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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 décembre 2005

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

235736-64-0406

 

Dossier CSST :

120004460

 

Commissaire :

Lucie Landriault, avocate

 

Membres :

Conrad Lavoie, associations d’employeurs

 

Paul Auger, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Bernard Gascon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Colette Marchesseault

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Cité de la Santé de Laval

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 juin 2004, madame Colette Marchesseault (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 mai 2004 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 10 mars 2004 selon laquelle un montant de 20 881,24 $ est retenu comme revenu brut annuel aux fins de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.

[3]                Par cette décision, la CSST confirme aussi sa décision du 5 décembre 2003 et déclare que la travailleuse n’a pas présenté, le 16 avril 2003, de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 10 janvier 2001, sous la forme d’une dépression majeure ni sous la forme de hernies discales L4-L5 ni L5-S1.

[4]                L'audience s'est tenue le 28 juin 2005 à Saint-Jérôme en présence de la travailleuse et sa procureure. L'employeur, Cité de la Santé de Laval maintenant appelé le Centre de santé et de services sociaux de Laval, est également représenté. La cause a été mise en délibéré le 29 novembre 2005, après réception des documents médicaux demandés à la travailleuse et des commentaires de l’employeur.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête et d’infirmer la décision de la CSST du 25 mai 2004. Elle demande de reconnaître qu'elle présenté le ou vers le 18 novembre 2002, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 10 janvier 2001, tant au plan physique que psychologique.  

[6]                En ce qui concerne la base salariale, elle demande de retenir le salaire annuel d’un préposé aux bénéficiaires à temps plein qu’elle évalue à 28 797,98 $. Subsidiairement, elle demande de retenir les revenus reçus par la travailleuse du 11 janvier 2000 au 10 janvier 2001 qu’elle évalue à 24 584,15 $.

LES FAITS

[7]                La travailleuse, née en 1955, travaille comme préposée aux bénéficiaires (7 jours sur 14 jours) pour l’employeur depuis le mois de mai 1999, après avoir suivi une formation à compter du mois de septembre 1998.

[8]                Le 10 janvier 2001, elle se blesse au dos en voulant exécuter un mouvement de pivot pour déplacer, de son fauteuil à son lit, un patient qui ne s’aide pas. Elle ressent une douleur lombaire immédiate et une brûlure persistante.

[9]                La docteure Nathalie Bonneville pose un diagnostic d’entorse dorso-lombaire.

[10]           Le 15 février 2001, la CSST reconnaît que la travailleuse a subi une lésion professionnelle de la nature d’une entorse dorso-lombaire.

[11]           Par la suite, la docteure Bonneville indique que la travailleuse a une sciatalgie droite.

[12]           Le 14 mars 2001, une résonance magnétique de la colonne lombaire montre :

« OPINION :

 

Perte de signal discal à L4 L5 avec petite hernie discale à long rayon de courbure mais plus marquée en postéro-latéral gauche créant une légère empreinte sur le sac dural. Toute petite protrusion discale à L5 S1 avec altération du signal discal sans compression marquée du sac dural ou des racines. »

 

 

[13]           À compter du 22 mars 2001, la docteure Bonneville ajoute des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1.

[14]           Le 28 mai 2001, la CSST rend une décision selon laquelle « ce diagnostic (de hernies discales) ne peut être reconnu car non prouvé par test spécifique ».

[15]           Le 5 juin 2001, la docteure Bonneville souligne que la travailleuse n’a jamais eu de douleur au dos avant le 10 janvier 2001.

[16]           Le 17 août 2001, le docteur Hany Daoud, orthopédiste agissant comme membre du Bureau d’évaluation médicale, évalue la travailleuse quant au diagnostic, la consolidation de la lésion et la nécessité de traitements. La travailleuse se plaint d’irradiation dans le membre inférieur droit jusqu’au talon et la douleur peut même irradier dans le membre inférieur gauche. À l’examen, la flexion antérieure se fait à 70°, l’extension à 20°. Le test de Schober modifié est de 14/10. Les tests de Lasègue sont négatifs. Le reste de l’examen est normal. Le docteur Daoud conclut que l’examen du rachis dorso-lomaire et l’examen neurologique des membres inférieurs dénotent une limitation douloureuse des mouvements du rachis lombo-sacré sans signe neurologique périphérique objectivable. Il rend l’avis suivant quant au diagnostic :

« DIAGNOSTIC :

 

Considérant l’événement tel que rapporté par la patiente, à savoir un mouvement de torsion avec un patient qui se laissait aller et douleur lombaire puis sciatalgie droite;

 

Considérant les premiers diagnostics des médecins traitants d’entorse lombaire;

 

Considérant le résultat de la résonance magnétique qui ne dénote qu’une petite hernie L4 - L5 à protrusion plutôt postéro-latérale gauche (les symptômes majeurs de la patiente sont à droite) et une minime hernie L5-S1;

 

Considérant les traitements conservateurs que la patiente a eus;

 

Considérant l’examen objectif actuel qui dénote une légère limitation douloureuse des mouvements du rachis lombo-sacré sans signe neurologique périphérique objectivable;

 

Le diagnostic est une entorse lombaire sur discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1. »

 

[17]           Le docteur Daoud est d’avis que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et que la travailleuse a encore besoin de traitements.

[18]           Le 5 septembre 2001, la CSST rend une décision suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale. La CSST déclare que le diagnostic est « entorse lombaire sur une condition personnelle de discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1 » (sic), que la lésion n’est pas consolidée et que la travailleuse a encore besoin de traitements.

[19]           (La travailleuse a demandé la révision de la décision du 5 septembre 2001 mais s’est plus tard désistée de sa demande de révision. Le 15 avril 2004, le commissaire Guy Perreault, saisi de la demande d’annulation du désistement de la travailleuse, refuse d’annuler le désistement. Le commissaire Perreault est également saisi d’une demande de révision de la décision du 28 mai 2001 dans laquelle la CSST refuse de reconnaître un lien entre les diagnostics de hernie discale L4-L5 et L5-S1 et la lésion professionnelle. Le commissaire déclare sans objet la demande de révision de la travailleuse de la décision du 28 mai 2001, en l’absence de demande de révision de la décision du 5 septembre 2001 puisque le 5 septembre 2001, la CSST a modifié le diagnostic d’entorse dorso-lombaire (reconnu le 14 février 2001 par la CSST) par un diagnostic d’entorse lombaire (les termes « sur une condition personnelle de discopathie dégénérative en L4-L5 et L5-S1 » ne faisant pas partie du diagnostic selon le commissaire).

[20]           Le 12 décembre 2001, le docteur Michel Trudeau réfère la travailleuse en physiatrie.

[21]           Le 7 janvier 2002, le docteur Marcel Morand, physiatre, produit à la CSST un rapport pour une discopathie L4-L5 et L5-S1 et recommande une épidurale. Il recommandera également des blocs facettaires.

[22]           La travailleuse travaille en assignation temporaire à raison d’une demi journée par jour.

[23]           Comme traitements pour sa lésion, la travailleuse reçoit analgésiques, anti-inflammatoires, relaxants musculaires, traitements de physiothérapie, blocs facettaires à la région L4-L5 et L5-S1 et trois infiltrations épidurales, pour un soulagement partiel et temporaire, laissant une douleur persistante nécessitant une pharmacothérapie incluant des narcotiques.

[24]           Le 19 juillet 2002, le docteur Morand retient des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1.

[25]           Le 15 août 2002, le docteur Morand produit un rapport final dans lequel il consolide la hernie L4-L5 et la protrusion L5-S1, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

[26]           Le 10 octobre 2002, le docteur Morand produit un rapport d’évaluation médicale pour des diagnostics de hernie discale L4-L5 et protrusion L5-S1 mais indique que la CSST a retenu « entorse lombaire séquellaire greffée sur discopathie ». Il écrit ce qui suit :

« […]

 

Madame Marchesseault allègue actuellement une douleur en barre, lombaire, laquelle se prolonge vers le membre inférieur droit et rejoint en passant par la face postéro-latérale de la cuisse, le mollet puis la face latérale du pied à droite. Elle ne décrit pas d’engourdissement mais plutôt une perception de brûlure sur le côté du pied. Cette symptomatologie est intermittente et peut être modulée en fonction des positions adoptées.

 

La flexion de la nuque augmente la symptomatologie en lombaire. Les manœuvres de toux peuvent augmenter les symptômes à l’occasion et il en va de même pour le Valsalva. Elle est éveillée la nuit et doit changer régulièrement de positions. Sa tolérance à la marche est de l’ordre d’environ 20 minutes, après quoi, la douleur s’installe à la région fessière droite et a tendance à vouloir se prolonger vers le membre inférieur droit. La tolérance en position assise est de l’ordre de 30 minutes.

 

Pour maintenir ses activités de la vie quotidienne allégées, madame nécessite une médication, y compris des narcotiques.

 

[…] »

 

 

[27]           À l’examen, le docteur Morand note :

« […]

 

Au niveau de l’inspection, elle adopte rapidement une attitude antalgique lorsqu’on lui demande de faire des mouvements du dos avec une certaine composante appréhensive.

 

La mobilité permet : Un Schober à 14/10 et les amplitudes absolues sont :

 

§         Une flexion antérieure à 60o avec douleur;

§         Une extension à 20o avec douleur;

§         Une flexion latérale droite à 30o;

§         Une flexion latérale gauche à 10o avec douleur;

§         Une rotation droite à 30o;

§         Une rotation gauche à 30o;

 

À la palpation, douleur prépondérante sur les segments L4-L5 et L5-S1 et le tout se prolonge jusqu’au point d’émergence du sciatique droit. À l’élévation de la jambe tendue et au signe du Tripode, à 80o, on reproduit une douleur fessière du côté droit alors que du côté gauche, c’est négatif. Les réflexes ostéo-tendineux, rotuliens comme achilléens sont jugés symétriques. Il n’y a pas de déficit sensitif en périphérie dans les territoires de L4, L5 et S1. Pas de déficit moteur. La flexion de la nuque reproduit la douleur lombaire.

 

[…] »

 

 

[28]           En ce qui concerne les limitations fonctionnelles, le docteur Morand indique :

« Madame Marchesseault peut reprendre le marché du travail moyennant une médication de support et certaines adaptations ergonomiques.

 

Nous recommandons les limitations fonctionnelles suivantes :

 

§         Éviter les déplacements de charges supérieures à 10 kilos en absolu et sur base plus fréquente à 5 kilos;

§         Éviter les efforts en flexion et torsion répétés du rachis lombaire;

§         Éviter les positions stationnaires pour plus de 30 minutes à la fois;

§         Éviter des déplacements dans les escaliers sur base fréquente;

§         Bénéficier d’une chaise ergonomique ajustable pour maximiser la tolérance en position assise;

§         Bénéficier de la possibilité de porter une orthèse lombaire sur base intermittente lorsque jugée utile par la travailleuse.

 

Son horaire de travail pourra être rétabli à 7 jours/quinzaine comme auparavant. »

 

 

[29]           En ce qui concerne l’atteinte permanente à l’intégrité physique, la travailleuse conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2% pour « entorse lombaire séquellaire sur lésions discales L4-L5 et L5-S1 ».

[30]           En conclusion, le docteur Morand ajoute :

« Madame reste avec des séquelles qui dépassent celle de l’entorse lombaire simple et se rapprochent beaucoup plus de la lésion discale, ce qui d’ailleurs a été démontré par la résonance magnétique.

 

Le traitement conservateur est actuellement plafonné. Son risque de rechute est quand même assez élevé en relation avec ses lésions discales. »

 

 

[31]           Le 19 octobre 2002, la travailleuse se présente au Centre Hospitalier de Saint‑Eustache pour une lombalgie irradiant au membre inférieur droit et une difficulté à uriner. Le médecin retient des diagnostics de rétention urinaire sur narcotique et de lombalgie chronique. Soupçonnant une progression d’un déficit neurologique, le médecin demandait une tomodensitométrie lombaire en urgence pour éliminer un syndrome de queue de cheval. L’examen révélait :

« Petite hernie discale L4-L5 postéro-latérale gauche et probablement une minime également en postéro-latéral droit et petite hernie discale L5-S1 centrale. Ces hernies sont légères et n’entraînent pas de compression importante et il m’apparaît peu probable que cela puisse expliquer un syndrome de queue de cheval. (…). »

 

 

[32]           Le 30 octobre 2002, la CSST rend une décision, reprenant les conclusions du médecin de la travailleuse, à l’effet qu’elle conserve, en conséquence de sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,2% qui lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels.

[33]           Le 20 novembre 2002, la travailleuse est prise en charge en réadaptation. Elle trouve que sa situation est difficile mais elle se sent prête à retourner travailler, bien qu’elle ne puisse reprendre son travail qu’elle aimait beaucoup.

[34]           Le 3 décembre 2002, il est précisé que la travailleuse a toujours fait des demi‑journées lors de son assignation temporaire. Elle n’a jamais été capable de travailler une journée complète vu que sa douleur était trop vive après 4 heures. L’employeur souligne qu’il sera difficile d’offrir un emploi convenable à la travailleuse si elle ne peut faire des journées complètes. La travailleuse est très émotive face à sa condition. La conseillère en réadaptation indique qu’elle est liée par a conclusion du docteur Morand à l’effet que la travailleuse peut travailler 7 jours par quinzaine comme auparavant. La travailleuse précise que son médecin a conclu ainsi parce qu’il avait peur qu’elle ne perde son poste. Les parties conviennent qu’il serait souhaitable d’obtenir une évaluation des capacités de la travailleuse et elle est référée chez Intergo. La travailleuse se dit très motivée face à cette évaluation et face à un retour au travail.

[35]           Dans le cadre de l’évaluation de ses capacités fonctionnelles de travail, la travailleuse doit rencontrer l’ergothérapeute quatre journées consécutives. La travailleuse est évaluée les 10 et 11 décembre 2002 mais, en raison de l’exacerbation de sa symptomatologie douloureuse et de son refus de poursuivre l’évaluation, celle-ci s’est terminée le 11 décembre pour être reprise les 18 et 19 décembre 2002. L’ergothérapeute Landry indique que les douleurs de la travailleuse ont augmenté durant la journée et la récupération était de plus en plus difficile. La travailleuse alléguait une exacerbation importante de ses douleurs et une diminution de sa mobilité et désirait voir son médecin. 

[36]           Le 12 décembre 2002, la travailleuse consulte le docteur Morand. Il indique que la travailleuse le consulte « dans un état de détresse avec douleur lombaire qui se prolonge vers le membre inférieur droit et qui rejoint le côté latéral du pied, la plante du pied à topographie S1. Cette symptomatologie l’empêche de maintenir des positions assises, des positions debout, occasionne des blocages et des boiteries dans ses déplacements. Les analgésiques ont pour effet de détériorer un peu sa condition vésicale et les narcotiques ont crée même une rétention vésiculaire par le passé. Son sommeil est perturbé ». Il ajoute :

« […]

 

À l’examen objectif, on retrouve une patiente qui est presque en perte de contrôle. Au niveau du rachis lombaire, sa mobilité est restreinte dans tous les axes. La flexion antérieure ne dépasse pas 45o. L’extension est à 15o, les flexions latérales droites et gauches à 20o. Lorsqu’on tente de faire une pression au niveau de la région lombo‑sacrée, douleur de L2 à S1, plus marquée à droite qu’à gauche. La région fessière est douloureuse. Les points d’émergence du sciatique droit sont douloureux. À l’élévation de la jambe tendue, reproduction d’une douleur à droite aux alentours de 70o alors qu’à gauche, la douleur est acquise aux alentours de 90o. Les réflexes rotuliens sont présents, les achilléens sont symétriques. Il y a une hypoesthésie sur la face latérale du pied droit.

 

Conclusion :

 

Nous avons échoué avec les infiltrations chez elle, tant par les blocs facettaires que par l’épidurale. Les analgésiques sont difficiles à prescrire, ayant des effets secondaires assez marqués. Je n’ai pas tenté les dérivés de Morphine, mais je pourrais commencer peut-être avec le MS Contin 30mg/bid, au moins pour les périodes de poussées douloureuses. Je verrai l’impact.

 

Comme analgésique secondaire ou co-analgésique, Celebrex 200mg/bid avec Losec 20mg et pour contrôler la composante de mésadaptation face à sa douleur, Remeron qui remplace le Zoloft chez elle. La posologie est incertaine.

 

[…] »

 

[37]           Le 13 décembre 2002, une rencontre se tient entre la travailleuse, la conseillère en réadaptation de la CSST et l’ergothérapeute d’Intergo. La travailleuse affirme qu’elle « a l’impression de se faire avoir et affirme qu’elle ne peut plus faire plus que ce qu’elle fait, soit ½ journée ». Elle doit se coucher les après-midi. Elle allègue une douleur constante. Elle est très émotive. Son médecin lui a dit que si la CSST la prenait en charge en réadaptation, il ne pouvait plus rien faire pour elle. Elle se sent abandonnée. Elle est en colère et sent qu’elle va tout perdre. La CSST lui offre un soutien psychologique pour l’aider à gérer la situation. La travailleuse dit qu’elle consulte déjà et ne veut pas que CSST ou l’employeur soit au courant du contenu des rencontres. Elle dit que sa médication la réveille la nuit.

[38]           Le 18 et le 19 décembre 2002, l’évaluation se poursuit chez Intergo. Une évaluation est prévue en janvier 2003 chez l’employeur.

[39]           Le 14 janvier 2003, le docteur Morand indique que la patiente est aux prises avec des douleurs lombaires basses qui ont été évaluées en octobre 2002. Du point de vue clinique il n’y a pas de nouveaux éléments, la patiente étant surtout inquiète en raison du volet administratif de son dossier. Concernant les douleurs, peu importe les narcotiques utilisés, elle présente des effets secondaires d’agitation nocturne. Il cesse les narcotiques. La travailleuse continue avec les anti-inflammatoires Celebrex. 

[40]           Le 21 janvier 2003, l’ergothérapeute d’Integro produit son rapport. Il ressort de ce document que la travailleuse a de la difficulté à gérer sa douleur et que le stress augmente ses douleurs. Elle se dit incapable de travailler en après-midi. La travailleuse a de faibles tolérances aux différentes positions, des difficultés à gérer sa douleur et la crainte de l’aggravation de ses douleurs limitent l’endurance à l’effort. L’ergothérapeute suggère que la travailleuse ait une démarche de support et non d’évaluation, dans le cadre d’une démarche multidisciplinaire. Advenant un retour en emploi, elle recommande un retour progressif en ce qui a trait aux heures de présence en emploi, et ce, conjointement avec un suivi thérapeutique afin de s’assurer le plus possible du succès du retour au travail.

[41]           Le 10 février 2003, la travailleuse affirme qu’il y a un plateau en ce qui concerne la douleur. Elle s’excuse de sa réaction lors de sa dernière visite. Elle affirme avoir cessé la psychothérapie, faute de moyens financiers. La conseillère lui dit qu’elle comprend qu’elle tienne à la confidentialité mais il est difficile d’envisager son retour au travail dans la mesure où le stress a une influence sur sa condition physique. La CSST demande à la travailleuse de réfléchir à un soutien psychologique payé par la CSST avec un suivi par cette dernière.

[42]           Le 1er avril 2003, le docteur Morand indique que la travailleuse prend du Celebrex complétée par du Tylénol et pour le trouble du sommeil, Zoloft 100 mg.

[43]           Le 8 avril 2003, la CSST offre à nouveau à la travailleuse un suivi psychologique mais la travailleuse refuse ne voulant pas que la CSST puisse avoir accès aux notes de la psychologue même s’il s’agit de voir si la thérapie est en lien avec sa lésion professionnelle. Elle déclare être sur une liste d’attente au CLSC. D’autre part, la travailleuse manifeste son intérêt à faire de l’accompagnement de malades, comme elle l’a fait auprès de l’organisme Cercan comme bénévole. La CSST lui explique que les besoins sont davantage au niveau des soins et que ce sont justement les bénévoles et non les employés qui font l’accompagnement des malades.

[44]           Le 17 avril 2003, la travailleuse produit une réclamation à la CSST pour une récidive du 18 novembre 2002 au plan psychologique. Elle fait état d’une perte d’estime de soi, d’insécurité, de sa difficulté à gérer sa douleur, d’insomnie et d’une incapacité à faire ses activités habituelles.

[45]           Le 17 avril 2003, le docteur Trudeau produit à la CSST un rapport médical sur lequel il écrit « lombaire, hernie discal, dépression majeure depuis novembre 2002 ». (sic)

[46]           Le 2 mai 2003, la conseillère en réadaptation rencontre la travailleuse avec sa procureure pour discuter de sa réclamation au plan psychologique. Elle est toujours en attente d’un rendez-vous au CLSC. Elle accepte maintenant que la CSST fasse un suivi auprès d’un psychologue. Lorsque la CSST lui demande pourquoi elle a déposé une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation en novembre 2002, la travailleuse dit qu’elle n’allait pas bien depuis ce moment. Ce n’est pas un médecin qui l’a référée à la psychologue. La CSST suggère à la travailleuse de retourner consulter la psychologue Marjolaine Cyr qu’elle avait vue en début d’année. Elle pourra avoir 12 rencontres après quoi, il y aura une évaluation pour voir si d’autres traitements sont nécessaires et ceci, que la récidive, rechute ou aggravation soit acceptée ou non. La CSST autorise donc un support psychologique dans le cadre de la réadaptation, considérant que la travailleuse accepte que la CSST fasse un suivi auprès de la psychologue.

[47]           La travailleuse déclare à la CSST qu’aussitôt qu’elle essaie de faire quelque chose, elle « retombe ». Elle a de la difficulté avec ses médicaments qui l’empêchent de dormir. Elle prend des antidépresseurs depuis quelques années, médication prescrite par le docteur Trudeau qui est son médecin traitant alors qu’elle avait des idées suicidaires. Il y a eu un revirement de situation, elle a fait des études en 1998, a travaillé à compter de 1999 et elle allait mieux. Elle ajoute qu’en novembre 2002, la dose d’antidépresseurs a été augmentée et un autre médicament ajouté. Elle continue à voir le docteur Trudeau aux deux mois. La travailleuse a de la difficulté à accepter de ne pas être capable de faire ce qu’elle veut. Elle est limitée et doit dépendre de son mari. Il y a une diminution des activités sportives et sexuelles. Elle ne se considère pas psychologiquement capable d’exercer l’emploi de commis envisagé chez l’employeur qui est trop stessant en raison de l’atmosphère au travail.

[48]           La CSST lui explique que dès que quelqu’un demande de reconnaître une lésion psychique comme lésion professionnelle, la CSST a le droit d’obtenir les notes de consultation.

[49]           La CSST demande les notes cliniques des docteurs Morand et Trudeau. Elle recevra les notes du docteur Morand mais ne recevra pas celles du docteur Trudeau.

[50]           Le 23 juin 2003, le docteur Robert Lefrançois, neurochirurgien, est d’opinion que la travailleuse présente une « lombosciatalgie bilatérale à prédominance droite causée par une hernie discale L4-L5 visible à gauche en résonance magnétique et à gauche et à droite en L4-L5 et une petite hernie discale centrale à L5-S1 démontrée par la tomodensitométrie ».

[51]           Le 21 août 2003, la psychologue, que la travailleuse consulte, discute avec la conseillère en réadaptation. Selon la psychologue, la travailleuse a de la « difficulté à faire le deuil et à passer à autre chose ». La travailleuse a eu des traumatismes importants au niveau familial et ressent une grande dévalorisation. Elle doit se prendre en main au niveau de la gestion de la douleur. La CSST convient d’envoyer la travailleuse à des traitements de physiothérapie pour un programme d’exercices à domicile.

[52]           Le 21 août 2003, le médecin conseil à la CSST est d’opinion que la rechute récidive ou aggravation alléguée au plan physique est acceptable, vu notamment, l’augmentation des ankyloses en décembre 2002 et en juin 2003 en comparaison avec l’évaluation du 10 octobre 2002. Il souligne le fait que la douleur a toujours été présente, que la travailleuse a eu un suivi médical, qu’elle avait des limitations fonctionnelles sévères.

[53]           Le 17 octobre 2003, le docteur Sarto Imbeault, physiatre, retient un diagnostic de hernie discale L4-L5 et L5-S1. Il indique que la travailleuse est invalide. Il prescrit du Dilaudid et recommande des traitements d’ostéopathie.

[54]           Le 13 novembre 2003, le docteur Richard Leclaire, physiatre, procède à un EMG qui se révèle normal. Il précise qu’il n’y a pas d’évidence d’un processus de radiculopathie active significative au niveau des membres inférieurs.

[55]           Le 20 novembre 2003, le docteur Imbeault recommande comme traitement, des blocs de branche.

[56]           Le 5 décembre 2003, la CSST rend une décision dans laquelle elle déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 16 avril 2003. La CSST réfère à sa décision du 28 mai 2001 dans laquelle elle avait conclu qu’il n’y avait pas de relation entre les diagnostics de hernie discale L4-L5 et L5-S1 et l’événement du 10 janvier 2001, et conclut, qu’en conséquence, elle ne peut accepter une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation pour ce diagnostic. Dans ses notes, la CSST souligne que la dégénérescence discale de la travailleuse est une condition personnelle et refuse de payer les traitements.

[57]           Dans cette même décision du 5 décembre 2003, la CSST conclut qu’il n’y a pas de relation entre la dépression diagnostiquée le 16 avril 2003 (sic) et l’événement du 10 janvier 2001. Dans ses notes, l’agente d’indemnisation de la CSST écrit que la lésion est mineure, sans vouloir minimiser l’impact de cette lésion dans la vie de la travailleuse et, qu’habituellement, ce genre de lésion est sans conséquences graves. D’autre part, la travailleuse a bénéficié d’un support psychologique dans le cadre de la réadaptation. Enfin, la travailleuse avait une fragilité personnelle puisqu’elle avait des antécédents psychologiques avec prise d’antidépresseurs.

[58]           Le 15 décembre 2003, la psychologue souligne que, durant la période du 11 juin au 15 décembre 2003, elle a commencé par traiter certains traumas qui contribuent à l’état dépressif, anxieux et suicidaire. Elle a ensuite travaillé l’affirmation de soi, l’estime de soi, la résolution de problèmes, la prise en charge de sa santé, la gestion de la douleur, le deuil de son emploi actuel, l’ouverture vers d’autres possibilités, etc. La douleur demeure bien présente et affecte le sommeil et l’humeur. La CSST autorise la prolongation des traitements de janvier 2004 à juin 2004.

[59]           En janvier 2004, la travailleuse identifie, comme emploi qui pourrait l’intéresser, celui de réceptionniste/préposée au service à la clientèle.

[60]           Le 4 mars 2004, la CSST rend une décision selon laquelle elle détermine pour la travailleuse un emploi convenable de réceptionniste et prévoit une formation du 15 mars 2004 au 21 mai 2004.

[61]           Le 30 mars 2004, le docteur Marc Filiatrault, physiatre, notait que l’épidurale n’avait pas apporté de succès notable et que les blocs de branche pour une douleur d’origine facettaire n’avaient pas été concluants. Le docteur Filiatrault procédait à une discographie et écrivait :

« […]

 

J’ai vu, à votre demande, Mme Colette Marchesseault, au centre de traitements sous scopie de l’Institut de Physiatrie du Québec pour procéder à une provocation discale aux niveaux L3-L4, L4-L5 et L5-S1. La patiente présente depuis 2001, suite à un accident de travail, une douleur lombaire, plus ou moins une sciatalgie droite. Elle a déjà été consolidée, elle qui travaillait comme préposée aux bénéficiaires et elle a commencé, depuis peu, des cours d’informatique.

 

Elle a déjà eu une épidurale, sans succès notable. Elle a eu des blocs de branche qui n’ont pas été concluants, infirmant donc une possible douleur d’origine facettaire.

 

L’investigation par résonance magnétique faite en 2001 a démontré une perte de signal aux niveaux L4-L5 et L5-S1 avec, en L4-L5, une hernie discale plus marquée en postéro‑latéral gauche et, en L5-S1, une petite protrusion discale médiane, sans compression.

 

Le but donc d’avoir la provocation discale est de voir si l’origine est franchement discogénique aux niveaux des disques L4-L5 et L5-S1.

J’ai donc expliqué à la patiente la procédure. Comme elle est allergique à la pénicilline, aucun antibiotique n’a été utilisé dans ce cas-ci. Nous avons procédé, en décubitus ventral, à une désinfection à l’iode X3 et à l’alcool X1.

 

Par la suite, il y a eu anesthésie locale avec Xylocaïne 2%, sans Épinéphrine pour un total de 6 cc répartis en trois sites. Il y a eu, par la suite, positionnement de l’aiguille no 22, 7 pouces en intra-discal, par voie postéro-latérale gauche, considérant que la patiente est plus symptomatique à droite. Après vérification d’un bon positionnement au niveau central du disque tant sur la vue AP que latérale, nous avons pu commencer à faire la provocation discale comme telle.

 

Au niveau L3-L4, il y a eu injection d’un total de 2 cc d’Omnipaque-300 où la pression fut montée à 50 de psi avec le manomètre. Cette stimulation du disque a provoqué une augmentation de sa douleur à 6/10 qui était de base à 3/10, ressentie en lombaire et discordante par rapport à sa douleur habituelle. Le nucléogramme était par ailleurs strictement normal, de forme bilodée.

 

Au niveau du disque L4-L5, il y a eu injection d’un total de 3 cc avec une pression qui fut augmentée jusqu’à 30 de psi. Il y a eu apparition d’une douleur significative à 8/10 au niveau central avec irradiation bilatérale, tant à gauche qu’à droite. Sur l’image, on voyait une fuite du colorant dans l’espace épidural, témoignant d’une déchirure intra-discale avec hernie discale, d’une déchirure complète de l’anneau fibreux externe.

 

Au niveau du disque L5-S1, il y a eu injection par la suite d’un total de 2 cc d’Omnipaque -300. À peine après l’injection de ½ cc, il y a eu apparition significative d’une douleur à 10/10, douleur se manifestant tant à gauche qu’à droite, avec un peu d’irradiation vers le coccyx et la fesse droite. La douleur est qualifiée de concordante par rapport à sa douleur habituelle. Le nucléogramme a démontré un disque plutôt aminci avec extension du colorant vers l’arrière, compatible avec une hernie discale et de multiples fissures compatibles avec une dégénérescence discale.

 

Par la suite, nous avons injecté un total de 1 cc de Xylocaïne 4% autant au niveau du disque L5-S1 que L4-L5 où il y a eu une diminution de la douleur, qui a rediminué à 6/10.

 

La patiente fut gardée en observation par la suite pendant une quinzaine de minutes et a pu quitter sans problème.

 

EN CONCLUSION :

 

Si on regarde les critères stricts de l’ISIS et de l’IASP, on ne peut poser le diagnostic de douleurs discogéniques de façon certaine. Cependant, il apparaît évident que la discographie au niveau du disque L5-S1 a démontré une douleur concordante et significative à 10/10 et qui est donc probablement responsable, au niveau de ce disque où il y a une petite hernie discale, de la symptomatologie.

 

Cependant, le disque L4-L5 nous semble être également responsable d’une partie de la symptomatologie. Malheureusement, le disque L3-L4, malgré le nucléogramme strictement normal et une résonance normale à l’époque, a provoqué une certaine douleur ce qui fait qu’on ne peut parler d’un disque de contrôle négatif.

 

Dans le contexte de l’absence d’un disque de contrôle négatif et tout particulièrement d’un pincement au niveau du disque L5-S1 avec composante de dégénérescence, la patiente n’est pas une candidate à des thérapeutiques intra-discales de type IDET ou coblation.

[…] »

 

 

[62]           Le 22 juin 2005, le docteur Trudeau écrit ce qui suit :

« À qui de droit,

 

Madame est suivie X longtemps. Elle a fait une dépression majeure qui a effectivement pu être exacerbée par sa problématique de douleurs et également par l’échec de tentative d’un nouvel emploi. »

 

 

[63]           Dans son témoignage à l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse déclare qu’elle a fait une dépression en 1993 à la suite du décès de sa mère. Elle avait des idées suicidaires, fuyait dans le sommeil, a décroché de la vie. Elle prend de la médication depuis, sous forme de Zoloft, médication qui lui est prescrite par le docteur Trudeau.

[64]           Par la suite, elle a fait du bénévolat auprès de patients en phase terminale chez Cercan. Elle aimait beaucoup ce genre de travail et considérait qu’elle avait trouvé sa voie. En 1998, lors de sa formation de préposée aux bénéficiaires, elle se sentait valorisée. Elle a beaucoup aimé son emploi et se sentait bien moralement.

[65]           En juin 1999, elle avait subi une entorse lombaire qui l’a éloignée du travail durant quelques jours. En 1999-2000, son moral était très bon.

[66]           Lorsqu’elle a eu son accident le 10 janvier 2001, elle a eu un supplément de médication au plan psychique.

[67]           En avril 2003, elle a déposé une réclamation à la CSST pour une lésion psychologique. Lorsqu’elle a vu qu’elle ne guérissait pas, qu’elle ne pourrait reprendre l’emploi qu’elle voulait occuper, elle a vécu cela comme un échec. Les traitements qu’elle a reçus, épidurales, blocs de branche et autres n’ont pas enlevé la douleur. Ella a compris qu’elle devait trouver un autre genre de travail. Elle ne pouvait faire ses tâches ménagères, se sentait dévalorisée, croyait qu’elle était un fardeau pour les autres. Elle a diminué ses activités sociales et sexuelles.

[68]           Lors de l’évaluation du 10 octobre 2002, le docteur Morand lui a dit qu’il la retournait au travail 7 jours par quinzaine parce qu’il croyait qu’autrement, elle allait perdre son emploi.

[69]           En contre-interrogatoire, la travailleuse précise que c’est seulement en avril 2003 que le docteur Trudeau a posé un diagnostic de dépression, bien qu’il l’ait vue à l’automne. Il avait vu que les choses empiraient au fur et à mesure qu’elle passait des examens.

[70]           Tout au long de l’évolution de sa lésion, elle a pris des antidépresseurs, relaxants, analgésiques et narcotiques dont certains provoquaient des effets secondaires, tels que difficulté à dormir, rétention urinaire en octobre 2002. Le docteur Trudeau a changé sa médication à cette époque.

[71]           Selon la preuve documentaire qu’elle dépose, la médication de la travailleuse a été changée le 12 décembre 2002 (MS Contin 30 mg pour remplacer Oxycontin 10 mg) et le Remeron remplace le Zoloft mais le 20 janvier 2003, la travailleuse reprend le Zoloft à la même dose de 50 mg par jour. Ce n’est que le 26 juillet 2003 que le Zoloft sera augmenté à 100 mg par jour.

[72]           Au moment de son évaluation chez Integro, elle a eu une augmentation de sa douleur au dos et aux jambes et une diminution de son moral. Tout était « dérangé ». Son mari a dû prendre en charge la maison.

[73]           La travailleuse ajoute qu’après sa formation, dans le cadre de sa réadaptation, elle a occupé deux emplois à temps partiel en avril 2005, l’un dans une clinique médicale et l’autre, à faire du gardiennage à domicile. Elle a eu beaucoup de douleur et a dû arrêter mais avec l’intention de reprendre, éventuellement.

Base salariale

[74]           Le 17 décembre 2003, la travailleuse demande à la CSST de rendre une décision sur la base salariale en vertu de l’article 67 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi), annualisé.

[75]           Le 10 mars 2004, la CSST retient le montant de 20 881,24 $ comme revenu annuel brut assurable aux fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse. La CSST informe la travailleuse que, selon son contrat de travail à temps partiel, au moment de sa lésion professionnelle, son salaire était de 20 216,79 $. Or, la CSST retient le montant de 20 881,24 $ qui représente le salaire réel reçu dans les 12 mois précédant l’événement, montant qui est plus avantageux pour la travailleuse.

[76]           La travailleuse a été embauchée chez l’employeur le 31 mai 1999, à un poste de préposée aux bénéficiaires sur appel. Peu après, elle obtient un poste « 7 sur 14 », soit un poste où elle travaille 7 jours sur deux semaines, les 7 jours étant garantis. Les journées sont réparties de la façon suivante : une semaine de trois jours et une semaine de quatre jours. La travailleuse affirme à l’audience qu’il s’agit d’un poste à temps partiel.

[77]           Elle peut se mettre disponible sur appel pour travailler davantage (par exemple, 10 jours sur 14), en indiquant ses disponibilités à l’employeur, ce que la travailleuse faisait pour les deux ou trois mois à venir. La travailleuse est donc sur appel et est appelée selon une liste de rappel établie en fonction de l’ancienneté.

[78]           La travailleuse affirme à l’audience qu’elle s’est presque toujours déclarée disponible 10 jours sur 14; elle dépose des documents intitulés « expression de la disponibilité » selon lesquels, la plupart du temps, elle se mettait disponible pour travailler cinq jours/semaine. Elle voulait travailler à temps plein. Elle considérait que, plus elle se montrait disponible, plus elle travaillerait et acquérrait de l’ancienneté, et plus elle aurait de chances d’obtenir un poste permanent, éventuellement. Elle dit avoir fait du temps supplémentaire.

[79]           Elle affirme avoir travaillé, habituellement, entre 8 et 11 jours par 14 jours.

[80]           D’autre part, le 1er octobre 1999, la travailleuse avait subi une lésion professionnelle au genou droit. Elle a eu un arrêt de travail, a travaillé en assignation temporaire, chez elle alors que l’employeur lui envoyait des documents à séparer, à son rythme et selon ses capacités. Elle était payée 7 jours sur 14. Elle a reçu des traitements de physiothérapie et est retournée au travail. Elle aurait eu des périodes de travaux légers. Selon la preuve documentaire, la travailleuse a eu une rechute de sa lésion professionnelle le 5 juin 2000.

[81]           Selon les relevés de paie produits, pour la période du 11 janvier 2001 au 10 janvier 2001, la travailleuse a travaillé plus que 7 jours sur 14 durant toute l’année, sauf durant environ douze semaines réparties en janvier, février, juin, juillet et septembre 2000.

[82]           Selon sa déclaration de revenus pour l’année 2000, la travailleuse a des revenus d’emploi de 21 596,99 $ du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2000.

[83]           Selon l’employeur, pour la période du 13 janvier 2000 au 12 janvier 2001, les revenus d’emploi de la travailleuse sont de 20 811,24 $, ce montant incluant les primes de nuit et de fin de semaine et 9,3% pour les bénéfices marginaux.

[84]           D’autre part, un emploi de préposé aux bénéficiaires à temps plein chez l’employeur est de 36,25 heures par semaine.

[85]           Dans son analyse de la base salariale pour fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu, la CSST reproduit au dossier des extraits d’un texte sur la Détermination du revenu brut dans les cas de prestation de travail fixe et sur appel. Ce texte fait état qu’il peut y avoir des situations complexes où l’on tient compte de la prestation régulière et fixe en vertu de l’article 67 de la Loi et de la prestation sur appel, en vertu de l’article 68; que dans certains cas, il s’avère avantageux pour le travailleur de démontrer ses revenus des douze derniers mois mais qu’il demeure des situations qui ne se prêtent pas à l’utilisation d’une telle alternative (telles que, des absences durant les 12 mois pour études, accident du travail, invalidité temporaire, etc.); que la méthodologie pour établir le revenu brut d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région n’est pas spécifiée dans la Loi; qu’il convient de tenir compte du contexte et de trouver une façon équitable et réaliste de faire le calcul.

[86]           Or, la CSST a retenu que selon le contrat de travail à temps partiel de la travailleuse, le revenu brut annuel, incluant les bénéfices marginaux, était de 20 216,79 $. Puisque la travailleuse avait reçu un salaire de 20 881,24 $ dans l’année précédant sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001, la CSST retient ce dernier montant qui est plus avantageux pour la travailleuse.

[87]           La procureure de la travailleuse plaide que le salaire de la travailleuse doit être annualisé en fonction du salaire d’un préposé aux bénéficiaires à temps plein. Ce salaire annualisé serait de (13,94 $ X 36,25 heures X 52,14 semaines (ou 1 890,08 heures) = 26 347,65 $ plus 9,30% = 28 797,98 $), sans compter qu’elle a pu faire du temps supplémentaire.

[88]           Elle dépose au soutien de ses prétentions les affaires Ville de Pointe-Claire et Fraser[2] et Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois et Simon[3].

[89]           La procureure de la travailleuse soutient que l’indemnité de remplacement du revenu vise à compenser une perte de capacité de gains et non le revenu réel.

[90]           Dans le présent cas, déterminer l’indemnité de remplacement du revenu selon l’article 67 de la Loi, sur la base du revenu que la travailleuse a reçu durant les 12 mois précédant sa lésion professionnelle s’avère inéquitable. La Loi doit réparer les lésions professionnelles et leurs conséquences.

[91]           La procureure de la travailleuse soutient que la CSST n’a pas pris en considération le statut sur appel de la travailleuse (3 jours sur 14), (article 68 de la Loi). La CSST ne s’est pas interrogée sur le revenu brut d’un travailleur sur appel, de même catégorie, occupant un emploi semblable dans l’hôpital.

[92]           La procureure de la travailleuse invoque que la CSST n’a pas pris en considération que la travailleuse a eu un accident du travail en octobre 1999, qu’elle a eu un arrêt de travail, qu’elle a fait de l’assignation temporaire, qu’elle a été payée sur la base d’un 7 jours sur 14, qu’elle n’était pas disponible pour travailler davantage et qu’elle n’était pas disponible pour effectuer du temps supplémentaire en raison de sa lésion professionnelle au genou.

[93]           La procureure plaide aussi que cette situation a des répercussions pour l’avenir. Non seulement la travailleuse est-elle indemnisée en fonction d’un 7 jours sur 14 lors de sa lésion professionnelle, mais la CSST, lors de la détermination de l’emploi convenable, déterminera l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle elle a droit en fonction de cette base salariale, bien qu’elle analyse la capacité de la travailleuse à exercer un emploi à temps plein.

[94]           La procureure ajoute que si la travailleuse avait pu répondre aux demandes de disponibilité, si elle avait acquis plus d’ancienneté, elle aurait possiblement acquis un emploi à temps plein. N’eût été de son accident du travail du 10 janvier 2001, la travailleuse serait encore à l’emploi chez l’employeur et elle aurait peut-être un emploi à temps plein.

[95]           Subsidiairement, si la Commission des lésions professionnelles ne retient pas le salaire d’un préposé aux bénéficiaires à temps plein, la procureure de la travailleuse demande de retenir, comme revenu brut annuel, la somme de 24 584,15 $ (les revenus réels du 10 janvier 2000 au 10 janvier 2001 plus 9,3% pour les avantages sociaux) plutôt que le montant de 20 881,24 $.

[96]           L’employeur, pour sa part, souligne que les bénéfices marginaux de 9,30% sont compris dans les montants que la travailleuse demande de retenir. D’autre part, il affirme qu’il y a seulement deux périodes de paie (4 semaines, donc) où la travailleuse a travaillé des semaines complètes (72 heures en 14 jours).

[97]           Enfin, l’employeur souligne que, selon l’information que l’employeur a transmise à la CSST, la travailleuse a eu un revenu brut annuel de 20 881,24 $ dans l’année précédant sa lésion. Selon lui, les montants avancés par la travailleuse sont moins précis et détaillés.

L’AVIS DES MEMBRES

[98]           Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la Loi, la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d'elle leur avis sur les questions faisant l'objet de la présente requête, de même que les motifs de cet avis.

[99]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la requête de la travailleuse devrait être rejetée. La travailleuse n’a pas présenté de récidive, rechute ou aggravation de hernies discales puisque la CSST avait déjà tranché que ses hernies discales n’étaient pas reliées à sa lésion professionnelle. D’autre part, la dépression de la travailleuse n’est pas reliée à sa lésion professionnelle puisqu’elle souffrait déjà de dépression auparavant et qu’il n’y a pas de preuve que sa lésion professionnelle soit en cause. Enfin, la base salariale retenue par le CSST doit être maintenue, sans annualiser son contrat de travail et sans ajouter un 9,30% qui est déjà inclus dans le montant retenu.

[100]       Le membre issu des associations syndicales est d'avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie. Elle a présenté une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale puisque la discographie a démontré qu’elle a des hernies discales aux niveaux L4-L5 et L5-S1 qui sont responsables de la symptomatologie qu’elle présente depuis sa lésion initiale, hernies que les examens n’avaient réussi à démontrer jusque-là. Sa dépression majeure est aussi reliée à sa lésion professionnelle initiale. En effet, bien que la travailleuse avait une condition préexistante, elle a perdu son emploi et a été obligée de se réadapter, ce qui a contribué à augmenter sa symptomatologie que le docteur Trudeau relie à sa lésion professionnelle. Enfin, le revenu brut pour fins de détermination de l’indemnité de remplacement du revenu est établi à 23 492,36 $ pour tenir compte du fait qu’elle n’a pu être disponible durant une certaine période en 2000 pour travailler en raison de son accident du travail de 1999.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[101]       La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a présenté, le ou vers le 17 avril 2003, une récidive, rechute ou aggravation sous la forme de hernies discales L4-L5 et L5-S1.

[102]       La Commission des lésions professionnelles doit aussi décider si la travailleuse a présenté, le ou vers le 18 novembre 2002, une récidive, rechute ou aggravation sous la forme d’une dépression majeure.

[103]       Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit décider de la base salariale à retenir pour fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.

[104]       La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit, à l'article 2, la notion de lésion professionnelle :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[105]       Or, la Loi ne définit pas les termes récidive, rechute ou aggravation. La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles interprète cette notion comme une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d'une lésion ou de ses symptômes[4]. Or, la preuve doit établir une relation entre la lésion initiale et la lésion alléguée par le travailleur comme étant une récidive, rechute ou aggravation. Différents critères permettent d'établir cette relation: la similitude du site des lésions, la continuité des douleurs et des symptômes, la similitude ou la compatibilité des diagnostics, le suivi médical, le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale. Le degré de sévérité du traumatisme initial, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou non d'une atteinte permanente à l’intégrité physique, l'absence ou la présence d'une condition personnelle, sont d'autres éléments qui servent de guide pour établir une relation entre une lésion initiale et une récidive, rechute ou aggravation.

[106]       Aucun de ces critères n'est à lui seul décisif, mais, pris ensemble, ils permettent d'évaluer l'existence d'une récidive rechute ou aggravation. Enfin, il appartient au travailleur d'établir, par une preuve médicale prépondérante, une relation entre la pathologie présentée lors de la récidive, rechute ou aggravation et la lésion professionnelle initiale[5].

Récidive, rechute ou aggravation alléguée sur le plan physique du 17 avril 2003

[107]       Après analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a, selon la preuve prépondérante, présenté, le 17 avril 2003, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale pour les motifs suivants.

[108]       Le 10 janvier 2001, elle s’est infligée une entorse lombaire au travail. Elle n’était pas symptomatique de la région lombaire avant cet accident. Elle n’avait pas d’antécédents pertinents, si ce n’est une entorse lombaire qui avait duré deux jours en 1999. Au moment de sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001, elle effectuait un travail exigeant physiquement comme préposée aux bénéficiaires.

[109]       Peu après l’accident, la travailleuse a présenté une sciatalgie droite. Ses médecins ont posé des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1. La CSST refusait les diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1 pour le motif que les hernies n’étaient pas prouvées par tests spécifiques. Le docteur Daoud du Bureau d’évaluation allait dans le même sens, et bien que la travailleuse présentait une sciatalgie droite jusqu’au talon, il ne retenait pas de diagnostic de hernies discales, soulignant que la résonance magnétique n’avait montré qu’une petite hernie L4-L5 plutôt à gauche alors que la symptomatologie était à droite et une minime hernie L5-S1. Le docteur Daoud ajoutait que l’examen ne démontrait pas de signe neurologique périphérique objectivable. Il concluait donc à une entorse lombaire sur discopathie dégénérative L4‑L5 et L5-S1.

[110]       La travailleuse a continué à présenter une symptomatologie lombaire et à la jambe droite et a reçu divers traitements dont des épidurales et de blocs facettaires peu contributifs. Le 15 août 2002, la lésion était consolidée et le 10 octobre 2002, le docteur Morand retenait une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles sévères.

[111]       Malgré la consolidation de la lésion initiale, la travailleuse a continué après le mois d’octobre 2002 à présenter la même symptomatologie avec des périodes d’exacerbation (notamment les 10 et 11 décembre 2002 lors de l’évaluation de ses capacités de travail chez Integro), elle a continué à avoir un suivi médical avec ajustement de sa médication et une investigation par référence en neurochirurgie, par EMG, par blocs de branche à la fin 2003 et par discographie le 30 mars 2004. La discographie visait à connaître l’origine de sa symptomatologie.

[112]       La discographie effectuée par le docteur Marc Filiatrault a montré que la travailleuse a, au niveau L4-L5, « une déchirure intradiscale avec hernie discale, déchirure complète de l’anneau fibreux » et une douleur concordante à 8/10 avec irradiation bilatérale au moment de l’injection du liquide; au niveau L5-S1, elle a « un disque plutôt aminci avec extension du colorant vers l’arrière, compatible avec une hernie discale et de multiples fissures compatibles avec une dégénérescence discale », et une douleur concordante à 10/10 se manifestant tant à gauche qu’à droite. Le docteur Filiatrault conclut que le disque L5-S1 est probablement responsable de sa symptomatologie de même que le disque L4-L5.

[113]       La discographie a donc démontré ce que plusieurs médecins soupçonnaient depuis le début mais que les tests n’avaient pas réussi à montrer, soit que la travailleuse souffrait d’une hernie discale L4-L5 et L5-S1, bien qu’elle ne présentait pas de compression radiculaire à la résonance magnétique ni de signes neurologiques typiques. Les hernies discales confirmées à la discographie vont dans le sens des conclusions du docteur Morand en octobre 2002 à l’effet que la travailleuse avait une entorse sur des lésions discales L4-L5 et L5-S1.

[114]       Le diagnostic d’entorse lombaire de la travailleuse a donc évolué vers des diagnostics de hernies discales L4-L5 et L5-S1, prouvées en mars 2004.

[115]       La Commission des lésions professionnelles constate qu’il y a similitude entre les diagnostics d’entorse lombaire et de hernies discales L4-L5 et L5-S1.

[116]       La Commission des lésions professionnelles conclut que plusieurs des critères, habituellement retenus par la Commission des lésions professionnelles pour reconnaître une récidive, rechute ou aggravation, se retrouvent dans le présent cas. En effet, il y a similitude de diagnostics, il s’agit du même site de la lésion, de la même symptomatologie. La travailleuse conservait de sa lésion initiale une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Il y a eu un suivi médical et le délai est relativement court. Enfin, la travailleuse avait une condition préexistante, asymptomatique avant l’événement du 10 janvier 2001. Il n’y a pas eu de retour au travail régulier mais la travailleuse s’est impliquée dans une évaluation de ses capacités durant deux jours, exercice qui a exacerbé sa symptomatologie et provoqué une diminution des ankyloses de la colonne lombaire.

[117]       Enfin, la Commission des lésions professionnelles constate que les ankyloses de la colonne lombaire de la travailleuse sont devenues plus importantes entre l’évaluation d’octobre 2002, celle de décembre 2002 ou celle de juin 2003. Le médecin régional de la CSST avait d’ailleurs noté cet élément et il était d’opinion que la travailleuse avait présenté une récidive, rechute ou aggravation.

Dépression majeure

[118]       Après analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que la dépression majeure de la travailleuse, diagnostiquée le 17 avril 2003, n’est pas reliée à sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001. Il ne s’agit pas non plus de l’aggravation d’une condition personnelle.

[119]       La Commission des lésions professionnelles constate qu’il y a un seul rapport médical avec le diagnostic de dépression majeure. En effet, ce diagnostic n’a pas été repris après le 17 avril 2003. De plus, le 17 avril 2003, le docteur Trudeau indique que la travailleuse est en dépression majeure depuis novembre 2002. Or, aucun rapport n’a été émis en novembre 2002, ni durant les six mois entre novembre 2002 et avril 2003. Qui plus est, le docteur Trudeau n’a pas voulu déposer ses notes de consultation pour cette période et la travailleuse s’est ralliée à lui.

[120]       D’autre part, le docteur Trudeau n’a pas recommandé de traitements pour la dépression. Bien qu’il y ait modification de la médication anti-douleur le 12 décembre 2002 (MS Contin 30 mg qui remplace Oxycontin 10 mg), il n’y a pas de preuve d’augmentation de la médication antidépressive en novembre 2002 (bien que le 12 décembre 2002, le docteur Morand écrive, dans ses notes, qu’il remplace le Zoloft par le Remeron, mais la travailleuse reprend le Zoloft à la même dose de 50 mg par jour le 20 janvier 2003. Ce n’est que le 26 juillet 2003 que le Zoloft sera augmenté à 100 mg par jour).

[121]       La lettre du docteur Trudeau du 22 juin 2005 ne permet pas d’établir la relation entre une dépression majeure de novembre 2002 et la lésion professionnelle. Le docteur Trudeau affirme qu’« elle a fait une dépression majeure qui a effectivement pu (soulignés ajoutés) être exacerbée par sa problématique de douleurs et également par l’échec de tentative d’un nouvel emploi ». La « possibilité » qu’évoque le docteur Trudeau ne rencontre pas le fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse. En effet, celle-ci devait offrir une preuve de relation probable et non seulement une simple possibilité. De plus, le docteur Trudeau ne situe pas les événements dans le temps, mais il semble que lorsqu’il parle d’un échec de tentative dans un nouvel emploi, il ne parle pas de novembre 2002 mais d’une époque postérieure, notamment en avril 2005.

[122]       D’autre part, lorsque l’agente de la CSST analyse la réclamation de la travailleuse pour une lésion psychologique et demande des détails à la travailleuse, celle-ci dit simplement qu’elle n’allait pas bien en novembre 2002.

[123]       Enfin, la travailleuse a des antécédents au plan psychique puisqu’elle a souffert de dépression majeure en 1993 et elle prend de la médication antidépressive depuis ce temps.

[124]       La Commission des lésions professionnelles ne nie pas le fait que la travailleuse ait pu avoir des difficultés à gérer sa douleur, à faire le deuil de son emploi de préposée aux bénéficiaires qu’elle aimait, qu’elle ait pu avoir besoin d’un suivi psychologique que la CSST lui a offert à plusieurs reprises. Or, en l’absence de preuve médicale, cela ne permet pas de conclure qu’elle a présenté une dépression majeure en lien avec sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001 et des conséquences de celle‑ci.

Base salariale

[125]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas les prétentions de la travailleuse à l’effet que son salaire devrait être annualisé comme si elle travaillait à temps plein.

[126]       Les affaires qu’elle invoque sont différentes du présent cas. Dans l’affaire Ville de Pointe-Claire, le commissaire Suicco annualisait, sur la base du salaire minimum, les revenus d’une travailleuse qui ne travaillait que sept heures par semaine avant son accident. En ce qui concerne madame Marchesseault, son salaire est supérieur au salaire minimum.

[127]       Dans l’affaire Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois, le commissaire Prégent annualisait le salaire d’une travailleuse en concluant, devant la preuve précise qui lui était soumise, que le contrat à durée indéterminée de cette travailleuse se serait transformé, par l’application des modalités de rappel, en un contrat à durée indéterminée avec un salaire annuel plus élevé. Or, dans le cas de madame Marchesseault, bien qu’elle aurait aimé obtenir un emploi à temps plein, la preuve n’a pas été faite qu’elle aurait eu un emploi à temps plein n’eût été de son accident du travail.

[128]       La Commission des lésions professionnelles conclut que le salaire de la travailleuse est déjà annualisé, selon son contrat de travail à temps partiel. Il n’y a pas lieu de l’annualiser comme si elle travaillait à temps plein.

[129]       En ce qui concerne l’impact de la base salariale sur l’indemnité réduite de remplacement du revenu, dans un cadre où la CSST détermine la capacité de la travailleuse à exercer un emploi à temps plein pour l’avenir, alors qu’elle travaillait à temps partiel, c’est dans le cadre d’un autre litige que la travailleuse pourrait faire valoir ses droits, la Commission des lésions professionnelles n’étant pas actuellement saisie de cette question.

[130]       La Commission des lésions professionnelles conclut, en ce qui concerne les trois jours où elle est sur appel, que l’article 68 de la Loi doit trouver application pour cette portion. Selon l’article 68 de la Loi, le revenu brut d’un travailleur sur appel est celui d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si le travailleur démontre qu’il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu’il a exercé dans les douze mois précédant son incapacité.

[131]       Or, la CSST n’a pas tenu compte de l’article 68 de la Loi et du revenu d’un travailleur de même catégorie.

[132]       En l’absence d’une preuve du revenu d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, la Commission des lésions professionnelles retient, par analogie, la moyenne des revenus pour des heures travaillées (en plus des 7 jours sur 14) par la travailleuse dans les semaines où elle était disponible et n’était pas ralentie par son accident de travail de 1999 et ses conséquences (assignation temporaire, temps consacré aux traitements de physiothérapie, etc.) Cette solution tient compte de l’article 68 de la Loi. Elle est équitable et réaliste.

[133]       Il ressort de la preuve que la travailleuse n’a pu travailler davantage que son 7 jours sur 14, en raison de sa non disponibilité reliée à une lésion professionnelle antérieure, durant les périodes suivantes : environ du 11 janvier au 27 février 2000, du 4 au 17 juin 2000, du 1er au 15 juillet 2000 et du 9 au 23 septembre 2000, pour un total d’environ 12 semaines. 

[134]       En conséquence, la Commission des lésions professionnelles retient, comme base salariale pour fins de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, un revenu de 23 492,36 $.

[135]       La Commission des lésions professionnelles tient compte des montants versés à la travailleuse du 11 janvier 2000 au 10 janvier 2001, soit 22 492,36 $, selon les relevés de paie pour cette période (article 67 de la Loi). À cela, la Commission des lésions professionnelles ajoute (selon l’article 68 de la Loi) la somme de 1 000$ qui représente le revenu brut d’un préposé aux bénéficiaires sur appel (jusqu’à une possibilité de trois jours/semaine), sur une période de douze semaines. En effet, durant les neuf mois où elle a donné ses disponibilités et travaillé sur appel, la travailleuse a gagné environ 3 000$ en plus de ses 7 jours sur 14. Appliquant ce montant proportionnellement à la période où elle a été empêchée de travailler plus que ses 7 jours sur 14 en raison de sa lésion professionnelle antérieure, la Commission des lésions professionnelles conclut que pour les douze semaines, les revenus de la travailleuse auraient été de 1 000$ de plus.

[136]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas le montant de 20 881,24$ avancé par l’employeur. Bien que selon lui, il s’agisse du montant réel des revenus de la travailleuse, l’employeur n’a produit de preuve documentaire à l’appui de cette affirmation.

[137]       D’autre part, la Commission des lésions professionnelles donne raison à l’employeur lorsqu’il soutient qu’il n’y a pas lieu d’ajouter 9,30% pour les bénéfices sociaux, puisqu’ils ont déjà été comptabilités selon les relevés de paie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Colette Marchesseault, la travailleuse;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 25 mai 2004;

DÉCLARE que madame Marchesseault a présenté, le ou vers le 17 avril 2003, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 10 janvier 2001, sous la forme de hernies discales L4-L5 et L5-S1;

DÉCLARE qu’elle a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que la dépression majeure, diagnostiquée chez madame Marchesseault le 17 avril 2003 (rétroactivement au 18 novembre 2002), n’est pas reliée à sa lésion professionnelle du 10 janvier 2001;

DÉCLARE que le revenu brut de la travailleuse, aux fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu, est de 23 492,36 $.

 

 

 

__________________________________

 

Me Lucie Landriault

 

Commissaire

 

Me Lysanne Dagenais

Procureure de la partie requérante

 

 

M. Pierre Laforest

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.L.P. 141564-71-0006, 6 mars 2001, A. Suicco

[3]          C.L.P. 227434-08-0402, 20 mai 2004, P. Prégent

[4]          Boisvert et Halco, [1995] C.A.L.P. 19

[5]          Ardagna et Lussier centre de camion Ltée, [1990] C.A.L.P. 1234 ; Pedro et Construction Easy Pilon inc. et CSST, [1990] C.A.L.P. 776 ; Larouche et Commission scolaire Ste-Croix, [1990] C.A.L.P. 261 ; Lapointe et Cie minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Panval inc et Bastion, [1991] C.A.L.P. 1199 .

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