Corporation Headway ltée c. Voltaire |
2017 QCRDL 41384 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
328745 31 20170324 G |
No demande : |
2212544 |
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Date : |
20 décembre 2017 |
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Régisseur : |
Robin-Martial Guay, juge administratif |
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Corporation Headway Ltée |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Jean-Renée Voltaire |
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Locataire - Partie défenderesse |
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et |
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OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION de Montréal |
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Partie intéressée |
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit au Tribunal de la Régie du logement, le 24 mars 2017, le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement avec l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel ainsi que les frais judiciaires.
[2] Au soutient de sa demande, le locateur allègue essentiellement que le logement est insalubre et impropre à l’habitation en ce que le locataire ne suit pas les recommandations requises lors des traitements de coquerelles dans le logement. À plusieurs reprises des traitements ont été faits, mais le locataire entretient très mal son logement. Le problème perdure depuis très longtemps. Plusieurs locataires ont quitté ou ont demandé un transfert dans un autre logement. Le problème occasionne de réels problèmes aux autres locataires, ce qui lui cause un préjudice sérieux.
[3] Le 12 octobre 2017, le locateur amende sa demande originaire pour ajouter aux motifs : « Graves problèmes dû à des punaises de lit nous causant des préjudices sérieux. Il y a urgence d’agir pour la salubrité des lieux. Le problème perdure, et ce, depuis 2 ans. »
[4] Il est établi que la demande et l’amendement ont été signifiés par huissier au locataire et à l’OMH de Montréal.
Preuve
[5] La preuve révèle que les parties sont liées par un bail de logement dont le loyer est visé par une subvention de l’OMH de Montréal. Il s’agit d’un bail du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 au loyer mensuel de 654 $.
[6] Le logement concerné est constitué d’un logement de 3½ pièces que le locataire habite seul. Le logement est situé au deuxième étage d’un immeuble comprenant 42 unités de logement.
[7] La preuve prépondérante démontre que le locataire ne respecte pas ses obligations contractuelles et légales, dont notamment celle d’user avec prudence du logement, celle de maintenir les lieux en bon état d’entretien et de propreté et celle de ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
[8] La preuve démontre que le logement est insalubre en ce qu’il est infesté depuis deux ans, soit de punaises de lit soit de blattes, et ce, malgré tous les traitements qui ont été réalisés au logement concerné.
[9] Bien que précédé de consignes écrites laissées au locataire avant les traitements, le locataire ne s’exécute pas et n’applique pas les consignes de l’exterminateur et du locateur. Par conséquent, les traitements d’extermination ne peuvent être faits que partiellement au logement concerné, que d’affirmer l’exterminatrice à l’audience.
[10] Le niveau et l’étendue de l’infestation de blattes ou de punaises de lit au logement concerné rend la tâche impossible à l’exterminateur lorsque confronté à la présence d’objets et de valises au contenu infesté d’insectes, que de souligner l’exterminatrice, madame Guylaine Tremblay.
[11] Enrayer la présence des insectes au logement et dans ceux environnants est impossible en raison de l’indifférence, de la négligence et incurie du locataire, que de souligner la représentante du locateur.
[12] Le concierge de l’immeuble, monsieur Labrosse, qui a lui-même œuvré pendant quinze ans à titre de technicien pour une firme d’extermination et qui accompagne toujours l’exterminatrice du locateur lorsqu’elle se rend faire un traitement dans un logement, endosse les conclusions de l’exterminatrice voulant qu’elle ne pourra jamais enrayer le problème d’infestation au logement concerné et pour cause.
[13] L’exterminatrice et le concierge, monsieur Labrosse, dont l’expertise en matière d’extermination ne fait pas non plus de doute sont unanimes pour dire que le fait que le locataire ramasse, emporte et entrepose dans son logement des objets laissés par d’autres aux ordures ménagères constitue la principale source des punaises et des blattes au logement et, pour tout dire, dans l’immeuble, estiment-ils.
[14] Appuyée de photos du logement prises par l’exterminatrice à différentes époques, celle-ci souligne qu’elle a déjà compté dans le logement jusqu’à trois vieux matelas provenant d’ordures laissées par d’autres. Cela est sans compter deux fauteuils, un canapé et une foule de vieux ordinateurs qui étaient là, en sus du mobilier du locataire (Photos P-2).
[15] Selon l’exterminatrice, l’encombrement généralisé du logement ne permet pas toujours de pratiquer un traitement au logement concerné et les rares fois où le locataire a préparé le logement avec l’aide, soit de sa cousine ou d’un employé dépêché par l’OMH, le traitement se révélait malgré tout inefficace parce que des insectes se trouvaient dans les nombreuses valises qu’il n’avait pas pris soin de désinfecter avant le traitement, tel qu’il en avait été requis.
[16] L’exterminatrice souligne qu’à chacune de ses visites au logement, elle et le concierge constatent des amas de vaisselle sale laissée sur les comptoirs et dans l’évier de cuisine. Elle affirme avoir aussi constaté la présence d’eau stagnante dans l’évier ainsi que des excréments de blattes en nombre inquiétant sur les parois intérieures du cap du distributeur d’eau (photos P-2).
[17] Le comportement du locataire empêche l’extermination complète et définitive des insectes qui sont omniprésents au logement. Non seulement le locataire ne collabore pas avec le locateur et l’exterminateur, il se montre totalement indifférent aux injonctions du locateur et de l’exterminatrice de ne pas ramasser et entreposer chez lui des objets laissés aux ordures par d’autres.
[18] Là où le bât blesse, c’est que le locataire nie qu’il y ait un problème d’insectes dans son logement et lorsque confronté à la réalité, il en impute la présence aux autres locataires de l’immeuble, alors que c’est tout le contraire selon l’exterminatrice.
[19] La représentante du locateur souligne que malgré l’intervention de l’OMH de Montréal qui a dépêché quelqu’un au logement pour la préparation du logement en prévision de traitements d’extermination, mais aussi de celle d’une cousine du locataire, le locataire a récidivé à maintes reprises.
[20] Toujours selon la représentante du locateur, madame Gaétane Morin, le locataire n’use pas des lieux avec prudence et diligence en ce que le logement est encombré et maintenu dans un état de malpropreté généralisée;
[21] C’est ainsi que confrontée à l’indifférence du locataire face à ses demandes répétées de nettoyer son logement ou de le préparer adéquatement en prévision d’un traitement d’extermination contre les punaises de lit ou de blattes, elle déposait en date du 24 mars 2017, la présente demande de résiliation de bail.
[22] Les trois témoins qui ont été entendus dans la présente affaire sont unanimes pour dire qu’ils gardent le souvenir d’un logement malpropre aux planchers sales où la vaisselle s’empile dans l’évier et sur les comptoirs et dont chacune des pièces est en désordre et encombré. Le divan, le fauteuil et le lit sont encombrés d’objets et de vêtements.
[23] Toujours selon les témoins que sont la représentante du locateur, l’exterminatrice, mais aussi le concierge de l’immeuble, le logement concerné est dans un état de malpropreté généralisée et insalubre. Les punaises de lit et les blattes y ont élu domicile en permanence.
[24] Ce constat transpire du contenu de l’historique des traitements faits et préparé par l’exterminatrice (Pièce P-1), mais aussi des rapports des traitements d’extermination pratiqués plus récemment, soit depuis septembre 2017 (Pièces P-2 à P-7).
[25] Malgré le dépôt de la demande devant la Régie le 24 mars 2017 et de l’amendement du 12 octobre 2017, la représentante du locateur affirme qu’elle est toujours inquiète de la situation qui prévaut au logement, surtout que les autres locataires du même étage ont vu leur logement contaminé et investi par les insectes.
Droit applicable et discussion
[26] Selon les articles 1855, 1860 et 1911 du Code civil du Québec, le locataire est tenu, pendant toute la durée du bail, d’user du bien loué avec prudence et diligence, de maintenir le logement en bon état de propreté et de ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
[27] Le Code civil du Québec oblige le locateur, mais aussi le locataire, en matière de salubrité et d’habitabilité du logement. C’est ainsi qu’un locataire ne peut, par son seul fait, rendre le logement insalubre, inhabitable non plus qu’impropre à l’habitation au sens de l’alinéa 2 de l’article 1913.
[28] Chapeauté du titre « salubrité », l’article 25-1 du Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements #03-096 de la Ville de Montréal, prohibe, pour sa part, la malpropreté ou l’encombrement d’un logement en édictant ce qui suit:
« 25. Un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la sécurité des résidents ou du public en raison de l’utilisation qui en est faite ou de l’état dans lequel il se trouve.
Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :
La malpropreté, la détérioration ou l’encombrement d’un bâtiment principal, d’un logement ou d’un bâtiment accessoire; »
[29] Le paragraphe 1o de l'article 1912 du Code civil du Québec dispose que le locataire, comme le locateur d’ailleurs, ne peut manquer à une obligation imposée par la Loi relativement à la sécurité ou à la salubrité du logement sans que le manquement ne donne ouverture aux mêmes recours que ceux relatifs à un manquement à une obligation du bail.
[30] Il importe aussi de rappeler qu’à ces obligations vient s’ajouter l'obligation générale pour un locataire de collaborer et de ne pas nuire au locateur dans l'accomplissement des devoirs de ce dernier. En tout temps, un locataire ne doit pas agir de manière à excéder ses droits ou en user de façon déraisonnable et excessive. Il est tenu d’agir de bonne foi tout au long de l’exécution du contrat de bail, tels que l’exigent les articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec.
[31] En corolaire de ce qui précède, l’article 1863 du Code civil du Québec édicte qu’une partie peut, en cas d’inexécution d'une obligation par l'autre partie, demander, entre autres, la résiliation du bail si le manquement cause un préjudice sérieux.
[32] Le locateur demande au Tribunal de sanctionner par la résiliation du bail, les manquements du locataire à ses obligations découlant du Code civil du Québec et de la réglementation municipale de la Ville de Montréal.
[33] C’est là dire que locateur demande au Tribunal d’appliquer aux manquements du locataire, les dispositions de l’article 1863(1) du Code civil du Québec et de résilier le bail du logement concerné.
[34] L’article 1863(1) du Code civil du Québec édicte ce qui suit :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, à la locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[35] Tel que susdit, en présence d'un manquement du locataire à ses obligations, le locateur peut notamment exiger la résiliation du bail, dans la mesure où il est établi que l'inexécution par le locataire des obligations qui lui incombent cause un préjudice sérieux.
[36] Dans le présent cas, il résulte de l’ensemble de la preuve tant testimoniale que documentaire non contestée que le locateur peut, à bon droit, réclamer le remède prévu par l’article 1863 du Code civil du Québec et que soit prononcée la résiliation du bail compte tenu du préjudice sérieux que lui et les autres locataires de l’immeuble subissent en raison des manquements démontrés du locataire à ses obligations.
[37] En effet, la preuve révèle que le locataire pose un problème grave d’hygiène dans son logement en raison de la présence continue de punaises de lit ou de blattes, mais aussi en raison du désordre général qui y règne, de l’encombrement qui le caractérise et de son état de malpropreté.
[38] Par son manque d’hygiène continu et contemporain, son indifférence et son insouciance à l’égard des autres locataires de l’immeuble, plus particulièrement ceux des sept autres logements de son étage, le locataire porte gravement atteinte à la jouissance normale des lieux de ces autres locataires et compromet la qualité de vie de ceux-ci.
[39] La situation qui prévaut au logement concerné impacte aussi sur la santé et la sécurité des autres locataires et occupants de l’immeuble.
[40] L’indifférence et l’insouciance démontrées par le locataire jusqu’à ce jour pour que soient éradiqués les insectes dans son logement et pour que celui-ci soit maintenu propre et dépourvu de tout encombrement cristallisent le défaut du locataire à son obligation de maintenir le logement dans un bon état de propreté et d’entretien, d’user, en tout temps, du logement avec prudence et diligence et de ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
[41] De la même manière, la preuve démontre que le locataire maintient le logement dans un état qui ne respecte pas le Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements #03-096 de la Ville de Montréal.
[42] En l’espèce, la preuve prépondérante démontre que le locataire contrevient à ses obligations légales issues des dispositions du Code civil du Québec, ainsi qu’au règlement de la Ville de Montréal précité avec répercussions sérieuses, préjudiciables et actuelles pour le locateur et les autres locataires de l’immeuble.
[43] Certains ont déjà quitté l’immeuble, alors que d’autres menacent de le faire si rien n’est fait pour enrayer définitivement le problème.
[44] Il va s’en dire que les conséquences immédiates pour le locateur et les autres locataires consacrent le préjudice sérieux qu’ils subissent en raison des manquements du locataire à ses obligations, ainsi qu’en raison de son incapacité démontrée et de son refus de collaborer avec le locateur et les exterminateurs chargés d’éradiquer les punaises de lit et les blattes au logement concerné.
[45] Malgré les nombreuses démarches du locateur et de la firme d’extermination, le locataire refuse ou néglige de collaborer avec le locateur et ses représentants pour que soient éradiquées les punaises de lit et les blattes au logement.
[46] Par son refus, sa négligence et son incapacité d’appliquer les consignes reçues pour la préparation du logement précédant un traitement d’extermination, le locataire manque à ses devoirs et obligations et cause un sérieux préjudice au locateur ainsi qu’aux autres locataires de l’immeuble.
[47] Le comportement du locataire et son défaut répété de collaborer avec le locateur et l’exterminateur sont responsables de la propagation de punaises de lit et de blattes dans d’autres logements de l’immeuble.
[48] Dans le présent cas, il résulte de l’ensemble de la preuve non contestée que le locataire manque à ses obligations par son hygiène défaillante au logement, par l’état d’encombrement et de malpropreté de celui-ci, par son comportement, ses omissions et son absence de collaboration avec le locateur pour et en vue d’éradiquer les punaises de lit et les blattes au logement avec pour conséquence immédiate qu’il cause un préjudice sérieux au locateur et aux autres locataires et occupants de l’immeuble; justifiant la résiliation du bail par application de l’article 1863 du Code civil du Québec.
[49] Après analyse de l’ensemble de la preuve tant testimoniale que documentaire, le Tribunal juge que le locateur est en droit d’obtenir le remède prévu par l’article 1863 du Code civil du Québec et que soient prononcées la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement concerné.
[51] Quant à la demande d’exécution provisoire de la décision, le Tribunal juge que celle-ci n’est pas justifiée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement, L.R.Q., c. R-8.1.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[52] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion du locataire et des occupants du logement concerné;
[53] CONDAMNE le locataire à payer au locateur 83 $ pour les frais judiciaires et de signification.
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Robin-Martial Guay |
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Présence(s) : |
la mandataire du locateur |
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Date de l’audience : |
5 décembre 2017 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.