Gabarit EDJ

 

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

 

COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° :

24-2017-00982

 

 

 

DATE :

9 mars 2018

 

______________________________________________________________________

 

 

 

LE CONSEIL :

Me JULIE CHARBONNEAU

Présidente

Dre LISE CUSSON

Membre

Dre CAROLINE NOORY

Membre

______________________________________________________________________

 

 

 

DR MARIO DESCHÊNES, en sa qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec

 

Partie plaignante

 

c.

 

DR SÉBASTIEN PAQUIN (09062)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DU PATIENT MENTIONNÉ DANS LA PLAINTE OU DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER AFIN D’ASSURER LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL DU MÉDECIN ET LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU PATIENT.

I.              INTRODUCTION

[1]           Le Conseil de discipline s’est réuni pour procéder à l’audition de la plainte disciplinaire déposée par le plaignant, Dr Mario Deschênes, en sa qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec contre l’intimé, Dr Sébastien Paquin.

[2]           La plainte portée contre l’intimé est ainsi libellée :

1.    En faisant parvenir à son patient, dans les heures suivant l’examen médical, une demande d’amitié sur un réseau social, i.e. sur son compte Facebook personnel, et en lui faisant parvenir ultérieurement des messages déplacés, à connotation sexuelle, voire une invitation à avoir avec lui des activités sexuelles, contrairement à l’article 22 du Code de déontologie des médecins, ainsi qu’à l’article 59.1 du Code des professions.

[Reproduction intégrale]

[3]           L’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité au seul chef d’infraction de la plainte. Considérant le plaidoyer de culpabilité de l’intimé, le Conseil le déclare coupable du chef de la plainte tel qu’il sera plus amplement décrit au dispositif de la présente décision.

[4]           Les parties présentent au Conseil des positions différentes quant à l’imposition de la sanction.

[5]           Le plaignant est d’avis que les nouvelles modifications à l’article 156 du Code des professions[1], entrées en vigueur le 8 juin 2017, sont d’application immédiate et donc applicables aux plaintes en cours.

[6]           Le plaignant recommande l’imposition d’une période de radiation d’une durée entre un an et cinq ans ainsi que le paiement d’une amende de 2 500 $.

[7]           L’intimé est d’avis que le Conseil doit déterminer la sanction à lui imposer en fonction de l’article 156 du Code des professions tel qu’il était rédigé au moment des gestes qui lui sont reprochés ainsi qu’au moment où le plaignant porte la plainte disciplinaire contre lui. En conséquence, les modifications aux dispositions de l’article 156 du Code des professions entrées en vigueur le 8 juin 2017 ne sont pas applicables à son dossier.

[8]           L’intimé recommande l’imposition d’une période de radiation d’une durée de deux mois et le paiement d’une amende de 2 500 $, sans que cette dernière position ne doive être interprétée à titre d’une reconnaissance quelconque quant à l’application de la nouvelle amende minimale prévue par l’article 156 du Code des professions.

[9]           L’intimé offre une position subsidiaire. Dans l’éventualité où le Conseil est d’avis que les modifications aux dispositions de l’article 156 du Code des professions entrées en vigueur le 8 juin 2017 s’appliquent, il plaide qu’il s’est déchargé de son fardeau de conviction et le Conseil doit également lui imposer une période d’une durée de deux mois et le paiement d’une amende de 2 500 $.

II.            QUESTIONS EN LITIGE

A)   Les modifications de l’article 156 du Code des professions entrées en vigueur le 8 juin 2017 sont-elles applicables au présent dossier?

B)   Quelle est la sanction à imposer à l’intimé en tenant compte des circonstances propres à ce dossier?

III.           CONTEXTE

i)         Preuve du plaignant

[10]        L’intimé est détenteur d’un permis d’exercice depuis 2009 et d’un permis de spécialiste en médecine de famille depuis 2010[2].

[11]        Le plaignant témoigne et dépose de consentement une preuve documentaire[3].

[12]        L’intimé est médecin de famille et pratique notamment à l’urgence de l’Hôpital Saint-François d’Assise à Québec.

[13]        Dans la nuit du 30 au 31 décembre 2016, il évalue un patient qui consulte à l’urgence pour des douleurs abdominales[4].

[14]        Le 31 décembre en début de matinée, l’intimé prescrit au patient un congé de l’hôpital.

[15]        Au cours de la journée du 31 décembre 2016 vers 15h36, l’intimé fait une demande d’amitié au patient sur le réseau Facebook. Le patient âgé de 19 ans accepte la demande.

[16]        Le 31 janvier à 15h37, l’intimé écrit : « Si jamais ca feel pas hesites pas a m’ecrire ! Ca va me faire plaisir ».

[17]        Les échanges par clavardage se poursuivent.

[18]        Le 4 janvier 2017, les échanges deviennent à connotation sexuelle. L’intimé lance une invitation au patient à participer à des activités sexuelles avec lui.

[19]        Le patient met fin à la conversation en écrivant ce message : « À mon avis cette conversation n’est paspas approprié pour un médecin avec son patient. »

[20]        En contre-interrogatoire, le plaignant reconnait que l’intimé a bien collaboré à son enquête et qu’il s’est excusé à plusieurs reprises. Il lui a fait part de regrets.

[21]        Le plaignant reconnait qu’au moment où l’intimé s’est présenté à la rencontre, il ne connaissait pas l’identité du patient visé par l’enquête.

[22]        Le patient n’a pas donné suite aux messages laissés dans sa boîte vocale par le plaignant ni aux courriels que ce dernier lui a expédiés. Ainsi, il n’a pas d’informations quant à des conséquences psychologiques vécues par le patient à la suite de ses échanges avec l’intimé.

[23]        Il admet que les captures d’écran produites en preuve sont incomplètes puisqu’elles débutent le 31 décembre 2016 et reprennent le 4 janvier 2017 alors que des échanges par clavardage se sont produits entre ces deux dates.

 

ii)       Preuve de l’intimé

[24]        L’intimé témoigne. Il produit son curriculum vitae[5]. Il œuvre à temps plein à l’urgence. Il n’a pas d’antécédents disciplinaires ni n’a eu à faire face à des poursuites pénales ou civiles en relation avec sa profession.

[25]        Durant la nuit du 31 décembre à 00h30, il voit le patient qui présente des douleurs abdominales et fait un examen standard. Il le revoit à 6h30, fait une deuxième évaluation et lui signe son congé avec les recommandations d’usages pour ce type de cas. Aucun suivi de la condition du patient n’est prévu.

[26]        Il déclare ne rien connaître de la situation personnelle du patient.

[27]        L’intimé témoigne qu’il n’avait jamais traité ou rencontré ce patient auparavant et n’avoir jamais eu de contact avec lui.

[28]        Le 31 décembre 2016, vers 15h, alors que l’intimé est à son domicile et regarde son compte Facebook, il a vu apparaître la photo du patient dans la liste des amis potentiels.

[29]        Il ignore pourquoi Facebook lui suggère le patient à titre d’ami potentiel. Il est catégorique, il n’a fait aucune recherche à son sujet.

[30]        Il initie la demande d’amitié que le patient accepte. Les premiers échanges par clavardage sont les suivants :

Le 31 décembre 2016 à 15:37 :

 

-       Intimé : Si jamais ca feel pas hesites pas a m’ecrire ! Ca va me faire plaisir

-       Patient : D’avcord merci beaucoup !

[]

[31]        Selon l’intimé, pendant quelques jours, ils ont des échanges anodins toujours uniquement par clavardage concernant leurs activités respectives du temps des fêtes.

[32]        Le 4 janvier 2017, le clavardage aborde des sujets de nature plus libertine.

[33]        L’intimé et le patient ont notamment les échanges suivants :

Le 4 janvier 2017

[]

-       Intimé : J irai pas me faire masser la entk

-       Patient : Ahahahaha

-       Intimé : Toi celib ?

-       Patient : Ouais mais j’irai pas là non plus lol

-       Intimé : Hahaha

-       Intimé : Correct ca

-       Intimé : Quoiqu avoir un massage avec happy ending ca tjrs ete un fantasme

-       Patient : Jme suis déjà fait offert des trip à trois mais chu pas trop à l’aise avec un autre gars ahaha

-       Patient : Mais ca me traumstise pas

-       Intimé : Ha bouh

-       Intimé : C est vrmt cool pourtant

-       Intimé : Faut ouvrir ses horizons

-       Patient : Ouais je serais peut être game avec quelqu’un que je connais depuis longtemps

-       Intimé : Hahaha va falloir se connaitre J

-       Patient : Que veux tu dire

-       Intimé : Bah j dirais pas non a un trip ou t es la !

17:32

-       Intimé : Dsl L

18 :27

-       Intimé : J t ai pas vexe L

20 :04

-       Intimé : J suis inquiet la loo

22:03

-       Intimé : Entk vrmt dsl

23:11

-       Patient : À mon avis cette conversation nest paspas approprié pour un médecin avec son patient

[34]        Le clavardage se termine le 4 janvier 2017, à la suite de cette réponse du patient.

[35]        L’intimé ne cherche pas à poursuivre l’échange et n’a jamais eu de contact ultérieur avec le patient.

[36]        Il sait que le patient l’a bloqué sur Facebook.

[37]        L’intimé reconnait sa faute, regrette sincèrement ses propos et exprime des remords.

[38]        La rencontre avec le plaignant l’a bouleversé. Il a rapidement débuté une psychothérapie.

[39]        Avec Facebook, il n’a pas vu l’aspect patient chez le jeune homme. Chez lui, il ne portait plus son armure de médecin. Il a fait preuve d’immaturité émotionnelle.

[40]        Il n’avait aucune intention malveillante. Il pense à la situation tous les jours. Il a informé son chef de département dès la réception de la plainte. Il n’a plus de page Facebook.

[41]        Il est désolé, il ne souhaitait pas blesser le patient. Il est également désolé que la situation occasionne un dérangement pour plusieurs personnes.

[42]        À la demande de l’intimé et de consentement, Dr Jocelyn Aubut est déclaré témoin expert en psychiatrie. Son rapport au sujet de l’intimé est produit[6].

[43]        Le mandat de Dr Aubut était de déterminer s’il existe une déviance sexuelle chez l’intimé et d’évaluer les risques de récidive quant à la tenue de propos inappropriés envers les patients.

[44]        Dr Aubut conclut qu’aucune indication n’existe chez l’intimé quant à des indices de déviance sexuelle de quelque nature que ce soit. Il est d’avis que le risque de récidive est faible[7].

[45]        L’intimé produit également de consentement le dossier tenu par Mme Danielle Poirier, sa psychologue traitante[8].

[46]        Une correspondance de Mme Poirier est produite pour valoir à titre de témoignage de cette dernière. Le Conseil retient que Mme Poirier considère que l’intimé a pris très au sérieux les enjeux de la relation soignant-patient, dont les notions de vulnérabilité du patient et du rapport inégal qui se développe dans un contexte de soins.

[47]        Elle est d’avis qu’elle ne retrouve pas chez l’intimé des éléments pouvant lui faire craindre une récidive semblable[9].

[48]        Elle termine en soulignant que l’intimé est grandement affecté par le dossier et qu’il le sera probablement longtemps, étant donné sa personnalité[10].

[49]        Le Conseil se doit maintenant de traiter de la première question en litige.

IV.          ANALYSE

A)   Les modifications aux dispositions de l’article 156 du Code des professions entrées en vigueur le 8 juin 2017 sont-elles applicables au présent dossier?

i)         Argumentation du plaignant

[50]        Le plaignant présente son argumentation sous deux thèmes. Il plaide que puisque les nouvelles dispositions à l’article 156 du Code des professions ne prévoient pas de dispositions transitoires, deux raisons justifient l’application immédiate de celles-ci, dont l’une reliée à la nature même des amendements apportés à l’article 156 du Code des professions et l’autre liée à l’objectif de la loi.

a)    Les amendements à l’article 156 du Code des professions sont des modifications relevant de la procédure et entrainent qu’ils sont d’application immédiate.

[51]        Le plaignant est d’avis que le Code des professions ne fait que modifier la procédure applicable à la détermination de la période de radiation à être imposée dans les cas d’inconduite sexuelle. La disposition est d’application immédiate, car il s’agit d’une modification de procédure.

[52]        En droit disciplinaire, ces principes ont déjà été retenus, notamment quant à l’application immédiate des dispositions en matière de publicités des sanctions disciplinaires[11].

b)   L’objectif de la loi doit être considéré. Il s’agit de modifications prévues dans une loi dont l’objectif est la protection du public, entrainant qu’elles sont d’application immédiate.

[53]        Pour le plaignant, il ne fait aucun doute que la protection du public est l’objet même du Code des professions. La Cour d’appel a maintes fois reconnu la protection du public comme étant l’objet du Code des professions[12].

[54]        De plus, la Cour suprême, dans l’arrêt Brosseau c. Alberta Securities Commission[13] retient que le principe de la non-rétroactivité des lois ne s’applique qu’aux lois qui ont un effet préjudiciable. Parmi celles-ci, il y a les lois qui imposent une peine dont l’objet est de punir. À l’inverse, lorsque l’objet de la loi est de protéger le public, le principe de la non-rétroactivité des lois ne s’applique pas. 

[55]        Le plaignant argue que dans l’arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc.[14] la Cour suprême a statué que l’objectif d’une loi (concurrence déloyale prévoyant une infraction pour publicité fausse et trompeuse) visant à protéger le public est suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit garanti par l’alinéa 11 d) de la Charte canadienne.

[56]        À ces arrêts de la Cour suprême, s’ajoute l’arrêt de la Cour d’appel dans Thibault c. Da Costa[15], référant à la Cour suprême du Canada dans Brosseau, qui conclut que la Loi sur la distribution des produits et des services financiers (« LDPSF ») avait comme objectif la protection du public. Notons que la LDPSF poursuit les mêmes objectifs que le Code des professions et elle est d’ailleurs assujettie à une portion du Code[16].

[57]        Dans Da Costa, la Cour a considéré qu’en haussant le plafond des amendes applicables, la LDPSF s’assure que l’objectif de protection du public soit atteint. Le plaignant souligne cet extrait de l’arrêt Da Costa :  

Il faut se pencher sur l’objet et non sur l’effet de la loi. C’est ce que la Cour suprême a dit dans Brosseau. La loi peut certes avoir un effet punitif, mais celui-ci n’est qu’accessoire. Le régime disciplinaire peut et même doit être d’application immédiate, car il vise la protection du public.

[58]        Pour le plaignant, bien qu’il s’agisse, dans cet arrêt, d’amendes dans le monde de la finance, les nouvelles règles applicables aux sanctions à être imposées à des professionnels reconnus coupables d’inconduite sexuelle ne sont aucunement punitives.

[59]        Le plaignant tire des arguments de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées[17] (Loi de 1991) adoptée dans la province de l’Ontario qui prévoit que le droit de pratique du membre qui a commis une infraction de nature sexuelle à l’endroit d’un patient sera suspendu pendant une période minimale de 5 ans, en plus d’être passible d’une amende de 35 000 $. Selon le plaignant, les récentes modifications législatives n’ont pas pour effet de retirer le droit de pratique pour une période minimale de 5 ans automatiquement, comme en Ontario.

[60]        Bien que le régime ontarien en matière de sanction pour les inconduites sexuelles soit plus sévère qu’au Québec, la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Mussani a affirmé que ces dispositions de la Loi de 1991, prévoyant ce retrait du droit de pratique pendant une période de 5 ans, n’étaient pas de nature punitive[18]. Toujours dans cet arrêt, la Cour d’appel a rappelé que les garanties prévues à la Charte canadienne ne s’appliquaient pas.

[61]        Dans une affaire plus récente, College of Physicians and Surgeons of Ontario v. McIntyre[19], un médecin de l’Ontario contestait en appel les sanctions qui lui avaient été imposées en vertu de la Loi de 1991. Les tribunaux supérieurs de l’Ontario ont donc déterminé que les sanctions disciplinaires en matière d’inconduite sexuelle chez les professionnels dans le domaine de la santé n’étaient pas « punitives ».

[62]        Le plaignant est d’avis que la Cour suprême du Canada, dans Tran, réactualise son arrêt Brosseau comme constituant une exception à la règle de la non-application immédiate des nouvelles sanctions[20].

[63]        Selon le plaignant, dans l’affaire Tran, la Cour suprême énonce que l’exception relative à la « protection du public » permet que la législation protective ait un effet rétrospectif même en l’absence d’un texte de loi exprès ou implicite dans ce sens, dans la mesure où il ressort autrement de l’intention du législateur qu’il en soit ainsi[21].

[64]        La Cour suprême reconnait la pertinence de considérer si le législateur a mis en balance les avantages du caractère rétrospectif d’une part, et l’iniquité potentielle d’autre part, provenant de l’application de cette exception. Le plaignant considère que cet exercice a été fait en commission parlementaire lors des travaux entourant l’adoption du projet de loi 98, tels que le font voir les propos de la ministre Vallée.

[65]        Pour le plaignant, il est clair qu’il existe un lien entre les mesures protectives adoptées aux dispositions de l’article 156 du Code des professions et les risques encourus par le public associés à la conduite antérieure à laquelle ils se rattachent, lorsqu’il s’agit d’inconduites sexuelles.

[66]        Le plaignant rappelle que les sanctions disciplinaires au Code des professions, notamment la radiation, ont comme but de protéger le public, dès le moment où elles sont prononcées, c’est-à-dire de protéger le public d’aujourd’hui par rapport à des gestes posés antérieurement[22].

[67]        Le plaignant souligne que le principe voulant qu’un inculpé bénéficie de la peine la moins sévère lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence en vertu (art. 11 i) de la Charte canadienne et l’article 37.2 de la Charte québécoise, ne s’applique pas en droit disciplinaire.

ii)       L’argumentation de l’intimé

[68]        Contrairement aux prétentions du plaignant, l’intimé plaide qu’il devrait être jugé selon les sanctions qui étaient en vigueur au moment des gestes qui lui sont reprochés et au moment du dépôt de la plainte, et non selon le libellé de l’article 156 du Code des professions en vigueur depuis le 8 juin 2017.

[69]        D’une part, en vertu de la présomption de non-rétroactivité des lois, l’intimé plaide qu’il a droit à la peine qui s’appliquait lorsqu’il a commis l’infraction.

[70]        D’autre part, l’application des nouvelles sanctions contreviendrait aux principes de justice naturelle et d’équité qui régissent le droit disciplinaire, tel que reconnu par la jurisprudence unanime et constante du Tribunal des professions et les conseils de discipline de divers ordres professionnels[23].

[71]        L’intimé aborde l’arrêt Da Costa de la Cour d’appel en ces termes :

·        Il souligne que cet arrêt doit être distingué du présent dossier puisque celui-ci portait sur une situation entièrement différente à celle qui est soumise au Conseil.

·        Dans l’arrêt Da Costa, la Cour d’appel applique l’arrêt Brosseau rendu par la Cour suprême et décide qu’un amendement à une sanction disciplinaire peut s’appliquer de manière rétroactive lorsque l’objectif de la sanction en question n’est pas de punir, mais bien de protéger le public.

·        C’est donc dans le cadre factuel propre à l’affaire Da Costa que la Cour d’appel a statué que l’objectif principal des modifications à la loi était la protection du public. Il faut cependant noter que la loi ayant introduit l’amendement à Loi sur la distribution de produits et services financiers mentionnait expressément que l’un de ses objectifs était de renforcer la confiance des investisseurs québécois envers le système financier.

·        Selon l’intimé, la ratio decidendi de l’arrêt Da Costa ne peut donc pas être transposée à toutes les modifications législatives des sanctions disciplinaires sans considération pour les circonstances propres à chaque cas.

·        L’arrêt Da Costa portait sur des amendes et non sur des périodes de radiation. De son côté, l’arrêt Brosseau portait sur les mesures prises par la Commission en vertu d’une nouvelle loi qui étaient destinées à empêcher les personnes que la Commission trouve coupables d'avoir accompli des actes qui mettent en doute leur intégrité commerciale, d'effectuer des opérations relatives à des valeurs mobilières.

·        L’intimé souligne que de nombreuses autres décisions rendues en matière disciplinaire avant et après le jugement Da Costa ont également appliqué la peine la moins sévère suite à un amendement législatif[24].

[72]        L’intimé plaide que seules les décisions Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt[25] et Psychologues (Ordre professionnel des) c. Paquette[26], ont appliqué rétroactivement un amendement à une sanction disciplinaire imposant une plus longue période de radiation minimale.

[73]        L’intimé aborde l’arrêt Tran[27] de la Cour suprême.

[74]        Il est d’avis que la Cour suprême confirme que le fait que l’objet de la loi reflète un objectif global de protection du public n’est pas suffisant en soi, pour conclure que la présomption du caractère non rétrospectif ne s’applique pas, puisque cela reviendrait à faire fi de l’objectif sous-jacent du principe de non-rétroactivité, soit les effets inéquitables potentiels pour l’inculpé[28].

[75]        Pour l’intimé, par son arrêt Tran, la Cour suprême distingue l’arrêt Brosseau.

[76]        De plus, selon l’intimé, il ressort de l’intention du législateur que le nouvel article 122.0.1 du Code des professions soit d’application rétroactive, alors qu’il n’a pas fait cette stipulation pour l’article 156 du Code.

[77]        Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Il apparait évident pour l’intimé que si le législateur avait voulu que l’article 156 du Code des professions s’applique de façon rétroactive, il l’aurait légiféré en ce sens, comme il l’a fait pour l’article 122.0.1.

[78]        Ainsi, si le législateur a spécifiquement prévu l’application rétroactive de l’article 122.0.1 du Code des professions à toute poursuite intentée avant le 8 juin 2017, soit la date d’entrée en vigueur de cet article. Ainsi le législateur n’avait pas l’intention qu’il en soit ainsi pour les autres nouvelles dispositions et, notamment, pour l’article 156 du Code des professions.

[79]        De plus, l’intimé tire un argument issu de l’arrêt R. c. K.R.J de la Cour suprême qui édicte que la protection du public est au cœur de toutes les peines. Ainsi, une sanction imposée dans le but de protéger le public ne l’empêche pas d’être une peine pour l’inculpé[29].

[80]        De plus, dans un récent jugement rendu en 2017, la Cour d’appel d’Alberta a rappelé qu’il est reconnu en droit criminel que contrairement aux amendes, les suspensions de nature administrative ont un effet punitif accablant[30]

[81]        Les décisions rendues par le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec dans Rancourt et par le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec dans Paquette ne lient pas le présent Conseil de discipline. De plus, ces conseils de discipline n’avaient pas le bénéfice des enseignements posés par la Cour suprême dans l’arrêt Tran lorsqu’ils ont statué sur ces dossiers.

[82]        L’intimé affirme que les tribunaux administratifs ne sont pas liés par leurs décisions antérieures et aucune autre instance judiciaire n’est liée par la décision d’un tribunal administratif. Une décision rendue par un tribunal administratif n’a donc pas valeur de précédent judiciaire et la règle du stare decisis ne s’applique pas de la même façon aux tribunaux administratifs qu’aux cours de justice. L’indépendance et l’autonomie décisionnelle des membres d’un tribunal administratif leur permettent de rendre des décisions contradictoires[31].

[83]        L’intimé soumet respectueusement que les décisions Rancourt et Paquette n’auraient pas dû retenir l’arrêt Da Costa et que le présent Conseil ne devrait pas appliquer les décisions Rancourt et Paquette.

[84]        Pour l’intimé, la radiation temporaire de cinq ans prévue à l’article 156 du Code des professions est minimale. Cela a nécessairement l’effet d’une peine sur le professionnel à qui elle est imposée, même si l’intimé reconnait que la protection du public a guidé l’adoption de cette modification.

[85]        Au sujet de la Loi de 1991 adoptée dans la province de l’Ontario et entrée en vigueur le 1er janvier 1994, il plaide ce qui suit :

·        Cette loi prévoit que le droit de pratique d’un professionnel reconnu coupable d’une infraction d’inconduite sexuelle est révoqué pour une durée de cinq ans.

·        Le Conseil de discipline du Collège des médecins et chirurgiens de l’Ontario a reconnu que les actes d’inconduite sexuelle entre un professionnel et son patient qui ont eu lieu avant le 1er janvier 1994, n’étaient pas couverts par la Loi de 1991, mais bien par l’ancienne loi en vigueur.

·        La suspension de cinq ans édictée dans la Loi de 1991 n’a pas eu d’application rétroactive. Les décisions rendues après l’adoption de la Loi de 1991 concernant des infractions commises avant l’adoption de cette Loi ont appliqué les anciennes dispositions relatives aux sanctions[32].

[86]        L’intimé soumet qu’il devrait en être de même pour l’application de la modification de l’article 156 du Code des professions.

[87]        Finalement, l’intimé argue que les nouvelles dispositions de l’article 156 du Code des professions sont susceptibles d’avoir une incidence très importante et équivalente à un effet punitif pour lui, car il devra interrompre sa carrière de médecin pendant cinq ans, à l’âge de seulement trente-trois ans, et qu’il sera empêché d’exercer la profession pour laquelle il est formé si cette sanction lui est imposée.

[88]        En résumé, il soumet que puisque l’application du nouvel article 156 du Code des professions a clairement un effet punitif pour lui, la présomption de non-rétroactivité des lois doit recevoir application. Il est en droit d’être jugé selon le libellé qui était en vigueur au moment de la commission de l’infraction et du dépôt de la plainte.

iii)      Suspension du délibéré

[89]        Alors que le dossier est en délibéré depuis le 29 novembre 2017, le Conseil a suspendu son délibéré le 11 janvier 2018 afin de permettre aux parties de présenter leurs observations à la suite de la décision rendue par le conseil de discipline de l’Ordre professionnel des inhalothérapeutes du Québec dans le dossier Milmore[33].

[90]        Le Conseil a octroyé aux parties le délai qu’elles ont requis et a reçu leurs représentations écrites le 29 janvier 2018. Les parties présentent une argumentation complémentaire ainsi que des autorités supplémentaires et enrichissent leur position exprimée à l’audience.

iv)      Position du plaignant au sujet de la décision Milmore

[91]        Le plaignant invite le Conseil à ne pas appliquer les principes proposés par la décision du conseil de discipline de l’Ordre des inhalothérapeutes dans l’affaire Milmore et ce, pour plusieurs motifs.

[92]        Pour le plaignant, beaucoup d'éléments propres au droit disciplinaire qui le distingue du droit pénal ne semblent pas avoir été retenus par le conseil de discipline dans Milmore.

[93]        Le plaignant diffère d’opinion au sujet de l’affirmation du conseil qui place le droit disciplinaire « très près du droit criminel et pénal ».

[94]        Le plaignant est d’avis que l'arrêt Da Costa, rendu par le plus haut tribunal de la province, constitue l'arrêt de principe qui s'impose aux conseils de discipline en vertu de la règle du stare decisis.

[95]        Ainsi, le plaignant plaide que les décisions rendues par les tribunaux administratifs inférieurs, antérieurement à l'arrêt Da Costa, citées par le conseil dans l'affaire Milmore, ne s'appliquent pas.

[96]        Selon le plaignant, le droit de bénéficier de la « peine la moins sévère » ne doit pas être retenu en l'espèce.

[97]        Par ailleurs, dans Milmore, sur cette question du droit d'un professionnel de bénéficier de la peine la moins sévère, le conseil conclut que « l'intimée doit bénéficier de l'amende la moins sévère » compte tenu des décisions rendues dans le passé par des conseils de discipline et le Tribunal des professions puisque le conseil n'a pas pu retracer de décision contraire.

[98]        Or, pour le plaignant, l'arrêt Da Costa décide à l'effet contraire des précédents rendus par les tribunaux administratifs dans le passé.

[99]        Il plaide que la présomption de la non rétroactivité des lois ne s'applique pas à l'article 156 c) du Code des professions puisque les nouvelles dispositions de l'article 156 relatives aux amendes ne créent pas une nouvelle situation.

[100]     Selon le plaignant, le législateur modifie les conséquences futures de faits accomplis avant la loi nouvelle. En matière d’imposition de la sanction, le plaignant argue que le Conseil n’est pas invité à appliquer la présomption de la non rétroactivité de la loi, mais « d'effet rétrospectif » puisque l’article 156 du Code des professions ne fait que modifier les effets à venir d'un geste accompli.

[101]     Pour le plaignant, l'exercice fait par la Cour d’appel dans l’arrêt Da Costa afin d’exposer les différences entre l'effet rétroactif, l'effet rétrospectif et l'effet prospectif est celui qui doit être retenu par le présent Conseil et non celui par le conseil de discipline dans Milmore.

[102]     En terminant, le plaignant commente certains motifs retenus par le conseil de discipline dans la décision Milmore pour s'écarter de l'arrêt de la Cour d’appel dans Da Costa. Principalement, il soulève les arguments suivants :

·        Un motif du conseil est que « le milieu de la finance et des marchés boursiers est un domaine fort particulier lorsqu'il s'agit de protéger le public, car des milliers d'investisseurs peuvent être fraudés pour des centaines de millions [...] ». Le plaignant soumet que la protection du public n'est pas plus importante dans le domaine de la finance que dans celui des professionnels visés par le Code des professions. Au contraire, des gens du public peuvent mourir suite à des fautes disciplinaires commises par des professionnels de la santé régis par le Code.

·        Le conseil dans Milmore évoque la possibilité que les juges du plus haut tribunal de la province n'aient pas eu « tout l'éclairage et les distinctions entre la non rétroactivité et l'effet rétrospectif ». Le plaignant rappelle que l'une des fonctions principales de la Cour d’appel du Québec est de créer le droit.

·        Au sujet de l'omission de la Cour d'appel d'examiner certaines décisions rendues antérieurement et répertoriées par le conseil, le plaignant plaide que la Cour d'appel n'avait pas l'obligation de suivre ces décisions. Par ailleurs, il souligne qu'aucune de ces décisions antérieures n'a considéré l’arrêt Brosseau de la Cour suprême qui faisait alors pourtant autorité.

·        Enfin, quant à la mention du conseil de discipline à l'effet que la Cour d'appel n'a probablement pas voulu que sa décision ait valeur de stare decisis à l'endroit du Code des professions, il considère que l'article 376 LDPSF interprété par la Cour d'appel renvoie directement au Code des professions :

376. Les dispositions du Code des professions (chapitre C-26) relatives à l'introduction et à l'instruction d'une plainte ainsi qu'aux décisions et sanctions la concernant, à l'exclusion du paragraphe c du premier alinéa de l'article 156 de cette loi, s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, aux plaintes que reçoit le comité de discipline.

Le comité peut imposer une amende d'au moins 2 000 $ et d'au plus 50 000 $ pour chaque infraction. Dans la détermination de l'amende, le comité tient compte du préjudice causé aux clients et des avantages tirés de l'infraction.

[103]     Il réitère que l'arrêt Tran a réactualisé les principes émis dans l'affaire Brosseau.

[104]     Le plaignant ajoute des autorités[34].

v)       La position de l’intimé au sujet de la décision Milmore

[105]     Invité à discuter de la décision Milmore[35], l’intimé réfère à deux autres décisions soit la décision du conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec dans l’affaire Gilbert, rendue le 21 décembre 2017[36] ainsi que la décision du conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec dans l’affaire Génier, rendue le 28 décembre 2017[37] Il ajoute quelques autorités[38].

[106]     Au sujet de la décision Milmore, l’intimé soumet d'entrée de jeu, qu’il souscrit en tous points à l'analyse et aux conclusions du conseil de discipline dans Milmore et que les conclusions de ce conseil concernant les modifications de l’article 156 du Code des professions sont entièrement transposables au second alinéa du même article.

[107]     L’intimé abonde dans le sens du conseil de discipline dans Milmore lorsque ce dernier réfère au jugement R. c. Dulude[39] et à l'arrêt Spooner Oils Ltd.[40] et conclut que « les faits reprochés dans le présent dossier sont une « situation constituée », soit la commission de l'infraction, qui emporte l'application de la présomption de non-rétroactivité, car le législateur ne s'est pas exprimé de façon expresse ni clairement par la voie d'une implication inévitable ». Ainsi, cela se traduit en droit disciplinaire comme le jour de la commission de l'infraction disciplinaire.

[108]     L’intimé est en accord avec le conseil de discipline dans Milmore qui déclare qu’aucune disposition dans la Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel et dans les propos en Commission parlementaire ne révèle l’intention du législateur à l'effet qu'il a souhaité que le nouvel article 156, au sujet des amendes, ait une portée rétrospective et possiblement inéquitable.

[109]     Pour l’intimé, ce raisonnement s'applique intégralement à la peine minimale de radiation de cinq ans prévue par ce même article 156 et au renversement du fardeau de preuve qui y est rattaché.

[110]     L’intimé plaide que l'instauration d'une sanction de radiation minimale de cinq ans, le renversement du fardeau de la preuve ainsi que l'augmentation du montant des amendes ne peuvent être qualifiés de modifications de « pure » procédure. Ces règles lui sont par ailleurs préjudiciables.

[111]     Tout comme le souligne le conseil de discipline dans Milmore, l’intimé rappelle qu’il a insisté lors de son argumentation, sur le fait que le législateur s'est exprimé clairement dans la même loi lorsqu'il a voulu donner une portée rétroactive ou une portée rétrospective à certaines dispositions et qu'on peut donc en déduire, a contrario, qu'il n'a pas voulu faire de même pour les modifications à l'article 156 du Code des professions.

[112]     Pour l’intimé, les principes énoncés précédemment auraient dû être suffisants pour permettre aux conseils de discipline saisis des affaires Rancourt[41] et Paquette[42] de statuer que les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas rétroactivement. Selon l’intimé, sa lecture de ces décisions révèle que l'application de l'arrêt Da Costa les a amenés à conclure en sens contraire.

[113]     Pour conclure que l'arrêt Da Costa de la Cour d’appel ne s’applique pas au dossier sous étude, l’intimé souscrit aux motifs suivants tirés de la décision Milmore :

·        Da Costa a été rendu avant l’arrêt Tran de la Cour suprême.

·        Da Costa traite d’une décision en matière de valeurs mobilières, domaine très particulier en regard de la protection du public constitué de milliers d'investisseurs peuvent être l'objet de fraudes substantielles;

·        La motivation de la Cour d'appel est nécessairement en fonction des arguments plaidés par les procureurs devant elle et qu'il est possible que tout l'éclairage et les distinctions entre la « rétroactivité » et la « rétrospectivité » n'aient pas été apportés par les procureurs;

·        Le conseil de discipline dans Milmore souligne que l’arrêt Da Costa vise un cas différent de l'arrêt Brosseau sur lequel la Cour d’appel a pris appui pour rendre son arrêt Da Costa;

·        Tel que mentionné dans la décision Milmore, les modifications législatives sous étude dans Da Costa auraient dû faire appel à la présomption de non-rétroactivité lorsque la loi a des effets préjudiciables et n'auraient pas dû être analysées en fonction de l'objectif punitif ou dissuasif de la loi;

·        Finalement, l’intimé partage la conclusion du conseil dans Milmore que l'arrêt Brosseau ne pouvait s'appliquer à la situation visée dans Da Costa et que d'ailleurs, des décisions du Québec citées dans Milmore ne semblent pas avoir été soumises à la Cour d’appel puisqu'elles ne sont pas abordées dans Da Costa.

[114]     L’intimé termine en demandant que le présent Conseil ne retienne pas les principes décidés dans les décisions Rancourt et Paquette et que le Conseil doit conclure que l'article 156 du Code des professions tel que modifié ne s'applique pas au dossier sous étude.

V.           MOTIFS DU CONSEIL QUANT AUX MODIFICATIONS À L’ARTICLE 156 DU CODE DES PROFESSIONS ENTRÉES EN VIGUEUR LE 8 JUIN 2017

1)    Motif lié à l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans Thibault c. Da Costa[43]

[115]     Le 19 décembre 2014, la Cour d’appel du Québec est saisi d’un pourvoi qui soulève la question de l’application « rétrospective » d’une modification législative haussant le maximal des amendes applicables par un comité de discipline. Plus précisément, il s’agit pour la Cour de décider si le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière pouvait appliquer l’amende en vigueur en 2010 à des infractions commises entre 1997 et 2004. L’arrêt de la Cour conclut, après une étude de différents arrêts rendus par la Cour suprême du Canada, ce qui suit :

[65] En cristallisant le régime applicable au moment du dépôt de la plainte, il faudrait reconnaître qu’un régime d’amendes en vigueur au moment du prononcé de la sanction, mais non en vigueur au moment du dépôt de la plainte, doit bénéficier de l’interprétation contre l’effet rétrospectif. Cela va à l’encontre du raisonnement adopté par la Cour suprême.

[66] En résumé, une loi a un effet « rétrospectif » lorsqu'elle n'a pas un effet préjudiciable. Selon le contexte, une amende n'est pas considérée comme une mesure punitive lorsqu'elle vise à protéger le public. En matière disciplinaire, la condamnation au paiement d'une amende ne constitue pas, en principe, une conséquence de nature pénale, même lorsque le montant de l'amende est important, si cela est nécessaire pour prévenir la récidive du contrevenant et dissuader d'autres professionnels de contrevenir à la loi.

[116]     Le Conseil est d’avis qu’il doit suivre les enseignements de la Cour d’appel puisqu’il n’est pas saisi d’une nouvelle question juridique ou de circonstances suffisamment différentes qui lui permettent de s’écarter d’un arrêt rendu par la Cour d’appel.

[117]     La Cour supérieure rappelait qu’une juridiction inférieure peut, dans certains cas, faire abstraction d’un précédent, bien que le test à rencontrer soit exigeant[44] :

[88] Comme la juge Tremblay, il convient d’abord de noter qu’une juridiction inférieure peut, dans certains cas, faire abstraction d’un précédent bien que la barre soit haute. Ce sera le cas « lorsque de nouvelles questions de droit sont soulevées par suite d’une évolution importante du droit ou qu’une modification de la situation de la preuve change radicalement la donne »

[Références omises]

[118]     En conséquence, le Conseil n’est pas en présence de ces motifs qui lui permettent de ne pas suivre les principes édictés par la Cour d’appel dans l’arrêt Da Costa. De plus, et cela est particulièrement important pour le Conseil, cette position se justifie par le respect de la hiérarchie des tribunaux et de la primauté du droit.

[119]     Ainsi, le Conseil est d’avis que l’arrêt rendu par la Cour d’appel du Québec dans Da Costa[45] et les décisions rendues par le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec dans Rancourt[46] et par le conseil de discipline du Barreau du Québec dans Dubé[47] décidant que les dispositions de l’article 156 du Code des professions modifiées par la Loi 11[48] sont applicables à toutes plaintes pendantes pour lesquelles la sanction n’a pas encore été prononcée, peu importe la date de l’infraction, la date du dépôt de la plainte et le stade de l’instance disciplinaire au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, représentent l’état du droit.

[120]     Depuis, cette position a été reprise par d’autres conseils de discipline, dont le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec[49], le conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés[50] et celui de la Chambre des huissiers de justice du Québec[51].

[121]     En conséquence, le Conseil souscrit à la position exprimée par ces conseils de discipline qui ont appliqué les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Da Costa[52]. Le Conseil juge utile de mettre l’accent sur certains arguments développés au soutien de cette position.

2)    Motif lié aux principes de la justice naturelle

[122]     Le Conseil est d’accord que les conseils de discipline ont l’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celles de l’équité procédurale.

[123]     Les parties ont toutes deux plaidé abondamment ce point.

[124]     Le Conseil revient à nouveau vers les enseignements de plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada. La Cour rappelle, notamment dans Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature) l’obligation pour les organismes administratifs de suivre les principes de justice naturelle en ces termes[53] :

75 L’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celles de l’équité procédurale s’étend à tous les organismes administratifs qui agissent en vertu de la loi (voir Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, 1978 CanLII 24 (CSC), [1979] 1 R.C.S. 311; Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, 1985 CanLII 23 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 643, p. 653; Baker, précité, par. 20; Therrien, précité, par. 81).  Ces règles comportent l’obligation d’agir équitablement, notamment d'accorder aux parties le droit d’être entendu (la règle audi alteram partem).  Cette obligation a une nature et une étendue « éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » (le juge L’Heureux-Dubé dans Baker, précité, par. 21).  En l’espèce, il faut interpréter généreusement la portée du droit d’être entendu puisque le processus administratif du Conseil de la magistrature ressemble au processus judiciaire habituel (voir Knight, précité, p. 683); la décision du Conseil est sans appel (voir D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), vol. 1, p. 7-66 et 7-67); et les enjeux de l’audience sont très graves pour l’intimée (voir Kane c. Conseil d'administration de l’Université de la Colombie-Britannique, 1980 CanLII 10 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 1105, p. 1113).

[125]     Ainsi, l’arrêt Moreau-Bérubé et les arrêts cités par la Cour confirment que l’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celles de l’équité procédurale s’étend à tous les organismes administratifs qui agissent en vertu de la loi. Cet arrêt doit être classé dans le domaine du droit administratif et non du droit criminel.

[126]     Encore très récemment, le Tribunal des professions rappelait que l’obligation pour les conseils de discipline de respecter les principes de justice naturelle découle de l’arrêt Moreau-Bérubé où le Tribunal dans l’affaire Ricard exprime ce qui suit[54] :

[27] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Moreau-Bérubé, a conclu que l’obligation de se conformer aux règles de justice naturelle et à celle de l’équité procédurale s’étend aussi aux organismes administratifs, dont un conseil de discipline.

[28] Notre tribunal a aussi confirmé cette obligation d’un conseil de discipline.

[29] Le Tribunal des professions, dans la décision Hébert, fait un résumé des principes à suivre. Il en ressort ce qui suit :

Obligation d’agir de manière souple et variable suivant le contexte législatif et les droits visés;

Les exigences peuvent varier en fonction des circonstances de l’affaire, de la nature de l’enquête, des règles régissant le tribunal, de la question traitée;

Le tribunal doit « jouer franc jeu »;

Le tribunal doit entendre équitablement les deux parties;

La justice doit être rendue.

[Références omises]

[127]     Ainsi, les principes de la justice naturelle applicables en droit disciplinaire découlent du droit administratif et non du droit criminel.

[128]     Plus précisément quant à l’importation du droit criminel en droit disciplinaire, la Cour d’appel dans un arrêt rendu en 2016[55], reprend les propos maintes fois cités de l’Honorable Jean-Louis Baudouin dans l’affaire Béliveau[56]  quant aux fondements du droit disciplinaire :

[15] Dans Béliveau c. Barreau du Québec, le juge Baudouin rappelle ainsi les fondements du droit disciplinaire :

[85] Je souscris à l’opinion du premier juge et à celle du Tribunal des professions (Béliveau c. Corporation professionnelle des avocats, (1990) D.D.C.P. 247) à l’effet que le droit disciplinaire est un droit sui generis et que c’est un tort que de vouloir à tout prix y introduire la méthodologie, la rationalisation et l’ensemble des principes du droit pénal. Une plainte devant un Comité de discipline n’est pas une procédure criminelle ou quasi criminelle (Voir R. c. Wigglesworth, (1987) 1987 CanLII 41 (CSC), 2 R.C.S. 541). La faute professionnelle pour sa part n’est pas non plus la faute criminelle (Voir Y. Ouellette, « L’imprécision des Codes de déontologie professionnelle », (1977) 37 R. du B. 670; P. ISSALYS, « The Professions Tribunal and the Control of Ethical Conduct Among Professionals », (1978) 24 McGill L.J. 588; L. BORGEAT, « La faute disciplinaire sous le Code des professions », (1978) 38 R. du B. 3) et il n’est donc pas nécessaire, à mon avis, que les textes d’infractions disciplinaires soient rédigés avec la précision formaliste et rigoriste des textes de nature pénale. L’article 107 est bel et bien constitutif d’une infraction disciplinaire qui est de poser un acte contraire à l’honneur et la dignité de la profession. Il a été rédigé, par le législateur, de façon à introduire une nécessaire souplesse dans l’appréciation que pourra faire le Comité de discipline (qui, est-il besoin de le rappeler, est un Comité de pairs) de la conduite des membres du Barreau. Cette souplesse est d’ailleurs indispensable à un contrôle efficace d’une profession qui fait de tous ses membres des auxiliaires de la justice. Les règles de déontologie, et donc les textes qui indiquent les conduites considérées comme contraires à l’éthique, n’ont pas besoin d’énumérer de façon restrictive toutes et chacune des fautes disciplinaires potentielles (Bolduc c. Roy), (1975) C.A. 505).

[129]     Le Conseil est d’avis que ces enseignements de la Cour d’appel représente, encore aujourd’hui, l’état du droit.

3)     Motif lié à la notion de protection du public

[130]     Le Conseil rappelle que la principale fonction d’un ordre professionnel consiste à protéger le public. Cette obligation est prévue dans le Code des professions depuis son adoption d’origine en 1973[57]. Les dispositions de son article 23 sont claires à cet effet :

23. Chaque ordre a pour principale fonction d’assurer la protection du public.

À cette fin, il doit notamment contrôler l’exercice de la profession par ses membres.

[131]     Par ailleurs, il est utile de noter que le Code des professions est une loi d’ordre public qui vise à protéger le public.

[132]     Sur cette notion d’ordre public, trois instances supérieures l’ont confirmé soit le Tribunal des professions[58], la Cour supérieure[59] et la Cour d’appel[60].

[133]     En 1975, la Cour d’appel dans l’arrêt Béchard c. Roy[61], largement cité par la jurisprudence depuis, énonce ce qui suit à l’égard du but de protection du public de la sanction disciplinaire :

Les mesures disciplinaires n’ont pas comme but d’infliger une peine aux membres de l’Ordre mais de parer aux dangers que présente pour le public un membre dont la conduite n’est pas conforme à l’éthique professionnelle.

[134]     En 1998, dans Gurunlian c. Comptables agréés (Ordre professionnel des)[62], le Tribunal des professions s’exprime ainsi quant au but de la sanction disciplinaire :

Rappelons que la finalité de la sanction est la protection du public dans le respect des droits du professionnel. La protection du public a deux volets : soit la protection vis-à-vis le professionnel en question, et la protection vis-à-vis les autres professionnels.

[135]     En 2003, la Cour d’appel, dans l’arrêt phare Pigeon c. Daigneault[63], consacre d’ailleurs la protection du public comme premier objectif de la sanction disciplinaire et y ajoute la dissuasion du professionnel fautif et l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession.

[136]     Le Tribunal des professions jugeait utile de rappeler les critères qui doivent le guider dans le cadre de l’imposition d’une sanction disciplinaire soit ceux été énoncés par la Cour d’appel du Québec dans Pigeon c. Daigneault[64].

[137]     La jurisprudence disciplinaire est constante, la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel, mais bien de protéger le public.

[138]     L’auteur Pierre Bernard résume bien la portée de l’objectif de protection du public de la sanction disciplinaire[65] :

Ce qu’il faut comprendre de l’insistance que l’on met à parler de protection du public, c’est qu’au niveau de la détermination de la sanction, il est fondamental de toujours ramener constamment à ce principe essentiel, chaque idée proposée, chaque argument invoqué et chaque proposition avancée en se demandant comment cette idée, cet argument ou cette hypothèse de sanction sert réellement le but visé, soit de protéger le public.

C’est à partir de cette orientation fondamentale que devrait s’amorcer le processus d’analyse en matière de sanction et que l’on comprend mieux pourquoi il y a une telle insistance logique sur l’objectif d’essayer d’empêcher le professionnel fautif de recommencer et les autres d’agir aussi de façon condamnable.

À cet égard d’ailleurs, quand on dit qu’on doit empêcher le professionnel de récidiver, cela devrait vouloir dire parfois l’écarter complètement du domaine des services professionnels en raison du degré de dangerosité qu’il représente.

[…]

[139]     Force est de constater que l’analyse de trois récentes décisions des conseils de discipline de trois ordres distincts ne s’est pas effectuée sous l’angle de la protection du public[66]. Avec respect pour ces conseils, cette position, plus particulièrement à l’étape de l’audition sur la sanction, omet une partie importante de la raison d’être du droit disciplinaire.

4)     L’arrêt Tran de la Cour suprême du Canada[67]

[140]     Le 19 octobre 2017, la Cour suprême du Canada rend un arrêt en matière d’immigration et dont la trame factuelle résumée par l’arrêtiste est la suivante. M. Tran est un résident permanent au Canada, accusé d’une infraction fédérale passible, au moment de sa commission, d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement. Après que M. Tran soit accusé, mais avant qu’il soit déclaré coupable, la peine maximale dont était passible ceux qui se rendaient coupables de l’infraction a été portée à 14 ans d’emprisonnement. M. Tran est déclaré coupable de l’accusation portée contre lui et il est condamné à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis à purger dans la communauté.

[141]     Cette modification de la peine maximale emporte, par l’application d’une autre loi, que M. Tran pourrait se voir expulser du Canada.

[142]     La Cour suprême par la plume de l’Honorable Suzanne Côté débute son analyse et pose au nom de la Cour, ce postulat :

[23] Le principe moderne d’interprétation législative veut qu’il [traduction] « faille lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, son objet et l’intention du législateur » : E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87. […]

[143]     Le conseil de discipline du Collège des médecins, dans le cadre de sa décision sur sanction dans le dossier Rancourt[68], est appelé à réexaminer la question de l’application immédiate des amendements apportés à l’article 156 du Code des professions. À l’occasion de cette décision, le conseil exprime sa position quant à l’applicabilité de l’arrêt Tran eu égard à l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’article 156 du Code des professions :

[160] Le 19 octobre dernier, dans l’arrêt Tran, la Cour suprême du Canada, saisie d’une question en matière d’immigration, a réitéré l’exception au principe de non-rétroactivité des lois qui ont pour objet la protection du public énoncé dans l’arrêt Brosseau.

[161] Dans le cadre de son analyse, la Cour suprême confirme l’effet rétrospectif d’une loi, même en l’absence d’un texte de loi exprès ou implicite énonçant son application immédiate, si l’objectif de la modification législative vise clairement la protection du public. La clé de cet arrêt à cet égard se situe en son paragraphe 50 :

[50] Règle générale, un texte exprès ou nettement implicite en ce sens (Gustavson Drilling, p. 279) donne l’indication nécessaire que le législateur a réfléchi à la question de la rétrospectivité. L’exception relative à la « protection du public » permet que la législation protective ait un effet rétrospectif même en l’absence d’un texte de loi exprès ou nettement implicite en ce sens, dans la mesure où il ressort autrement de l’intention du législateur qu’il en soit ainsi. Cela dit, conformément à l’objectif sous-jacent de la présomption, l’exception s’applique uniquement lorsque la structure de la pénalité elle-même illustre que le législateur a mis en balance les avantages du caractère rétrospectif, d’une part, et ses effets inéquitables potentiels, d’autre part. Ce sera le cas lorsqu’il y a clairement un lien entre la mesure protective et les risques encourus par le public associés à la conduite antérieure à laquelle ils se rattachent. Dans de tels cas, comme dans Brosseau, l’étendue de la protection doit s’aligner avec les risques précis engendrés par ceux qui ont eu une conduite dommageable spécifique et elle est façonnée pour prévenir ces risques pour l’avenir : voir Brosseau, p. 319 et 320, citant R. c. Vine (1875), L.R. 10 Q.B. 195, p. 199; voir également In re A Solicitor’s Clerk, [1957] 1 W.L.R. 1219 (B.R.).

[Nos soulignements]

[144]     Le Conseil adhère à cette analyse.

[145]     Ainsi, le Conseil juge que l’arrêt Tran[69] de la Cour suprême ne remet pas en cause les principes établis par la Cour dans son arrêt Brosseau[70] selon lesquels une loi relative à la protection du public peut avoir un effet rétrospectif, même en l’absence d’un texte, suivant l’intention du législateur. Le Conseil rappelle que la Cour d’appel appuie une partie de son analyse sur l’arrêt Brosseau pour rendre l’arrêt Da Costa. À la lumière de ce qui précède, nous sommes d’avis que la Cour suprême dans l’arrêt Tran ne modifie pas les principes qu’elle avait déjà établis dans son arrêt Brosseau[71].

[146]     En conclusion, le Conseil décide que les dispositions de l’article 156 du Code des professions modifiées par la Loi 11[72] sont applicables au présent dossier.

B)   Quelle est la sanction à imposer à l’intimé en tenant compte des circonstances propres à ce dossier?

i)         Position du plaignant

[147]     Pour le plaignant, l’infraction est grave. Il recommande une période de radiation pour une durée entre un an et cinq ans.

[148]     L’article 59.1 du Code des professions est une disposition cardinale du droit professionnel applicable à tous les professionnels.

[149]     Le fondement de la relation médicale est la relation médecin-patient.

[150]     Dès son premier contact virtuel avec le patient, l’intimé lui a offert un suivi. Pour le plaignant, l’intimé a utilisé son statut de médecin pour faire de l’hameçonnage auprès du patient.

[151]     Cela ajoute au caractère de gravité.

[152]     L’intimé a versé dans la confusion de rôles.

[153]     Au sujet du dernier message du patient qui met fin au clavardage, le plaignant souligne que « c’est le jeune patient qui a remis les pendules à l’heure, c’est humiliant pour la profession. »

[154]     Aux yeux du plaignant, l’âge de l’intimé et son absence d’antécédents disciplinaires offrent peu de contrepoids. Selon lui, les propos tenus par l’intimé devant le Conseil ont un caractère lénifiant.

[155]     Pour le plaignant, le Conseil est face à un intimé qui a fait preuve d’un manque de jugement, de discernement et de connaissance sur le plan déontologique.

[156]     Le plaignant rappelle les efforts constants du Collège des médecins afin de faire cesser les inconduites de la nature de celle reprochée à l’intimé.

[157]      À son avis, les victimes de ce dossier sont le patient, la profession et les autres médecins.

[158]     Pour le plaignant, la preuve démontre que l’invitation sexuelle formulée par l’intimé a été bloquée par un enfant de 19 ans.

[159]     Dans l’évaluation de la sanction à imposer à l’intimé, le plaignant reconnait que sa conduite postérieure lui est favorable.

[160]     En réplique à la recommandation de l’intimé de lui imposer deux mois de radiation, le plaignant plaide qu’elle est totalement déraisonnable.

[161]     Il demande au Conseil de rendre une décision à valeur pédagogique pour les jeunes médecins.

[162]     Il soumet des autorités au soutien de sa position[73].

ii)       Position de l’intimé

[163]     L’intimé recommande une période de radiation de 2 mois et une amende de 2 500 $.

[164]     Son geste a été spontané, impulsif et sans préméditation. De plus, ce n’était pas une invitation. Le Conseil est à même de constater que le tout s’est passé en une minute. Aucun suivi n’était requis de la part de l’intimé auprès du patient.

[165]     Il s’agit d’une méconnaissance du Code de déontologie des médecins de sa part.

[166]     Il n’a pas cherché les coordonnées du patient. Après des échanges échelonnés sur quelques jours, le clavardage bifurque sur des sujets tels que des salons de massage et des sites de rencontre.

[167]     L’intimé a constaté que le patient n’a pas apprécié. Il s’en excuse et aurait aimé s’en excuser auprès du patient. Il a respecté la volonté du patient.

[168]     La spontanéité de Facebook est un piège. Il tient à préciser le sens de ce propos. Il ne dit pas qu’il est tombé dans un piège.

[169]     Il soumet des autorités au soutien de sa position[74].

V)           DÉCISION DU CONSEIL

[170]     Avant l’entrée en vigueur de ces modifications apportées à l’article 156 Code des professions par la Loi 11, l’intimé reconnu coupable d’une infraction à l’article 59.1 du Code des professions devait obligatoirement se voir imposer une période de radiation temporaire variant d’une journée à plusieurs années, voire d’une radiation permanente.

[171]     Il est important pour le Conseil de faire ce rappel.

[172]     Le Code des professions prévoit maintenant une nouvelle procédure où le professionnel déclaré coupable assume un fardeau de conviction.

[173]     Le législateur a clairement décidé d’imposer ce fardeau à tout professionnel déclaré coupable d’une violation à l’article 59.1 du Code des professions ou d’une violation d’un acte de même nature prévu au code de déontologie de l’ordre professionnel concerné.

[174]     Il est important de retenir que les nouvelles modifications à l’article 156 ne prévoient pas automatiquement l’imposition d’une période de radiation temporaire de cinq ans pour une déclaration de culpabilité découlant de l’article 59.1 du Code des professions ou d’un acte de même nature prévu au code de déontologie de l’ordre professionnel concerné.

[175]     Les nouvelles dispositions de l’article 156 du Code des professions constituent plutôt une nouvelle procédure applicable lors de la détermination d’une sanction.

[176]     Cette nouvelle procédure prévoit, essentiellement, un renversement de fardeau sur les épaules du professionnel déclaré coupable de certains critères applicables dans la détermination de la durée de la période de radiation.

[177]     Ainsi, il en découle que le législateur précise une nomenclature de critères que doit considérer le conseil de discipline lors de l’établissement de la sanction. Cette énumération ne prive pas les conseils de discipline de la latitude nécessaire à l’exercice de leur juridiction.

[178]     Cette position est confirmée par une autre formation du conseil de discipline du Collège des médecins dans l’affaire Rancourt[75] :

[121] Cette nouvelle disposition ne prive donc pas le Conseil de discipline de sa discrétion dans la détermination de la durée de la période de radiation à imposer à un professionnel déclaré coupable d’une infraction à caractère sexuel et lui permet de réduire la période de radiation de 5 ans si les circonstances le justifient.

[179]     Les enseignements de la Cour d’appel demeurent. Chaque cas est un cas d’espèce[76].

[180]     Le chef de la plainte reproche à l’intimé une infraction aux dispositions de l’article 59.1 du Code des professions[77] :

59.1. Constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession le fait pour un professionnel, pendant la durée de la relation professionnelle qui s’établit avec la personne à qui il fournit des services, d’abuser de cette relation pour avoir avec elle des relations sexuelles, de poser des gestes abusifs à caractère sexuel ou de tenir des propos abusifs à caractère sexuel.

[181]     La sanction vise non pas à punir le professionnel fautif, mais à assurer la protection du public. En outre, la sanction doit dissuader la récidive du professionnel et être un exemple pour les autres membres de la profession[78].

[182]     Le Conseil souligne les enseignements du juge Chamberland de la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault[79] : « […]  il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, […]. »

[183]     La protection du public est le premier critère à évaluer lors de l’imposition d’une sanction. Toutefois, « chaque cas est un cas d’espèce »[80].

[184]     Au sujet de la protection du public, le Tribunal des professions nous enseigne ce qui suit dans l’affaire Chevalier[81] :

[18] Le Tribunal note que le juge Chamberland a parlé « au premier chef » de la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, puis l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession et enfin le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession. Ainsi, ce droit du professionnel ne vient qu'en quatrième lieu, après trois priorités.

[185]     Le Conseil rappelle que son rôle n’est pas de punir le professionnel, mais de s’assurer que les sanctions ont, sur l’intimé et sur les autres membres de la profession, un effet dissuasif tout en atteignant les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

[186]     La jurisprudence est constante concernant le fait que le rôle du Conseil de discipline, lorsqu’il impose une sanction, est d’assurer la protection du public. Ce critère englobe également celui de la perception du public[82].

[187]     La sanction est déterminée en proportion raisonnable de la gravité de la faute commise et elle doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité enseignés en jurisprudence.

[188]     Le Conseil doit aussi respecter le principe de l’individualisation de la sanction et soupeser l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants, pertinents à la détermination de la sanction de chaque affaire.

i)         Dans le cadre de la détermination d’une sanction juste et raisonnable, l’intimé a-t-il convaincu le Conseil que les circonstances de la présente affaire justifient une radiation d’une durée moindre que cinq ans?

[189]     L’intimé plaide qu’il s’est déchargé de son fardeau de conviction qui lui incombait.

[190]     La réponse du plaignant à cette question est d’une certaine façon affirmative puisqu’il est d’avis que le Conseil pourrait imposer une période de radiation temporaire d’une durée moindre de cinq ans, soit entre un an et cinq ans.

[191]     Suivant la décision Rancourt[83], le Conseil doit se livrer à l’exercice suivant :

[167] Le Conseil doit dorénavant amorcer sa réflexion en prenant comme prémisse qu’il doit imposer au moins une radiation de 5 ans pour protéger le public contre les inconduites sexuelles des professionnels. De ce point de départ, le Conseil peut par la suite moduler sa réflexion et exercer sa discrétion en imposant une période de radiation moindre si le professionnel le convainc que les circonstances le justifient. Il peut également décider qu’une période de radiation plus longue est appropriée si les faits le requièrent.

[192]     Cette approche a également été retenue récemment par le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues dans les décisions Paquette[84] et Côté[85].

[193]     Aux fins de cet exercice, le Conseil doit notamment prendre en compte les facteurs énoncés au 3e alinéa de l’article 156 du Code des professions, soit :

156. Le conseil de discipline impose au professionnel déclaré coupable d’une infraction visée à l’article 116, une ou plusieurs des sanctions suivantes sur chacun des chefs contenus dans la plainte :

[…]

Le conseil de discipline impose au professionnel déclaré coupable d’avoir posé un acte dérogatoire visé à l’article 59.1 ou un acte de même nature prévu au code de déontologie des membres de l’ordre professionnel, au moins les sanctions suivantes :

a) conformément au paragraphe b du premier alinéa, une radiation d’au moins cinq ans, sauf s’il convainc le conseil qu’une radiation d’une durée moindre serait justifiée dans les circonstances;

b) une amende, conformément au paragraphe c du premier alinéa.

Dans la détermination des sanctions prévues au deuxième alinéa, le conseil tient notamment compte :

a) de la gravité des faits pour lesquels le professionnel a été déclaré coupable;

b) de la conduite du professionnel pendant l’enquête du syndic et, le cas échéant lors de l’instruction de la plainte;

c) des mesures prises par le professionnel pour permettre sa réintégration à l’exercice de la profession;

d) du lien entre l’infraction et ce qui caractérise l’exercice de la profession;

e) de l’impact de l’infraction sur la confiance du public envers les membres de l’ordre et envers la profession elle-même.

[…]

[194]     Le Conseil aborde maintenant chacun de ces cinq critères.

a)    La gravité des faits pour lesquels le professionnel a été déclaré coupable

[195]     Pour évaluer le degré de gravité de l’inconduite reprochée, il faut déterminer s’il s’agit de propos inappropriés, d’attouchements sexuels, de relations sexuelles ou d’agression sexuelle. Chacune de ces situations influe sur la sévérité de la sanction à imposer.

[196]     Dans le présent dossier, l’intimé offre à un patient une activité de nature sexuelle quelques jours après le séjour du patient à l’urgence où il a reçu des soins de l’intimé.

[197]     La trame factuelle est particulière. Dans la nuit du 31 décembre 2016, l’intimé fait deux consultations auprès du patient. Moins de douze heures après la dernière consultation, l’intimé fait une demande d’amitié via le réseau Facebook que le patient accepte. Dès l’acceptation de la demande d’amitié, ils s’échangent des propos par clavardage.

[198]     Le Conseil se doit de noter que le premier propos de l’intimé est de nature médicale. Il offre ses services de médecin dans l’éventualité où le patient n’irait pas bien. Cette façon de faire est certainement rassurante pour le patient.

[199]     Le clavardage se poursuit. Après à peine 72 heures de discussions, l’offre survient. La preuve est claire, l’intimé et le patient ne se connaissent pas et ne se sont jamais rencontrés sauf pour les consultations médicales.

[200]     Le Conseil constate que l’offre faite par l’intimé au patient est directe et sans nuance. Elle est faite à l’aide de peu de mots. Il n’y a aucune méprise possible.

[201]     Le Conseil se doit de redire que l’offre survient dans un contexte où l’intimé ne connait pas le patient, il sait très peu de choses à son sujet.

[202]     De plus, le patient est jeune, il a 19 ans. L’intimé le sait.

[203]     À cela s’ajoute que l’offre est reçue brutalement par le patient. Sa réponse le démontre.

[204]     Il est évident que l’utilisation d’une communication par clavardage favorise les écarts constatés par le présent dossier. L’intimé devait le savoir.

[205]     Le Conseil conclut que le geste posé par l’intimé est grave, tant en raison du geste lui-même que du contexte dans lequel il a été posé.

[206]     L’inégalité du rapport de force existant entre un médecin et son patient est bien connue. La Cour suprême dans l’affaire Norberg c. Wynrib exprime ce qui suit[86] :

[] L'inégalité du rapport de force caractérise fréquemment la relation médecin-patient.  Voici ce que mentionne à cet égard le Final Report of the Task Force on Sexual Abuse of Patients, rédigé par un groupe de travail indépendant mandaté par l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario (25 novembre 1991) (présidente:  Marilou McPhedran), à la p. 11:

[traduction]  Un patient demande l'aide d'un médecin lorsqu'il est vulnérable, c'est-à-dire lorsqu'il est malade, lorsqu'il est dans le besoin, lorsqu'il n'est pas sûr de ce qui doit être fait.

L'inégalité du rapport de force dans la relation entre un médecin et son patient rend davantage possible l'exploitation sexuelle que dans toute autre relation.  Cette vulnérabilité confère au médecin le pouvoir d'obtenir des faveurs sexuelles de l'autre partie.  L'emploi de la force physique ou d'une arme est inutile, car le pouvoir du médecin découle de ses connaissances et de la confiance qu'il inspire au patient.

[207]     L’intimé a utilisé son statut de médecin pour entreprendre le clavardage.

[208]     Tels sont les faits du présent dossier.

b)   La conduite du professionnel pendant l’enquête du syndic et le cas échéant lors de l’instruction de la plainte

[209]     L’intimé a reconnu son inconduite lors de sa rencontre du 10 avril 2017 avec le plaignant. Il a plaidé coupable devant le Conseil à la première occasion. Il s’agit de facteurs atténuants qui doivent être pris en compte dans la détermination de la sanction.

[210]     Le Conseil juge que le témoignage rendu par l’intimé à l’audition est sincère. Le Conseil est d’avis que l’intimé éprouve des remords et des regrets. À l’audition, son repentir était palpable.

[211]     L’intimé a démontré au Conseil qu’il assume son erreur et la regrette sincèrement. Il est exact qu’il n’a pas cherché à excuser son inconduite.

[212]     L’intimé s’est déchargé de son fardeau et le Conseil juge que ce critère est satisfait.

c)    Les mesures prises par le professionnel pour permettre sa réintégration à l’exercice de la profession

[213]     À la suite de sa rencontre avec le plaignant, l’intimé entreprend des démarches pour suivre les formations recommandées par ce dernier.

[214]     Le 7 juin 2017, il a suivi la formation « Le médecin, la télémédecine, le courriel et les médias sociaux : un ménage à quatre réussi » de la Direction du développement professionnel continu de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal[87].

[215]     Il participe, le 1er décembre 2017, à la formation « Relation médecin-patient » donnée par le Collège des médecins[88].

[216]     À compter d’avril 2017, l’intimé entreprend de sa propre initiative, un suivi psychologique hebdomadaire auprès d’une psychologue. À l’audition, il témoigne qu’il a participé à plus de 25 séances et ce suivi psychologique est toujours en cours[89].

[217]     Au cours de ce suivi psychologique, la psychologue détermine que l’intimé a cheminé sur ce qui sous-tend la relation professionnelle qui s’établit entre un médecin et son patient ainsi que les particularités de cette relation. Pour la psychologue, l’intimé a pris cette démarche très au sérieux et a bien saisi les enjeux de cette relation[90].

[218]     Le Conseil se doit de souligner que l’intimé entreprend ces mesures avant que les nouvelles dispositions de l’article 156 du Code des professions n’entrent en vigueur le 8 juin 2017. De l’avis du Conseil, il s’agit d’un facteur atténuant présentant un poids important.

[219]     L’intimé s’engage également à participer à des cours de perfectionnement et de formation continue alors qu’il purgera sa sanction de radiation afin de garder ses connaissances à jour.

[220]     À nouveau, l’intimé s’est déchargé de son fardeau et le Conseil juge que ce critère est satisfait.

d)   Le lien entre l’infraction et ce qui caractérise l’exercice de la profession

[221]     L’intimé plaide qu’il n’y avait pas, dans les présentes circonstances, de rapport de force dans la relation entre le patient et lui. Selon lui, il n’était pas en position d’autorité et n’a exploité sa position d’aucune façon envers le patient.

[222]     Selon l’intimé, le patient n’était vraisemblablement pas en état de détresse psychologique lorsqu’il s’est engagé dans la conversation par clavardage Facebook avec lui alors que ce dernier était à son domicile.

[223]     Sur ce point, la preuve est muette puisque le patient n’a pas témoigné et l’intimé ne lui a pas parlé à la suite des évènements. Tout comme la preuve est muette quant à des conséquences vécues par le patient.

[224]     Pour l’intimé, le lien entre les événements et ce qui caractérise la profession médicale, bien qu’existant, est aussi ténu qu’il pourrait l’être dans les circonstances.

[225]     À nouveau le Conseil diffère d’opinion. Le rapport de la psychologue traitante de l’intimé se prononce sur ce point[91] :

Les objectifs du suivi, dans un second temps, ont été d’abord d’éclairer ce qui sous-tend la relation professionnelle qui s’établit entre un médecin et son patient et les particularités de cette relation dans un contexte de soins de courte durée, en l’occurrence dans un département d’urgence hospitalière. Les aspects de cadre d’intervention, de la permanence du rapport soignant-patient qui dépasse l’immédiateté du soin ainsi que les notions d’éthique et de déontologie dans ce contexte ont été abordés. Monsieur Paquin a bien saisi les enjeux de cette relation et la nécessité de la considérer au même titre que la relation qui prévaut entre un médecin traitant et son patient dans un contexte de suivi au long cours. Les notions de la vulnérabilité du patient et du type inégal de rapport qui se développe dans un contexte de soin et qui perdure par la suite, peu importe sa durée, ont été abordées et bien intégrées par de Dr Paquin.

[226]     Le Conseil est plutôt d’avis qu’en matière d’infraction de nature sexuelle, le lien est toujours étroit avec la profession. Ce comportement va à l’encontre des valeurs qui représentent le fondement de la profession. Nous sommes au cœur de l’exercice de la profession et la protection du public prend tout son sens.

e)    L’impact de l’infraction sur la confiance du public envers les membres de l’Ordre et envers la profession elle-même

[227]     Ce critère doit être évalué sous l’angle de la profession de médecin. Le public est en droit de s’attendre que le maintien de la distance thérapeutique est au cœur des préoccupations des membres de la profession.

[228]     La façon d’agir de l’intimé a porté atteinte à l’honneur et à la dignité des membres. L’inconduite de l’intimé affecte la confiance du public envers les médecins et la profession.

[229]     Les médias sociaux représentent certainement une forme de danger pour tous. Le dossier de l’intimé doit rappeler aux membres de la profession que ces moyens de communication axés sur la spontanéité et l’instantané sont difficilement appropriés dans le contexte de la profession de médecin, notamment lors d’échanges avec un patient.

f)     Les autres facteurs

[230]     L’intimé présente plusieurs facteurs atténuants que le Conseil considère dans la détermination de la sanction.

[231]     Le Conseil a déjà mentionné qu’il a plaidé coupable au chef de la plainte et a reconnu les faits. Il a bien collaboré à l’enquête de la plaignante. Il n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[232]     Le Conseil n’entretient aucun doute que l’intimé assume pleinement les conséquences de son omission. L’infraction reprochée à l’intimé est le résultat d’un acte isolé.

[233]     À nouveau, le Conseil dit que par son témoignage sur sa prise de conscience à l’égard de sa faute, l’intimé a fait la preuve de son repentir.

[234]     Le témoignage de l’intimé convainc également le Conseil qu’un risque de récidive de sa part apparait minime.

[235]     L’intimé convainc le Conseil que les circonstances de la présente affaire justifient une période de radiation inférieure à 5 ans.

g)   Les précédents

[236]     Les décisions déposées par l’intimé, toutes antérieures aux modifications de l’article 156 du Code des professions, présentent très majoritairement des périodes de radiation variant entre deux et six mois. La période de radiation de deux mois suggérée par l’intimé s’inscrit dans ce spectre de sanctions.

[237]     Le Conseil précise que les enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Bion[92] seront suivis et seules les décisions du conseil de discipline du Collège des médecins sont retenues.

[238]     De plus, le Conseil considère que seules les décisions où le médecin a été déclaré coupable d’une infraction à l’article 59.1 du Code des professions ou à l’article 22 du Code de déontologie des médecins doivent valoir à titre de précédents applicables. Ils seront toutefois abordés avec circonspection considérant les récents amendements législatifs.

[239]     Dans l’affaire Phan[93], le médecin plaide coupable d’avoir fait défaut de maintenir une conduite irréprochable envers une cliente âgée de 18 ans qui le consultait à son cabinet de consultation pour un problème de migraines, en lui tenant des propos et/ou lui posant des questions inappropriées et abusives sur sa vie sexuelle. Le conseil de discipline lui impose une période de radiation de deux mois et une amende de 2 000 $.

[240]     Dans l’affaire Boivin[94], ce médecin plaide coupable d’avoir fait défaut de maintenir une conduite irréprochable envers une patiente qu’il a suivie pendant environ quatre mois pour une problématique de surpoids, en transgressant les limites de la relation thérapeutique en permettant que s’établisse avec sa patiente une relation intime en lui tenant des propos abusifs à caractère sexuel via une correspondance électronique et des appels téléphoniques assidus, et allant jusqu’à des gestes abusifs à caractère sexuel à son cabinet de consultation. Les circonstances aggravantes de ce dossier sont particulièrement importantes. Le conseil de discipline impose une période de radiation de six mois et une amende de 10 000 $.

[241]     Dans l’affaire Taktak[95], le médecin plaide coupable au deuxième chef d’infraction pour avoir contacté la chambre d’une mère d’un nouveau-né, de lui avoir demandé de se rendre à son bureau professionnel sans lui fournir d’autres raisons, et une fois seul avec la mère, pour lui prendre les mains, lui faire un massage dans le cou pour la détendre, l’embrasser sur les joues et en passant de l’une à l’autre, tenter de l’embrasser sur la bouche. Le conseil de discipline impose une période de radiation de sept mois et une amende de 1 000 $.

[242]     Finalement dans l’affaire Pilorgé[96], il y a absence de facteur atténuant pour ce médecin déclaré coupable d’avoir tenu des propos abusifs à caractère sexuel et en posant sur la patiente des gestes abusifs à caractère sexuel, lui disant à une occasion qu'elle est une belle femme et que s'il était son mari, il le ferait deux fois par semaine, et à une seconde occasion, lui pinçant les cuisses et lui disant qu'elle avait de beaux jambons, alors qu'elle était étendue sur la table d'examen.

[243]     L’inconfort de cette patiente face au médecin l’amènera à être privée de suivi en fin de sa grossesse. Le conseil de discipline impose une période de radiation de deux ans et une amende de 1 000 $.

[244]     Tel que le rappelait le conseil de discipline du Collège des médecins dans l’affaire Maraghi, la politique de la tolérance zéro invoquée dans de nombreuses décisions au sujet des inconduites sexuelles ne s’est pas traduite par l’élimination de ces comportements condamnables[97].

[245]     Relativement aux précédents, le Conseil tient compte non seulement des amendements à l’article 156 du Code des professions, mais également des enseignements de la Cour suprême du Canada dans son arrêt R c. Lacasse qui s’exprimait en ces termes[98] :

[58] Il se présentera toujours des situations qui requerront l’infliction d’une peine à l’extérieur d’une fourchette particulière, car si l’harmonisation des peines est en soi un objectif souhaitable, on ne peut faire abstraction du fait que chaque crime est commis dans des circonstances uniques, par un délinquant au profil unique. La détermination d’une peine juste et appropriée est une opération éminemment individualisée qui ne se limite pas à un calcul purement mathématique. Elle fait appel à une panoplie de facteurs dont les contours sont difficiles à cerner avec précision. C’est la raison pour laquelle il peut arriver qu’une peine qui déroge à première vue à une fourchette donnée, et qui pourrait même n’avoir jamais été infligée par le passé pour un crime semblable, ne soit pas pour autant manifestement non indiquée. Encore une fois, tout dépend de la gravité de l’infraction, du degré de responsabilité du délinquant et des circonstances particulières de chaque cas. […]

[246]     À nouveau, le Conseil cite la Cour suprême : « Autrement dit, les fourchettes de peines demeurent d’abord et avant tout des lignes directrices et elles ne constituent pas des règles absolues[99]. »

[247]     Le Conseil, ayant soupesé l’ensemble des éléments discutés dans la présente décision et les précédents applicables, juge que le geste abusif à caractère sexuel posé par l’intimé à l’endroit de son patient justifie l’imposition de la période de radiation de douze mois.

[248]     Le Conseil est d’avis que cette sanction est juste et raisonnable et assurera la protection du public.

[249]     Le Conseil croit que cette sanction dissuadera l’intimé de récidiver et l’incitera à prendre les moyens nécessaires pour éviter qu’il ne reproduise un tel comportement.

[250]     Quant à l’objectif d’exemplarité, le Conseil est d’avis que cette sanction envoie un message clair aux membres de la profession que les inconduites de nature sexuelle, sous différentes formes, ne sont plus tolérées.

POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL :

LE 29 NOVEMBRE 2017 :

[251]     A DÉCLARÉ l’intimé, sous le chef 1, coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 59.1 du Code des professions;

[252]     A PRONONCÉ une suspension conditionnelle des procédures en ce qui a trait à l’article 22 du Code de déontologie des médecins;

ET CE JOUR :

[253]     IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire d’une durée 12 mois;

[254]     CONDAMNE l’intimé au paiement d’une amende de 2 500 $;

[255]     ORDONNE au secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec de publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel en vertu de l’article 156 du Code des professions;

[256]    CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions, y compris les frais de publication de l’avis mentionné ci-haut.

 

 

__________________________________

Me JULIE CHARBONNEAU

Présidente

 

 

 

__________________________________

Dre LISE CUSSON

Membre

 

 

 

__________________________________

Dre CAROLINE NOORY

Membre

 

 

 

 

Me Jacques Prévost

Pouliot, Caron, Prévost, Bélisle, Galarneau

Avocats de la partie plaignante

 

Me Isabelle Racine

Me Sophie Brown

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats de la partie intimée

 

Date d’audience :

Suspension du délibéré :

Reprise du délibéré :

29 novembre 2017

11 janvier 2018

29 janvier 2018

 

 



[1]    RLRQ, c. C-26.

[2]    Pièce P-1.

[3]    Pièces SP-1 à SP-4.

[4]    Pièce SP-4.

[5]    Pièce SP-6.

[6]    Pièce SI-1.

[7]    Pièce SI-1, p.11.

[8]    Pièce SI-2.

[9]    Pièce SI-3.

[10]   Ibid.

[11]   Chénier c. Tribunal des professions, REJB 1998-08862 (C.S.); Gauthier c. Roberge, J.E. 2003-1180 (C.S.); (Notaires c. Laurier, [1997] DDCP 132.

[12]   Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[13]   [1989] 1 R.C.S. 301.

[14]   [1991] 3 R.C.S. 154.

[15]   2014 QCCA 2347.

[16]   RLRQ, c. D-9.2.

[17]   L.O. 1991, c. 18.

[18]   Mussani v. College of Physicans and Surgeons of Ontario, 2004 CanLII 48653.

[19]   2017 ONSC 116.

[20]   Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50.

[21]   Ibid.

[22]   Lapointe c. Legros, 1996 CanLII 12235 (QCTP).

[23]   Lapointe c. Legros, supra, note 22; Seyer c. Saucier, 1996 CanLII 12146; Guimont c. Boulanger, 2006 CanLII 81027 (C.D. Bar.); Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Dufour, 2008 QCCDBQ 126; Comptables en management accrédités (Ordre professionnel des) c. Benz, 2009 CanLII 90912; Chambre de l’assurance des dommages c. Smith, 2010 CanLII 76382.

[24]   Barreau du Québec syndique adjointe c. Mercure, 2016 QCCDBQ 44; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Fuchs, 2009 QCCDBQ 26, paragr. 21, 22; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Beaudet, 2009 QCCDBQ 28; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Mercure, 2010 QCCDBQ 22; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Lévesque, 2010 QCCDBQ 52; Acupuncteurs (Ordre professionnel des) c. Zhang, 2009 QCTP 139; Avocats (Ordre professionnel des) c. Ledoux, 2010 QCTP 19.

[25]   2017 CanLII 64528.

[26]   2017 CanLII 80396 (QC OPQ).

[27]   Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra, note 20.

[28]   Ibid.

[29]   [2016] 1 R.C.S. 906.

[30]   Sahaluk v. Alberta (Transportation Safety Board), 2017 ABCA 153; R. v. Hooyer, 2016 ONCA 44.

[31]   Natrel inc. c. Québec (Tribunal du travail), (2000) CanLII 11310 (QC C.A.); Bélanger-Hardy, L. et Aline Grenon, Éléments de Common Law : La règle du précédent, Carswell, 1997.

[32]   Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) v. Rosenberg, 2003 CanLII 74530 (ON CPSD) (confirmée par R.A.R. v. College of Physicians and Surgeons of Ontario, 2006 CanLII 37118 (ON CA)); Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) v. Lazare, 1999 ONCPSD 17; Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) v. Yong-Set, 1998 ONCPSD 14, p. 6; Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) v. Irvine, 1996 ONCPSD 23.

[33]   Inhalothérapeutes (Ordre professionnel des) c. Milmore, 2017 CanLII 78244 (QC OPIQ).

[34]   Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4e édition, Edition Thémis, Montréal, 2009; Lemieux c Lippens, ès-qualité, 1972 CanLII 943 (QC CQ); Béliveau c. Barreau du Québec, 1992 CanLII 3299 (QC CA); R. c. Wigglesworth, [1987] 2 RCS 541, 1987 CanLII 41 (CSC); Martineau c. M.R.N., [2004] 3 RCS 737, 2004 CSC 81; Lapointe c. Médecins, [1997] D.D.O.P. 317; Barreau du Québec c. Boulanger, 2008 QCCDBQ 79; Lapointe c. Legris, 1996 CanLII 12235; Guimont c. Boulanger, 2006 CanLII 81027; Seyer c. Saucier, 1996 CanLII 12146; Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Forces armées), 1994 CanLII 3483 (C.A.F.).

[35]   Inhalothérapeutes (Ordre professionnel des) c. Milmore, supra, note 33.

[36]   Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Gilbert, 2017 CanLII 95099 (QC CDOIQ.

[37]   Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, 2017 CanLII 92153 (QC CDNQ).

[38]   R. c. Dulude, 2008 QCCM 254 ; Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation, 1933 CanLII 86 (SCC).

[39]   R. c. Dulude, supra note 38.

[40]   Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation, supra note 38.

[41]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, 2017 CanLII 64528.

[42]   Psychologues (Ordre professionnel des) c. Paquette, 2017 CanLII 80396 (QC OPQ).

[43]   Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347.

[44]   Lamarre Linteau & Montcalm c. Québec (Ministère de la Santé et des Services sociaux), 2013 QCCAI 231 ; Québec (Procureur général) c. Lamarre, Linteau & Montcalm, 2015 QCCQ 1357; Québec (Procureure générale) c. Cour du Québec, 2016 QCCS 554 ; Procureure générale du Québec c. Tremblay, 2017 QCCA 1964; Procureure générale du Québec c. Tremblay, 2017 QCCA 2049.

[45]   Thibault c. Da Costa, supra, note 43.

[46]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, supra, note 41.

[47]   Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Dubé, 2017 QCCDBQ 76.

[48]   Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel, LQ., 2017, c. 11.

[49]   Psychologues (Ordre professionnel des) c. Paquette, supra, note 42.

[50]   Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Mercier, 2017 CanLII 66964 (QC CPA).

[51]   Huissiers de justice (Ordre professionnel des) c. Kyrkas, 2017 CanLII 84130 (QC CDHJ).

[52]   Thibault c. Da Costa, supra note 43.

[53]   [2002] 1 RCS 249.

[54]   Ricard c. Biello, 2017 QCTP 59.

[55]   Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479.

[56]   Béliveau c. Barreau du Québec, 1992 CanLII 3299 (QC CA).

[57]   RLRQ, c. C-26.

[58]   Bélanger c. Ingénieurs, 2003 QCTP 7.

[59]   Lalonde c. Tribunal des professions, 2016 QCCS 652.

[60]   Pharmascience Inc. c. Binet, 2004 CanLII 43954.

[61]   1975, C.A. 509.

[62]   1998 QCTP 1621.

[63]   2003 CanLII 32934 (QCCA).

[64]   Hébert c. Notaires (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 58.

[65]   Pierre BERNARD, La sanction en droit disciplinaire: quelques réflexions dans « Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004) », Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2004, p. 85.

[66]   Inhalothérapeutes (Ordre professionnel des) c. Milmore, supra, note 33; Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Gilbert, supra note 34, cette décision est portée en appel devant le Tribunal des professions, dossier numéro 500-07-000987-184; Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, supra note 34, cette décision est portée en appel devant le Tribunal des professions, dossier numéro 500-07-000986-186.

[67]   Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra, note 20.

[68]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, supra, note 41.

[69]   Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra, note 20.

[70]   Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 RCS 301.

[71]   Ibid.

[72]   Loi modifiant diverses lois concernant principalement l'admission aux professions et la gouvernance du système professionnel, LQ., 2017, c. 11.

[73]   Thibault c. Da Costa, 2014 QCCA 2347; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50; Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 RCS 301, 1989 CanLII 121 (CSC); Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441; Chénier c. Tribunal des professions, 1998 CanLII 9407 (QC CS); Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, 1995 CanLII 5215 (QC CA); Rex v. Bingley, 1928 CanLII 372 (NS CA); Me Guy Mercier et Me Claude Laurent c. Me Claude Laurier, AZ-97041019; Droit de la famille - 661, 1989 CanLII 767 (QC CA); Demande fondée sur l'art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 RCS 248, 2004 CSC 42; Mussani v. College of Physicans and Surgeons of Ontario, 2004 CanLII 48653 (ON CA); College of Physicians and Surgeons of Ontario v McIntyre, 2017 ONSC 116; Psychologues (Ordre professionnel des) c. Paquette, 2017 CanLII 80396 (QC OPQ).

[74]   Ouellet c. Médecins (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 74; Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA); Blanchette c. Psychologues (Ordre Professionnel Des), 1995 CanLII 10864 (QC TP); Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 89; Travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Dugas, 2017 CanLII 3750 (QC OTSTCFQ); Lapointe c Legros, 1996 CanLII 12235 (QC TP); Seyer c. Saucier, 1996 CanLII 12146 (QC TP); Guimont c. Boulanger, 2006 CanLII 81027 (QC CDBQ); Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Dufour, 2008 QCCDBQ 126; Dufour c. Avocats (Ordre professionnel des), 2010 QCTP 129; Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Mercure, 2016 QCCDBQ 44; Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, 2017 CanLII 64528 (QC CDCM); R. c. K.R.J., [2016] 1 RCS 906, 2016 CSC 31; Natrel inc. c. Québec (Tribunal du travail), 2000 CanLII 46419 (QC CA); Sahaluk v Alberta (Transportation Safety Board), 2017 ABCA 153; R. v. Hooyer, 2016 ONCA 44; Bilodeau c. Québec (Procureur général), 2014 QCCS 3234; Ontario (College of Physicians and Surgeons of Ontario) v. Rosenberg, 2003 CanLII 74530 (ON CPSD); Médecins (Ordre professionnel des) c. Herrera-Correa, 2013 CanLII 22689 (QC CDCM); Dentistes (Ordre professionnel des) c. Dupont, 2005 QCTP 7; Médecins (Ordre professionnel des) c. Rosman, 2017 CanLII 29488 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Oiknine, 2016 QCTP 102; Médecins (Ordre professionnel des) c. Pilorgé, 2015 CanLII 92805 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Taktak, 2014 CanLII 2706 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c Boies, 2014 CanLII 60356 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Boivin, 2013 CanLII 68650 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c. Hoffman, 2012 CanLII 81075 (QC CDCM); Médecins (Ordre professionnel des) c Phan, 2011 CanLII 49535 (QC CDCM); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ouellet, 2017 CanLII 10028 (QC CDOPQ); Psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. Blouin, 2017 CanLII 16753 (QC CDPPQ); Anne-Marie Beaulieu c. D'Anjou, 2016 CanLII 96466 (QC CDPPQ); Psychologues (Ordre professionnel des) c. Bütter, 2016 CanLII 58327 (QC OPQ); Psychologues (Ordre professionnel des) c. Faucon, 2016 CanLII 64190 (QC OPQ); Psychologues (Ordre professionnel des) c. Bruce, 2016 CanLII 60390 (QC OPQ); Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Landreville, 2016 CanLII 23752 (QC OPPQ); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Leclerc, 2016 CanLII 51622 (QC CDOII); Denturologistes (Ordre professionnel des) c. Willemin, 2015 CanLII 18254 (QC ODLQ); Chiropraticiens (Ordre professionnel des) c. Raymond, 2013 CanLII 84610 (QC OCQ); Angus c. Sun Alliance compagnie d'assurance, [1988] 2 RCS 256, 1988 CanLII 5 (CSC).

[75]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, supra, note 41.

[76]   Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

[77]   RLRQ, c. C-26.

[78]   Pigeon c. Daigneault, supra, note 75.

[79]   Ibid.

[80]   Ibid.

[81]   Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137.

[82]   Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA) et Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 165.

[83]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Rancourt, supra, note 41.

[84]   Psychologues (Ordre professionnel des) c. Paquette, supra, note 42.

[85]   Psychologues (Ordre professionnel des) c. Côté, 2017 CanLII 96791 (QC OPQ).

[86]   Norberg c. Wynrib, [1992] 2 RCS 226, 1992 CanLII 65 (CSC).

[87]   Pièce SI-4.

[88]   Pièce SI-5.

[89]   Pièce SI-2.

[90]   Pièce SI-3.

[91]    Pièce SI-3.

[92]   Bion c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 103.

[93]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Phan, supra, note 73.

[94]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Boivin, supra, note 73.

[95]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Taktak, supra, note 73.

[96]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Pilorgé, supra, note 73.

[97]   Médecins (Ordre professionnel des) c. Maraghi, 2016 CanLII 44693 (QC CDCM), décision portée en appel devant le Tribunal des professions, dossier numéro 500-07-00957-179.

[98]   R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

[99]   R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, paragr 44.

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