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Gibouleau et Résidence Angelica inc.

2010 QCCLP 8285

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

15 novembre 2010

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

296204-63-0608      311299-63-0703      311771-63-0703

365086-63-0812      370701-63-0902      373651-63-0903

375981-63-0904      376091-63-0904

 

Dossier CSST :

128951399

 

Commissaire :

Manon Gauthier, juge administrative

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Guy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

311299, 365086, 375651, 376091

296204, 311771, 370701, 375981

 

 

Ghislaine Gibouleau

Résidence Angelica inc.

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Résidence Angelica inc.

Ghislaine Gibouleau

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR UNE REQUÊTE POUR ORDONNANCE D’UNE EXPERTISE

______________________________________________________________________

 

 

LES CONTESTATIONS

Dossier 296204-63-0608

[1]           Le 10 août 2006, l’employeur, la Résidence Angelica inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 juillet 2006, à la suite d’une révision administrative.

 

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 13 juin 2006. Cette décision fait suite à l’avis rendu le 13 juin 2006 par le docteur Desloges, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, qui s’est prononcé sur la consolidation et les soins et traitements en lien avec la lésion professionnelle survenue le 22 décembre 2005 à madame Ghislaine Gibouleau, la travailleuse. Le docteur Desloges indique que la lésion professionnelle n’est toujours pas consolidée, recommande le port d’une orthèse ainsi que la mobilisation du coude gauche, que la travailleuse tend à surprotéger.

[3]           Compte tenu que la lésion professionnelle n’est pas consolidée, la CSST poursuit le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

Dossier 311299-63-0703

[4]           Le 2 mars 2007, madame Ghislaine Gibouleau dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 27 février 2007, à la suite d’une révision administrative.

[5]           Par cette décision, la CSST confirme deux décisions rendues le 18 décembre 2006 et le 2 février 2007.

[6]           La décision du 18 décembre 2006 fait suite à l’avis rendu le 8 décembre 2006 par le docteur Knight, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, qui s’est prononcé sur la consolidation, les soins et traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle survenue le 22 décembre 2005. Le docteur Knight indique que la lésion professionnelle, une contusion du coude gauche, est consolidée depuis le 22 novembre 2006 avec suffisance de soins et traitements et qu’il n’y a pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni de limitations fonctionnelles additionnelles[1].

[7]           La décision de la CSST du 18 décembre 2006 est à l’effet que la lésion professionnelle est consolidée depuis le 22 novembre 2006, que les soins ou traitements ne sont plus justifiés depuis cette date, que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel mais pas de limitations fonctionnelles. La CSST déclare que compte tenu de la consolidation de la lésion et de l’absence de limitations fonctionnelles, la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 22 novembre 2006 et met fin à l’indemnité de remplacement du revenu.

[8]           La décision du 2 février 2007 est une reconsidération de celle rendue le 18 décembre 2006 en ce qui concerne l’atteinte permanente à l’intégrité physique et déclare que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à son intégrité physique additionnelle, à la suite de la lésion professionnelle du 22 décembre 2005.

Dossier 311771-63-0703

[9]           Le 9 mars 2007, la Résidence Angelica inc. dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 27 février 2007, à la suite d’une révision administrative.

[10]        Par cette décision, la CSST confirme deux décisions rendues le 18 décembre 2006 et le 2 février 2007.

[11]        La décision du 18 décembre 2006 fait suite à l’avis rendu le 8 décembre 2006 par le docteur Knight, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, qui s’est prononcé sur la consolidation, les soins et traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle survenue le 22 décembre 2005. Le docteur Knight indique que la lésion professionnelle est consolidée depuis le 22 novembre 2006 avec suffisance de soins et traitements et qu’il n’y a pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

[12]        La décision de la CSST du 18 décembre 2006 est à l’effet que la lésion professionnelle est consolidée depuis le 22 novembre 2006, que les soins ou traitements ne sont plus justifiés depuis cette date, que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel mais pas de limitations fonctionnelles. La CSST déclare que, compte tenu de la consolidation de la lésion et de l’absence de limitations fonctionnelles, la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 22 novembre 2006.

[13]        La décision du 2 février 2007 est une reconsidération de celle rendue le 18 décembre 2006 en ce qui concerne l’atteinte permanente à l’intégrité physique et déclare que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à son intégrité physique additionnelle, à la suite de la lésion professionnelle du 22 décembre 2005.

 

 

Dossier 365086-63-0812

[14]        Le 5 décembre 2008, madame Ghislaine Gibouleau dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 24 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[15]        Par cette décision, la CSST déclare irrecevable, parce que logée hors délai, la contestation déposée le 22 octobre 2006 à l’encontre d’une décision du 10 mars 2006. Cette décision est à l’effet de refuser la relation entre le nouveau diagnostic d’épicondylite gauche et l’événement du 22 décembre 2005.

Dossier 370701-63-0902

[16]        Le 25 février 2009, la Résidence Angelica inc. dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 11 février 2009, à la suite d’une révision administrative.

[17]        Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 20 janvier 2009 et déclare que le nouveau diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche est en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005, mais que cette condition est consolidée depuis le 22 novembre 2006 par le membre du Bureau d’évaluation médicale, sans autre nécessité de traitements.

[18]        La CSST déclare également que le diagnostic de syndrome douloureux régional de type II n’est pas en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005.

Dossier 373651-63-0903

[19]        Le 27 mars 2009, madame Ghislaine Gibouleau dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 11 février 2009, à la suite d’une révision administrative.

[20]        Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 20 janvier 2009 et déclare que le nouveau diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche est en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005, mais que cette condition est consolidée depuis le 22 novembre 2006 par le membre du Bureau d’évaluation médicale, sans autre nécessité de traitements.

[21]        La CSST déclare également que le diagnostic de syndrome douloureux régional de type II n’est pas en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005.

Dossier 375981-63-0904

[22]        Le 22 avril 2009, la Résidence Angelica inc. dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 9 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.

[23]        Par cette décision, la CSST déclare nulle la décision rendue le 10 mars 2009. Cette décision fait référence à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 22 novembre 2006, indique que le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles et que le diagnostic de syndrome douloureux régional de type II n’étant pas reconnu par la CSST, elle n’a pas à se prononcer sur les autres points de l’article 212 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la Loi).

Dossier 376091-63-0904

[24]        Le 21 avril 2009, madame Ghislaine Gibouleau dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 9 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.

[25]        Par cette décision, la CSST déclare nulle la décision rendue le 10 mars 2009. Cette décision fait référence à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 22 novembre 2006, indique que le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles et que le diagnostic de syndrome douloureux régional de type II n’étant pas reconnu par la CSST, elle n’a pas à se prononcer sur les autres points de l’article 212 de la Loi.

 

L’HISTORIQUE DE L’AUDIENCE

[26]        La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Joliette les 18 mars, 20 et 31 octobre 2008, dans les dossiers 296204-63-0608, 311299-63-0703 et 311771-63-0703, en présence des parties et de leurs représentantes.

[27]        Le tribunal devait au départ statuer sur la date de consolidation, des traitements, de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005, dont le diagnostic reconnu et non contesté lors de l’admissibilité est celui de contusion du coude gauche.

[28]        Le tribunal a indiqué et réitéré qu’il allait tout d’abord statuer sur ces questions avant de se prononcer sur la capacité de travail de la travailleuse à exercer un emploi de réceptionniste chez l’employeur; il a été admis que si le tribunal en arrivait à la conclusion que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles additionnelles, elle était capable d’exercer cet emploi et que le dossier serait clos. Par contre, si le tribunal en arrive à la conclusion que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles additionnelles, les parties seraient convoquées à une audience ne portant que sur la question de la capacité à exercer un emploi[3].

[29]        Après avoir pris connaissance du dossier médico-administratif, des documents déposés dans le cadre de l’audience et entendu les témoignages de la travailleuse et du docteur David Blanchette, chirurgien orthopédiste, et du côté de l’employeur, ceux du docteur Yvan Comeau, chirurgien orthopédiste, et de mesdames Lucie Lemieux et Carole Bélanger, la preuve a été déclarée close le 31 octobre 2008. L’audience devait se poursuivre le 10 février 2009 afin d’entendre les argumentations des parties sur les questions médicales.

[30]        Or, la représentante de la travailleuse a écrit à la CSST, le 5 décembre 2008, lui demandant de se prononcer expressément sur l’admissibilité des diagnostics de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et syndrome douloureux régional de type II et obtenu une décision de la CSST datée du 20 janvier 2009 statuant sur ces deux diagnostics acceptant la relation entre la neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et la lésion professionnelle du 22 décembre 2005 et refusant le syndrome douloureux régional de type II.

[31]        À la suite de la réception de cette décision, la représentante de l’employeur informe le tribunal de ce fait le 28 janvier 2008 et demande une remise de l’audience prévue le 10 février suivant, parce qu’il a contesté cette décision en révision administrative et indique que cette décision a un impact certain sur l’affaire en cours et qu’il ne sera pas possible de présenter une preuve d’ordre médical à la date prévue.

 

[32]        Le 30 janvier 2009, la représentante de la travailleuse indique son désaccord et demande que l’audition prévue le 10 février suivant soit tenue et soumet que le tribunal peut se prononcer sur les questions en litige, que sa cliente a subi un long processus judiciaire, qu’elle n’a pas les moyens financiers de subir une réouverture d’enquête qui entraînera de longs délais.

[33]        Le 2 février 2009, la représentante de l’employeur répond que c’est la représentante de la travailleuse elle-même qui est à l’origine de la situation qui exige une réouverture d’enquête et qu’il serait injuste de procéder sur les questions médicales, puisqu’un nouveau diagnostic a été accepté et un autre refusé, et que des contestations sont pendantes. La représentante de l’employeur indique aussi qu’il est possible qu’il se prévale de la procédure d’évaluation médicale compte tenu de la reconnaissance d’un nouveau diagnostic.

[34]        Le 6 février 2009, une conférence téléphonique a été tenue au sujet de la demande de remise, à laquelle participaient les représentantes des parties. Le tribunal, dans une décision manuscrite rendue le même jour, a accepté la demande de remise. Considérant qu’il est saisi de la date de consolidation de la lésion professionnelle, des traitements, de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles, il est indéniable que la reconnaissance d’un nouveau diagnostic à cette étape a des conséquences directes sur les litiges. Le tribunal décide de se saisir de l’ensemble des contestations, afin de rendre une décision éclairée sur toutes les questions médicales.

[35]        Le 6 février 2009, la représentante de l’employeur demande à la CSST de soumettre de nouveau le dossier au docteur Knight, du Bureau d’évaluation médicale, pour un avis complémentaire compte tenu de l’acceptation du nouveau diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche ou, si elle considère que le docteur Knight s’est saisi de l’ensemble des points médicaux en vertu de tous les diagnostics au dossier, de rendre une décision statuant sur tous les points de l’article 212 de la Loi.

[36]        Le 10 mars 2009, la CSST rend une décision où elle indique que compte tenu de l’examen clinique du docteur Knight le 22 novembre 2006, elle considère que cette condition n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Pour ce qui est du diagnostic de syndrome douloureux régional de type II, le membre du Bureau d’évaluation médicale, utilisant son pouvoir discrétionnaire, écrit qu’il n’a pas retrouvé cette condition, la CSST a refusé ce diagnostic et elle n’a pas, par conséquent, à se prononcer sur les autre points de l’article 212 de la Loi.

 

[37]        Cette décision a été annulée à la suite d’une révision administrative du 9 avril 2009 et les parties ont déposé des requêtes à son encontre.

[38]        Le 14 avril 2009, la représentante de l’employeur, compte tenu de l’annulation de la décision du 10 mars 2009, réitère à la CSST sa demande formulée le 6 février 2009, à savoir de demander au docteur Knight un rapport complémentaire relativement à tous les points de l’article 212 de la Loi en vertu des diagnostics de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et de syndrome douloureux régional de type II.

[39]        Le 21 août 2009, la Résidence Angelica inc. dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête pour l’ordonnance d’une expertise médicale en vertu des articles 209 et suivants de la Loi et des 377 et suivants de la Loi.

[40]        Le 19 mai 2009, le docteur Briard, médecin traitant de la travailleuse, produit un formulaire d’information médicale complémentaire écrite, à la demande de la CSST, dans lequel il conclut que la neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles, sans toutefois les déterminer.

[41]        L’employeur a reçu cette information médicale complémentaire écrite le 11 juin 2009.

[42]        Le 18 juin 2009, la représentante de l’employeur adresse une nouvelle demande à la CSST de transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale, plus particulièrement le docteur Knight, afin qu’il puisse statuer sur l’ensemble des questions médicales en fonction de tous les diagnostics, demande une prolongation de délai afin que madame Gibouleau puisse revoir le docteur Comeau le 12 août 2009 et transmet par la même occasion les expertises médicales des docteurs Comeau et Jacques Lachapelle, neurologue, réalisées antérieurement.

[43]        Le 23 juin 2009, la CSST accorde à l’employeur une prolongation de délai et lui demande de transmettre l’expertise médicale du docteur Comeau après qu’il aura examiné la travailleuse.

[44]        Le 28 juillet 2009, l’employeur transmet à la travailleuse un avis de convocation lui demandant de se présenter au bureau du docteur Comeau pour une expertise médicale.

[45]        Le 12 août 2009, la travailleuse communique avec madame Carole Bélanger, chez l’employeur, afin de l’informer que sur recommandation de sa représentante, elle ne s’est pas présentée au rendez-vous auprès du docteur Comeau.

L’OBJET DE LA REQUÊTE POUR L’ORDONNANCE D’UNE EXPERTISE

[46]        L’employeur dépose la présente requête le 21 août 2009 parce que la travailleuse, de par son refus de se présenter à l’examen médical requis par l’employeur, empêche le processus d’évaluation médicale prévu à la Loi. Il demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à la travailleuse de se présenter à une expertise médicale auprès du docteur Comeau, selon ses disponibilités, ou subsidiairement, de statuer que le processus d’évaluation médicale doit être complété devant le docteur Knight avec les expertises médicales contemporaines du docteur Comeau, réalisées les 26 mars et 6 septembre 2006 et le 8 mai 2007, et celle du docteur Lachapelle réalisée le 12 février 2007.

[47]        Le tribunal a procédé à l’audition de cette requête le 20 janvier 2010.

[48]        À l’audience, la représentante de l’employeur soumet que le tribunal a toute la compétence pour trancher de toutes les questions en litige, qui sont :

-       la consolidation, les traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles;

-       la capacité de la travailleuse à exercer son emploi prélésionnel;

-       la relation entre l’événement du 22 décembre 2005 et le diagnostic d’épicondylite, incluant un moyen préliminaire portant sur le délai de contestation;

-       la relation entre l’événement du 22 décembre 2005 et le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche;

-       la relation entre l’événement du 22 décembre 2005 et le diagnostic de syndrome douloureux régional de type II;

-       la légalité de la décision de la CSST statuant l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles selon le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et l’existence du diagnostic de syndrome douloureux régional de type II.

 

[49]        Si le tribunal en arrive à la conclusion qu’il ne peut se saisir de la question des conclusions médicales en lien avec le diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche, l’employeur demande que le processus d’évaluation médicale doit être complété par le docteur Knight avec les expertises contemporaines des docteurs Comeau et Lachapelle.

[50]        En dernier lieu, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à la travailleuse de se soumettre à une expertise médicale à être réalisée par le docteur Comeau, selon ses disponibilités, pour qu’il puisse soumettre sa demande au Bureau d’évaluation médicale.

 

LES FAITS

[51]        Voici brièvement les faits. Madame Gibouleau était à l’emploi de la Résidence Angelica inc. depuis 1990 où elle a tout d’abord occupé l’emploi de cuisinière et depuis 1993, celui de préposée aux bénéficiaires.

[52]        En 2002, elle est victime d’une lésion professionnelle. Elle s’est frappée le coude gauche sur une porte, s’infligeant alors une fracture qui entraînera des séquelles. Après une dizaine de mois d’absence, elle revient au travail comme préposée aux bénéficiaires mais devant l’impossibilité de poursuivre son travail, elle occupera un emploi de réceptionniste chez l’employeur, à compter du 25 avril 2005.

[53]        Le 22 décembre 2005, elle est victime d’une autre lésion professionnelle, alors qu’elle se frappe le coude gauche sur le rebord d’un comptoir de son espace de travail.

[54]        Elle consulte le lendemain et le diagnostic de trauma au coude gauche est posé. Des travaux légers sont autorisés mais madame Gibouleau sera en vacances du 23 décembre 2005 au 7 janvier 2006. Elle reviendra au travail léger le 10 janvier 2006 jusqu’au 26 mars 2006.

[55]        La lésion professionnelle sera acceptée selon le diagnostic de contusion du coude gauche mais les diagnostics ultérieurs d’épicondylite gauche et tendinite du coude gauche seront refusés les 10 et 29 mars 2006[4].

[56]        La travailleuse rencontrera le docteur Comeau pour la première fois le 29 mars 2006, qui conclut que la contusion au coude gauche, sans évidence d’épicondylite ou de tendinopathie, est consolidée au jour de son examen sans séquelles et il n’y a pas d’aggravation de la lésion professionnelle survenue en 2002.

[57]        Le 10 avril 2006, l’employeur se prévaut de la procédure d’évaluation médicale prévue à la Loi[5] et demande au Bureau d’évaluation médicale de se prononcer sur la consolidation, les traitements, et sur les autres points de l’article 212 de la Loi considérant les conclusions du docteur Comeau.

[58]        Le 6 juin 2006, la travailleuse rencontre alors le docteur Desloges, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, qui indique que la travailleuse a eu une contusion directe au niveau de l’olécrâne, avec apparition de paresthésie des 4e et 5e doigts, qu’elle a des douleurs à l’épicondyle et l’épitrochlée et qu’à la suite d’un examen en neurologie, le diagnostic de neuropraxie du nerf cubital a été posé avec traitement suggéré. Le docteur Desloges indique que la contusion au coude gauche n’est toujours pas consolidée, recommande le port d’une orthèse ainsi que la mobilisation du coude gauche, que la travailleuse tend à surprotéger.

[59]        Le 6 septembre 2006, la travailleuse revoit le docteur Comeau qui maintient ses conclusions à l’effet que la lésion est consolidée avec suffisance de soins et traitements et sans séquelles additionnelles, tout en indiquant la difficulté à examiner la travailleuse. À la suite de cette expertise médicale, l’employeur soumet une nouvelle demande au Bureau d’évaluation médicale le 22 septembre 2006, lui demandant de statuer sur la consolidation, les traitements, l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles, ainsi que sur les autres points de l’article 212 de la Loi[6].

[60]        Le 22 novembre 2006, la travailleuse rencontre le docteur Knight, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Il indique à la rubrique Discussion qu’il n’a pas retrouvé d’élément pouvant confirmer un diagnostic de syndrome douloureux régional de type II, que son examen démontre tout au plus une légère épicondylite du coude gauche et la possibilité d’une légère neuropathie au nerf cubital, la sensibilité étant diminuée de façon constante aux 4e et 5e doigts gauches. Il note cependant que le diagnostic retenu au dossier est celui de contusion au coude gauche.

[61]        Considérant le diagnostic retenu de contusion au coude gauche, il retient que cette condition est consolidée au jour de son examen sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles additionnelles.

[62]        À la suite de cela, la CSST conclut que la travailleuse est capable d’exercer son emploi de réceptionniste, et met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

 

L’AVIS DES MEMBRES SUR LA REQUÊTE

[63]        Conformément à la Loi, la soussignée a requis et reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs ayant siégé avec elle lors de l’audience sur la requête.

[64]        Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis qu’en vertu de la compétence et des pouvoirs dévolus à la Commission des lésions professionnelles, compte tenu de la complexité de la présente affaire et des diagnostics sur lesquels le tribunal doit se prononcer, il serait prématuré et inutile, de toute façon, de retourner le dossier au Bureau d’évaluation médicale et comme l’ont indiqué à plusieurs reprises les tribunaux, la Commission des lésions professionnelles doit actualiser le dossier pour une bonne et saine administration de la justice.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA REQUÊTE

[65]        Le tribunal doit décider s’il a le pouvoir de se saisir de toutes les questions médicales dans le présent dossier sans que le dossier soit à nouveau soumis à la procédure d’évaluation médicale, ou de façon subsidiaire, d’ordonner que le dossier soit soumis à nouveau à la procédure d’évaluation médicale au docteur Knight, compte tenu de l’admissibilité d’un nouveau diagnostic de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche selon le dossier tel que constitué, ou enfin d’ordonner à la travailleuse de se soumettre à un examen médical auprès du docteur Comeau, afin que l’employeur puisse soumette le dossier à la procédure d’évaluation médicale en fonction de la reconnaissance du nouveau diagnostic.

[66]        La Commission des lésions professionnelles a longuement soupesé et analysé les éléments sous-tendant la présente requête et rend en conséquence la décision suivante.

[67]        Il était ici nécessaire de faire l’historique du dossier afin que tous les éléments soient replacés dans leur contexte, afin de bien comprendre la portée de ce que demande l’employeur pour ultimement en arriver à une décision finale sur toutes les questions.

[68]        Ce qui est ici en cause, ce sont les pouvoirs de la Commission des lésions professionnelles de se prononcer éventuellement sur des questions qui n’ont pas, en raison de l’admissibilité d’un nouveau diagnostic et le refus d’autres quelques années après la survenance de l’événement, été soumises à la procédure d’évaluation médicale.

[69]        Cependant, avant même que le tribunal se prononce sur les questions médicales, il faut rappeler que dans un ordre logique, il doit, en tout premier lieu, se prononcer sur l’admissibilité de plusieurs diagnostics en vertu de décisions rendues par la CSST et valablement contestées devant lui, soit l’épicondylite gauche, la neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et le syndrome douloureux régional de type II, et il devra entendre la preuve eu égard à chacun de ces diagnostics.

[70]        Après s’être prononcé sur ces questions, le tribunal pourra se pencher, en vertu des diagnostics qu’il aura retenus, sur les questions médicales.

[71]        De toute façon, le litige premier, en vertu du diagnostic reconnu et non contesté de contusion du coude gauche demeure et le tribunal devra ultimement se prononcer sur les questions médicales en lien avec ce diagnostic. Il a déjà entendu la preuve à cet égard.

[72]        Les questions médicales doivent être soumises dans des délais impartis à la procédure d’évaluation médicale prévue aux articles 212 et suivants de la Loi, comme cela a été le cas en fonction du diagnostic de contusion au coude gauche.

[73]        Cependant, le tribunal fait ici face à une situation très particulière où le dossier a évolué pendant plusieurs années et des diagnostics, bien que posés de façon contemporaine à l’événement, n’ont pas été soumis directement à la procédure d’évaluation médicale malgré les demandes ouvertes de l’employeur en ce sens ou ont été reconnus plusieurs années plus tard, comme par exemple celui de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche, ou refusés.

[74]        Dans le cadre de la présente requête, si le tribunal ordonnait ultimement à la travailleuse de se soumettre à un nouvel examen médical afin que l’employeur se prévale de la procédure d’évaluation médicale en vertu du diagnostic actuellement reconnu de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche, cette procédure serait de toute façon théorique, car les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale seront de toute façon contestées, et il faut tout d’abord, comme précisé auparavant, que le tribunal se prononce sur la relation entre ce diagnostic et l’événement du 22 décembre 2005.

[75]        Dans l’hypothèse où le tribunal ne retient pas de relation entre ce diagnostic et la lésion professionnelle, la procédure d’évaluation médicale deviendrait caduque.

[76]        Et dans l’hypothèse où les autres diagnostics seraient ultimement reconnus comme étant en lien avec la lésion professionnelle, il faudrait que le dossier soit à nouveau soumis à la procédure d’évaluation médicale sur les questions médicales y afférent, ce qui revient au problème premier de soumettre plusieurs années plus tard le dossier à cette procédure, ce qui ne fait pas de sens non plus, car le dossier se retrouverait encore dans la même situation que celle qui prévaut actuellement.

[77]        Quel est donc le pouvoir du tribunal de se prononcer sur les questions médicales, dans l’hypothèse où il reconnaît les diagnostics d’épicondylite gauche, de neuropathie ou neuropraxie du nerf cubital gauche et de syndrome douloureux régional de type II ?

[78]        Les articles suivants de la Loi sont pertinents à la solution du présent litige :

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359 , 359.1 , 450 et 451 ;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

378.  La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.

 

Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.

 

Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.

__________

1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

429.28.  Lorsque la Commission des lésions professionnelles constate, à l'examen de la requête et de la décision contestée, que la Commission a omis de prendre position sur certaines questions alors que la loi l'obligeait à le faire, elle peut, si la date de l'audience n'est pas fixée, suspendre l'instance pour une période qu'elle fixe afin que celle-ci puisse agir.

 

Si, à l'expiration du délai, la contestation est maintenue, la Commission des lésions professionnelles l'entend comme s'il s'agissait du recours sur la décision originale.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[79]        De ce qui appert de ces articles, et comme l’a indiqué le juge Chevalier, de la Cour d’Appel du Québec, dans l’affaire Moulin de Préparation de bois en transit de St-Romuald[7], les pouvoirs de la Commission d’Appel en matière de lésions professionnelles (la CALP) ou maintenant de la Commission des lésions professionnelles sont très larges, le tribunal pouvant infirmer, confirmer ou modifier une décision portée devant elle et doit rendre la décision qui doit être rendue en premier lieu, ce qui constitue une compétence de novo et lui donne tous les pouvoirs pour l’exercice de sa compétence :

Dans l’exercice de sa compétence, la CALP peut confirmer ou infirmer la décision portée devant elle; lorsqu’elle infirme la décision entreprise, la CALP doit rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu (article 400 LATMP). Elle exerce donc une compétence de novo, ce qui permet aux parties de soumettre tout nouveau moyen de droit et de fait et, à la CALP, de remédier aux irrégularités pouvant affecter le processus décisionnel suivi jusque-là et aux erreurs commises par les instances inférieures, d’actualiser le dossier et de régler toutes les questions accessoires à la question principale qu’elle doit trancher.

 

La CALP a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence et, dans ce cadre, peut décider de toute question de fait et de droit (article 407 LATMP). […]

 

 

[80]        Il a aussi été maintes fois établi, et selon les enseignements des tribunaux supérieurs[8], que le tribunal a l’obligation « d’actualiser » le dossier. Dans l’affaire Pâtisserie Chevalier inc., la juge Sénéchal écrit ce qui suit au sujet de la compétence, des pouvoirs et de l’obligation du tribunal d’actualiser le dossier :

[68] Après une lecture des articles 369, 377 et 378, on comprend qu’il faille d’abord distinguer la compétence de la Commission des lésions professionnelles des pouvoirs qu’elle détient afin de l’exercer pleinement. Pour lui permettre d’exercer sa compétence exclusive, le législateur accorde donc à la Commission des lésions professionnelles certains pouvoirs dont ceux de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de cette compétence, celui de confirmer, modifier ou infirmer la décision, l’ordre ou l’ordonnance contesté et de rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui aurait dû être rendu en premier lieu et celui d’agir comme un Commissaire-enquêteur. Et ceci, dans un contexte où la Commission des lésions professionnelles doit voir à l’application d’une loi d’ordre public qui lui impose de disposer des droits réclamés conformément à ce que cette loi prévoit.

 

[69] Les recours portés devant la Commission des lésions professionnelles sont entendus « de novo ». Quant à cet aspect « de novo » du processus de contestation, il est intéressant de référer aux propos livrés par la commissaire Vaillancourt dans l’affaire Hétu et Centre hospitalier Royal Victoria6. Dans cette affaire, elle indique :

 

De plus, la jurisprudence ayant eu à interpréter la compétence de la Commission d’appel a clairement statué qu’il s’agissait d’un appel « de novo », ce qui implique qu’elle n’est aucunement limitée par le dossier qui a pu être constitué au niveau des instances antérieures, ni limitée par la teneur exacte des motifs pris en compte et de la décision qui a été rendue par ces instances, pourvu évidemment de ne pas s’écarter de ce qui constitue la matière ou l’objet de l’appel. Il en découle qu’une partie peut présenter une nouvelle preuve et n’est pas limitée par la preuve présentée devant l’instance antérieure.

 

[…]

 

Une des conséquences fondamentales de l’aspect « de novo » de la procédure est de justement permettre au tribunal d’entendre de nouvelles preuves et de pouvoir aussi actualiser un dossier pour tenir compte de cette nouvelle preuve, et ce, toujours en lien avec la question en litige. De plus, dans le cadre d’une loi d’ordre public, le tribunal n’est pas nécessairement lié par la contestation d’une partie.

 

En résumé, prétendre, comme l’a fait le premier commissaire dans sa décision qu’il n’était pas limité par la contestation, mais qu’il avait la même compétence que la CSST lors de la décision initiale, n’est pas dénué de fondement juridique et s’accorde assez bien avec la doctrine et la jurisprudence en droit administratif.

 

[…]

 

[75] Par conséquent, lorsque le tribunal est valablement saisi d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la Loi et que dans le cadre de sa preuve ou de son argumentation, l’employeur soumet une façon nouvelle d’évaluer sa demande initiale d’imputation, le tribunal ne croit pas que cette demande soit une encoche à sa compétence mais plutôt une référence au caractère « de novo » du processus de contestation et surtout l’occasion pour le tribunal d’exercer son pouvoir d’apprécier les faits et de confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et de rendre celle qui aurait dû être rendue en premier lieu.

 

La jurisprudence des tribunaux supérieurs10 regorge d’exemples illustrant et surtout réitérant ce caractère « de novo » du processus de contestation devant la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles ou la Commission des lésions professionnelles et ce, en accord avec les principes de célérité, d’efficacité et de souplesse qui caractérisent la justice administrative.

 

__________________________________

 

                6             [2000] C.L.P. 365.

                […]

                10           Bruneau c. Centre hospitalier St-Jean et C.A.L.P. et CSST, [1997] C.A.L.P. 1874 (C.A.); C.A.L.P. c. Turbide et CSST, [1997] C.A.L.P. 1375 (C.A.); Les Industries Super Métal inc. c. C.A.L.P. et CSST, [1995] C.A.L.P. 1961 (C.A.); Brière c. Laberge et CSST, [1985] R.D.J 599 (C.A.); Desruisseaux c. C.L.P. et CSST, C.S. 200-05-013595-009, 27 septembre 2000, J. Bouchard; Fortin c. C.L.P. et CSST, C.S. 200-05-012812-009, 23 mars 2000, J. Walters; Légaré c. C.A.L.P., [1989] C.A.L.P. 685 (C.S.)

 

 

[81]        Plusieurs autres décisions vont d’ailleurs dans le même sens. Plus récemment, dans l’affaire Johnson et Brake Parts Canada Mtl et CSST[9], la juge Di Pasquale écrit ce qui suit :

[137] Donc, le Bureau d'évaluation médicale aurait dû se prononcer sur l'atteinte permanente et la CSST aurait dû rendre par la suite une décision entérinant son avis selon les dispositions de l'article 224.1 de la loi.

 

[138] En vertu de l'article 377 de la loi, la Commission des lésions professionnelles rend la décision qui aurait dû être rendue.

 

[139] La jurisprudence10 reconnaît que décider autrement dans ces circonstances reviendrait à exiger des parties de réenclencher une autre procédure de référence au Bureau d'évaluation médicale. Une telle façon de procéder ne respecte pas l'esprit de la loi qui préconise le règlement de litiges qui sont portés devant la Commission des lésions professionnelles avec célérité et efficacité. De plus, cette solution ne servirait pas les intérêts des parties ni ceux de la justice.

 

[140] Dans l'affaire Dent et Intersan inc.11 la Commission des lésions professionnelles énonce que :

 

 

 

28. Nos tribunaux supérieurs convient plutôt la Commission des lésions professionnelles à faire un usage correct certes, mais généreux tout de même (dans l'esprit de la loi), de sa compétence lorsqu'elle a en mains toutes les informations requises(13); parfois, l'invitation se fait très pressante et prend carrément la forme du rappel d'un devoir(14). Cette consigne a été appliquée depuis, à maintes reprises(15)

__________________

              

13. CALP C. Turbide, [1997] C.A.L.P. 1375 (C.A.)

14. Fortin c. CLP, [1999] C.L.P. 1109 (C.S.)

15. Auger et General Signal ltée (Edwards division), 134574-71-0003, 14 mars 2001, Anne Vaillancourt; Gaudreau et Tapis Création, C.L.P. 113893-62B-9903, 30 janvier 2002, D. Lampron et Touchette et Malor Auto glaces ltée, C.L.P. 166048-31-0107, 12 février 2002, J.-F. Clément.

 

[141] La Commission des lésions professionnelles doit alors décider si la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de la lésion professionnelle.

 

            _________________

                        10. Somavrac inc. et Hébert, C.L.P., 180846-04-0203, 24 avril 2003, J.-F. Clément; Ménard et Premier Réfractaires du Canada ltée, C.L.P., 189172-31-0208, 3 février 2003, J.-L. Rivard; Boiserie Asco inc. et Anwar, C.L.P., 196027-05-212, 2 septembre 2003, J.-F. Clément.

 

11. [2002] C.L.P. 400 .

 

 

[82]        Dans le cadre d’une bonne administration de la justice et de l’équité, compte tenu de l’objet de la Loi, pour éviter une multiplication de procédures, des délais additionnels et de par les circonstances particulières de ce dossier, le tribunal se saisit de toutes les questions médicales sans que le dossier soit de nouveau soumis à la procédure d’évaluation médicale.

[83]        Les parties pourront présenter leur preuve eu égard à toutes les questions actuellement devant le tribunal.

[84]        De toute manière, comme on peut voir des différents examens réalisés de façon contemporaine par les membres du Bureau d’évaluation médicale, plus particulièrement le docteur Knight lorsqu’il a rencontré la travailleuse en novembre 2006, ainsi que les différents examinateurs, dont le tribunal a eu connaissance et sans préjuger de l’issue des recours qui sont devant lui, les diagnostics possibles d’épicondylite, de neuropathie ou de syndrome douloureux régional de type II étaient déjà au dossier au moment où les membres du Bureau d’évaluation médicale se sont prononcés. Et les décisions rendues à la suite des ces avis ont été valablement contestées devant le tribunal.

[85]        Compte tenu de ce qui précède, le tribunal rejette la requête pour ordonnance d’une expertise médicale en vue de déférer le dossier à la procédure d’évaluation médicale et convoquera à nouveau les parties afin de poursuivre l’audition de la présente affaire.

[86]        Le tribunal entendra alors les parties sur l’admissibilité des diagnostics d’épicondylite gauche, de neuropathie ou de neuropraxie du nerf cubital gauche et du syndrome douloureux régional de type II en lien avec la lésion professionnelle du 22 décembre 2005; par la suite, il se prononcera sur les conséquences médicales en fonction des diagnostics retenus pour ultimement se prononcer sur la capacité de la travailleuse d’occuper l’emploi de réceptionniste chez l’employeur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête pour ordonnance d’une expertise médicale formulée le 21 août 2009;

CONVOQUERA de nouveau les parties afin que l’instruction de la cause dans tous les dossiers se poursuive.

 

 

 

 

 

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Manon Gauthier

 

 

Me Lise-Anne Desjardins

Monette, Barakett et Associés

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Lysanne Dagenais

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           La travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle au coude gauche en 2002 ayant entraîné des séquelles.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Voir à cet effet le procès-verbal de l’audience tenue le 20 octobre 2008.

[4]           Le tribunal est cependant saisi d’une contestation de la décision du 10 mars 2006 refusant l’épicondylite gauche.

[5]           Voir à cet effet la demande de l’employeur à la page 146 du dossier du tribunal.

[6]           Voir à cet effet la demande de l’employeur à la page 153 du dossier du tribunal.

[7]           [1998] C.A.L.P. 574 (C.A.).

[8]           Voir par exemple Bruneau c. Centre hospitalier St-Jean et CALP et CSST, [1997] CALP 1874 (C.A.); CALP c. Turbide et CSST [1997] CALP 1375 (C.A.); Les Industrie Super Métal inc. c. CALP et CSST [1995] CALP 1961 (C.A.); Brière c. Laberge et CSST [1985] R.D.J. 599 (C.A.); Desruisseaux c. C.L.P. et CSST, C.S. 200-05-013595-009, 27 septembre 2000, J. Bouchard; Fortin c. C.L.P. et CSST, C.S. 200-05-012812-009, 23 mars 2000, J. Walters; Légaré c. CALP, [1989] CALP 685 (C.S.).

[9]           C.L.P., 199601-61-0302, 26 mai 2004, S. Di Pasquale.

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