuis l’article de Mme A... N... de juillet 2010 jusqu’aux dernières demandes formulées par la RAMQ dans le cadre de ses enquêtes.
[35] Dr Charles Bernard, président directeur général du Collège des médecins, à titre d’administrateur de la RAMQ, reçoit la mise en demeure de Physimed. Il en remet une copie au bureau du syndic du Collège des médecins en janvier 2013.
D. L’enquête du syndic adjoint et le contexte judiciaire
[36] À la lecture de la mise en demeure de Physimed, Dr Louis Prévost, syndic adjoint du Collège des médecins, ouvre une enquête.
[37] Le 28 janvier 2013, l’enquêtrice de la RAMQ transmet à CDL une assignation de comparaître devant elle et d’apporter une copie de la facture de CDL. Cette assignation comporte la mention que CDL ne peut informer quiconque, sauf son avocat, de l’existence même de cette assignation. L’assignation et l’ordonnance de confidentialité seront contestées et déclarées nulles par la Cour supérieure le 28 juin 2013.
[38] Le lendemain, le 29 janvier 2013, le syndic adjoint demande au « Directeur médical Groupe Santé Physimed » le dossier médical complet de Mme A... N....
[39] Physimed transmet le dossier médical demandé au syndic adjoint le 25 février 2013. Dans sa lettre de transmission du dossier médical, Physimed manifeste sa crainte que la RAMQ tente d’utiliser le syndic pour arriver indirectement à ses fins, à savoir obtenir la facture de CDL. Elle réitère que les services de laboratoire fournis à Mme A... N... ne sont pas des « « services assurés » au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un programme que la Régie administre ».
[40] Par ailleurs, puisque le dossier médical transmis au syndic adjoint par Physimed indique que c’est Dr A que Mme A... N... consulte en juin 2010, le syndic adjoint convoque alors ce médecin dans le cadre de son enquête.
[41] Lors de sa rencontre avec celui-ci, en mai 2013, le syndic adjoint lui pose plusieurs questions en lien avec le fonctionnement administratif de Physimed. Le syndic adjoint veut notamment obtenir des explications au sujet des formulaires de Physimed qui se trouvent dans le dossier de Mme A... N... dont le questionnaire de santé, une liste d’examens cochés par la réceptionniste en fonction des vœux du patient, un ABC des bilans de santé préétablis « 1 et 2 », etc.
[42] Dr A affirme ne pas être en mesure de répondre à ces questions et il réfère le syndic adjoint à l’administration de Physimed.
[43] Le 15 novembre 2013, le syndic adjoint convoque donc Dr Benhaim. La rencontre a lieu le 16 décembre 2013 en compagnie du Dr François Gauthier, syndic, et de Me Robert-Jean Chénier, l’avocat du Dr Benhaim.
[44] Le syndic adjoint explique au Dr Benhaim le contexte dans lequel s’inscrit cette rencontre et lui indique qu’il désire comprendre le fonctionnement de Physimed ainsi que les relations de cette dernière avec CDL.
[45] Dès lors, Me Chénier indique que son mandat se limite à représenter les intérêts du Dr Benhaim. Il ajoute que si le syndic a des demandes à formuler qui concernent des renseignements détenus par Physimed, ce sera à Physimed qu’il devra s’adresser; Dr Benhaim ne répondra pas à la place de Physimed.
[46] Au cours de la rencontre avec le syndic adjoint, Dr Benhaim fournit pourtant de nombreux renseignements concernant Physimed. Il explique l’historique de Physimed et sa structure actionnariale. Il décrit les services de prélèvements et d’analyses effectués par son sous-traitant CDL.
[47] Il mentionne que l’Hôpital du Sacré-Cœur effectue pour Physimed les examens des spécimens en pathologie ainsi que les cytologies gynécologiques qui lui sont envoyés. Conformément à un contrat signé cinq ans auparavant, l’Hôpital du Sacré-Cœur facture Physimed pour les services de transport et les examens effectués.
[48] Questionné par le syndic adjoint au sujet de l’opportunité de prescrire des analyses de sang exhaustives à Mme A... N..., comme l’a fait Dr A, Dr Benhaim explique que les coûts des tests sont moins élevés lorsque ce sont des profils biochimiques globaux qui sont effectués, par rapport aux tests choisis « à la carte ». Dr Benhaim ajoute que les tarifs chargés aux patients correspondent aux tarifs du marché et sont généralement couverts par les assureurs privés.
[49] Aux termes de la rencontre, le syndic adjoint demande au Dr Benhaim de lui remettre les documents suivants :
§ une copie de la facture remise à Mme A... N... concernant les analyses de laboratoire effectuées sur les prélèvements du 12 juin 2010 au montant de 340$;
§ une copie de la facture émise par CDL à l’attention de Physimed pour les services de laboratoire en lien avec les prélèvements faits à Mme A... N...;
§ une copie de l’entente conclue entre Physimed et le laboratoire de pathologie de l’Hôpital du Sacré-Cœur;
(« les trois documents »).
[50] Le chef 1 de la plainte disciplinaire concerne la demande de ces trois documents.
[51] Me Chénier s’objecte dès lors à ce que Dr Benhaim fournisse les trois documents puisqu’ils relèvent de Physimed et appartiennent à cette dernière, et non au Dr Benhaim lui-même.
[52] Le 20 décembre 2013, Me Chénier transmet un courriel au syndic adjoint. Il réitère son objection à ce que Dr Benhaim fournisse les trois documents, pour les mêmes raisons que celles invoquées lors de la rencontre. Il indique par ailleurs qu’il peut se rendre disponible avec l’avocat de Physimed pour une nouvelle rencontre en janvier 2014, « à laquelle rencontre la question des coûts pourrait être expliquée par Dr Benhaim et vous pourriez alors reformuler la demande d’engagement de fournir les documents au Dr Benhaim en tant que représentant de Physimed en présence de l’avocat de Physimed, et de cette façon respecter le droit à l’avocat ».
[53] Le syndic adjoint répond à Me Chénier le 14 janvier 2014. Il l’informe qu’il ne juge pas utile de convoquer à nouveau Dr Benhaim et il réitère sa demande formulée lors de la rencontre visant à obtenir les trois documents.
[54] Ce même jour, le syndic adjoint transmet aussi une lettre au Dr Benhaim à titre de « médecin de famille et de président du Groupe Santé Physimed ». Il lui rappelle la demande des trois documents formulée lors de la rencontre du 16 décembre 2013 et précise qu’il les requiert en vertu de l’article 122 du Code des professions du Québec (RLRQ c. C-26) (« Code des professions »).
[55] Le 16 janvier 2014, Me Chénier écrit au syndic adjoint et lui réitère que ce sera l’avocat de Physimed, Me Philippe Frère, qui donnera suite à cette lettre adressée au Dr Benhaim le 14 janvier 2014, « puisque le Dr Benhaim n’a pas traité Mme A... N... en juin 2010 et que la documentation requise dans [la] lettre appartient et relève uniquement de Physimed, et non pas du Dr Benhaim personnellement. »
[56] Le 22 janvier 2014, Dr Benhaim et M. Racine adoptent une résolution à titre d’administrateurs du conseil d’administration de Physimed considérant la demande du syndic adjoint du 14 janvier 2014 et son intention de loger une plainte disciplinaire contre Dr Benhaim. Cette résolution se lit comme suit :
« Il est résolu de laisser à M. Gilles Racine, à titre d’administrateur unique, le soin de décider de la réponse à donner à toute demande formulée par Dr Louis Prévost dans le cadre de son dossier portant le numéro [...], incluant tout suivi qu’il jugera approprié d’y faire.»
[57] Le 27 janvier 2014, Physimed répond à la dernière lettre du syndic adjoint par l’entremise de son avocat, Me Philippe Frère. Physimed indique que M. Racine, à titre d’administrateur unique, a décidé que Physimed ne fournirait pas les trois documents demandés par le syndic adjoint. Les motifs invoqués se lisent comme suit :
« Physimed est d’avis que votre enquête, qui ne peut porter que sur la conduite d’un médecin, ne vous autorise pas à exiger qu’elle vous fournisse des documents commerciaux qui ne concernent en rien la pratique médicale ou la conduite d’un membre de l’Ordre.
La journaliste de La Presse a choisi de faire effectuer ses analyses de laboratoire par l’entremise de Physimed, une personne morale qui opère, depuis plus de 25 ans, une entreprise reconnue; l’exécution de telles analyses par CDL ne relève pas du pouvoir de surveillance du Collège des médecins sur la conduite de ses membres. Les ententes commerciales de Physimed, ses marges bénéficiaires ou ses prix de revient sont des données commerciales confidentielles qui ne concernent en rien le Collège des médecins ou son syndic (ni la RAMQ d’ailleurs).
En ce qui concerne l’entente conclue entre Physimed et l’Hôpital du Sacré-Cœur, celle-ci est confidentielle et concerne également les affaires de Physimed. Nous ne croyons pas ici non plus en quoi cette entente pourrait concerner la conduite d’un membre de l’Ordre.
En terminant, notre cliente possède des motifs sérieux de conclure que l’enquête que vous menez découle d’une demande formulée par la RAMQ qui, de manière détournée, utilise les pouvoirs du syndic du Collège pour éventuellement mettre la main sur la facture de CDL, ce qu’elle n’a pas réussi à faire par des moyens légaux.
En prêtant votre concours à une telle démarche de la RAMQ, vous détournez vos pouvoirs d’enquête de leur finalité prévue par la loi et vous excédez de ce fait votre compétence.
Votre démarche est illégale et notre cliente ne se pliera donc pas à vos demandes. »
[58] Le 31 janvier 2014, le syndic adjoint donne au Dr Benhaim un délai ultime. Ce dernier doit lui fournir les documents demandés avant le 14 février 2014 sans quoi, son refus sera considéré comme une entrave à l’enquête du syndic.
[59] Le 10 février 2014, Me Chénier répond au syndic adjoint. Il prétend que Dr Benhaim démontre une grande collaboration relativement à l’enquête du syndic, mais qu’il ne peut « s’approprier et remettre au Collège des médecins du Québec des biens ou documents ou informations qui appartiennent à un tiers », à savoir Physimed. Il réitère que l’information demandée relève et appartient à Physimed à qui le syndic doit se référer.
[60] Le 11 février 2014, tout juste avant l’expiration du délai donné au Dr Benhaim par le syndic adjoint pour lui fournir les documents demandés, Physimed dépose une requête en injonction permanente contre le syndic adjoint, le Collège des médecins et la RAMQ. CDL est aussi mise en cause. Cette requête vise à empêcher le syndic adjoint d’obtenir les trois documents demandés. Plus particulièrement, Physimed demande à la Cour supérieure de :
« déclarer illégale, nulle et de nul effet la demande de production de documents formulée par Dr Prévost dans sa lettre du 14 janvier 2014;
ordonner à la Régie de l’Assurance maladie du Québec, au Collège des médecins du Québec, à ses administrateurs, officiers, dirigeants et employés ainsi qu’à Dr Louis Prévost de cesser d’exiger, de quelque façon que ce soit, de Groupe Santé Physimed inc, Laboratoires CDL inc. ou de toute autre personne en ayant le contrôle ou la possession, la remise de la facture émise par Laboratoires CDL inc. à l’égard des analyses en laboratoire visant Mme A... N.... »
[61] Au soutien de cette requête, Dr Benhaim signe un affidavit détaillé dans lequel il déclare notamment que:
§ les demandes du syndic n’ont pas pour objectif de contrôler son exercice professionnel mais à le contraindre à livrer la facture de CDL que Physimed a refusé de remettre à la RAMQ;
§ les documents demandés concernent des services qui ne constituent pas l’exercice de la médecine et sont rendus par des personnes autres que des médecins, notamment Physimed, CDL et l’Hôpital du Sacré-Cœur;
§ Physimed œuvre dans des secteurs hautement concurrentiels et prend en conséquence les mesures requises pour préserver la confidentialité de ses ententes commerciales, particulièrement les structures tarifaires négociés, les marges bénéficiaires ainsi que toutes autres données économiques relatives à ses ententes commerciales.
[62] Le 20 février 2014, le syndic adjoint transmet une lettre au Dr Benhaim dans laquelle il prend acte du refus du Dr Benhaim de lui fournir les trois documents demandés depuis la rencontre du 16 décembre 2013. Il avise Dr Benhaim qu’il considère que ce refus constitue une situation d’entrave depuis le 15 février 2014, et qu’il entamera des procédures disciplinaires sans autre avis.
[63] De plus, le syndic adjoint demande au Dr Benhaim « en tant que médecin et également actionnaire et dirigeant de Groupe Santé Physimed inc. », de lui fournir ce qui suit en sus des trois documents déjà demandés :
§ Une copie des ententes commerciales négociées entre Groupe Santé Physimed inc. et laboratoire CDL inc., incluant non limitativement tout entente par laquelle cette dernière se charge de procéder aux analyses requises sur les prélèvements que lui fait parvenir Groupe Santé Physimed inc.
Et pour la période s’échelonnant de 2005 à ce jour :
§ Une copie de la ou des listes de prix facturés par Groupe Santé Physimed inc. à ses clients pour les prélèvements et/ou analyses des échantillons sanguins;
§ Une copie de la ou des listes de prix facturés par Laboratoire CDL inc. à Groupe Santé Physimed inc. pour les prélèvements et/ou les analyses des échantillons sanguins que lui a fait parvenir Groupe de Santé Physimed inc.;
§ Une copie du livre des minutes de Groupe Santé Physimed inc., incluant non limitativement les certificats d’actions, les résolutions, etc.
[64] Ces trois documents additionnels sont visés par le chef 2 de la plainte disciplinaire.
[65] Le syndic adjoint donne au Dr Benhaim jusqu’au 28 février 2014 pour lui transmettre ces documents.
[66] Le 20 février 2014, le syndic adjoint s’adresse également à M. Laurent Amram de CDL et lui demande qu’il lui fournisse :
§ une copie des ententes commerciales négociées entre Groupe Santé Physimed inc. et Laboratoire CDL inc., incluant non limitativement toute entente par laquelle cette dernière se charge de procéder aux analyses requises sur les prélèvements que lui fait parvenir Groupe Santé Physimed inc.;
§ une copie de la ou des listes de prix facturés par Laboratoire CDL inc. à Groupe Santé Physimed inc. pour les prélèvements et/ou les analyses des échantillons sanguins que lui a fait parvenir Groupe de Santé Physimed inc.
[67] Le 27 février 2014, Physimed présente sa demande d’injonction sur une base provisoire. Le juge Paul Mayer la rejette séance tenante.
[68] Le 28 février 2014 passe sans que Dr Benhaim ne fournisse les documents demandés, malgré qu’il s’agisse de la date d’échéance du délai que le syndic lui a donnée.
[69] Le 3 mars 2014, le syndic adjoint dépose contre Dr Benhaim la plainte disciplinaire dont le Conseil de discipline est actuellement saisi, ainsi qu’une requête en radiation provisoire. Cette requête est fixée au 20 mars 2014.
[70] Le 10 mars 2014, Dr Benhaim interrompt sa pratique médicale en raison de son état de santé.
[71] Le 12 mars 2014, il demande la remise de l’audition de la requête en radiation provisoire au motif qu’il est dans l’impossibilité de se présenter devant le Conseil de discipline et d’assumer sa défense vu son état de santé.
[72] Le 18 mars 2014, Dr Benhaim s’engage à ne plus pratiquer la médecine pour une période indéterminée.
[73] Le 25 mars 2014, l’audition de la requête en radiation provisoire est remise au 11 juillet 2014.
[74] Le 15 avril 2014, Me Chénier répond à la lettre du syndic adjoint du 20 février 2014. Il réitère que les documents requis ne sont pas en possession du Dr Benhaim et que le syndic adjoint devrait plutôt les demander à Physimed.
[75] Le 7 juillet 2014, le Conseil accueille une nouvelle demande de remise de la requête en radiation provisoire en raison de l’état de santé du Dr Benhaim. L’audition est reportée à l’automne 2014.
[76] Le 11 août 2014, la RAMQ informe Dr Benhaim que son enquête portant « sur les sommes exigées aux personnes assurées, plus particulièrement celles en lien avec le bilan de santé » par Physimed est terminée. Elle indique que lors de son enquête, certains patients ont affirmé avoir été dans l’obligation de faire leurs prélèvements, analyses et/ou autres examens chez Physimed et d’en assumer les frais pour avoir accès à un médecin chez Physimed. La RAMQ ajoute toutefois qu’elle ne peut conclure qu’il est obligatoire pour une personne assurée de payer pour avoir accès à un médecin de famille chez Physimed et c’est pourquoi, elle n’imposera pas de sanction.
[77] Le 12 septembre 2014, la requête en injonction de Physimed est amendée. Dr Benhaim devient personnellement co-demandeur. De plus, il réclame maintenant une condamnation conjointe et solidaire des défendeurs au paiement de [...]$.
[78] Le 15 décembre 2014, Dr Benhaim présente une requête en rejet de la requête en radiation provisoire pour abus de procédure.
[79] Le 29 janvier 2015, le Conseil de discipline rejette cette requête et s’exprime comme suit :
« [45] Dans ces circonstances, le Conseil ne peut en venir à la conclusion que cette façon de procéder du plaignant est « abusive » ou « disproportionnée » en ce qu’il est loin d’être démontré que la requête du plaignant est « manifestement mal fondée, frivole ou dilatoire » ou encore que ce dernier aurait fait preuve de « mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice », au sens de l’article 54.1 C.p.c.
[46] Au contraire, il a agi de manière conforme à ses obligations légales en prenant les moyens mis à sa disposition afin de faire progresser son enquête. Conclure autrement reviendrait à nier toute utilité à l’article 130 al.4 du Code des professions. Restera ensuite à voir si les circonstances justifient d’accorder sa demande de radiation provisoire, ce que le Conseil aura à déterminer lors de l’audition de cette requête.
[…]
[52] En somme, le Conseil estime qu’il ne peut d’aucune manière être considéré que le plaignant tente, par sa demande de radiation provisoire, de détourner les fins de la justice disciplinaire, en ce qu’il ne fait qu’avoir recours à une procédure qui lui est disponible pour tenter d’accomplir son mandat. »[1]
[80] L’audition de la requête en radiation provisoire se tient finalement les 11 juillet et 11 septembre 2015. Cette requête est accueillie par le Conseil de discipline le 23 octobre 2015.
[81] Dr Benhaim fait ainsi l’objet d’une radiation provisoire depuis le 28 octobre 2015.
[82] Toutefois, Dr Benhaim porte en appel la décision du Conseil de discipline ordonnant sa radiation provisoire devant le Tribunal des professions.
[83] Aussi, dans le cadre de la requête en injonction, alors que le syndic adjoint est interrogé au préalable, l’avocat de Physimed et du Dr Benhaim requiert qu’il lui transmette l’intégralité de son dossier d’enquête, soulevant son droit à la communication de tous les éléments de preuve pertinents au litige. Le syndic adjoint s’oppose à cette demande et la Cour supérieure doit trancher.
[84] C’est ainsi que le 12 novembre 2015, le juge Stéphane Sansfaçon déclare que toutes les informations recueillies par le syndic adjoint ne peuvent être communiquées aux demandeurs, et que le syndic adjoint n’est pas tenu de répondre aux questions portant sur le contenu de son dossier d’enquête ni sur l’enquête elle-même[2].
[85] En résumé :
§ le Conseil de discipline est saisi d’une plainte disciplinaire concernant les demandes de documents du syndic adjoint des 16 décembre 2013, 14 et 31 janvier 2014, et 20 février 2014 au sujet desquelles les 16 décembre 2013, 20 décembre 2013, 16 janvier 2014, 10 février 2014 et 15 avril 2014, Dr Benhaim indique qu’il ne les lui remettra pas;
§ Dr Benhaim et Physimed demandent à la Cour supérieure d’empêcher le syndic adjoint d’obtenir les trois documents dans une requête en injonction et que des dommages-intérêts de près de [...] de dollars leur soient versés;
§ Dr Benhaim en appelle devant Tribunal des professions de la décision du Conseil de discipline qui le radie provisoirement.
IV. ANALYSE
A. Le syndic adjoint a-t-il la compétence requise pour faire enquête?
[86] Chaque ordre a pour principale fonction d'assurer la protection du public. À cette fin, il doit notamment contrôler l'exercice de la profession par l’entremise de ses membres[3].
[87] Le juge LeBel dans l'arrêt Finney[4] rappelle l'importance des obligations imposées par l'État aux ordres professionnels :
« Le premier objectif de ces ordres n'est pas de fournir des services à leurs membres ou de défendre leurs intérêts collectifs. Ils sont formés dans le but de protéger le public, comme le veut l'article 23 du Code des professions :
23. Chaque corporation a pour principale fonction d’assurer la protection du public.
À cette fin, elle doit notamment contrôler l’exercice de la profession par ses membres. »
[88] Les dispositions du Code des professions sont de nature normative et ont pour but de permettre une surveillance adéquate de l’exercice des professions.
[89] Ainsi, les pouvoirs des ordres professionnels doivent s'exercer conformément aux dispositions législatives qui les encadrent.
[90] Comme l’indique la Cour suprême dans Pharmascience[5] :
«43. Les termes utilisés à l’art. 122 C. prof. balisent le pouvoir du syndic: ce dernier ne pourra exiger la transmission de renseignements ou documents qu’«à la suite d’une information à l’effet qu’un professionnel a commis une infraction». Ils exigent une cause suffisante pour la demande et ne permettent pas les « expéditions de pêche».
[91] L'enquête doit donc être précédée d'une « information » puisque la loi ne confère pas au syndic un pouvoir général et discrétionnaire, mais bien un pouvoir spécifique et limité.
[92] La Cour suprême s’exprime également comme suit à ce sujet :
« 45. L’information sur laquelle se fonde un syndic doit laisser soupçonner la commission d’une infraction. À ce stade, il n’est toutefois pas nécessaire que le syndic soit en mesure d’identifier précisément les professionnels soupçonnés. Le processus individualisé prévu par le Code des professions est l’institution d’une plainte disciplinaire devant le comité de discipline. L’enquête du syndic se situe en amont et vise à déterminer si une plainte doit être déposée. »[6]
[nos soulignements]
[93] Dans l'affaire Beaulne[7], l’enquête du syndic vise, indistinctement et sans information préalable, tous les membres de l’ordre. C’est pourquoi la Cour d'appel maintient l’injonction accordée par la Cour supérieure contre le syndic adjoint et réitère que les pouvoirs de ce dernier ne lui permettent pas de procéder à une partie de pêche. Toutefois, le juge Baudouin prend soin de distinguer d’autres cas. Il écrit ceci :
« Il en serait bien évidemment tout autrement si, ayant reçu une dénonciation ou une information dans un cas individualisé, l'optométriste qui fait l'objet de cette enquête cherchait par une injonction à empêcher le syndic d'exercer la charge que la loi a placée sur ses épaules. »
[94] En l'espèce, lorsque le syndic adjoint demande au Dr Benhaim les documents requis, il a entre ses mains la mise en demeure de Physimed transmise aux membres du conseil d’administration de la RAMQ le 21 décembre 2012. C’est le président du Collège des médecins, Dr Charles Bernard, qui lui remet cette mise en demeure en janvier 2013.
[95] Dans cette mise en demeure, Physimed relate les événements survenus entre la parution de l’article dans La Presse en juillet 2010 et les dernières demandes formulées par la RAMQ à la fin 2012. Physimed y fait état des frais qu’elle facture à ses clients et de sa procédure d’inscription auprès des médecins de famille. Elle explique qu’elle a refusé de donner la facture de CDL à la RAMQ parce qu’elle « œuvre dans un secteur hautement concurrentiel, que les tarifs négociés avec ses sous-traitants constituent des secrets commerciaux hautement confidentiels et que, de surcroît, les coûts de telles analyses de laboratoire ne sont pas des frais assurés (et donc ne sont pas pris en charge par la RAMQ) ».
[96] À la lecture de cette mise en demeure, le syndic adjoint suspecte différentes problématiques déontologiques d’indépendance, de désintéressement, de conflit d’intérêts, de soins non médicalement requis lesquelles découleraient du modus operandi de Physimed.
[97] Le syndic adjoint n’est pas nécessairement en mesure d’identifier précisément les professionnels soupçonnés à ce moment. Toutefois, il détient des informations précises émanant de Physimed elle-même, justifiant l’ouverture de son enquête afin de déterminer si une plainte doit être déposée.
[98] Lorsque le syndic adjoint obtient quelques semaines plus tard le dossier médical de Mme A... N..., les problématiques déontologiques potentielles se précisent. Il constate que des examens non médicalement requis peuvent avoir été prescrits.
[99] Puis, le syndic adjoint rencontre Dr A. Ce dernier est incapable de répondre à plusieurs des questions du syndic adjoint portant sur les documents émanant de Physimed. Cela confirme certains soupçons du syndic adjoint.
[100] Enfin, c’est le Dr Benhaim lui-même qui décrit au syndic adjoint, lorsqu’il le rencontre le 16 décembre 2013, le fonctionnement de son entente avec CDL et qui lui apprend l’existence d’un contrat de service avec l’Hôpital du Sacré-Cœur. Dr Benhaim explique aussi au syndic adjoint que les coûts associés à des profils biochimiques, traités globalement plutôt qu’à la carte, sont moins onéreux. C’est ce qui aurait justifié Dr A de prescrire des analyses de sang exhaustives à Mme A... N....
[101] Et c’est donc dans la foulée des réponses que fournit Dr Benhaim au syndic adjoint lors de leur rencontre du 16 décembre 2013, que les trois documents sont demandés.
[102] En bref, le syndic adjoint reçoit de différentes sources, incluant du Dr Benhaim lui-même, des informations sérieuses à l’effet que des infractions, tant au Code des professions qu'au Code de déontologie des médecins (RLRQ c M-9, r. 17) (« Code de déontologie »), ont pu être commises.
[103] Ayant ces informations, le syndic a, non seulement la compétence, mais le devoir d’enquêter afin de protéger le public.
B. Les documents demandés concernent-ils Dr Benhaim?
[104] Selon Dr Benhaim, seuls les renseignements qui concernent le professionnel peuvent être accessibles au syndic en vertu des articles 114 et 122 du Code des professions. Il soutient que les renseignements demandés ne le concernent pas, puisqu’il ne porte pas sur sa pratique professionnelle.
[105] Il est utile de reproduire ces dispositions pour fins de référence :
114. Il est interdit d’entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l’inspection professionnelle nommée conformément à l’article 90, un inspecteur ou un expert, dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d’un tel document.
De plus, il est interdit au professionnel d’inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant.
122. Un syndic peut, à la suite d’une information à l’effet qu’un professionnel a commis une infraction visée à l’article 116, faire une enquête à ce sujet et exiger qu’on lui fournisse tout renseignement et tout document relatif à cette enquête. Il ne peut refuser de faire enquête pour le seul motif que la demande d’enquête ne lui a pas été présentée au moyen du formulaire proposé en application du paragraphe 9° du troisième alinéa de l’article 12.
L’article 114 s’applique à toute enquête tenue en vertu du présent article.
[nos soulignements]
[106] Le Conseil de discipline est d’avis que l’interprétation restrictive des articles 114 et 122 du Code des professions que propose Dr Benhaim est contraire aux enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Pharmascience[8]. En effet, le juge LeBel y rappelle l’importance de la fonction des ordres professionnels, leur rôle dans la protection de l’intérêt public et la nécessité d’une interprétation souple des pouvoirs de surveillance qui leur sont dévolus.
[107] Le devoir imposé aux ordres professionnels de contrôler l’exercice de la profession ne se limite pas aux actes exclusifs ou réservés à l’une ou l’autre des professions[9].
[108] En effet, le champ couvert par le Code des professions excède amplement le strict domaine des actes réservés. Par exemple, comme le rappelle le Tribunal des professions[10], les ordres professionnels peuvent :
§ s’intéresser à l'état physique ou psychique d'un membre;
§ sanctionner des comportements discriminatoires, des actes dérogatoires à la dignité de la profession, certaines activités sexuelles et certaines formes de publicité;
§ assurer le respect du secret professionnel;
§ adopter un code de déontologie réglementant, notamment, la commission d'actes dérogatoires, l'exercice de fonctions incompatibles et la publicité;
§ etc.
[109] De nombreuses décisions concluent d’ailleurs que la compétence des Conseils de discipline des ordres professionnels n'est pas limitée à l'examen d'actes réservés.
[110] Par exemple, dans l'affaire Jean Coutu c. Tribunal des professions[11], la juge Pierrette Rayle écrit :
«43. Le requérant plaide de plus que la dualité de sa pratique - professionnelle et commerciale - est reconnue par les tribunaux et que ce fait l'autorise à continuer à vendre un produit non interdit. Il cite les arrêts […] et ajoute que, dans la mesure où les gestes reprochés se passent à l'extérieur de l'officine, l'ordre professionnel n'a aucune compétence pour dicter la conduite de ses membres. […]
45 Il est exact que la dualité du rôle du pharmacien est reconnue par nos tribunaux. Toutefois, aucun de ces jugements ne suggère que le pharmacien, dans ses activités commerciales, est autorisé à vendre des produits mettant en danger la santé du public que son ordre professionnel a mission de protéger. […]
47. Même lorsqu'il s'adonne à des activités commerciales, le pharmacien conserve son sarrau de professionnel de la santé. Il n'est pas pharmacien ou commerçant. Il est l'un et l'autre. L'essence de la dualité.»
[111] Ainsi, bien que la vente de produits du tabac, dans le cadre d'activités commerciales d'un pharmacien, ne fasse pas partie des actes réservés, le Tribunal confirme la compétence du comité de discipline.
[112] À ce sujet, il y a lieu de rappeler aussi les enseignements du Tribunal des professions dans Nowodworski[12]:
[31] Dans Notaires c. Laurier, l'on a reproché au professionnel son comportement dans le cadre d'une transaction impliquant la vente de valeurs mobilières; il a prétendu, devant le Comité de discipline, ne pas avoir agi à titre de notaire. Le Comité est d'opinion contraire :
«Toutefois, nous ne croyons pas non plus le témoignage de l'intimé lorsqu'il soutient ne pas avoir agi comme notaire dans le cadre de cette transaction. L'ensemble de la preuve, mis à part son témoignage, est à l'effet contraire : la transaction en question a eu lieu à son bureau, il a préparé la lettre de souscription, l'argent de M. Lacroix lui a été versé à son ordre en fiducie, il a préparé un reçu à cet effet pour Lacroix et l'argent de ce dernier fut déposé dans son compte In Trust.»[11]
[32] Avec raison, le Comité de discipline conclut alors que le professionnel a agi comme notaire même s'il ne s'agissait pas d'un acte réservé.
[33] Le lien entre l'exercice de la profession et les agissements d'un professionnel est parfois ténu mais cela n'empêche pas qu'il s'agisse d'agissements sur lesquels le Comité de discipline a compétence. Ainsi le Tribunal des professions affirme ce qui suit en rapport avec une radiation imposée en vertu de l'article 55.1 du Code des professions qui exige un lien avec l'exercice de la profession :
«Il ne s'agit pas de savoir si les gestes fautifs ont été commis à l'occasion de l'exercice de la profession, mais de vérifier, entre autres, s'ils touchent à l'essence même de la profession, à la raison d'être de celle-ci.
Compte tenu du rôle de l'avocat, de sa fonction au
sein de l'administration de la justice, être trouvée coupable de complot en vue
de commettre un acte criminel et de fraude envers le gouvernement a
certainement un lien avec l'exercice de la profession, si ténu soit-il.»[12]
[34] La doctrine est également conforme à cette interprétation:
«En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il n'est pas nécessaire de prouver qu'un acte fautif a été perpétré dans l'exercice de la profession, ou à l'occasion de l'exercice de la profession.»[13]
[35] L'auteur est d'avis que la compétence du Comité de discipline est acquise si le simple statut de professionnel est en cause, en contribuant à la commission de l'infraction, ou si la «crédibilité en tant que professionnel est sérieusement entachée par la perpétration de l'acte fautif.»[14]
[36] À cet égard, le Comité déclare, avec justesse :
«La déclaration produite par la défense démontre que l'intimé a rendu des services de consultation à titre d'ingénieur, qu'il a rendu ses services et qu'ils sont toujours impayés.
(…)
L'utilisation des termes «questions relatives» par l'autorité législative, permet de constater que la portée de cette disposition ne peut être limitée aux actes réservés. Le sens usuel du mot relatif appelle une telle conclusion.
Or la question des honoraires professionnels d'un ingénieur présente manifestement un rapport avec les actes d'ingénierie posés par celui-ci.»[15]
[37] Le Comité se réfère alors à la décision Tribunal - podiatre - I où il est écrit:
«L'exercice d'une profession ne consiste pas uniquement dans la dispensation des services professionnels au patient, mais il inclut également les actes accessoires et auxiliaires et ce, notamment ceux qui aux yeux du public en sont un corollaire, naturel et logique.»[16]
[38] Le Comité ajoute également :
«Afin de mener à bien sa mission de protection du public, l'Ordre a sur l'exercice de la profession d'ingénieurs un large contrôle qui ne se limite pas aux actes réservés.»[17]
[39] Le Code de déontologie peut donc, légalement, réglementer des activités qui ne constituent pas des actes réservés, à la condition, bien sûr, que le texte du règlement soit à cet effet. Or, l'expression «question relative à l'exercice de la profession» a une signification suffisamment large pour englober des comportements qui, sans être l'accomplissement d'actes réservés, ont un lien, même ténu, avec les actes réservés aux ingénieurs.[13]
[113] De la même façon, les termes « renseignements le concernant » utilisés par le législateur aux articles 114 et 122 du Code des professions a une portée suffisamment large pour englober des renseignements qui, sans porter sur l'accomplissement d'actes réservés, ont un lien, même ténu, avec les actes réservés aux médecins.
[114] Adopter l’interprétation suggérée par Dr Benhaim équivaudrait à amputer le pouvoir du syndic adjoint d’enquêter et priverait la loi de son effet, au détriment des personnes qui doivent être protégées.
[115] En l’espèce, les documents demandés contiennent notamment des renseignements sur les opérations de Physimed dont Dr Benhaim est le fondateur, président, directeur médical, actionnaire majoritaire et où il exerce comme médecin de famille. Physimed est une clinique médicale qui offre des services professionnels dans le domaine de la santé; il ne s’agit pas d’une entreprise qui n’a aucun lien avec l’exercice de la médecine. Dr Benhaim ne peut prétendre que le modus operandi de Physimed ne le concerne pas. Pour reprendre les termes utilisés par la juge Rayle, « même lorsqu'il s'adonne à des activités commerciales, le [médecin] conserve son sarrau de professionnel de la santé. Il n'est pas [médecin] ou commerçant. Il est l'un et l'autre. L'essence de la dualité ».
[116] Ainsi, le Conseil de discipline est d’avis que les documents demandés par le syndic concernent Dr Benhaim.
C. Dr Benhaim a-t-il l’obligation de fournir les documents demandés?
a. L’obligation de collaborer du Dr Benhaim à titre de président et actionnaire de Physimed
[117] En vertu des articles 114 et 122 du Code des professions, le professionnel ne peut refuser de fournir un renseignement ou un document relatif à une enquête du syndic. De plus, il ne peut inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec le syndic, ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant.
[118] Dr Benhaim soutient qu’il n’a jamais exprimé personnellement un refus de collaborer ou de fournir les renseignements et documents demandés par le syndic adjoint.
[119] Selon ses prétentions, pour refuser de remettre les documents demandés, encore faut-il les avoir en sa possession. Or, Dr Benhaim plaide qu’il ne peut fournir les documents puisqu’ils ne lui appartiennent pas, ne sont pas sous son contrôle et ne sont pas en sa possession. Il explique que les documents demandés appartiennent à Physimed; ils sont sous le contrôle et en possession de cette dernière. Dr Benhaim prétend donc qu’il ne peut remettre au syndic ce qui ne lui appartient pas, n’est pas en sa possession et demeure sous le contrôle d’un tiers.
[120] Le Conseil de discipline est d’avis que la réponse du Dr Benhaim est simpliste et insuffisante.
[121] Il ne lui suffit pas de répondre «qu’il ne détient pas les documents» pour se mettre à l’abri d’une plainte disciplinaire. L’obligation déontologique du Dr Benhaim exige une véritable collaboration de sa part.
[122] La collaboration est l'acte de travailler de concert avec quelqu’un d’autre, de l’aider dans ses fonctions pour atteindre un objectif.
[123] L’objectif de la collaboration en l’espèce est de faire avancer l’enquête du syndic afin d’assurer la protection du public.
[124] Rappelons les propos du Tribunal des professions qui souligne que l'obligation qui incombe au professionnel de remettre les documents demandés par le syndic en est une de résultat:
« [43] Selon le Comité, pour se conformer à son Code de déontologie et se mettre à l’abri d’une plainte disciplinaire, il suffisait à l’appelant de répondre qu’il ne détenait pas les lettres plutôt que de tenter d’obtenir ces documents.
[44] Cette interprétation est pour le moins paradoxale puisqu’elle encourage des réponses simplistes au détriment de la transmission d’informations susceptibles de faire avancer l’enquête du syndic, ce qui constitue le véritable objectif de cette disposition.
[45] Au surplus, elle restreint considérablement l’étendue de l’obligation déontologique qui, en plus d’imposer une réponse au syndic, exige aussi une véritable collaboration du professionnel avec le syndic. »[14]
[nos soulignements]
[125] C’est lors de la rencontre du 16 décembre 2013 que Dr Benhaim exprime sa position pour la première fois quant aux documents demandés.
[126] Dr Benhaim prétend que les documents sont en possession de Physimed. Il soutient que seul Physimed peut décider de remettre les documents demandés au syndic.
[127] Dans sa lettre du 20 décembre 2013, Dr Benhaim réitère le fait qu’il ne peut transmettre les documents puisqu’ils sont en possession de Physimed. Il suggère au syndic adjoint de « reformuler la demande d’engagement de fournir les documents au Docteur Benhaim en tant que représentant de Physimed en présence de l’avocat de Physimed, et de cette façon respecter le droit à l’avocat ».
[128] Le 14 janvier 2013, le syndic transmet une lettre au Dr Benhaim à titre de « médecin de famille et de président du Groupe Santé Physimed » dans laquelle il redemande les trois documents. Dr Benhaim répond à nouveau que les documents demandés appartiennent et relèvent uniquement de Physimed et que ce sera donc l’avocat de Physimed qui donnera suite aux demandes du syndic adjoint.
[129] Dr Benhaim exerce alors les fonctions les plus importantes de Physimed. Il est le président et actionnaire majoritaire de Physimed. Il est l’un des deux seuls membres du conseil d’administration de Physimed. À ces titres, il dispose de l’autorité et des pouvoirs nécessaires au sein de Physimed et de son conseil d’administration pour permettre que les documents demandés soient remis au syndic.
[130] Toutefois, Dr Benhaim n’exerce pas ces pouvoirs et, de ce fait, il ne collabore pas à l’atteinte de l’objectif du syndic adjoint. Il ne fait même aucune tentative pour obtenir les documents demandés. Dr Benhaim n’effectue aucune démarche pour que Physimed et son conseil d’administration prennent la décision de remettre les documents demandés au syndic adjoint et ainsi remplir son obligation déontologique de collaborer.
[131] La situation du Dr Benhaim n’est pas comparable à celle de l’intimé dans Agronomes (Ordre professionnel des) c. Fournier[15]. En effet, dans cette affaire, le syndic recherche des informations sur l’organisation des services conseils en agronomie dans la compagnie SynAgri. Pour obtenir ces informations, le syndic s’adresse à l’intimé, l’un des 22 agronomes de l’entreprise, croyant que ce dernier a des responsabilités importantes au sein de l’entreprise. Or, ce n’est pas le cas. Les informations demandées appartiennent à son employeur et ce dernier lui a interdit de transmettre ces informations. L’intimé a la détention physique des informations, mais pas la détention juridique nécessitant l’autorité nécessaire pour livrer les informations qui ne lui appartiennent pas et qui n’émanent pas de lui. Le Conseil de discipline conclut que le syndic ne peut exiger de l’intimé qu’il lui fournisse des informations qu’il ne possède pas et qui ne sont pas sous son autorité et le déclare non coupable du chef d’entrave qu’on lui reprochait.
[132] En l’espèce, contrairement au cas de l’agronome Fournier, Dr Benhaim a l’autorité nécessaire pour livrer des documents qui ne lui appartiennent pas et qui n’émanent pas de lui.
[133] L’obligation de collaboration du Dr Benhaim avec le syndic adjoint de son ordre professionnel ne se limite pas aux gestes qu’il pose dans l’exercice de sa profession. Certains gestes hors exercice de sa profession sont assujettis au pouvoir de contrôle et de surveillance de son ordre. Ainsi, Dr Benhaim a l’obligation de collaborer activement avec le syndic adjoint, avec ou sans les chapeaux de président et d’actionnaire de Physimed. Il ne peut demeurer passif et se cacher tout simplement derrière l’écran de Physimed qu’il détient majoritairement et qu’il préside, sous le prétexte de la personnalité juridique distincte.
b. Le soulèvement du voile corporatif et la théorie de l’alter ego
[134] Dr Benhaim soutient qu’on ne peut assimiler le refus de Physimed au sien, et le lui reprocher, à moins d’avoir des motifs suffisants de lever le voile corporatif ou d’appliquer la théorie de l’alter ego.
[135] Il plaide que le syndic adjoint n’a aucun motif lui permettant de soulever le voile corporatif puisqu’il n’y a aucune allégation de fraude, d’abus de droit ou de contravention à l’ordre public, ni de preuve de collusion.
[136] Toutefois, suivant les enseignements des tribunaux, le Conseil de discipline est d’avis qu’il n’est pas utile de se pencher sur la question du soulèvement du voile corporatif.
[137] En effet, les notions d'alter ego et de levée du voile corporatif sont souvent confondues. Pourtant, elles sont distinctes. La Cour d’appel rappelle ce qui suit:
« Règle générale, la levée du voile corporatif ne sera pas utile en droit disciplinaire puisque la théorie de l'alter ego suffit à faire le lien entre le professionnel et l'acte délégué. »[16]
[138] Le Tribunal des professions[17] établit aussi certains paramètres à cet égard :
« Le Comité de discipline a conclu qu'il n'y avait pas lieu de soulever le voile corporatif, 2812-1415 Québec Inc. n'ayant pas été incorporée pour masquer une fraude, un abus de droit ou une contravention à une règle d'ordre public (art. 317 C.c.Q.).
Nous sommes d'avis qu'il était inutile en l'espèce de se pencher sur la question du voile corporatif. L'affaire devait se régler plutôt en vertu des principes de l'alter ego.
La Cour d'Appel écrivait dans une affaire de droit civil mais mettant en application des principes de droit disciplinaire, soit la conclusion d'un contrat illicite parce que contraire à des dispositions d'ordre public de Codes de déontologie et de lois d'ordres professionnels:
Est-il besoin de rappeler le principe que l'on ne peut faire indirectement ce qu'il est interdit de faire directement et que la réglementation et les prohibitions que contiennent les dispositions précitées s'appliquent tout aussi bien à une société, incorporée ou non, sous le couvert de laquelle celui qui est soumis à la réglementation ou aux prohibitions tenterait de les contourner? [Robert Laforce inc. c. Bellemare, 1989 CanLII 778 (QC CA)]
Le professionnel ne peut, indirectement, par le biais d'une société incorporée ou non, transgresser les dispositions du Code des professions ou du Code de déontologie.
Le Tribunal a déjà eu l'occasion d'appliquer ces principes, entre autres dans les affaires Bond [Bond c Pharmaciens (Ordre professionnel des), 1996 CanLII 12202 (QC TP)] et Champagne [(Notaires (Corp. professionnelle des) c. Champagne* (T.P., 1992-06-02), SOQUIJ AZ-92041074, D.D.E. 92D-75, [1992] D.D.C.P. 268)]. Nous disions dans Bond:
Tous les éléments nécessaires permettant la levée du voile corporatif étaient donc établis. Cependant, cela était-il vraiment nécessaire? Quand un professionnel décide de mandater un tiers, personne physique ou morale, pour effectuer en tout ou partie ses activités professionnelles, peut-il éviter de répondre au syndic et de lui fournir des documents en soulevant la personnalité juridique autonome du tiers?
Le Tribunal a eu l'occasion de se pencher de façon incidente sur ce problème dans l'affaire Notaires - c - Champagne, 1992 D.D.C.P. 268 (T.P.):
"L'aspect personnel de l'acte professionnel et de tout ce qu'il comporte, les dispositions des lois professionnelles et du Code des professions, la protection du public permettent de conclure qu'en droit disciplinaire, pour infraction à des dispositions de ce droit, c'est le professionnel qui est responsable de la perpétration d'une infraction par son employé lorsque la loi impose l'obligation au professionnel.
Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une responsabilité pour autrui mais de la responsabilité personnelle du professionnel découlant de la délégation d'autorité pour des actes et des devoirs à lui attribués par la loi. Cette délégation d'autorité est établie par un mandat à l'employé de l'administration de ce qui est du devoir du professionnel d'accomplir. L'employé devient alors l'«alter ego».
Il nous apparaît donc conforme à l'esprit et aux textes de droit disciplinaire d'appliquer en droit disciplinaire les théories de l'alter ego et de délégation d'autorité élaborées dans le domaine des lois dites de bien être public, à titre d'infraction de responsabilité stricte."
Quand un professionnel mandate un tiers pour accomplir une partie de ses obligations professionnelles, il peut s'attendre à devoir rendre des comptes à cet égard.
Si le professionnel est coupable d'une infraction disciplinaire commise par son alter ego, c'est un corollaire que de conclure qu'il doit des explications à son syndic dans le cas où c'est lui qui contrôle l'information pertinente. On ne parle pas alors de lever le voile corporatif parce qu'on demande au professionnel de fournir des informations qu'il contrôle. » »
[nos soulignements]
[139] Ainsi, le Conseil de discipline est d’avis que la présente affaire doit être abordée sous l’angle des principes de l'alter ego en droit disciplinaire plutôt que sous celui du soulèvement du voile corporatif.
c. L’obligation déléguée de collaborer
[140] En l’espèce, non seulement Dr Benhaim n’exerce-t-il pas les pouvoirs dont il dispose au sein de Physimed et de son conseil d’administration pour collaborer à l’enquête, mais en plus, il choisit finalement de les déléguer, un peu plus d’un mois après que le syndic adjoint lui ait demandé les trois documents.
[141] En effet, le 22 janvier 2014, Dr Benhaim et son associé, M. Racine, adoptent une résolution à titre d’administrateurs du conseil d’administration de Physimed. Par cette résolution, ils décident de laisser entre les mains de M. Racine le soin de décider de fournir ou non les documents demandés par le syndic. Cette résolution se lit comme suit :
« Il est résolu de laisser à M. Gilles Racine, à titre d’administrateur unique, le soin de décider de la réponse à donner à toute demande formulée par Dr Louis Prévost dans le cadre de son dossier portant le numéro [...], incluant tout suivi qu’il jugera approprié d’y faire.»
[142] Dr Benhaim délègue ainsi ses pouvoirs d’administrateur à M. Racine - une personne qui n’est pas membre de l’Ordre - pour qu’il décide à sa place si Physimed fournira ou non les documents demandés par le syndic adjoint.
[143] En d’autres mots, Dr Benhaim délègue à son associé son obligation déontologique de collaborer à l’enquête. Il en fait ainsi son « alter ego ».
[144] Il doit donc s’attendre à devoir rendre des comptes à cet égard[18].
[145] À ce sujet Me Chantal Perreault écrit :
« Les obligations prévues aux différents codes de déontologie et aux lois régissant les ordres professionnels sont des obligations qui incombent au professionnel. S’il les délègue, cela ne peut atténuer sa propre responsabilité. »[19]
[146] Dans l’affaire Chauvin[20], la Cour d’appel nous enseigne que la théorie de l’alter ego en droit disciplinaire permet d’imputer la responsabilité au professionnel pour les actes qu’il délègue à des tiers, que ce tiers soit une personne physique ou morale.
[147] Il s’agit d’une responsabilité directe et non une responsabilité pour autrui, comme le note le Tribunal des professions dans Champagne[21].
[148] En conséquence, la responsabilité de la décision de son associé, comme administrateur unique de Physimed de refuser de fournir au syndic adjoint les documents demandés peut être imputée directement au Dr Benhaim.
[149] Dr Benhaim explique qu’il est alors dans l’obligation de se retirer du processus décisionnel de Physimed pour éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d’administrateur. Il soutient qu’il est dans une position où ses intérêts personnels risquent de s’opposer à ceux de la société. Or, selon lui, l’intérêt de la société doit toujours primer.
[150] Mais si en droit corporatif les intérêts privés économiques d’une société doivent toujours primer sur les intérêts de ses administrateurs, ils doivent tout de même laisser la place à l’intérêt public qui doit être protégé en priorité. Il s’agit là du fondement même du droit professionnel.
[151] Au surplus, le Code des professions prévoient des mécanismes pour assurer la confidentialité des documents obtenus dans le cadre des enquêtes des syndics de sorte que Dr Benhaim doit être rassuré à cet égard.
[152] En outre, en laissant par résolution à M. Racine « le soin de décider de la réponse à donner à toute demande formulée », Dr Benhaim admet indirectement avoir eu le pouvoir de collaborer à l’enquête jusque-là. Toutefois, il omet de le faire.
[153] En conséquence, Dr Benhaim ne peut se déresponsabiliser comme il tente de le faire et se laver les mains des décisions prises par le conseil d’administration de Physimed en déléguant tout simplement son obligation de collaborer.
D. Dr Benhaim a-t-il entravé ou entrave-t-il toujours l’enquête du syndic adjoint?
a. Le droit
[154] Le syndic adjoint reproche au Dr Benhaim d’avoir contrevenu aux articles 120 du Code de déontologie et aux articles 114 et 122 du Code des professions.
[155] Ces dispositions se lisent comme suit :
Code de déontologie des médecins
120. Le médecin doit répondre par écrit dans les meilleurs délais à toute correspondance provenant du secrétaire du Collège, d'un syndic ainsi que d'un membre du comité de révision ou du comité d'inspection professionnelle ou d'un enquêteur, d'un expert ou d'un inspecteur de ce comité, et se rendre disponible pour toute rencontre jugée pertinente.
Code des professions
« 114. Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée conformément à l'article 90, un inspecteur ou un expert, dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document.
De plus, il est interdit au professionnel d’inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant. »
« 122. Un syndic peut, à la suite d'une information à l'effet qu'un professionnel a commis une infraction visée à l'article 116, faire une enquête à ce sujet et exiger qu'on lui fournisse tout renseignement et tout document relatif à cette enquête. Il ne peut refuser de faire enquête pour le seul motif que la demande d'enquête ne lui a pas été présentée au moyen du formulaire proposé en application du paragraphe 9° du troisième alinéa de l'article 12.
L’article 114 s’applique à toute enquête tenue en vertu du présent article. »
[156] L'article 192 du Code des professions stipule quant à lui expressément que le syndic peut « requérir la remise d’un document » :
« 192 Peuvent prendre connaissance d'un dossier tenu par un professionnel, requérir la remise de tout document, prendre copie d'un tel dossier ou document et requérir qu'on lui fournisse tout renseignement, dans l'exercice de leurs fonctions :
[…]
2o un syndic, un expert qu'un syndic s'adjoint ou une autre personne qui l'assiste dans l'exercice de ses fonctions d'enquête; […] »
[nos soulignements]
[157] Ces articles confirment le large pouvoir d'enquête du syndic et, en parallèle, l'obligation du professionnel de répondre à la correspondance du syndic et de fournir tout renseignement ou tout document demandé.
[158] Le défaut de répondre de façon satisfaisante aux questions et demandes de renseignements d’un syndic constitue une infraction grave et sérieuse[22].
[159] Agir ainsi compromet le fondement même de tout le processus disciplinaire.
[160] Le Conseil de discipline fait siens les propos du Conseil de discipline de l’Ordre des arpenteurs-géomètres dans Savoie[23] :
«Il ne s’agit certainement pas d’une faute mineure que de manquer, à divers degrés, aux devoirs de collaboration que les professionnels ont à l’égard du syndic de leur Ordre professionnel.»
[…]
«Lorsqu’un professionnel n’offre pas toute sa collaboration au syndic de l’Ordre, c’est tout le système disciplinaire au complet qu’il met en péril.»
[161] Le professionnel a l’obligation de collaborer avec le syndic afin que celui-ci puisse remplir sa mission, à savoir protéger le public :
«Le Code des professions et les Ordres professionnels n’ont comme raison d’être que la protection du public. Le syndic a un rôle charnière à jouer à cet égard. Toute entrave ou tentative d’entrave, tout refus de collaboration porte atteinte à ce rôle.» [24]
[162] L’obligation de répondre est essentielle au bon fonctionnement du système disciplinaire.
[163] Lorsque le professionnel ne répond pas aux questions que le syndic lui pose ou ne lui fournit pas les informations demandées, il paralyse le processus et « transmet au public l’impression que ni le professionnel ni le syndic ne sont en mesure de le protéger» [25] .
[164] En refusant de répondre aux questions qui lui sont posées ou de fournir les renseignements demandés dans le cadre d’une enquête, le professionnel représente un danger potentiel pour la protection du public et peut ainsi empêcher le syndic d’intervenir.
[165] Il est important de souligner que le droit au silence n’existe pas en matière disciplinaire et qu’avant même que ne s’enclenche l’instance disciplinaire, le professionnel régi par le Code des professions est tenu de s’incriminer[26].
[166] En outre, l'obligation de remettre intégralement tous les documents en est une de résultat qui incombe au professionnel[27].
[167] Par ailleurs, comme le Tribunal des professions l’a indiqué à maintes reprises, ce n’est ni le rôle du Conseil de discipline, ni celui du Tribunal de se prononcer sur la façon dont le syndic mène son enquête[28].
[168] De plus, ce n’est pas le professionnel qui doit définir les modalités de l’enquête du syndic. Ce dernier doit demeurer libre de mener son enquête comme il l’entend[29]. Le professionnel ne peut dicter quand et comment le syndic pourra faire son enquête et dans quelles circonstances il pourra requérir des documents et des informations. De plus, il ne peut répondre de façon évasive et incomplète aux demandes du syndic[30].
b. Le libellé de la plainte
[169] Dr Benhaim soutient qu’il ne peut être déclaré coupable des chefs d’infraction qu’on lui reproche tel qu’ils sont libellés. En effet, il prétend « avoir donné suite » aux demandes du syndic puisqu’il lui répond et explique pourquoi il ne peut fournir les documents demandés.
[170] La jurisprudence constante réitère le principe qu'une plainte disciplinaire doit être suffisamment précise pour que le professionnel visé sache ce qui lui est reproché et soit à même de se défendre.
[171] L’article 129 du Code des professions prévoit que la plainte doit indiquer sommairement la nature et les circonstances de temps et de lieu de l’infraction reprochée au professionnel. La jurisprudence favorise une interprétation souple, large, voire même libérale de cette disposition[31]. Une telle approche répond d’ailleurs substantiellement à la philosophie du droit disciplinaire.
[172] Le Code des professions n’exige pas que les textes d’infraction disciplinaire soient rédigés avec la précision formaliste et rigoriste des textes de nature pénale[32].
[173] Dans l'affaire Tremblay c. Dionne[33], la Cour d'appel s'exprime ainsi au sujet du libellé du chef d'une plainte disciplinaire :
« [84] D'une part, les éléments essentiels d'un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu'on lui reproche d'avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25). »
[174] Ainsi, en l’espèce, les éléments essentiels des chefs de la plainte sont constitués par les articles 114 et 122 du Code des professions et 120 du Code de déontologie.
[175] Le Conseil de discipline est d’avis que la lecture des chefs d’infraction et des dispositions du Code de déontologie et du Code des professions contenus dans la plainte permet d’établir clairement les paramètres à l'intérieur desquels se situe le débat entre les parties. Dr Benhaim est amplement en mesure de connaître tant les actes ou omissions qui lui sont reprochés que la substance des normes, spécifiques ou générales, auxquelles on prétend qu'il a contrevenu. Les chefs comportent suffisamment d'informations pour lui permettre de circonscrire sans ambiguïté les éléments des infractions.
[176] Souscrire à l’interprétation étroite, stricte et littérale des chefs d’infraction que suggère Dr Benhaim contreviendrait à l’esprit du droit disciplinaire.
[177] Les infractions tel que libellées sont claires et ne souffrent d’aucune ambiguïté : le syndic adjoint reproche au Dr Benhaim de ne pas lui transmettre les renseignements et les documents qu’il lui demande.
c. L’application aux faits
[178] Dans la recherche des faits, le syndic adjoint se doit d’obtenir les documents demandés puisqu’ils sont nécessaires pour jeter un éclairage sur la situation alléguée et les infractions qu’il soupçonne.
[179] Or, il est actuellement gêné et freiné dans son enquête puisque Dr Benhaim ne lui a pas transmis les renseignements et les documents demandés.
[180] Dr Benhaim adopte une approche « passive-agressive » quant aux demandes du syndic adjoint.
[181] En effet, d’une part, Dr Benhaim n’entreprend aucune démarche auprès de Physimed pour que cette dernière transmette les documents que le syndic adjoint requiert et ce, bien qu’il en soit le président, le directeur médical et l’actionnaire majoritaire.
[182] Au contraire, il délègue à son associé les pouvoirs lui permettant d’intervenir comme membre du conseil d’administration de Physimed et de collaborer à l’enquête du syndic.
[183] D’autre part, il se joint personnellement à Physimed, comme co-demandeur, dans une requête en injonction permanente contre le syndic adjoint, le Collège des médecins et la RAMQ, visant à empêcher le syndic adjoint d’obtenir les trois documents demandés.
[184] Ce faisant, Dr Benhaim entrave le syndic adjoint dans l’exercice de ses fonctions.
[185] En conséquence, le Conseil de discipline déclare Dr Benhaim coupable des chefs d’infraction qui lui sont reprochés.
V. DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT:
DÉCLARE l’intimé coupable en vertu des articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26), des chefs suivants :
1. Depuis ou vers le 14 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents formulées à l'occasion de la rencontre du 16 décembre 2013 et réitérées par lettres datées du 14 et du 31 janvier 2014 contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q. c. M-9, r. 17);
2. Depuis ou vers le 28 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents malgré une demande précise à cet effet en date du 20 février 2014, contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q. c. M-9, r. 17).
PRONONCE
la suspension conditionnelle des
procédures quant au renvoi dans les chefs 1 et 2, à l’article 120 du Code
de déontologie des médecins (L.R.Q. c. M-9, r. 17);
CONVOQUE les parties pour procéder à l’audition sur sanction à une date à être fixée par le greffe.
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____________________________________ Me Caroline Champagne
____________________________________ Dre Vania jimenez
____________________________________ dr pierre marsolais
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Me Antony Battah Avocat du Plaignant |
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Me Robert-Jean Chénier |
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Avocat de l’Intimé |
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Dates d’audience : 2, 3 et 4 mai 2016 |
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CONSEIL DE DISCIPLINE |
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collège des médecins du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
24-14-00824 |
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DATE : |
Le 3 mars 2017 |
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LE CONSEIL : |
Me Caroline Champagne |
Présidente |
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Dre vania jimenez |
Membre |
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dr Pierre marsolais |
Membre |
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DR LOUIS PRÉVOST, médecin, en sa qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec |
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Plaignant |
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c. |
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DR ALBERT BENHAIM |
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Intimé |
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DÉCISION SUR SANCTION |
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Conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil INTERDIT la Divulgation, la Publication ET la Diffusion :
§ DU NOM DU MÉDECIN (identifié comme « Dr A » dans la décision), AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER;
§ des dossiers médicaux déposés sous i-13 et i-14;
§ DU NOM Du PATIENT ET DE SON MÉDECIN MENTIONNÉS À LA PIÈCE I-51, AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER;
§ de TOUTE INFORMATION CONCERNANT L’ÉTAT DE SANTÉ DE L’INTIMÉ ET LA MISE SOUS SCELLÉ DES CERTIFICATS MÉDICAUX SOUMIS PAR L’INTIMÉ LORS DE LA REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE.
§
DU NOM DES PATIENTS
MENTIONNÉS À LA PIÈCE SI-10, AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES
IDENTIFIER.
VI. INTRODUCTION
[1] Le Dr Louis Prévost, syndic adjoint (Syndic adjoint) reproche à l’intimé, le Dr Albert Benhaim, de ne pas lui transmettre des documents dans le cadre de son enquête.
[2] Le Dr Benhaim plaide qu’il ne peut fournir les documents requis puisqu’ils ne lui appartiennent pas, ne sont pas sous son contrôle et ne sont pas en sa possession. Il explique que les documents demandés appartiennent au Groupe Santé Physimed inc. (Physimed), une société dont il est le président et l’actionnaire majoritaire.
[3] Dans sa décision du 7 juin 2016, le Conseil de discipline (Conseil) déclare le Dr Benhaim coupable des deux chefs d’infraction que lui reproche le Syndic adjoint:
3. Depuis ou vers le 14 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents formulées à l'occasion de la rencontre du 16 décembre 2013 et réitérées par lettres datées du 14 et du 31 janvier 2014 contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q. c. M-9, r. 17);
4. Depuis ou vers le 28 février 2014, a entravé et entrave toujours dans l'exercice de ses fonctions le syndic adjoint Docteur Louis Prévost, en refusant et/ou négligeant de donner suite aux demandes de renseignements et de transmission des documents malgré une demande précise à cet effet en date du 20 février 2014, contrevenant ainsi aux articles 114 et 122 du Code des professions du Québec (L.R.Q. c. C-26) et 120 du Code de déontologie des médecins, (L.R.Q. c. M-9, r. 17).
[4] Les recommandations que font les parties au Conseil quant aux sanctions à imposer sont littéralement aux antipodes.
[5] En effet, le Syndic adjoint recommande l’imposition d’une radiation permanente, alors que le Dr Benhaim est d’avis qu’une simple réprimande est appropriée.
VII. QUESTION EN LITIGE
[6] Quelles sont les sanctions justes et raisonnables dans les circonstances de cette affaire?
VIII. PREUVE SUR SANCTION
A. La preuve du Syndic adjoint
[7] Le Syndic adjoint réfère le Conseil à la preuve déjà déposée lors de l’audition sur culpabilité.
[8] Par ailleurs, il produit un extrait du dossier professionnel du Dr Benhaim auprès du Collège des médecins du Québec (« le Collège »), ainsi qu’un échange de courriels entre lui et le médecin du Dr Benhaim.
B. La preuve du Dr Benhaim
[9] Le Dr Benhaim témoigne quant à lui devant le Conseil et dépose aussi une preuve documentaire.
[10] Il fait état de ses études, de son expérience professionnelle, de son implication dans la communauté médicale et des différents postes qu’il a occupés.
[11] Le Dr Benhaim produit un courriel de monsieur David Levine, président-directeur général de l’Agence de santé et des services sociaux (ASSS) entre 2002 et 2012. Ce dernier y décrit le rôle que le Dr Benhaim a joué au sein de la Direction générale de la médecine de famille et l’ASSS.
[12] Le Dr Benhaim raconte aussi l’histoire de la fondation de Physimed et de son développement. Il décrit son rôle au sein de Physimed et les services qui y sont offerts. Il mentionne qu’il avait la charge de 3000 patients à titre de médecin de famille.
[13] Le Dr Benhaim donne sa version des faits, comme il le fait lors de l’audition sur culpabilité, quant à l’historique complet de la présente affaire, depuis la visite à sa clinique de la journaliste de La Presse, jusqu’au dépôt de la plainte disciplinaire, en passant par l’inspection professionnelle et l’enquête de la RAMQ dont il fait l’objet.
[14] Il dit avoir été forcé à s’engager à ne plus pratiquer la médecine en mars 2014, lorsque le Syndic adjoint insiste pour présenter sa requête en radiation provisoire devant le Conseil.
[15] Il soutient que l’inspection professionnelle, l’enquête et les procédures du Collège l’oppressent […].
[16] Au soutien de son témoignage, le Dr Benhaim dépose en preuve deux rapports d’expertise qui concluent que […] est attribuable aux enquêtes dont il fait l’objet, aux procédures qui l’opposent au Collège, au Syndic adjoint et à la RAMQ, de même qu’à la médiatisation de son dossier.
[17] Au sujet de la médiatisation, le Dr Benhaim affirme qu’elle a eu un effet dévastateur sur sa réputation.
[18]
Tout d’abord, il
explique que sa famille et ses collègues ignoraient […]
jusqu’à ce que le Conseil rende sa décision intérimaire sur la requête en
radiation provisoire en mars 2014. Le Dr Benhaim affirme avoir dû leur annoncer
qu’il était
[…], car la décision a été publiée sur le site internet « Profession
santé » et qu’elle indique qu’il est dans l’impossibilité d’assumer sa
défense
[…].
[19] Il ajoute qu’il a aussi dû transmettre un courriel de masse à ses patients afin de leur donner sa version des faits suite à la parution d’articles dans le Journal de Montréal et La Gazette en septembre 2016, au sujet de la décision du Conseil qui prononce sa culpabilité. Il produit quelque 200 courriels de réponse de ses patients qui, généralement, lui témoignent support et encouragement.
[20] Au surplus, il explique avoir dû transférer ses 3000 patients à d’autres médecins, ce qui constitue un processus complexe et ardu. Il indique qu’il a dû déléguer ses fonctions de directeur médical de Physimed. Les perturbations causées de ce fait, ont détruit sa vie professionnelle comme médecin traitant, selon son témoignage.
[21] Le Dr Benhaim dépose en preuve des lettres de ses collègues de Physimed qui ont pris en charge des patients dans ce contexte et qui témoignent de sa bonne réputation.
[22] En outre, le Dr Benhaim réitère les raisons pour lesquelles il laisse à son associé le soin de décider si Physimed remettra ou non les documents que le Syndic adjoint demande. Il indique que ses intérêts personnels sont alors en conflit avec son devoir de loyauté à l’égard de Physimed.
[23] Finalement, l’avocat du Syndic adjoint contre-interroge le Dr Benhaim et lui demande s’il est prêt à s’engager à remettre au Syndic adjoint les documents demandés, auquel cas, l’avocat du Syndic adjoint serait prêt à recommander au Conseil l’imposition d’une période de radiation temporaire de 19 mois plutôt que la radiation permanente du Dr Benhaim.
[24] Le Dr Benhaim déclare que, tant et aussi longtemps que la Cour supérieure ne s’est pas prononcée sur les demandes d’injonction déposées devant elle, il refuse de s’engager à remettre les documents au Syndic adjoint. Il prétend que la Cour supérieure est le bon forum où s’adresser et seul ce tribunal peut décider si les documents doivent être fournis ou non.
[25] Le Dr Benhaim affirme clairement ne pas avoir l’intention de fournir au Syndic adjoint les documents qui lui sont demandés.
IX. ANALYSE
A. Les principes généraux en matière de sanction
[26] En contrepartie du droit au titre professionnel et du pouvoir de poser certains actes, les membres des ordres professionnels assument de lourdes responsabilités.
[27] En acceptant de devenir membre d’un ordre, le professionnel acquiert le privilège de pratiquer sa profession. Il doit toutefois accepter toutes les responsabilités qui en découlent, incluant le risque d’être sanctionné s’il manque à ses obligations déontologiques.
[28] L’audition sur sanction sert à établir la gravité de l’infraction et influer sur la sanction qui doit être imposée. Elle ne doit pas être l’occasion de réviser ou de remettre en cause la culpabilité[34].
[29] La sanction disciplinaire vise à atteindre, en premier lieu, la protection du public.
[30] La protection du public, c’est le droit du public d’avoir accès aux professionnels les plus qualifiés et les plus respectueux de leur code de déontologie[35].
[31] Conformément à l’économie du droit qui régit le Code des professions, RLRQ c. C-26 (« Code des professions »), ce sont les membres de l’Ordre qui veillent à la protection du public, dont l’une des composantes est la crédibilité de la profession[36].
[32] La sanction doit aussi dissuader le professionnel de récidiver et être un exemple pour les autres membres de la profession[37]. Toutefois, jamais la sanction ne doit punir le professionnel. Son objectif est de corriger un comportement fautif[38].
[33] À ce sujet, les pairs qui siègent aux conseils de discipline « sont les plus aptes à évaluer la gravité d’une infraction et les conséquences d’une sanction tant sur le membre visé par la plainte que sur les autres en général »[39].
[34] Enfin, la sanction doit permettre au professionnel visé d’exercer sa profession[40].
[35] Le conseil de discipline détermine la juste et raisonnable sanction en tenant compte des facteurs objectifs qui sont liés à la gravité de l’infraction.
[36] Les facteurs subjectifs qui sont relatifs au professionnel lui-même doivent également être pris en considération. Ainsi, la sanction doit être individualisée selon les circonstances aggravantes et atténuantes de l’affaire[41].
[37] Enfin, le Conseil de discipline doit tenir compte de la globalité des sanctions.
B. Les facteurs objectifs
[38] Le Dr Benhaim est d’avis que la sanction pour l’infraction d’entrave doit être modulée selon le type d’infraction qui fait l’objet de l’enquête.
[39] Il prétend qu’en l’espèce, l’entrave n’a pas un caractère de gravité qui requiert une sanction sévère puisque l’obtention des documents demandés ne servirait au Syndic adjoint qu’à établir une marge de profit. Or, selon lui, aucune règle ne prohibe aux cliniques d’offrir des tests de laboratoire et d’en tirer profit. Cette pratique est légale. De plus, elle ne va pas à l’encontre de l’éthique et des obligations déontologiques.
[40] Le Dr Benhaim affirme n’avoir d’ailleurs jamais reçu le moindre avis de la part des autorités selon lequel cette pratique serait problématique.
[41] La protection du public n’est donc pas compromise, selon lui.
[42] À cet égard, il réfère aux décisions Gauthier c. Backler[42] et Richer c. Rioux[43].
[43] Le Conseil ne partage toutefois pas le point de vue du Dr Benhaim.
[44] En effet, les infractions qui sont suspectées par le Syndic adjoint concernent différentes problématiques déontologiques d’indépendance, de désintéressement, de conflit d’intérêts et de soins non médicalement requis, lesquelles découleraient du modus operandi de Physimed. La nature de ces problématiques est, à première vue, sérieuse. Il ne s’agit pas simplement d’une question de marge de profit ou d’une affaire administrative, comme le soutient le Dr Benhaim.
[45] De toute manière, la plainte disciplinaire dont le Conseil est saisi ne porte que sur l’entrave. C’est donc uniquement la gravité de cette infraction que le Conseil doit évaluer en l’espèce.
[46] Rappelons en outre que, de toute manière, le Conseil n’a aucun pouvoir de surveillance ou de contrôle sur l’exercice par le syndic de ses pouvoirs d’enquête. Au surplus, en cours de son enquête, les infractions que suspecte initialement un syndic peuvent s’avérer non fondées et d’autres peuvent s’ajouter en fonction des informations qu’il recueille. La gravité de l’entrave ne peut donc être établie de la manière proposée par le Dr Benhaim.
[47] Les dispositions que le Dr Benhaim est coupable d’avoir enfreintes se lisent comme suit :
Code des professions
114. Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée conformément à l'article 90, un inspecteur ou un expert, dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document.
De plus, il est interdit au professionnel d’inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant.
122. Un syndic peut, à la suite d'une information à l'effet qu'un professionnel a commis une infraction visée à l'article 116, faire une enquête à ce sujet et exiger qu'on lui fournisse tout renseignement et tout document relatif à cette enquête. Il ne peut refuser de faire enquête pour le seul motif que la demande d'enquête ne lui a pas été présentée au moyen du formulaire proposé en application du paragraphe 9° du troisième alinéa de l'article 12.
L’article 114 s’applique à toute enquête tenue en vertu du présent article.
[Nos soulignements]
[48] Ces articles confèrent au syndic de larges pouvoirs lui permettant de jouer le rôle crucial[44] que le Code des professions lui attribue dans le fonctionnement du système disciplinaire :
«Le Code des professions et les Ordres professionnels n’ont comme raison d’être que la protection du public. Le syndic a un rôle charnière à jouer à cet égard. Toute entrave ou tentative d’entrave, tout refus de collaboration porte atteinte à ce rôle.» [45]
[49] Comme l’indique la Cour suprême dans Pharmascience[46], puisque le syndic a non seulement le pouvoir, mais aussi le devoir d’enquêter sur la conduite d’un professionnel, on doit s’attendre à ce qu’il dispose « de moyens suffisamment efficaces pour [lui] permettre de recueillir toutes les informations pertinentes afin de déterminer si une plainte doit être portée. »[47] Or, pour agir avec efficacité, le syndic doit être en mesure d’exiger les documents et les renseignements pertinents de toute personne et non seulement du professionnel.[48]
[50] L’enquête du syndic ne se limite toutefois pas à l’obtention de renseignements ou de documents; l’expression « faire enquête » contenue à l’article 122 du Code des professions, a une portée plus large. Comme le souligne le Tribunal des professions, si les pouvoirs du syndic avaient été ainsi restreints, « le législateur se serait contenté de dire que le syndic peut exiger qu’on lui fournisse tout renseignement et tout document pertinent. »[49]
[51] Au surplus, on doit pouvoir éviter que le syndic porte plainte pour connaître la version du professionnel. C’est ainsi que dans certains cas, le syndic a non seulement le pouvoir, mais aussi le devoir de rencontrer le professionnel pour lui permettre d’exercer pleinement son rôle.
[52] Le but de l’enquête est de réunir des informations ou des éléments de preuve qui permettront au syndic, après avoir acquis une connaissance complète des faits, de prendre une décision éclairée de façon à déterminer s’il y a matière à plainte. Cette décision ne peut être prise à la légère. C’est pourquoi les pouvoirs du syndic doivent être appréciés en tenant compte de ses responsabilités et de la hauteur de sa mission.
[53] Les pouvoirs dont dispose le syndic impliquent que, corollairement, le professionnel ait l'obligation de répondre à ses correspondances et de lui fournir tout renseignement ou tout document qu’il lui demande.
[54] L’obligation du professionnel en est une de résultat. Dans Marin c. Lemay[50], le Tribunal des professions écrit :
« [43] Selon le Comité, pour se conformer à son Code de déontologie et se mettre à l’abri d’une plainte disciplinaire, il suffisait à l’appelant de répondre qu’il ne détenait pas les lettres plutôt que de tenter d’obtenir ces documents.
[44] Cette interprétation est pour le moins paradoxale puisqu’elle encourage des réponses simplistes au détriment de la transmission d’informations susceptibles de faire avancer l’enquête du syndic, ce qui constitue le véritable objectif de cette disposition.
[45] Au surplus, elle restreint considérablement l’étendue de l’obligation déontologique qui, en plus d’imposer une réponse au syndic, exige aussi une véritable collaboration du professionnel avec le syndic. »
[55] Il est important de souligner que le droit au silence n’existe pas en matière disciplinaire et qu’avant même que ne s’enclenche l’instance disciplinaire, le professionnel, régi par le Code des professions, est tenu de s’incriminer[51].
[56] Rappelons de plus que la défense de bonne foi n'est pas pertinente au stade de la déclaration de culpabilité et qu’elle est irrecevable. En vertu des articles 114 et 122 du Code des professions, le syndic n'a pas le fardeau de prouver la mauvaise foi du professionnel.[52]
[57] L’obligation de collaborer est essentielle au bon fonctionnement du système disciplinaire. Agir en contravention de cette obligation compromet le fondement même de tout le processus disciplinaire.
[58] Le Conseil fait siens les propos du conseil de discipline de l’Ordre des arpenteurs-géomètres dans Savoie[53] :
«Il ne s’agit certainement pas d’une faute mineure que de manquer, à divers degrés, aux devoirs de collaboration que les professionnels ont à l’égard du syndic de leur Ordre professionnel.»
[…]
«Lorsqu’un professionnel n’offre pas toute sa collaboration au syndic de l’Ordre, c’est tout le système disciplinaire au complet qu’il met en péril.»
[59] Lorsque le professionnel ne répond pas aux questions que le syndic lui pose ou ne lui fournit pas les informations qu’il lui demande, il paralyse le processus et « transmet au public l’impression que ni le professionnel, ni le syndic ne sont en mesure de le protéger »[54] .
[60] En refusant de répondre aux questions qui lui sont posées ou de fournir les renseignements demandés dans le cadre d’une enquête, le professionnel représente un danger potentiel pour la protection du public et peut ainsi empêcher le syndic d’intervenir.
[61] Le défaut de répondre de façon satisfaisante aux questions et demandes de renseignements d’un syndic constitue, sans aucun doute, une infraction très grave[55].
[62] Cette infraction doit mener à l’imposition d’une sanction sévère servant d’exemple pour éviter que des situations similaires se répètent et mettent en péril la protection du public.
C. Les facteurs subjectifs
[63] Les facteurs subjectifs sont ceux reliés à la personne du professionnel; ils permettent de déterminer si la sanction envisagée, après étude des facteurs objectifs, doit être réduite ou accrue.
[64] Le 27 juin 1986, le Dr Benhaim prête un serment professionnel en vue d’obtenir le droit à l’exercice de la médecine et affirme solennellement qu’il se conformera aux dispositions du Code des professions, de la Loi médicale et des règlements adoptés en vertu de cette législation.
[65] En adhérant volontairement au Collège, le Dr Benhaim accepte de se soumettre aux règles déontologiques prévues au Code de déontologie[56].
[66] En choisissant de s'inscrire comme membre du Collège, « le droit professionnel s'applique à son égard, le but ultime des normes établies par ce droit étant de protéger le public. »[57]
[67] De plus, en s'inscrivant de sa propre initiative au Collège, il est présumé que le Dr Benhaim accepte «les modalités pertinentes (de ce) domaine d'activité réglementé» et qu'il s'engageait à «assumer les conséquences de cette responsabilité.»[58]
[68] Pourtant, dans les faits, le Dr Benhaim n’accepte pas de se soumettre aux règles déontologiques et n’assume pas les conséquences de son défaut de les respecter.
[69] En effet, depuis plus de trois ans, le Dr Benhaim est en défaut de fournir les documents demandés par le Syndic adjoint les 16 décembre 2013, 20 décembre 2013, 16 janvier 2014, 10 février 2014 et 15 avril 2014. Aussi, malgré la décision du 31 août 2016 du Conseil qui le déclare coupable, lors de l’audition sur sanction le 7 décembre 2016, le Dr Benhaim réitère ne pas avoir l’intention de remettre les documents au Syndic adjoint. Le Conseil y voit là un facteur aggravant, l’infraction se répétant et se perpétuant dans le temps, à chaque jour qui passe.
[70] Aussi, le Dr Benhaim plaide que si le Syndic adjoint voulait véritablement protéger le public, il n’avait qu’à intenter une procédure contre Physimed ou CDL plus tôt, conformément aux enseignements de la Cour suprême dans Pharmascience[59].
[71] Le Dr Benhaim n’a pas d’antécédents disciplinaires. Toutefois, en l’espèce, ce facteur ne pèse pas lourd en termes de circonstance atténuante aux fins de la détermination de la sanction. En effet, les risques de récidive ne peuvent être plus élevés, compte tenu de la position que prend le Dr Benhaim au sujet des pouvoirs du Syndic adjoint, du Collège et du Conseil. Il n’a pas l’intention de fournir les documents demandés en février 2014, et il n’a toujours pas l’intention de le faire aujourd’hui. Il ne démontre donc aucun remords, ni volonté de s’amender.
[72] Le Dr Benhaim demande également à ce que l’on tienne compte de sa grande expérience. Il ajoute qu’il a une excellente réputation auprès de ses collègues ainsi que de ses patients. De plus, il affirme qu’il est très impliqué dans la communauté médicale depuis longtemps.
[73] À cette fin, il dépose en preuve un courriel de monsieur David Levine, président-directeur général de l’ASSS entre 2002 et 2012. Ce dernier y fait état des différents postes occupés par le Dr Benhaim au sein de la Direction générale de la médecine de famille. Quant aux qualités du Dr Benhaim, monsieur Levine se limite à dire qu’il était très présent, très actif et qu’il donnait beaucoup de son temps à la Direction générale de la médecine de famille. Aussi, monsieur Levine ne témoigne pas devant le Conseil.
[74] Le Dr Benhaim dépose également en preuve trois lettres de médecins qui font état de sa bonne réputation. Quant à la valeur probante de ces lettres, le Conseil note qu’il s’agit de médecins qui travaillent au sein de Physimed et qui, de ce fait, ne sont pas désintéressés. De plus, aucune de ces personnes ne témoigne devant le Conseil.
[75] Par ailleurs, le Conseil est d’avis que compte tenu de l’importance du rôle que le Dr Benhaim prétend avoir joué au sein de la communauté médicale et de sa grande visibilité, on doit s’attendre à ce qu’il soit d’autant plus respectueux de ses obligations déontologiques et de son ordre professionnel. Pourtant, il est en défaut à cet égard et continue de prétendre qu’il n’a pas à fournir les documents que le Syndic adjoint lui demande.
[76] En outre, le Dr Benhaim ajoute que le Conseil doit considérer l’impact de la médiatisation de toute cette affaire puisqu’elle constitue une forme de sanction qui n’est pas négligeable[60]. À cet égard, il dépose en preuve les articles parus suite à sa radiation provisoire et la décision sur culpabilité du Conseil.
[77] Il affirme que la publicité entourant les décisions du Conseil cause un dommage considérable à sa réputation. Il n’en fait toutefois pas la preuve.
[78] Le Conseil remarque aussi que le Dr Benhaim se sert lui-même des médias lorsqu’il écrit à André Pratte de La Presse en août 2010. De plus, Physimed et lui sont à l’origine d’une poursuite en injonction et en dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars contre le Collège et le Syndic adjoint, ce qui peut très certainement susciter l’intérêt des médias. Le Dr Benhaim envoie également des courriels de masse à ses patients suite à la parution d’articles dans le Journal de Montréal et La Gazette en septembre 2016. Ce faisant, le Dr Benhaim participe à la publicisation des informations relatives aux décisions rendues par le Conseil.
[79] Le Dr Benhaim plaide qu’il ne peut fournir les documents requis puisqu’ils ne lui appartiennent pas, ne sont pas sous son contrôle et ne sont pas en sa possession. Il explique que les documents demandés appartiennent à Physimed, une société dont il est le président et l’actionnaire majoritaire.
[80] Le Conseil est d’avis que le Dr Benhaim ne peut se soustraire de l’application de la loi au moyen d’un stratagème visant à retarder la remise au Syndic adjoint des documents demandés. Son excuse préméditée est abusive et dénote de la mauvaise foi.
[81] Enfin, le Dr Benhaim est d’avis que le Conseil doit considérer le fait qu’il fait l’objet d’une radiation provisoire depuis le 23 octobre 2015.
D. Les sanctions justes et raisonnables
[82] Le Conseil doit exercer son pouvoir discrétionnaire en vue d'identifier la nature de la sanction juste et raisonnable qui doit être imposée dans le contexte spécifique et les circonstances du présent dossier[61].
[83] Cette sanction a pour objectif de 1) protéger le public; 2) servir d’exemple pour les membres de la profession; et 3) dissuader le professionnel et corriger son comportement, sans pour autant le punir.
[84] Tout d’abord, pour protéger le public, le Syndic adjoint doit être en mesure de mener à bien son enquête. Pour ce faire, il a besoin des documents qu’il demande au Dr Benhaim.
[85] Ensuite, afin que la sanction soit exemplaire, les médecins doivent comprendre que celui d’entre eux qui refuse de collaborer ne peut « s’en tirer » mieux que celui qui fournit tous les documents et renseignements que le Syndic adjoint lui demande. En effet, les informations fournies par celui qui collabore peuvent amener le Syndic adjoint à constater des infractions. De ce fait, celui qui collabore peut faire l’objet d’une plainte disciplinaire alors que celui qui refuse de fournir ce qui lui est demandé, ne se fait reprocher qu’une infraction d’entrave.
[86] Puis, pour dissuader le Dr Benhaim et l’amener à corriger son comportement, c’est-à-dire le conduire à fournir les documents demandés au Syndic adjoint, la sanction doit lui ordonner d’agir en ce sens.
[87] Ce n’est certainement pas en imposant une simple réprimande, comme le suggère le Dr Benhaim, que les objectifs de la sanction disciplinaire seront atteints. D’ailleurs, compte tenu de la gravité objective de l’entrave, ce n’est que dans des cas exceptionnels que la réprimande est imposée comme sanction[62].
[88] Condamner le Dr Benhaim au paiement d’une amende n’est pas non plus une sanction juste et appropriée dans les circonstances. Le Conseil est d’avis que ni le Dr Benhaim, ni les médecins ne doivent être amenés à conclure qu’ils peuvent monnayer le refus de collaborer à l’enquête du Syndic adjoint.
[89] Aussi, si une période de radiation temporaire est imposée, peu importe sa durée, aux termes de celle-ci, le Syndic adjoint sera dans la même position que présentement, c’est-à-dire gêné et freiné dans son enquête. Ses opérations de surveillance seront encore au ralenti et il risque de ne pas être en mesure d’intervenir au moment opportun, si requis, alors qu’il a l’obligation de ce faire. La protection du public ne sera toujours pas assurée et le Syndic adjoint ne pourra remplir ses propres obligations énoncées au Code des professions.
[90] Permettre au Dr Benhaim de retrouver son droit de pratique alors qu’il refuse de se soumettre à l’autorité du Syndic adjoint et du Conseil, serait incohérent avec les objectifs que doit atteindre la sanction disciplinaire.
[91] Le Dr Benhaim est le président de l’une des plus grandes cliniques au Québec où 300 000 patients sont suivis et traités. L’enquête du Syndic adjoint porte sur les activités du Dr Benhaim au sein de cette clinique. Le message à transmettre à la communauté médicale et au public est d’une importance capitale.
[92] Le Dr Benhaim fait l’objet d’une sanction du Conseil de discipline depuis le 23 octobre 2015 : il est radié provisoirement. Force est de constater que cette sanction n’a eu aucun effet dissuasif sur le Dr Benhaim à ce jour. Il continue de paralyser le processus disciplinaire et de ce fait, empêche le Syndic adjoint de remplir ses fonctions. En conséquence, le Conseil ne croit pas que l’imposition d’une radiation temporaire dissuaderait le Dr Benhaim et l’amènerait à corriger son comportement.
[93] Ainsi, en prenant en considération les circonstances générales et particulières relatives à la présente affaire, le Conseil est d’avis qu’il est face à une situation exceptionnelle qui requiert une mesure exceptionnelle. Le Dr Benhaim ne peut demeurer membre du Collège tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas répondu aux demandes du Syndic adjoint. La radiation permanente s’impose donc, comme le recommande le Syndic adjoint.
[94] Au soutien de sa recommandation, le Syndic adjoint soumet d’ailleurs quatre décisions du comité de discipline de l’Ordre des comptables agréés du Québec.[63]
[95] Dans ces affaires, les comités de discipline concluent que ni une amende, ni une radiation temporaire ne donnerait le résultat escompté, à savoir la collaboration du professionnel afin de protéger le public. Dans l’un des cas, le comité de discipline constate que l’intimé « se fiche éperdument de son ordre professionnel » et que, de ce fait, il est indigne de demeurer membre de son ordre. En conséquence, la radiation permanente apparaît comme le remède approprié dans ces affaires. Les comités de discipline soulignent par ailleurs qu’advenant le cas où le professionnel satisfait finalement aux demandes du Syndic adjoint, il pourra toujours demander sa réadmission au sein de l’Ordre.
[96] Comme dans ces cas, si le Dr Benhaim satisfait aux demandes du Syndic adjoint en lui remettant finalement les documents demandés, il pourra toujours demander sa réadmission au sein du Collège, comme le prévoit l’article 161 du Code des professions.
[97] Le Conseil rappelle que le fait qu’un professionnel puisse être radié pour non-paiement de sa cotisation auprès de son ordre, démontre l’importance de respecter toutes ses obligations.
[98] Par ailleurs, afin de véritablement atteindre les objectifs de la sanction disciplinaire, le Conseil croit opportun de prononcer une ordonnance additionnelle pour obliger le Dr Benhaim à fournir les documents demandés par le Syndic adjoint.
[99] En vertu de l’article 156 d.1 du Code des professions, le Conseil peut en effet imposer comme sanction l’obligation de communiquer des documents[64]. Cette disposition se lit comme suit:
156. Le conseil de discipline impose au professionnel déclaré coupable d’une infraction visée à l’article 116, une ou plusieurs des sanctions suivantes sur chacun des chefs contenus dans la plainte:
[…]
d.1) l’obligation de communiquer un document ou tout renseignement qui y est contenu, et l’obligation de compléter, de supprimer, de mettre à jour ou de rectifier un tel document ou renseignement; […]
[100] Il s’agit d’une sanction qui est aussi imposée par d’autres conseils de discipline au sein de différents ordres professionnels lorsque le professionnel refuse de fournir des documents ou renseignements[65].
[101] Le Conseil ordonne donc au Dr Benhaim de fournir au Syndic adjoint les documents exigés, dans un délai de cinq jours à compter de la signification de la décision.
[102] Enfin, le Conseil condamne le Dr Benhaim au paiement de tous les frais et débours.
X. DÉCISION
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, CE JOUR :
ORDONNE la radiation permanente de l’intimé concernant les chefs 1 et 2;
ORDONNE à l’intimé de remettre au syndic adjoint, dans un délai de cinq jours, les documents qu’il lui demande et auxquels réfèrent les chefs 1 et 2 :
§ une copie de la facture remise à Mme Nicoud concernant les analyses de laboratoire effectuées sur les prélèvements du 12 juin 2010 au montant de 340$;
§ une copie de la facture émise par CDL à l’attention de Physimed pour les services de laboratoire en lien avec les prélèvements faits à Mme Nicoud;
§ une copie de l’entente conclue entre Physimed et le laboratoire de pathologie de l’Hôpital du Sacré-Cœur;
§ une copie des ententes commerciales négociées entre Groupe Santé Physimed inc. et laboratoire CDL inc., incluant non limitativement toute entente par laquelle cette dernière se charge de procéder aux analyses requises sur les prélèvements que lui fait parvenir Groupe Santé Physimed inc.
Et pour la période s’échelonnant de 2005 au 20 février 2014 :
§ une copie de la ou des listes de prix facturés par Groupe Santé Physimed inc. à ses clients pour les prélèvements et/ou analyses des échantillons sanguins;
§ une copie de la ou des listes de prix facturés par Laboratoire CDL inc. à Groupe Santé Physimed inc. pour les prélèvements et/ou les analyses des échantillons sanguins que lui a fait parvenir Groupe de Santé Physimed inc.;
§ une copie du livre des minutes de Groupe Santé Physimed inc., incluant non limitativement les certificats d’actions, les résolutions, etc.
ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins de publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions;
CONDAMNE l’intimé aux entiers débours, incluant les frais de publication.
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____________________________________ Me Caroline Champagne
____________________________________ Dre Vania jimenez
____________________________________ dr pierre marsolais
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Me Antony Battah Avocat du Plaignant |
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Me Robert-Jean Chénier |
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Avocat de l’Intimé |
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Date d’audience : 7 décembre 2016 |
[1] Médecins (Ordre professionnel des) c. Benhaim, 2015 CanLII 9437 (QC CDCM).
[2] Le 6 mai 2016, la Cour d’appel rejette l’appel logé par Physimed et Dr Benhaim à l’égard de cette décision du juge Sansfaçon : Groupe Santé Physimed inc. c. Prévost (C.A., 2016-05-06), 2016 QCCA 781, SOQUIJ AZ-51285491.
[3] Article 23 du Code des professions.
[4] Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 RCS 17, 2004 CSC 36 (CanLII).
[5] Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 RCS 513, 2006 CSC 48 (CanLII).
[6] Id.
[7] Beaulne c. Kavanagh-Lemire, [1989] R.J.Q. 2343.
[8] Pharmascience inc. c. Binet, précité, note 5.
[9] Grenier c. Avocats (Ordre professionnel des), (T.P., 2008-10-02), 2008 QCTP 177, SOQUIJ AZ-50515962, D.D.E. 2008D-88, [2008] D.D.O.P. 138 (rés.).
[10] Nowodworski c. Ingénieurs, 2001 QCTP 5 (CanLII), 2001 QCTP 005.
[11] Coutu, ès qualités Pharmacien c. Tribunal des professions, 1998 CanLII 9594 (QC CS).
[12] Nowodworski c. Ingénieurs, précité, note 10.
[13] Id.
[14] Marin c. Ingénieurs forestiers, 2002 QCTP 29 (CanLII).
[15] (C.D. Agr., 2005-05-19), SOQUIJ AZ-50318380
[16] Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII).
[17] Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Coutu, précité, note 11.
[18] Bond c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 1996 CanLII 12202 (QC TP).
[19] Chantal Perreault, « L’aveuglement volontaire et l’alter ego comme mode de commission d’une infraction déontologique » 122 (1999) Développements récents en droit professionnel et disciplinaire.
[20] Chauvin c. Beaucage, précité, note 16
[21] Notaires (Corp. professionnelle des) c. Champagne* (T.P., 1992-06-02), SOQUIJ AZ-92041074, D.D.E. 92D-75, [1992] D.D.C.P. 268.
[22] Conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. Blain-Clotteau, 2005 CanLII 79630 (QC CDPPQ).
[23] Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) c. Savoie, 1998 (C.D. Arp., 1998-02-26), SOQUIJ AZ-98041049, D.D.E. 98D-30, [1998] D.D.O.P. 15 (rés.).
[24] Papillon c. Rainville, 1990 D.D.E. 90D-94.
[25] Marin c. Lemay, précité, note 14.
[26] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Belliard, 2007 CanLII 22059 (QC CDBQ).
[27] Marin c. Lemay, précité, note 14. Voir aussi Chené c. Chiropraticiens (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 102 (CanLII) et Dentistes (Ordre professionnel des) c. Terjanian (C.D. Den., 2015-01-27 (culpabilité) et 2015-12-21 (sanction)), SOQUIJ AZ-51153051 ; en appel 700-07-000051-169.
[28] Simoni c. Podiatres, 2002 QCTP 91 (CanLII).
[29] Coutu c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 17 (CanLII).
[30] Bégin c. Comptables en management accrédités (Ordre professionnel des), 2010 QCTP 136 (CanLII).
[31] Langlois c. Geary, 1998 QCTP 1694 (CanLII).
[32] Béliveau c. Barreau, 1992 R.J.Q.1822 (C.A.).
[33] 2006 QCCA 1441 (CanLII).
[34] St-Laurent c. Médecins (Ordre professionnel des), 1997 CanLII 17367 (QC TP).
[35] Laurion c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 59 (CanLII).
[36] Voir Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Carbonneau, 2011 QCTP 29 (CanLII).
[37] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII, 32934 (QC CA).
[38] Royer c. Rioux, ès qualités de syndic, 2004 CanLII 76507 (QC CQ).
[39] Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Carbonneau, précité, note 2.
[40] Id. Voir aussi Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137 (CanLII).
[41] Pigeon c. Daigneault, précité, note 4.
[42] Médecins (Ordre professionnel des) c. Backler, 2012 CanLII 31195 (QC CDCM); Backler c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 135 (CanLII).
[43] Médecins (Ordre professionnel des) c. Rioux, 2011 CanLII 73756 (QC CDCM).
[44] Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 RCS 513, 2006 CSC 48 (CanLII), par. 27.
[45] Papillon c. Rainville, 1990 D.D.E. 90D-94.
[46] Pharmascience inc. c. Binet, précité note 11.
[47] Id., par. 37.
[48] Id., par. 38.
[49] Coutu c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 17 (CanLII).
[50] Marin c. Lemay, 2002 QCTP 029. Voir aussi Chené c. Chiropraticiens (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 102 (CanLII).
[51] Barreau du Québec (Syndic adjoint) c. Belliard, 2007 CanLII 22059 (QC CDBQ).
[52] Simoni c. Podiatres, 2002 QCTP 91 (CanLII).
[53] Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) c. Savoie, 1998 (C.D. Arp., 1998-02-26), SOQUIJ AZ-98041049, D.D.E. 98D-30, [1998] D.D.O.P. 15 (rés.).
[54] Marin c. Lemay, précité note 17.
[55] Conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. Blain-Clotteau, 2005 CanLII 79630 (QC CDPPQ).
[56] Breton c. Comité de discipline de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, 2003 CanLII 7204 (QC CS)
[57] Id.
[58] R. c. Fitzpatrick, 1995 CanLII 44 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 154, p. 176 et 177.
[59] Pharmascience inc. c. Binet, précité note 11.
[60] Barreau du Québec (syndique ad hoc) c. Bouchard, 2013 QCCDBQ 58 (CanLII); Dufour c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 54 (CanLII).
[61] Coutu c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), précité note 16.
[62] Id.
[63] Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Price, 2004 CanLII 72283 (QC CPA); Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Avard, no 09-1998-00367; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Laverdière, no 09-1991-00277; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Beaudreau, no 09-2000-00384.
[64] Terjanian c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 57 (CanLII).
[65] Architectes (Ordre professionnel des) c. Thivierge (C.D. Arc., 2011-08-23 (culpabilité) et 2012-02-06 (sanction)), SOQUIJ AZ-50782182, 2012EXP-1328 ; Notaires (Ordre professionnel des) c. Saint-Amant (C.D. Not., 2003-02-25 (culpabilité) et 2003-04-01 (sanction)), SOQUIJ AZ-50165432 ; Notaires (Ordre professionnel des) c. Duplantie* (C.D. Not., 2002-02-11 (culpabilité) et 2002-06-05 (sanction)), SOQUIJ AZ-50114127 (Requête pour permission d'appeler accueillie (T.P., 2002-10-07) 700-07-000003-020, 2002 QCTP 099, SOQUIJ AZ-50147339. Désistement d'appel (T.P., 2002-11-05) 500-07-000367-023, 2002 QCTP 104, SOQUIJ AZ-50150080. Appel rejeté (T.P., 2003-09-03) 700-07-000003-020, 2003 QCTP 105, SOQUIJ AZ-50191646, D.D.E. 2003D-97, [2003] D.D.O.P. 446) ; Architectes (Ordre professionnel des) c. Morin (C.D. Arc., 2008-03-10 (culpabilité) et 2008-03-10 (sanction)), SOQUIJ AZ-50479236 ; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Garneau (C.D.C.A., 2003-01-30 (culpabilité) et 2003-06-27 (sanction)), SOQUIJ AZ-50164372.
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