CANADA

Chambre de la sécurité financière c. Chalifour

2021 QCCDCSF 61

 

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1476

DATE:

26 octobre 2021

le comité :

Me Claude Mageau

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

M. Claude Poirier, A.V.A.

Président

Membre

Membre

 

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

ALAIN CHALIFOUR, conseiller en sécurité financière (numéro de certificat 147749)

 

Partie intimée

décision sur culpabilité ET SANCTION

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des noms et prénoms des consommatrices concernées par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]              La plainte disciplinaire déposée contre M. Alain Chalifour datée du 1er juin 2021 contient un seul chef d’infraction, lequel se lit ainsi :

la plainte

À Québec, entre le 10 et 19 mars 2020, l’intimé ne s’est pas acquitté avec professionnalisme de son mandat confié par M.M. de racheter le contrat de fonds distinct N0 (…), contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[2]              L’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoit qu’: « Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.  Il doit agir avec compétence et professionnalisme »[1].
[3]              L’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, quant à lui, prévoit que : « Le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence. »
[4]              À l’ouverture de l’audience, M. Chalifour, qui n’est pas représenté par avocat, informe le comité de son intention de plaider coupable au chef d’infraction reproché.
[5]              Après qu’il se soit assuré que M. Chalifour comprenait bien les conséquences de son plaidoyer de culpabilité et que le procureur du plaignant ait présenté un bref sommaire des faits pertinents[2], le comité accepte le plaidoyer de culpabilité de M. Chalifour et le déclare coupable séance tenante d’avoir contrevenu aux deux dispositions mentionnées au chef d’infraction.
[6]              De plus, en vertu du principe interdisant les condamnations multiples[3], le comité ordonne la suspension conditionnelle des procédures quant à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et demande aux parties de faire immédiatement les représentations sur sanction en vertu de l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.
APERÇU
[7]               Lors de la commission de l’infraction reprochée, soit du 10 au 19 mars 2020, M. Chalifour détenait un certificat en assurance de personnes.
[8]              La consommatrice I.A. était titulaire d’un contrat de fonds distincts (Standard Life) avec Manuvie à titre de placement à long terme pour une valeur d’environ 50 000 $ et sa fille M.M. en était la rentière inscrite.
[9]              Le 10 mars 2020, appréhendant de fortes fluctuations économiques, M.M. communique avec M. Chalifour et lui demande de faire le nécessaire afin de retirer les fonds dudit contrat pour les déposer à son compte bancaire.
[10]           À cet effet, le 17 mars 2020, M. Chalifour fait parvenir une demande de retrait complet des fonds détenus à Manuvie en vertu dudit contrat de fonds distincts.
[11]           En plus d’être tardive, la demande faite par M. Chalifour était incomplète, car elle n’était signée que par lui sans la signature de M.M.
[12]           Finalement, ce n’est que le 19 mars 2020 que la demande de retrait des fonds faite par M.M. est exécutée par Manuvie.
[13]           À cause de ce manque de diligence de la part de M. Chalifour, M.M. a subi une perte pour laquelle M. Chalifour l’a compensée partiellement pour une somme de 2 000 $.
[14]           Le procureur du plaignant et l’intimé recommandent conjointement au comité qu’il soit condamné au paiement d’une amende de 2 000 $ et des déboursés.
QUESTION EN LITIGE
[15]           À titre de sanction, le comité devrait-il condamner M. Chalifour au paiement d’une amende de 2 000 $ et des déboursés?
[16]           Pour les raisons qui suivent, le comité est d’opinion que la sanction recommandée par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice et qu’elle doit être entérinée.
ANALYSE ET MOTIF
[17]           Lorsqu’une recommandation commune de sanction est présentée par les parties, le comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celle-ci, mais doit plutôt y donner suite sauf dans les cas où elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public[4].
[18]           M. Chalifour n’étant pas représenté par avocat, le comité s’est assuré que celui-ci avait bien donné un consentement libre et éclairé à cette recommandation commune[5].
 
FACTEURS OBJECTIFS
[19]           L’obligation d’un représentant de s’acquitter avec diligence de tout mandat qui lui est confié est au cœur de l’exercice de la profession.
[20]           Cela étant, le fait de ne pas respecter cette obligation est d’une gravité objective sérieuse, mais cependant pas autant que pour les infractions déontologiques caractérisées par un manque de loyauté ou de probité.
[21]           À cet effet, la jurisprudence déposée par le procureur du plaignant démontre que cette infraction est normalement sanctionnée par la condamnation du contrevenant à une amende[6].
[22]           En l’espèce, le délai à exécuter un mandat aussi simple était inacceptable.
[23]           Le défaut de M. Chalifour de faire diligence pour exécuter le mandat confié par M.M. a empêché cette dernière de bénéficier d’une valeur plus élevée des placements détenus au moment du retrait.
FACTEURS SUBJECTIFS
[24]           M. Chalifour est un représentant d’expérience âgé de 58 ans.
[25]           À cause de graves problèmes de santé, il prendra sa retraite à titre de représentant en assurance de personnes le 31 octobre 2021, mettant ainsi fin à sa carrière.
[26]           À titre de facteur aggravant, le comité constate cependant que M. Chalifour, en plus d’avoir tardé sans raison à exécuter un mandat aussi simple, l’avait tout d’abord mal exécuté.
[27]           Aussi, le délai a occasionné une perte pécuniaire à M.M., car la valeur du contrat aurait été supérieure si le retrait avait été exécuté la journée même de sa demande.
[28]           Comme facteurs atténuants, le comité constate que le délai pris par M. Chalifour pour exécuter la demande de M.M. n’était pas extrêmement long.
[29]           De plus, le comité tient compte du plaidoyer de culpabilité de M. Chalifour et du fait qu’il n’a pas d’antécédent disciplinaire.
[30]           De plus, il a aussi dédommagé M.M. en lui versant la somme de 2 000 $.
[31]           M. Chalifour, prenant très bientôt sa retraite, le comité est d’opinion que les risques de récidive sont presque inexistants.
[32]           Compte tenu de ce qui précède, le comité considère que la recommandation commune des parties respecte le critère de l’intérêt public, car « des personnes renseignées et raisonnables » n’estimeraient pas que « la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice »[7].
[33]           Par conséquent, le comité est d’opinion que la sanction recommandée par les parties n’est pas contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice et elle sera donc entérinée.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

réitère la déclaration de culpabilité de l’intimé relativement au chef unique d’infraction de la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2) et à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2, r. 3);

RÉITÈRE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 000 $ sur l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

PERMET la notification de la présente décision à l’intimé par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), soit par courrier électronique.

 

(S) Me Claude Mageau

 

 

Me CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

(S) M. Benoit Bergeron

 

M. BENOIT BERGERON, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(S) M. Claude Poirier

 

M. CLAUDE POIRIER, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

Me Vincent Grenier-Fontaine

CDNP AVOCATS

Avocats de la plaignante

L’intimé se représente lui-même.

Date d’audience : 24 septembre 2021

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

A1321



[1]    Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2.

[2]    Pièces P-1 à P-13.

[3]    Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.

[4]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 (CanLII), [2016] 2 RCS 204, par. 32 et 52; Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier 2019 QCTP 79; Médecins (Ordre professionnel des) c. Mwilambwe, 2020 QCTP 39 (CanLII).

[5]    Brunet c. Notaires, 2002 QCTP 115 (CanLII), par. 15-16; Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Dumont, 2016 CanLII 96066 (QC OAPQ).

[6]    Chambre de la sécurité financière c. Carrier, 2006 CanLII 59878 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Mainville, 2015 QCCDCSF 23 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Taillon, 2016 CanLII 28470 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Proulx, 2021 QCCDCSF 22 (CanLII).

[7]    R. c. Anthony-Cook, préc., note 4, p. 42; Médecins (Ordre professionnel des) c. Mwilambwe, préc., note 4, p. 45-46; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Rocray, 2021 QCCDINF 34 (CanLII), p. 117-126.

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