Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc.

2023 QCCA 63

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-09-010435-219

(200-17-028883-197)

 

DATE :

20 janvier 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

 

VILLE DE QUÉBEC

APPELANTE – défenderesse

c.

 

PARADIS AMÉNAGEMENT URBAIN INC.

INTIMÉE – demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Jacques Babin), qui, le 8 novembre 2021, accueille la demande en justice de l’intimée et, entre autres conclusions, déclare que l’intimée a droit à une compensation à être déterminée ultérieurement pour perte de profits.

[2]                Pour les motifs de la juge Gagné, auxquels souscrivent les juges Levesque et Cotnam, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE l’appel, avec les frais de justice;

[4]                INFIRME le jugement de première instance; et procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu;

[5]                REMPLACE le dispositif de ce jugement par le suivant :

REJETTE la demande en justice de la demanderesse, avec les frais de justice.

 

 

 

 

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

Me Daniel Blondin Stewart

Me Émilie Morissette

GIASSON ET ASSOCIÉS

Pour l’appelante

 

Me Keven Laverdière

KSA, AVOCATS

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

10 juin 2022


 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE GAGNÉ

 

 

  1. Survol

[6]                Le 23 août 2018, à la suite d’un appel d’offres public, la Ville de Québec (« Ville ») octroie un contrat de construction à P.E. Pageau inc. (« Pageau »).

[7]                Paradis aménagement urbain inc. (« Paradis ») soutient que la soumission de Pageau n’était pas conforme aux documents de l’appel d’offres et que le contrat n’aurait pas dû lui être octroyé. Elle poursuit la Ville en dommages-intérêts pour perte de profits, alléguant avoir déposé la plus basse soumission conforme.

[8]                Résumé à sa plus simple expression, le litige consiste en ceci. Au moment de soumissionner, Pageau détenait la sous-catégorie de licence d’entrepreneur général 1.4 (Entrepreneur en routes et canalisation), mais pas la sous-catégorie 1.3 (Entrepreneur en bâtiments de tout genre). Paradis, elle, détenait les deux. Il s’agit de décider si la souscatégorie 1.4, qui autorise les « travaux de construction similaires ou connexes », autorisait Pageau à faire exécuter certains travaux d’électricité. Si oui, la soumission de Pageau était conforme. Si non, elle ne l’était pas et le plus bas soumissionnaire conforme était Paradis.

[9]                Le 7 juin 2019, l’instance est scindée afin que la Cour supérieure se prononce d’abord sur les questions suivantes :

  • La soumission de l’entrepreneur ayant obtenu le contrat [Pageau] était-elle conforme aux documents de l’Appel d’offres?
  • Dans la négative, la demanderesse [Paradis] était-elle le plus bas soumissionnaire conforme à l’Appel d’offres?

[10]           Le 8 novembre 2021, le juge de première instance accueille la demande en justice de Paradis et prononce les conclusions suivantes :

[113]  DÉCLARE que la soumission de P.E. Pageau inc. n'était pas conforme aux documents d'appel d'offres de la défenderesse;

[114]  DÉCLARE que la défenderesse a commis une faute en attribuant le contrat à P.E. Pageau inc.;

[115]  DÉCLARE que la demanderesse a déposé la plus basse soumission conforme à l'appel d'offres et que le contrat aurait dû lui être octroyé;

[116]  DÉCLARE que la demanderesse a droit à une compensation à être déterminée ultérieurement pour sa perte de profits, pour laquelle le soussigné réserve sa juridiction;[1]

[11]           La Ville porte ce jugement en appel, avec la permission d’une juge de la Cour[2].

[12]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir l’appel. Les travaux d’électricité en cause étaient connexes à ceux compris dans la sous-catégorie de licence d’entrepreneur général 1.4 et Pageau pouvait les faire exécuter par un entrepreneur spécialisé en électricité. Le juge a donc erré en concluant que la soumission de Pageau n’était pas conforme aux documents de l’appel d’offres.

  1. Faits

[13]           Les faits ne sont pas contestés, les parties ayant procédé par admissions. Il suffit d’en rappeler l’essentiel.

[14]           Le 26 juin 2018, la Ville lance l’appel d’offres public numéro 52243 pour le projet « Pavillon du commerce – Aire d’approvisionnement et aménagements périphériques ». L’avis aux soumissionnaires décrit ainsi la nature des travaux :

1.2.1 Localisation et nature des travaux

Les travaux visés par le présent contrat se situent au 250, boulevard Wilfrid-Hamel dans l’arrondissement de La Cité-Limoilou et consistent au prolongement de l'esplanade, en la réfection de l’axe Jalobert, en l'aménagement de l'allée est-ouest et en la construction d’une aire d'approvisionnement.

Ces travaux comprennent, sans s’y limiter :

  • La modification de certaines infrastructures souterraines;
  • La modification des infrastructures de surfaces;
  • La pose de revêtement bitumineux, de bordures, de pavés de béton, de trottoirs, de mobilier urbain et de plantation.

[15]           Les travaux d’électricité qui sont au cœur du litige sont prévus aux points suivants de la formule de soumission :

  • 10.1 : Alimentation et raccordement des bornes rétractables;
  • 17.2 : Installation et alimentation des bornes rétractables;
  • 17.5 : Alimentation du cabinet électrique (via la salle électrique du grand marché).

[16]           Les documents de l’appel d’offres ne précisent pas les sous-catégories de licences requises pour la réalisation des travaux. L’article 2.2.9 du cahier des charges administratives générales indique seulement ceci :

2.2.9 Licence d’entrepreneur

Le soumissionnaire doit démontrer qu’il détient la licence d’entrepreneur délivrée en vertu de la Loi sur le bâtiment du Québec (RLRQ, c. B-1.1), attestant qu’il possède la ou les sous-catégories requises pour la réalisation des travaux décrits dans les documents d’appel d’offres.

[17]           Le 18 juillet 2018, la Ville procède à l’ouverture des soumissions. Pageau et Paradis sont respectivement la plus basse et la deuxième plus basse soumissionnaires[3].

[18]           Le même jour, Paradis s’enquiert des intentions de la Ville et l’avise que la souscatégorie de licence 1.3 (Entrepreneurs en bâtiments de tout genre) est requise pour faire exécuter des travaux d’électricité à l’intérieur du bâtiment existant, soit les travaux prévus aux points 10.1, 17.2 et 17.5 de la formule de soumission.

[19]           La Ville répond à Paradis qu’elle fera « les vérifications nécessaires afin d’octroyer la commande au plus bas soumissionnaire conforme ». Le 23 août 2018, elle octroie le contrat à Pageau.

[20]           Vers le 19 septembre 2018, deux jours après le début des travaux, la Ville émet une directive qui annule les travaux électriques à l’intérieur du bâtiment (ceux prévus aux points 10.1, 17.2 et 17.5 de la formule de soumission). Le sous-traitant en électricité de Pageau exécutera ces travaux à l’extérieur du bâtiment, à partir de boîtiers en acier inoxydable fournis par la Ville. Cette directive et les crédits afférents sont sans incidence sur l’ordre des soumissionnaires.

  1. Analyse
  1. Les dispositions législatives et réglementaires pertinentes

[21]           Comme l’indique le juge, la Loi sur le bâtiment[4] est une loi d’ordre public qui vise principalement à assurer la qualité des travaux de construction, la sécurité du public ainsi que la qualification professionnelle des intervenants du milieu de la construction[5].

[22]           Je reproduis les articles 3, 4, 6 et 11 du Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires qui me paraissent les plus pertinents au débat[6] :

3.  Les catégories de licences sont les suivantes :

 entrepreneur général;

 constructeur-propriétaire général;

 entrepreneur spécialisé;

 constructeur-propriétaire spécialisé.

 

4.  La licence d’entrepreneur général est requise de tout entrepreneur dont l’activité principale consiste à organiser, à coordonner, à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, des travaux de construction compris dans les sous-catégories de licence de la catégorie d’entrepreneur général, ou à faire ou à présenter des soumissions, personnellement ou par personne interposée, dans le but d’exécuter ou de faire exécuter, en tout ou en partie, de tels travaux.

 

6.  La licence qui établit la qualification professionnelle du titulaire dans une sous-catégorie de la catégorie d’entrepreneur général ou de constructeur-propriétaire général autorise ce dernier à exécuter ou à faire exécuter les travaux de construction compris dans cette sous-catégorie.

Toutefois, une licence d’entrepreneur général ou de constructeur-propriétaire général n’autorise son titulaire à exécuter des travaux de construction compris dans une sous-catégorie de licence prévue à l’annexe II que si cette sous-catégorie de licence est mentionnée dans une sous-catégorie de la licence dont il est titulaire.

 

11.  Les travaux de construction connexes autorisés par une sous-catégorie de licence prévue à l’annexe I, II ou III doivent être exécutés lors de travaux compris dans cette sous-catégorie de licence.

Le titulaire d’une sous-catégorie de licence peut exécuter des travaux de construction similaires ou connexes à ceux compris dans sa sous-catégorie de licence sauf lorsque ces travaux sont réservés exclusivement aux maîtres mécaniciens en tuyauterie et aux entrepreneurs en électricité.

3.  The licence classes are as follows:

(1) general contractor;

(2) general owner-builder;

(3) specialized contractor;

(4) specialized owner-builder.

 

4.  A general contractor’s licence is required of any contractor whose main activity consists in organizing, coordinating, carrying out or having carried out, in whole or in part, construction work in the licence subclasses in the general contractor class, or in making or submitting tenders personally or through an intermediary for the purpose of carrying out or having such work carried out in whole or in part.

 

 

6.  The licence that qualifies the holder in a subclass in the general contractor or general owner-builder class authorizes the holder to carry out or have construction work carried out in that subclass.

 

Despite the foregoing, a general contractor’s or general owner-builder’s licence authorizes its holder to carry out construction work in a licence subclass in Schedule II only if that licence subclass is mentioned in a subclass of the licence held.

 

 

 

11.  Related construction work authorized by a licence subclass in Schedule I, II or III must be carried out at the same time as work in that licence subclass.

 

The holder of a licence subclass may carry out construction work that is similar or related to work in the licence subclass, except work reserved exclusively for master pipe-mechanics and electrical contractors.

 

[23]           Par ailleurs, l’annexe I du Règlement prévoit les sous-catégories de licences de la catégorie d’entrepreneur général. Les travaux de construction autorisés par les souscatégories de licences 1.3 et 1.4 sont décrits ainsi :

1.3 Entrepreneur en bâtiments de tout genre

Cette sous-catégorie autorise les travaux de construction de tout bâtiment, y compris ceux de la sous-catégorie 1.2, et les travaux de construction des structures gonflables visées au paragraphe 2 de l’article 3.4 du Règlement d’application de la Loi sur le bâtiment.

Elle autorise également les travaux de construction qui concernent un bâtiment résidentiel neuf visé à la présente sous-catégorie mais uniquement si les travaux sont exécutés en sous-traitance pour le compte du titulaire d’une licence de la sous-catégorie 1.1.1 ou de la sous-catégorie 1.1.2.

De plus, cette sous-catégorie autorise les travaux de construction compris dans les sous-catégories 2.6, 3.1, 4.1, 5.1 et 6.1 de l’annexe II, lorsqu’ils concernent un bâtiment ou une structure gonflable visé à la présente sous-catégorie.

Enfin, elle autorise les travaux de construction similaires ou connexes.

1.4 Entrepreneur en routes et canalisation

Cette sous-catégorie autorise les travaux de construction qui concernent les routes et les voies publiques, les égouts, les aqueducs, les pipelines, les ouvrages ferroviaires et les tunnels.

Elle autorise également les travaux de construction compris dans les souscatégories 3.1, 4.1, 5.1 et 6.1 de l’annexe II, lorsqu’ils concernent un ouvrage de génie civil visé à la présente sous-catégorie.

De plus, cette sous-catégorie autorise les travaux de construction compris dans la sous-catégorie 1.6, mais uniquement pour les faire exécuter, lorsqu’ils concernent un ouvrage de génie civil visé à la présente sous-catégorie.

Enfin, elle autorise les travaux de construction similaires ou connexes.

[24]           Comme mentionné précédemment, il s’agit de décider si les travaux d’électricité prévus aux points 10.1, 17.2 et 17.5 de la formule de soumission sont des « travaux de construction similaires ou connexes » au sens du dernier alinéa de la sous-catégorie de licence 1.4. Si oui, Pageau pouvait, en tant qu’entrepreneur général, les faire exécuter par un sous-traitant (et non les exécuter elle-même).

[25]           Incidemment, il est admis que seul un entrepreneur spécialisé détenant la souscatégorie de licence 16 (Entrepreneur en électricité) pouvait exécuter les travaux d’électricité prévus dans le contrat, incluant ceux prévus aux points 10.1, 17.2 et 17.5 de la formule de soumission. Autrement dit, même Paradis, qui détenait la sous-catégorie de licence 1.3, n’aurait pas pu exécuter ces travaux elle-même.

  1. La notion de travaux de construction similaires ou connexes

[26]           Le juge retient l’argument de Paradis selon lequel les « travaux de construction similaires ou connexes » autorisés par le dernier alinéa de la sous-catégorie de licence 1.4 doivent faire partie de ceux compris dans cette sous-catégorie. Il écrit à ce sujet :

[46]  En effet, plaide-t-il [Paradis], pour que des travaux soient considérés connexes ou similaires pour un entrepreneur général, ils doivent faire partie de ceux qu'il peut organiser, coordonner, exécuter et faire exécuter en fonction de la sous-catégorie de licence qu'il possède, conformément aux articles 4, 6 et 11 du Règlement.

[47]  En effet, tel que le précise bien l'article 11 du Règlement, encore faut-il que ces travaux connexes soient compris dans la sous-catégorie de licence qu'il détient, c'est-à-dire les travaux qu'il peut lui-même organiser, coordonner, exécuter ou faire exécuter en fonction de la sous-catégorie de licence qu'il possède.[7]

[27]           Avec égards, il s’agit d’un argument circulaire qui prive de tout effet utile le dernier alinéa de la sous-catégorie de licence 1.4. Pour que cet alinéa ait quelque effet, les travaux de construction visés doivent être similaires ou connexes à ceux compris dans cette souscatégorie, et non être déjà compris dans celle-ci.

[28]           Ainsi, l’entrepreneur général qui détient la sous-catégorie de licence 1.4 peut exécuter ou faire exécuter les travaux de construction qui concernent certains ouvrages de génie civil (routes, voies publiques, égouts, aqueducs, pipelines, ouvrages ferroviaires et tunnels), de même que les travaux compris dans certaines sous-catégories de l’annexe II (3.1 Entrepreneur en structures de béton; 4.1 Entrepreneur en structures de maçonnerie; 5.1 Entrepreneur en structures métalliques et éléments préfabriqués de béton; et 6.1 Entrepreneur en charpente de bois) lorsqu’ils concernent un ouvrage de génie civil visé à cette sous-catégorie. Il peut également faire exécuter les travaux compris dans la sous-catégorie 1.6 (Entrepreneur en ouvrages de génie civil immergés), encore ici, lorsqu’ils concernent un ouvrage de génie civil visé à la sous-catégorie 1.4. Enfin, il peut exécuter ou faire exécuter les travaux similaires ou connexes à ceux compris dans cette sous-catégorie.

[29]           Dans le cas de travaux similaires ou connexes, l’entrepreneur général doit respecter les conditions de l’article 11 du Règlement que je reproduis de nouveau par commodité[8] :

11.  Les travaux de construction connexes autorisés par une sous-catégorie de licence prévue à l’annexe I, II ou III doivent être exécutés lors de travaux compris dans cette sous-catégorie de licence.

Le titulaire d’une sous-catégorie de licence peut exécuter des travaux de construction similaires ou connexes à ceux compris dans sa sous-catégorie de licence sauf lorsque ces travaux sont réservés exclusivement aux maîtres mécaniciens en tuyauterie et aux entrepreneurs en électricité.

11.  Related construction work authorized by a licence subclass in Schedule I, II or III must be carried out at the same time as work in that licence subclass.

The holder of a licence subclass may carry out construction work that is similar or related to work in the licence subclass, except work reserved exclusively for master pipe-mechanics and electrical contractors.

 

[Caractères gras ajoutés]

[30]           Je souligne que le législateur lui-même renvoie aux travaux de construction similaires ou connexes à ceux compris dans la sous-catégorie de licence. À mon avis, le second alinéa de cet article signifie que lorsque les travaux de construction similaires ou connexes sont réservés exclusivement aux maîtres mécaniciens en tuyauterie ou aux entrepreneurs en électricité, l’entrepreneur général doit les faire exécuter par un entrepreneur spécialisé qui détient la sous-catégorie de licence requise. Il ne peut les exécuter lui-même, à moins de détenir aussi cette sous-catégorie de licence.

[31]           Cette interprétation est conforme à celle retenue par la Cour dans Directrice des poursuites criminelles et pénales c. Climatisation B.S. inc.[9]. Dans cet arrêt, la Cour était saisie de la question de savoir si un entrepreneur spécialisé en ventilation et en réfrigération avait dépassé les limites de ses sous-catégories de licences en faisant exécuter des travaux d’électricité par un entrepreneur en électricité. Comme ici, les souscatégories de licences détenues par l’entrepreneur spécialisé (15.8 et 15.10 de l’annexe III du Règlement) autorisaient « les travaux de construction similaires ou connexes ». Les travaux d’électricité en cause consistaient à remplacer les panneaux de distribution électrique requis pour procéder à l’installation de thermopompes.

[32]           La Cour s’exprime ainsi sur le sens de la Loi et du Règlement :

[22]  The plain meaning of the Act and the Regulation may be stated in three points. First, no contractor can perform construction work of any kind without an appropriate licence. Second, for the completion of work within the terms of his licence, a specialized contractor in one type of work may sub-contract to another specialized contractor a part of the work that is reserved exclusively to the holder of that specialized licence. Third, a specialized contractor must sub-contract work to another specialized contractor to perform work if that work is within the terms of the licence held exclusively by the sub-contractor. Section 11 of the Regulation makes clear that the respondent could do so only by engaging a specialized electrical contractor, which is what the respondent did. The respondent in no way performed work reserved to an electrical contractor. He was bound to complete projects in which electrical work was an essential component, and a necessary step in the completion of his contracts in ventilation and refrigeration, but the respondent did not engage in related work that is reserved exclusively to a specialized electrical contractor.[10]

Et sur la notion de « travaux similaires ou connexes » :

[24]  The words mean only work that is similar or related to the work for which a specialized contractor already has a licence. This is confirmed by the second paragraph of section 11 of the Regulation but it is also consistent with the stated purposes of the Act. The work of each specialized contractor must remain within the scope of authorization for that subclass. The purpose of qualifying this limitation by allowing work that is similar or related to that subclass is twofold. First, the language of the Regulation that defines the authorization of each subclass cannot be so precise as to enumerate in a finite and exhaustive list all of the functions that may be necessary for work in that subclass. Second, and for the same reason, the words in question allow a specialized contractor some flexibility for the accomplishment of its work, provided that it remains within the subclass for which it holds a licence.

[25]  The work performed by the specialized sub-contractor was not similar or related to that authorised in the respondent’s licence simply because it was required for the work that the respondent was contractually bound to perform. It was necessary for the respondent, as a specialized contractor with no licence as an electrical contractor, to engage a specialized electrical contractor to perform work that only his subclass permits under the Regulation. But it does not follow that by sub-contracting the electrical work the respondent engaged in electrical work. Thus the meaning of similar or related work might raise a question whether a specialized contractor has stepped outside the terms of the licence that it holds but that will be typically be a question of degree to assess in the particular circumstances of the given case. The meaning of that phrase has significance in relation to the scope of each specialized contractor’s licence, not to the broader contractual undertaking within which specific work is performed. For present purposes the only general proposition that can be stated is that a specialized contractor does not perform reserved work by sub-contracting work that falls within the terms of a licence defined by the Regulation for a different type of specialized contractor. Again, that is not what happened when the respondent engaged a qualified electrical contractor to perform work reserved exclusively to specialized electrical contractors.[11]

[Caractères gras ajoutés]

[33]           En somme, seul un entrepreneur spécialisé détenant la sous-catégorie de licence 16 (Entrepreneur en électricité) peut exécuter des travaux d’électricité. Lorsque ces travaux sont similaires ou connexes à ceux compris dans sa sous-catégorie de licence, l’entrepreneur, général ou spécialisé, ne peut les exécuter lui-même, à moins de détenir aussi la sous-catégorie de licence 16.

[34]           Il se dégage également de l’arrêt Climatisation B.S. que la notion de « travaux similaires ou connexes » se veut souple afin de permettre aux entrepreneurs de faire exécuter les travaux qui présentent un lien étroit avec ceux compris dans leur souscatégorie de licence. Par ailleurs, comme la Cour le précise, la connexité est une affaire de degré et chaque cas en sera un d’espèce.

[35]           Le juge ici s’appuie sur le jugement rendu par le juge Éric Hardy dans l’affaire P.E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec[12]. Dans cette affaire, qui impliquait le même entrepreneur général, l’appel d’offres public visait le réaménagement des voies d’entrées du Parc de la Chute-Montmorency et les travaux comprenaient la construction de trois bâtiments pour les nouvelles guérites et l’installation d’un nouveau système de contrôle d’accès et de paiement. Le juge Hardy décrit ainsi les bâtiments en question :

[9]  Le premier des trois bâtiments à être construits est le principal poste d’accueil des 800 000 visiteurs que la Sépaq reçoit chaque année au Parc de la Chute-Montmorency. Les dimensions du bâtiment principal sont de 4,035 m x 5,235 m. Il est isolé, climatisé et chauffé. Il abrite un petit bureau, une toilette et une cuisine. Deux préposés de la Sépaq y travaillent à chaque quart de travail. Les deux autres bâtiments sont plus petits. Leurs dimensions sont de 1,965 m x 2,580 m. Tout comme le premier, ils sont isolés, chauffés et climatisés. Un seul employé y travaille à la fois. Ces trois bâtiments sont déposés sur des pieux.[13]

[Renvois omis]

[36]           Le juge Hardy conclut que ces travaux ne sont pas connexes à ceux compris dans la sous-catégorie de licence 1.4 (Entrepreneur en routes et canalisation). Il écrit à ce sujet, se référant à l’arrêt Climatisation B.S. :

[34]  Sont-ils cependant connexes? Le Tribunal ne croit pas. D’abord, comme l’écrit la Cour d’appel dans l’extrait de son arrêt reproduit au paragraphe 27 du présent jugement, des travaux ne sont pas connexes simplement parce que leur exécution est requise aux termes du contrat liant l’entrepreneur au donneur d’ouvrage. La connexité qui doit exister est celle entre les travaux de construction dont il est question et non entre deux ouvrages distincts au sein d’un même projet immobilier.

[35]  De l’avis du Tribunal, les travaux connexes sont ceux qui sont sous-jacents aux travaux principaux ou, du moins, qui sont requis pour assurer ou accroître leur fonctionnalité, qualité ou pérennité, comme l’étaient les travaux d’installation de nouveaux panneaux de distribution électrique pour alimenter les thermopompes : « [he] was bound to complete projects in which electrical work was an essential component ». Sans panneaux ayant un ampérage suffisant, les thermopompes ne pouvaient fonctionner. À n’en pas douter, un rapport étroit existait entre les deux.

[36]  Ici, les automobilistes n’ont pas besoin des trois bâtiments pour accéder au site du Parc de la Chute-Montmorency. Les voies d’accès suffisent. Ces bâtiments ne sont pas davantage requis pour assurer ou accroître la qualité ou la pérennité de ces voies d’accès. La présence de ces bâtiments est nécessaire pour contrôler l’accès au site et pour accueillir ses visiteurs. Certes, l’ensemble fait partie d’un même projet et d’un même appel d’offres. Il est aussi destiné à faire l’objet d’un même contrat. Cependant, les voies d’entrées et les bâtiments sont des œuvres indépendantes l’une de l’autre au même titre qu’une halte routière l’est à l’égard de l’autoroute au bord de laquelle elle est située. Le seul fait que la présence de la halte routière soit rendue nécessaire du fait de l’autoroute ne fait pas en sorte que les travaux de construction de l’une et de l’autre sont connexes au sens du Règlement.[14]

[Renvois omis]

[37]           Je suis entièrement d’accord avec l’interprétation que le juge Hardy donne à la notion de travaux connexes. Les faits de cette affaire étaient toutefois fort différents de la situation qui nous occupe.

[38]           En appliquant mutatis mutandis le jugement rendu dans l’affaire P.E. Pageau[15], le juge, à mon avis, a commis une erreur manifeste et déterminante qui justifie l’intervention de la Cour.

  1. La connexité des travaux d’électricité en cause

[39]           Personne ne conteste que la sous-catégorie de licence 1.4 autorisait Pageau à faire installer des bornes rétractables à l’extérieur du Pavillon du commerce. Les travaux d’électricité prévus aux points 10.1, 17.2 et 17.5 de la formule de soumission consistaient essentiellement à « [f]ournir, installer et raccorder tout le matériel nécessaire pour l’installation des bornes rétractables (conduits, filage, etc.) » ainsi que « tout le matériel nécessaire à l’installation du cabinet extérieur (conduit, filage, etc.) ». Ces travaux électriques étaient sans conteste des travaux connexes et sous-jacents aux travaux d’aménagements extérieurs, comme l’étaient les travaux d’installation de nouveaux panneaux de distribution électrique pour alimenter les thermopompes dans l’arrêt Climatisation B.S.

[40]           Contrairement au juge[16], j’estime que le fait que les raccordements ont été effectués à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur du bâtiment confirme que le lieu des raccordements n’était pas un élément déterminant. Il ne s’agissait pas de construire de nouveaux bâtiments, comme dans l’affaire P.E. Pageau, mais simplement d’utiliser les installations électriques qui se trouvaient à l’intérieur du bâtiment existant pour alimenter les bornes rétractables et le cabinet extérieur. Ces travaux d’alimentation et de raccordement présentaient un lien étroit avec l’objet principal du contrat, lequel était compris dans la sous-catégorie de licence 1.4.

[41]           Bref, les travaux d’électricité en cause étaient connexes à ceux compris dans la sous-catégorie de licence d’entrepreneur général 1.4 et Pageau pouvait les faire exécuter par un entrepreneur spécialisé en électricité. Le juge a donc erré en concluant que la soumission de Pageau n’était pas conforme aux documents de l’appel d’offres.

  1. Conclusion

Pour ces motifs, je propose d’accueillir l’appel, d’infirmer le jugement de première instance et de rejeter la demande en justice de Paradis, avec les frais de justice tant en première instance qu’en appel.

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 


[1]  Paradis aménagement urbain inc. c. Ville de Québec, 2021 QCCS 5479, paragr. 113-116 [Jugement entrepris].

[2] Ville de Québec c. Paradis aménagement urbain inc., 2022 QCCA 186 (Cotnam, j.c.a.).

[3] La soumission de Pageau est de 1 630 193,58 $ et celle de Paradis, de 1 730 492,17 $.

[4] Loi sur le bâtiment, RLRQ, c. B-1.1 [Loi].

[5] Jugement entrepris, paragr. 19, se référant à l’article 1 de la Loi.

[6]  Règlement sur la qualification professionnelle des entrepreneurs et des constructeurs-propriétaires, RLRQ, c. B-1.1, r. 9, art. 3-4, 6, 11 [Règlement].

 

[7]  Jugement entrepris, paragr. 46-47.

[8]  Règlement, supra, note 6, art. 11.

[9] Directrice des poursuites criminelles et pénales c. Climatisation B.S. inc., 2018 QCCA 2224 [Climatisation B.S.].

[10]  Id., paragr. 22.

[11]  Id., paragr. 24-25.

[12] P.E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec, 2019 QCCS 3938 [P.E. Pageau].

[13]  Id., paragr. 9.

[14]  Id., paragr. 34-36.

[15]  Jugement entrepris, paragr. 55.

[16]  Jugement entrepris, paragr. 56.

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