Modèle de décision CLP - juin 2011

Brousseau et Centre hospitalier Le Gardeur

2012 QCCLP 2138

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

23 mars 2012

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

418879-63-1009      444106-63-1007      449474-63-1109

 

Dossier CSST :

135757144

 

Commissaire :

Daniel Pelletier, juge administratif

 

Membres :

Francine Melanson, associations d’employeurs

 

Robert P. Morissette, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Stéphanie Brousseau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre hospitalier Le Gardeur

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 418879-63-1009

 

[1]           Le 7 septembre 2010, madame Stéphanie Brousseau (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 août 2010, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 7 juin 2010 refusant la réclamation de la travailleuse à titre de récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 d’une lésion professionnelle d’origine du 24 novembre 2009.

Dossier 444106-63-1007

[3]           Le 12 juillet 2011, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la CSST le 30 juin 2011 à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 14 février 2011 refusant la réclamation de la travailleuse à titre de récidive, rechute ou aggravation du 18 novembre 2010 de la lésion professionnelle du 24 novembre 2009.

Dossier 449474-63-1009

[5]           Le 19 septembre 2011, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 9 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative.

[6]           Par cette décision, la CSST déclare sans effet une décision rendue le 15 avril 2011 faisant suite à un avis du Bureau d’évaluation médicale (le BEM) du 6 avril 2011 sur les questions de la date de consolidation de la lésion, de la nécessité de traitements et de l’existence et de l’évaluation d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, considérant le fait qu’elle avait précédemment refusé la réclamation de la travailleuse pour une rechute du 18 novembre 2010.

[7]           Le 26 août 2011, l’employeur avise la Commission des lésions professionnelles qu’il ne sera pas présent à l’audience devant être tenue le 4 octobre 2011, à Joliette pour les deux premiers dossiers. À l’occasion de l’audience, la travailleuse demande au tribunal de trancher également une troisième contestation dans le dossier 449474-63-1109.

[8]           Considérant le fait que ce troisième dossier n’a pas fait l’objet d’un avis de convocation formelle aux parties à l’occasion de l’audience du 4 octobre 2011, le tribunal a communiqué avec la représentante de l’employeur, madame Marie-Ève Leblanc, conseillère en gestion de la présence au travail pour l’employeur, qui lui a confirmé par écrit le 4 octobre 2011, qu’elle renonçait également à la tenue d’une audience dans ce troisième dossier et qu’elle autorise le tribunal à trancher le litige à la suite de l’audience du 4 octobre, le tribunal se saisit donc également de ce dossier.

[9]           L’employeur est par conséquent absent et la travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 4 octobre 2011, à Joliette.

[10]        Pendant son délibéré, la juge administrative responsable du dossier a dû s’absenter en maladie. Les parties, informées de cette incapacité, ont consenti à ce que le présent dossier soit confié à autre juge afin qu’une décision soit rendue dans la présente affaire.

[11]        Le 29 février 2012, la présidente de la Commission des lésions professionnelles, Mme Marie Lamarre, rend une décision qui fait suite au consentement exprimé par les parties. Dans sa décision, la Commission des lésions professionnelles constate que la première juge administrative n’a pas rendu de décision à ce jour étant donné son absence pour maladie, que cette absence est à durée indéterminée et qu'un retour au travail n’est pas encore prévu.

[12]        La Commission des lésions professionnelles en vertu des dispositions du paragraphe 3 de l’article 418 de la loi, désigne le juge soussigné afin qu'il rende la décision dans le présent dossier.

[13]        Après avoir procédé, en date du 5 mars 2012, à l'écoute de l'enregistrement de l’audience tenue le 4 octobre 2011, avoir étudié l'ensemble de la preuve documentaire au dossier et avoir consulté les membres issus des associations syndicales et d’employeurs, le tribunal prend l'affaire en délibéré le 5 mars 2012.

L’OBJET DES REQUÊTES

[14]        La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a été victime le 12 mai 2010, d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle d’origine du 24 novembre 2009.

[15]        Elle reconnaît par ailleurs qu’elle n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 novembre 2010 puisque les soins reçus dans cette période étaient plutôt en lien avec la rechute du 12 mai 2010 qui n’était toujours pas consolidée à cette date. Elle considère qu’il n’y avait pas lieu pour la CSST de se prononcer sur la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation à cette date.

[16]        Quant au troisième objet du litige, la travailleuse soumet que la date de consolidation à retenir est la date fixée par son médecin qui a charge, le docteur Claude Gauthier, soir le 9 mai 2011, mais pas relativement à une récidive, rechute ou aggravation qui se serait produite, le 18 novembre 2010, mais bien en relation avec la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010. Elle reconnaît que le tribunal peut décider des questions d’ordre médicales en relation avec cette récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 et que l’opinion de son médecin doit prévaloir également en ce qui a trait à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en lien avec cette réclamation.

LES FAITS

[17]        La travailleuse exerce les fonctions de préposée aux bénéficiaires pour le compte de l’employeur depuis le 5 novembre 2007, lorsqu’elle est victime d’un accident du travail le 24 novembre 2009. À cette date, elle ressent une douleur à la région lombaire avec un étirement irradiant jusqu’au trapèze et au bras droit après s’être penchée et fait un pivot afin d’aider une patiente qui avait subi une prothèse totale de la hanche à être transférée de sa chaise d’aisance dans son lit.

[18]        À l’audience, la travailleuse décrit qu’elle était en flexion antérieure et a fait une rotation du bas du dos et du haut du corps afin d’effectuer le transfert d’une patiente de la chaise d’aisance à son lit. Elle explique avoir déclaré la survenance de l’accident du travail le même jour et consulté un médecin le 26 novembre 2009 à une clinique médicale familiale située près de chez elle.

[19]        Le dossier révèle en effet que la travailleuse consulte le docteur Vay chi So, le 26 novembre 2009, qui diagnostique une entorse lombaire, lui prescrit des anti-inflammatoires et la met en arrêt de travail pour deux jours.

[20]        Le 1er décembre 2009, la travailleuse consulte le docteur Claude André St-Laurent. La travailleuse explique qu’il s’agit d’un résident. Celui-ci diagnostique une entorse lombaire et une élongation musculaire paravertébrale dorsale droite et prescrit une assignation temporaire ainsi que des traitements de physiothérapie.

[21]        Le 8 décembre 2009, la travailleuse consulte la docteure Martine Delorme qui diagnostique une entorse lombaire et une élongation musculaire paravertébrale dorsale droite et prescrit des travaux légers ainsi que des traitements de physiothérapie.

[22]        La travailleuse témoigne que la physiothérapie l’a soulagée et lui a permis d’exécuter des travaux légers à raison de quatre heures par jour de deux à trois jours par semaine. Elle est assignée temporairement comme commis pour répondre au téléphone et faire divers menus travaux.

[23]        Le 5 janvier 2010, elle consulte la docteure Caroline St-Jacques de la même clinique médicale que les docteurs St-Laurent et Delorme. La docteure St-Jacques indique qu’elle présente une douleur exacerbée toute la journée et après l’exécution de mouvements répétitifs.

[24]        Le 20 janvier 2010, elle consulte à nouveau un résident, le docteur Thao Trang Trinh, qui recommande la poursuite des travaux légers pour une semaine et un retour progressif au travail à raison de deux jours de travail régulier non consécutifs par semaine et le reste en travaux légers.

[25]        Le 4 février 2010, elle revoit le docteur Trinh qui cette fois lui prescrit un retour au travail régulier à raison de trois jours par semaine, mais pas plus de deux jours consécutifs. La travailleuse explique qu’elle prend toujours du Naproxin et qu’elle présente une douleur dans le bas du dos qui lui monte jusqu’au trapèze et à l’épaule droite. La reprise du travail provoque une augmentation graduelle de la douleur lombaire après environ trois jours. Elle précise qu’il s’agit d’une douleur sous forme d’élancements.

[26]        Le 18 février 2010, elle consulte le docteur Hugues De Lachevrotière qui note une amélioration de la condition et prescrit un retour au travail régulier trois jours par semaine avec un maximum de deux jours consécutifs en alternance avec des travaux légers jusqu’au 3 mars 2010.

[27]        Le 3 mars 2010, la travailleuse consulte cette fois, toujours à la même clinique, le docteur André Rachiele. Celui-ci rédige un rapport final qui consolide la lésion sans la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (atteinte permanente) ni de limitations fonctionnelles et prescrit un retour au travail régulier.

[28]        La travailleuse explique à l’audience que c’est la première fois qu’elle voit le docteur Rachiele et qu’elle l’a informé qu’elle présente toujours une douleur persistante. Elle explique toutefois qu’elle souffrait également d’un syndrome grippal lorsqu’elle l’a rencontré et ce dernier lui a indiqué que ses douleurs étaient probablement reliées à une pneumonie ou à une bronchite. Il lui a prescrit la poursuite des traitements de physiothérapie pendant encore une semaine. Le docteur Rachiele lui remet également un certificat médical d’arrêt de travail pour une semaine pour sa pneumonie sur un autre certificat d’assurance-maladie. La travailleuse explique qu’elle a repris le travail le 10 ou le 11 mars 2010.

[29]        Elle explique qu’elle est alors une employée sur la liste de rappel et que son poste en est un de sept jours par quinzaine. Elle témoigne qu’elle a repris le travail avec difficulté et elle continue de prendre du Tylénol. Après sa quatrième journée de travail, elle doit prendre des anti-inflammatoires, soit du Naproxin parce que les Tylenol ne suffisent plus. Ses traitements de physiothérapie se terminent le 12 mars 2010, sa physiothérapeute considère inhabituel que ses traitements de physiothérapie soient cessés si brusquement, passant de cinq jours par semaine à rien. Ce n’est pas le traitement habituel.

[30]        Entre la mi-mars et le 12 mai 2010, moment de sa réclamation pour rechute, la travailleuse témoigne que sa douleur est tolérable, mais augmente progressivement. Elle consulte à nouveau le 12 mai 2010 la docteure Hélène Gauthier qui complète une attestation médicale sur les formulaires prescrits par la CSST et indique qu’elle souffre d’une rechute de douleur lombaire et de raideur sur un antécédent récent d’entorse lombaire.

[31]        La docteure Gauthier indique que la raideur initialement mise sur le compte d’un syndrome grippal s’avère plutôt une séquelle du problème dorsal. Elle diagnostique une raideur dorsale et nucale de novo et recommande la reprise des traitements de physiothérapie et des anti-inflammatoires. Elle lui conseille également de voir un ostéopathe ou un acupuncteur.

[32]        Le 15 mai 2010, elle éprouve des douleurs qui augmentent, elle souffre beaucoup a de la difficulté à faire son horaire de 7 jours/quinzaine et ne peut plus faire de travail à taux supplémentaire.

[33]        Le 9 juin 2010, le docteur De Lachevrotière diagnostique une douleur lombaire et des raideurs sur des antécédents d’entorse lombaire, il note également une raideur dorsale et nucale secondaire et indique que la patiente est en attente de traitements de physiothérapie.

[34]        La travailleuse revoit par la suite le docteur De Lachevrotière le 18 juin 2010 qui diagnostique une entorse dorsale, qu’elle a des douleurs qui persistent depuis la lésion initiale et il la met en arrêt de travail pour une période de deux semaines. La travailleuse mentionne que les médecins ne sont pas d’accord sur la façon de définir ses douleurs, soit entorse dorsale ou lombaire.

[35]        Le 30 juin 2010, elle consulte la docteure Thérèse Nguyen qui recommande un retour au travail progressif pour deux semaines à compter du 4 juillet 2010 et un retour au travail normal par la suite. Son retour au travail léger est difficile après 3-4 jours elle doit prendre de la médication et se frotter le soir.

[36]        La travailleuse témoigne qu’elle travaille toujours sept jours sur quinze et qu’elle continue de présenter des douleurs après deux jours consécutifs de travail. Elle reprend le travail régulier à compter du 4 juillet 2010.

[37]        Le 9 août 2010, elle consulte le docteur Vincent Rodrigue qui pose un diagnostic d’entorse dorsale avec raideur cervicale qui persiste, postaccident de travail de novembre 2009. Il prescrit du Flexiril et du Tylenol et un retour au travail régulier à raison de 3 demi-journées de travail régulier pendant une semaine, complété par 3 demi-journées de travail régulier pour une semaine également. La travailleuse mentionne qu’elle n’est pas capable de compléter ses blocs de 7 jours/quinzaine.

[38]        Après le 9 août 2010, elle travaille trois demi-journées, en juillet et en août. Elle se paie des traitements d’ostéopathie à quatre reprises en août 2010.

 

[39]        Le 1er septembre 2010, elle est expertisée à la demande de l’employeur par le docteur Carl Farmer, chirurgien orthopédiste. Le docteur Farmer est d’avis que son examen objectif l’amène à constater un tableau subjectif de douleur qui est relativement marquée, mais non spécifique. Il est d’avis que les douleurs ont un caractère somatoforme. Il maintient la date de consolidation fixée par le docteur Rachiele au 3 mars 2010 en lien avec l’événement d’origine du 24 novembre 2009 et est d’avis qu’il n’y a pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles non plus que de nécessité de traitements.

[40]        Il est également d’avis qu’il n’y a pas d’élément objectif permettant de conclure que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa condition le 12 mai 2010. Si la rechute est acceptée, il mentionne que la date du 1er septembre devrait être retenue comme date de consolidation sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[41]        Le 3 septembre 2010, la travailleuse consulte la docteure Caroline St-Jacques qui maintient le même diagnostic d’entorse dorsale et de raideur cervicale persistante à la suite d’une entorse lombaire et prescrit un retour au travail progressif.

[42]        La travailleuse mentionne que ses traitements d’ostéopathie l’ont aidée. Elle ne peut faire de traitements de physiothérapie pour des motifs financiers.

[43]        Le 29 septembre, elle revoit le docteur De Lachevrotière qui maintient le diagnostic de la docteure St-Jacques, à l’effet que la travailleuse est porteuse d’une entorse dorsale avec raideur cervicale qui persiste post entorse lombaire à la suite de l’événement du mois de novembre 2009. Il prescrit Flexiril et Tylenol et un retour au travail régulier à raison de 3 jours par semaine pour une semaine, puis 4 jours par semaine en alternance sur 7 jours/quinzaine. À revoir pour une réévaluation dans trois semaines.

[44]        Le 14 septembre 2010, la CSST transmet au docteur St-Jacques le formulaire de rapport complémentaire qui doit être complété par le médecin qui a charge accompagné de l’expertise du docteur Farmer. C’est le docteur De Lachevrotière qui le complète le 6 octobre 2010 en mentionnant qu’il est d’accord avec les conclusions du rapport.

[45]        Questionné par la travailleuse sur les motifs pour lesquels il a fermé son dossier sans la revoir en dépit de son dernier rapport du 29 septembre mentionnant qu’elle devait être revue en réévaluation, le docteur De Lachevrotière lui mentionne que c’est sa supérieure qui lui a dit de signer ce rapport et de consolider la lésion. La travailleuse lui fait part de son insatisfaction quant à cette façon de procéder alors qu’il n’y a pas eu d’investigation additionnelle pour trouver la cause de ses douleurs.

[46]        Le docteur De Lachevrotière lui mentionne alors qu’il ne lui a pas prescrit d’examen d’imagerie par résonance magnétique parce que le délai pour l’obtenir est d’un an. La travailleuse lui mentionne qu’elle désire tout de même cette investigation et qu’elle verra à faire les démarches pour passer cet examen. Le docteur De Lachevrotière acquiesce à sa demande et lui indique de passer chercher sa prescription au bureau de la Clinique, si c’est ce qu’elle veut.

[47]        Elle indique qu’en octobre 2010, elle ressent encore tellement de douleur qu’elle s’est payé elle-même 11 à 12 traitements de physiothérapie.

[48]        Le 14 octobre 2010, elle est vue en expertise à la demande de son représentant par le docteur Pierre Legendre, orthopédiste. Ce dernier, après son examen et avoir pris connaissance du dossier, en vient à la conclusion que le retour au travail de la travailleuse le 3 mars 2010 s’est fait de façon prématurée et a probablement aggravé la condition de la travailleuse.

[49]        Il mentionne que les rapports médicaux de tous les médecins consultés font état d’une raideur dorsolombaire depuis la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 et qu’il y a relation probable avec l’événement initial étant donné que la condition de la travailleuse est associée à une persistance des douleurs rachidiennes et qu’il y a eu un événement traumatique intéressant ces structures en novembre 2009. Le docteur Legendre est d’avis que les soins reçus par la travailleuse s’inscrivent dans la continuité de sa première lésion de novembre 2009.

[50]        Les 3 et 8 novembre 2010, la travailleuse passe deux examens d’imagerie par résonance magnétique aux niveaux cervical et lombaire, lesquels sont lus comme étant normaux.

[51]        La travailleuse explique que son médecin de famille, le docteur Claude Gauthier, pratique à Contrecœur, elle ne le consultait pas à cause de la distance. En novembre 2010, elle décide de prendre un rendez-vous avec lui. Celui-ci lui indique que puisqu’il entre au dossier il va indiquer qu’elle est en rechute de son entorse lombaire, en date du 18 novembre 2010. Elle explique qu’il lui a également prescrit un tens et des traitements de physiothérapie.

[52]        À la suite de la production de ce rapport, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse comme étant une récidive, rechute ou aggravation et rend une décision le 14 février 2011 refusant cette réclamation. À la demande de l’employeur, il y a contestation du rapport émis par le docteur Gauthier le 18 novembre 2010 en utilisant le rapport du docteur Farmer du 1er septembre 2010 comme rapport infirmant.

 

[53]        La travailleuse mentionne avoir revu le docteur Gauthier seulement le 4 février 2011 après cette première consultation parce que ce dernier n’était pas disponible pour des raisons personnelles et professionnelles. Il était difficile pour elle d’avoir des rendez-vous.

[54]        Le 4 février 2011, elle revoit le docteur Gauthier qui note une amélioration de la condition de la travailleuse en physiothérapie. Il souligne que les examens de résonance magnétique ont été faits et qu’ils sont interprétés comme normaux.

[55]        Le 15 mars 2011, la travailleuse est expertisée par le docteur Alain Jodoin, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale dans le contexte de la récidive, rechute ou aggravation du 18 novembre 2010 refusée par la CSST et à la suite de la demande de BEM de l’employeur.

[56]        Le docteur Jodoin, en présence d’un examen qu’il considère comme normal, consolide la lésion en date du 3 mars 2010 sans nécessité de traitements et sans la présence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles considérant que la travailleuse lui indique que sa condition est la même que lorsqu’elle a repris le travail le 3 mars 2010. Le docteur Jodoin indique, dans la première partie de son expertise, que la CSST a refusé la rechute du 18 novembre 2010.

[57]        Le docteur Gauthier produit un rapport final, le 10 mai 2011 et il consolide l’entorse lombaire en date du 9 mai 2011 sans la présence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles. Il mentionne de continuer son tens considérant qu’il y a toujours présence de douleurs, mais compte tenu de sa non-disponibilité, ce sera difficile pour lui d’assurer son suivi, il préfère la consolider.

[58]        La travailleuse continue de prendre sa médication et réussit à travailleur normalement malgré la présence de ses douleurs. Elle n’a pas consulté à nouveau depuis mai 2011.

L’AVIS DES MEMBRES

[59]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter les requêtes de la travailleuse. Il est en effet d’avis de rejeter les deux réclamations à titre de récidive, rechute ou aggravation de la travailleuse des 12 mai et 18 novembre 2010 de la travailleuse. Il est de plus d’avis qu’il n’y a en conséquence pas lieu de se prononcer sur les questions d’ordre médical établies par le Bureau d’évaluation médicale du docteur Jodoin concernant la rechute du 18 novembre 2010.

 

[60]        Le membre issu des associations syndicales est plutôt d’avis d’accueillir la réclamation de la travailleuse à titre de récidive, rechute ou aggravation subie le 12 mai 2010. En effet, en vertu des critères généralement appliqués par le tribunal, il est d’avis de conclure que la travailleuse a fait la démonstration, par preuve prépondérante, d’une relation causale entre sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation et la lésion professionnelle d’origine de novembre 2009.

[61]        Quant à la contestation relative aux questions d’ordre médical à la suite de la rechute du 18 novembre 2010, il est d’avis que celle-ci est devenue sans objet étant donné que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 novembre 2010.

[62]        Pour ce qui est de la consolidation de récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010, il est d’avis de retenir la date de consolidation fixée par le médecin qui a charge, soit le 9 mai 2011, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

LES MOTIFS

[63]        Les dispositions pertinentes de la loi pour la solution des différents litiges sont de l’avis du tribunal, les suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

[64]        La Commission des lésions professionnelles doit, dans un premier temps, décider si la travailleuse a été victime ou non de récidive, rechute ou aggravation le 12 mai 2010 de sa lésion professionnelle survenue le 24 novembre 2009.

[65]        Les expressions « récidive, rechute ou aggravation » n’étant pas définies à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi), la jurisprudence a retenu le sens courant de ces termes et a établi que ceux-ci signifiaient une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion initiale ou de ses symptômes. Pour établir l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation et un événement d’origine, il faut une preuve prépondérante de relation entre le suivi médical consécutif à la rechute et la lésion professionnelle initiale.

[66]        La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a également établi certains paramètres qui permettent de déterminer l’existence d’une telle relation, soit : la gravité de la lésion initiale, la continuité de la symptomatologie, l’existence ou non d’un suivi médical, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, la présence ou l’absence d’une condition personnelle, la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute avec la nature de la lésion initiale et le délai entre la rechute et la lésion initiale. Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif, mais pris ensemble, ils permettent de décider du bien-fondé d’une réclamation.

[67]        En l’espèce, le tribunal retient que la lésion professionnelle d’origine est un événement qui peut-être qualifié de modéré alors que la travailleuse mobilisait, à l’aide de sa collègue de travail, une patiente de la chaise d’aisance à son lit en position penchée et en effectuant une rotation du tronc. Le tribunal note qu’aux notes évolutives au dossier, l’agente d’indemnisation indique que la patiente est très souffrante, venant de subir une prothèse totale de la hanche et que la travailleuse désire faire effectuer une manœuvre de pivot à la patiente alors que celle-ci n’était pas en mesure de s’aider. Elle explique s’être penchée pour avancer la jambe de la patiente en même temps qu’elle la retient et avoir ressenti une douleur au dos et un étirement jusqu’au trapèze.

[68]        Le diagnostic reconnu en relation avec la lésion professionnelle en est un d’entorse lombaire et d’élongation musculaire paravertébrale dorsale droite. La lésion professionnelle est consolidée par rapport final émis par le docteur Rachiele, le 3 mars 2010, sans la présence d’une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles.

[69]        Le dossier révèle que lors de sa rencontre avec le docteur Rachiele, le 3 mars 2010, la travailleuse souffre d’un syndrome grippal qui fait en sorte qu’elle présente de multiples courbatures. Selon la travailleuse, le docteur Rachiele, qui la voit pour la première fois, attribue ses douleurs résiduelles à ce syndrome grippal plutôt qu’à la lésion et pour ce motif il considère que l’entorse lombaire est consolidée.

[70]        La travailleuse témoigne qu’elle a été en arrêt de travail une semaine additionnelle après la consolidation de sa lésion le 3 mars 2010 en relation avec sa pneumonie et par la suite a repris le travail le 10 ou 11 mars 2010. Elle travaille alors selon un horaire de sept jours par quinzaine sur la liste de rappel de son établissement. Son retour au travail a été difficile et elle a dû prendre du Tylenol pour soulager ses douleurs. Après trois ou quatre jours de travail consécutifs, elle devait prendre à nouveau du Naproxin le Tylenol ne la soulageant plus.

[71]        Le témoignage de la travailleuse nous indique également qu’elle continue d’être symptomatique de sa condition lombaire de la mi-mars jusqu’au 12 mai 2010, et que ses douleurs augmentent progressivement jusqu’à cette date. Au cours des semaines suivantes, la travailleuse consulte une dizaine de médecins différents qui posent tous sensiblement le même diagnostic d’entorse dorsale ou lombaire accompagnée de raideur cervicale et nucale.

[72]        Le tribunal retient du témoignage de la travailleuse qu’à la suite de son retour au travail, ses douleurs augmentaient après 3 jours de travail au point de nécessiter la prise de médication et de rendre la poursuite difficile le maintien au travail. Plusieurs médecins consultés ont prescrit, soit des arrêts de travail, soit la reprise de travail de façon progressive.

[73]        Le tribunal partage l’opinion du docteur Legendre voulant que la consolidation de la lésion initiale au 3 mars 2010 ait probablement été faite de façon prématurée et les douleurs résiduelles, erronément attribuées au syndrome grippal. L’interruption abrupte des traitements de physiothérapie a, selon l’opinion du docteur Legendre, probablement entraîné l’aggravation des symptômes de la travailleuse à la suite de son retour au travail et c’est la conclusion à laquelle en vient le tribunal.

[74]        Compte tenu de l’identité des sites de lésions, de la courte période de silence médical entre le 3 mars et le 12 mai 2010, de la présence constante des mêmes douleurs résiduelles, de l’opinion des dix médecins consultés par la travailleuse quant au lien entre les symptômes de la travailleuse après le 12 mai 2010 et l’événement initial du 24 novembre 2009 et de l’opinion du docteur Legendre, orthopédiste, le tribunal est d’opinion que la travailleuse a fait la démonstration par preuve prépondérante qu’elle a subi une récidive, rechute ou aggravation le 12 mai 2010 de sa lésion initiale du 24 novembre 2009.

[75]        Par ailleurs, le tribunal constate que cette réclamation a été refusée par la CSST et n’a en conséquence pas fait l’objet d’une décision formelle de la CSST relativement à la date de consolidation de cette lésion.

[76]        Il appert par ailleurs que le Bureau d’évaluation médicale a émis son avis sur les questions d’ordre médical, dont la consolidation de la lésion, mais dans le contexte d’une récidive, rechute ou aggravation qui serait survenue le 18 novembre 2010. La CSST a entériné cette décision, mais l’a considérée sans effet compte tenu du refus de la réclamation de la récidive, rechute ou aggravation du 18 novembre 2010.

[77]        Or, de l’aveu même de la travailleuse, elle ne prétend pas avoir subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 novembre 2010, mais prétend plutôt que les soins reçus durant cette période s’inscrivent dans la continuité de sa lésion du 12 mai 2010 qui n’est toujours pas consolidée selon sa prétention.

[78]        Le tribunal, pour les motifs précédemment et ci-après exprimés est également d’avis que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 novembre 2010 puisqu’il n’y a pas de réclamation formelle de la travailleuse à cet égard et qu’il n’y a pas d’allégation ou de preuve qu’il y ait eu une détérioration de l’état de la travailleuse à compter de cette date. Le tribunal considère donc qu’il n’y avait pas lieu pour la CSST de statuer sur la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation à cette date.

[79]        Il reste toutefois à disposer des questions d’ordre médicales sur lesquelles le médecin du Bureau d’évaluation médicale a donné son avis le 6 avril 2011 qui a fait l’objet d’une décision de la CSST le 15 avril 2011. La CSST a déclaré, sans objet la décision de la CSST qui faisait suite au BEM en ce qui a trait aux questions d’ordre médicales pour le motif que la récidive, rechute ou aggravation survenue le 18 novembre 2010 a été refusée. La CSST ne s’est pas non plus prononcée sur la consolidation de la lésion du 12 mai 2010 probablement pour le motif que cette réclamation a également été refusée quant à son admissibilité.

[80]        Il demeure toutefois qu’un certificat médical a été produit par le médecin de la travailleuse le 18 novembre 2010, que ce certificat a fait l’objet d’une contestation de l’employeur dans le délai prescrit par la loi, qui a donné lieu à un avis du Bureau d’évaluation médicale. Étant donné que le tribunal en vient à la décision d’accepter la réclamation de la travailleuse pour la récidive, rechute ou aggravation et qu’il est d’avis que les soins reçus à partir du 18 novembre 2010 s’inscrivent dans la continuité de cette lésion, le tribunal procédant à actualiser le dossier et est d’opinion qu’il peut et doit se prononcer sur les questions d’ordre médical en lien avec cette récidive, rechute ou aggravation.

[81]        Pour disposer de la question de la date de consolidation de la lésion, le tribunal doit tenir compte des différents rapports produits au dossier de la travailleuse, particulièrement du rapport infirmant de l’expert de l’employeur en date du 1er septembre 2010, des rapports médicaux du docteur De Lachevrotière et particulièrement de son rapport complémentaire du 6 octobre 2010 et de la décision de la CSST entérinant un avis du Bureau d’évaluation médical, mais déclarant cette décision sans objet compte tenu du refus de la récidive, rechute ou aggravation du 18 novembre 2010.

[82]        Le tribunal doit, dans un premier temps, discuter des effets du rapport complémentaire émis par le docteur De Lachevrotière le 6 octobre 2010, dans lequel, ce dernier, se déclare d’accord avec les conclusions du docteur Farmer émises dans son rapport du 1er septembre 2010. À noter que le docteur Farmer niait l’existence même de la récidive, rechute ou aggravation survenue le 12 mai 2010, mais que dans l’éventualité où cette réclamation serait acceptée, il émet l’opinion que la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 est consolidée le 1er septembre 2010, sans nécessité de soins après cette date. 

[83]        La CSST n’a pas dirigé vers le Bureau d’évaluation médicale cette première contestation d’ordre médical compte tenu, sans doute, du rapport complémentaire émis par le docteur De Lachevrotière le 6 octobre 2010 se disant en accord avec le rapport du docteur Farmer du 1er septembre 2010. Le tribunal doit-il se considérer lié par ce rapport pour déterminer la date de consolidation de la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 au 1er septembre 2010 dans l’éventualité où cette réclamation est maintenant acceptée?

 

[84]        La formulation laconique du rapport complémentaire du docteur De Lachevrotière du 6 octobre 2010 se disant en accord avec les conclusions du rapport du docteur Farmer du 1er septembre 2010, ne permet aucunement de comprendre avec quelles conclusions du docteur Farmer il est d’accord, particulièrement dans le contexte où la première conclusion du docteur Farmer veut qu’il n’y a pas eu de récidive, rechute ou aggravation le 12 mai 2010.

[85]        Est-ce avec cette conclusion que le docteur De Lachevrotière est d’accord ou avec la date de consolidation du 1er septembre 2010?

[86]        Si on examine le rapport du docteur De Lachevrotière émis le 18 juin 2010, on constate que son opinion est diamétralement contraire à celle du docteur Farmer, émise dans son rapport du 1er septembre 2010. Il considère que la travailleuse présente une condition d’entorse dorsale avec douleurs qui persistent depuis l’accident initial, qu’elle présente une exacerbation. Que ses douleurs sont pires après quatre jours de travail. Qu’elle présente des douleurs cervicales surajoutées, qu’il y a nécessité qu’elle prenne du Flexiril et qu’elle reprenne des traitements de physiothérapie avec une approche en massothérapie. Il recommande un arrêt de travail complet durant deux semaines avec nécessité qu’elle soit réévaluée après ce délai. Le 29 septembre, ses conclusions sont les mêmes sauf qu’il recommande un retour au travail régulier de façon progressive à raison de trois jours par semaine au début à réévaluer après trois semaines.

[87]        Le 6 octobre 2010, sans aucune explication, ni réévaluation de la travailleuse, le docteur De Lachevrotière modifie radicalement son opinion pour se dire en accord avec l’opinion du docteur Farmer, après la réception du rapport de ce dernier, le 14 septembre 2010.

[88]        La seule explication reçue pour ce changement radical de position se trouve dans le témoignage de la travailleuse qui mentionne que le docteur De Lachevrotière lui a indiqué qu’il est un résident et que c’est sa supérieure qui lui a dit de signer le rapport complémentaire et de se dire en accord avec les conclusions du docteur Farmer. C’est pour le moins une étrange façon de procéder pour un professionnel. Le tribunal n’a pas de raison de douter de la crédibilité du témoignage de la travailleuse sur cette question qui est corroboré par les faits du dossier.

[89]        Cette opinion du docteur De Lachevrotière émise le 6 octobre 2010 lie-t-elle le tribunal quant à la date de consolidation de la lésion? Avec égards, le tribunal est d’opinion que non. Les dispositions de l’article 212.1 prévoient que le médecin qui a charge du travailleur et qui a produit un rapport médical qui est infirmé par le médecin de l’employeur ou de la CSST, peut étayer ses conclusions dans un rapport complémentaire et le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé.

[90]        Cette disposition a été interprétée comme exigeant du médecin qui a charge de produire un rapport motivé particulièrement s’il modifie ses conclusions pour, à titre d’exemple, souscrire à celles du médecin désigné par l’employeur. De toute évidence, le rapport complémentaire du docteur De Lachevrotière ne répond pas aux exigences de motivation prescrites par cet article et constitue dans les circonstances un rapport irrégulier qui ne lie pas la CSST ou le présent tribunal.

[91]        Cette interprétation de cette disposition a été réitérée par la Commission des lésions professionnelles à plusieurs reprises et entre autres, dans l’affaire Commonwealth Plywood ltée et Déziel[1] dans laquelle la juge administrative mentionne ce qui suit :

[42]      Quoiqu’il soit généralement reconnu que le défaut d’examiner le travailleur n’invalide pas l’opinion du médecin qui a charge de ce dernier3, puisque la loi n’exige pas un tel examen, il en sera autrement lorsque le médecin qui a charge n’a pas étayé ses conclusions ni informé le travailleur de celles-ci. Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclura que l’accord du médecin qui a pris charge exprimé dans son Rapport complémentaire ne respecte pas le niveau de clarté et de non-ambigüité souhaité4.

 

[…]

 

[45]      La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le médecin qui a charge peut modifier son avis initial pourvu qu’il étaye son opinion afin de permettre de comprendre pourquoi il en a changé5.

 

[46]      Le docteur Folkerson écrit dans le Rapport complémentaire qu’il est en accord avec les conclusions du docteur Giroux. Cette affirmation semble ne souffrir d’aucune ambiguïté, mais aucune explication n’est donnée quant à ce changement d’opinion et le 29 mars 2010, lors de la prochaine rencontre avec le travailleur, il est d’avis que le travailleur ne peut retourner à son travail habituel étant donné les limitations fonctionnelles.

 

[47]      La Commission des lésions professionnelles ne peut comprendre les motifs pour lesquels le docteur Folkerson modifie son avis le 11 janvier 2010 et écrit être en accord avec le docteur Giroux; il n’a donc pas étayé ses conclusions conformément à l’article 212.1 de la loi.

 

[48]      À cet égard, la soussignée fait siens les propos du juge administratif Norman Tremblay dans l’affaire McQuinn et Étiquettes Mail-Well6 alors qu’il s’exprime ainsi :

 

[25]        S’il est vrai que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles permet à la CSST d’obtenir l’accord du médecin traitant en suivant la procédure édictée aux articles 205.1 et 212.12 de la loi, cette même jurisprudence exige que la procédure soit suivie d’une façon stricte, que la réponse donnée par le médecin soit claire et sans ambiguïté, et, s’il modifie son opinion, qu’elle soit étayée.

 

 

[26]        Il faut se rappeler que la conséquence de reconnaître un caractère liant à la réponse donnée par le médecin qui a charge est que le travailleur ne pourra pas contester par la suite cette conclusion puisque la loi à l’article 358 ne permet pas la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée en vertu de l'article 224 de la loi.

 

[27]        Le tribunal est d’avis que le rapport du docteur St-Laurent n’a pas un caractère liant pour deux raisons. Premièrement, l’opinion du docteur St-Laurent n’est pas étayée de telle sorte que l’on ne peut, même sommairement, comprendre son opinion. Deuxièmement, le docteur St-Laurent n’a pas respecté les exigences de l’article 212.1 de la loi ou encore de l’article 203 de la loi, soit d’informer le travailleur sans délai du contenu de son rapport avant de l’envoyer à la CSST.

 

[28]        Concernant le premier motif, la jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles permet au médecin qui a charge de modifier son opinion dans le cadre de la procédure prévue aux articles 205.1 ou 212.1 de la loi si cette opinion est « claire et limpide »3 . La jurisprudence a connu une évolution au niveau de cette exigence de clarté où on retrouve maintenant l’exigence que l’opinion soit étayée afin d’être en mesure de comprendre les motifs qui amènent le médecin qui a charge à changer d’opinion avant de lui accorder un caractère liant.

 

__________

2         Ces dispositions sont au même effet à l’exception que l’article 205.1 de la loi réfère au rapport du médecin désigné par la CSST alors que l’article 212.1 réfère au médecin désigné par l’employeur.

3       Expression utilisée par le commissaire Clément dans l’affaire Bacon citée plus loin.

 

[49]      Par conséquent, le tribunal estime que la CSST n’est pas liée par ce rapport complémentaire et que c’est à bon droit qu’elle a acheminé le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale.

 

[50]      Au surplus, le docteur Folkerson n’a pas informé le travailleur de l’existence et du contenu de ce rapport complémentaire contrairement aux prescriptions de l’article 212.1 de la loi qui édicte que « le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport ».

 

[51]      En effet, selon la preuve documentaire et testimoniale, le docteur Folkerson n’a jamais discuté du rapport d’expertise médicale du docteur Giroux avec le travailleur, encore moins de son Rapport complémentaire qui y réfère. La discussion du 29 mars 2010 a pour sujet le rapport d’expertise médicale du docteur Morin et de ses conclusions voulant que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.

 

[52]      D’ailleurs, le docteur Folkerson écrit dans son Rapport médical du 29 mars 2010 que le travailleur est incapable de retourner à son poste de travail, et ce, de façon permanente.

 

[53]      Dans l’affaire McQuinn et Étiquettes Mail-Well précitée, le juge administratif Tremblay écrit que :

 

[33]        Le second motif qui amène le tribunal à ne pas accorder un caractère liant au rapport complémentaire du docteur St-Laurent réside dans le fait que la procédure de l’article 212.1 de la loi n’a pas été respectée notamment en ce qui concerne l’obligation du médecin qui a charge d’informer sans délai le travailleur du contenu de son rapport. Contrairement aux prétentions du procureur de l’employeur, cette exigence n’est pas une simple formalité, mais bien une exigence de fond compte tenu des conséquences qu’a l’opinion du médecin qui a charge sur les droits du travailleur. Cette étape est le seul moment où le travailleur a l’occasion de faire valoir son point de vue et d’exercer le droit qui lui est dévolu à l’article 192 de la loi d’avoir recours au médecin de son choix si jamais il est en désaccord avec le contenu de ce rapport.

 

[34]        Dans l’affaire Lapointe et Sécuribus inc7. , la Cour d’appel, saisie d’une situation similaire, mais dans le cadre de l’article 203 de la loi (qui contient exactement la même obligation du médecin qui a charge quant à l’obligation d’informer le travailleur du contenu de son rapport) mentionne ce qui suit à ce sujet par l’entremise de l’Honorable Juge Dalphond :

 

[32]        La deuxième possibilité était de considérer que le médecin qui avait charge de l’appelante en juin 1998 était désormais le Dr Roy. Il demeure que l’appelante a allégué dès la décision de la CSST connue, qu’elle ignorait le contenu de ce rapport. En somme, elle a allégué violation de l’obligation faite à l’art. 203 in fine au médecin qui avait charge de l’informer. La CSST devait alors vérifier la véracité de l’allégation et, si bien fondée, conclure que le rapport final reçu du Dr Roy ne pouvait lier l’appelante en vertu de la Loi, car violant l’art. 203 de la Loi et la finalité sous-jacente, soit celle du droit du travailleur de choisir le médecin de son choix (art. 192) et d’être informé du contenu du rapport final de ce dernier.

 

[35]        Dans l'affaire Brière et Vinyle Kaytec Inc.8, la Commission des lésions professionnelles par l’entremise de la commissaire Johanne Landry, reprend la conclusion de la Cour d’appel comme suit :

 

[43] La cour d’Appel dans un jugement récent3, a rappelé que le médecin qui a charge du travailleur a l’obligation en vertu du dernier alinéa de l’article 203 de la loi d’informer le travailleur sans délai du contenu de son rapport. S’il est avéré que le travailleur ignore le contenu du rapport final, la CSST ne peut considérer qu’elle-même ou le travailleur est liée par lui car il y a violation de l’article 203 de la loi et de sa finalité sous-jacente, soit celle du droit du travailleur de choisir le médecin de son choix et d’être informé du contenu du rapport final de ce dernier.

______________________

3  Lapointe c. Commission des lésions professionnelles et Sécuribus et CSST, C.A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle.

__________

7 C.A. Montréal : 500-09-013413-034, 2004-03-19, jj. Forget, Dalphond, Rayle

8  C.L.P. 215828-62A-0309, 28 juin 2004, J. Landry

 

 

[54]      Dans les circonstances de la présente affaire, le tribunal estime que le Rapport complémentaire rempli, le 2 mars 2010, par le docteur Folkerson, médecin prenant en charge le travailleur, n’a pas un caractère liant et que c’est à bon droit que la CSST a demandé l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale étant donné que le docteur Folkerson a modifié son avis du 11 janvier 2010 sans rencontrer ni examiner le travailleur, qu’il n’a pas étayé sa position, ce qui ne permet pas à la Commission des lésions professionnelles de comprendre les raisons qui l’ont amené à ce changement d’avis, et qu’il n’a pas informé le travailleur du contenu de ce Rapport complémentaire contrairement aux prescriptions de la loi.

_______________

3       Voir notamment :Lussier et Berlines RCL inc., C.L.P. 122844-05-9908, 21 septembre 2000, L. Boudreault, Dhaliwal et Gusdorf Canada ltée, C.L.P. 168883-72-0109, 10 mai 2002, Y. Lemire; St-Germain et Finition Laurier inc., C.L.P. 205813-04B-0404, 26 février 2004, L. Collin; Morin et Forage Orbit inc., C.L.P. 225507-08-0401, 9 juillet 2004, G. Morin, révision rejetée, 28 octobre 2004, M. Carignan; Paquette et Aménagement forestier LF, C.L.P. 246976-08-0410, 6 juillet 2005, J.-F. Clément; Jean et Belron Canada inc., C.L.P. 287234-31-0604, M.-A. Jobidon, 6 septembre 2006; Hamilton et Toyota Pie IX inc., C.L.P. 312268-63-0703, 4 mars 2010, P. Perron, révision rejetée, 2011 QCCLP 1532 .

4       Voir notamment : Scierie Parent inc. et Duguay, [2007] C.L.P. 872 , révision rejetée, 271310-04-0509, 24 octobre 2008, J.-M. Dubois, (08LP-156); Bacon et General Motors du Canada ltée, [2004] C.L.P. 941 ; Tremblay et Providence Notre-Dame de Lourdes, C.L.P. 247398-71-0411, 24 février 2006, C. Racine, révision rejetée, [2007] C.L.P. 508 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-17-038220-078, 7 octobre 2008, j. Marcelin; Meubles Lorenz et D’Angelo, 2011 QCCLP 1941 ; Guitard et Peinture G. & R. Lachance inc., 2011 QCCLP 2731 .

5       Voir notamment : Ouellet et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 190453-08-0209, 9 septembre 2003, Monique Lamarre; Guillemette et Consortium Cadoret, Tremblay, C.L.P. 276152-09-0511, 31 mars 2006, R. Arseneau; Les Aliments O Sole Mio inc. et Abu-Eid, C.L.P. 297872-71-0609, 23 juillet 2007, L. Landriault; Sifonios et Circul-Aire inc., C.L.P. 284622-71-0603, 25 juillet, L. Crochetière, (07LP-101), révision rejetée, 23 octobre 2007, L. Nadeau; Desbiens et Réfrigération GES inc., C.L.P. 400124-63-1001, 21 septembre 2010, D. Therrien; Mazda Chatel et Arseneault, 2011 QCCLP 1880 ; Guitard et Peinture G.& R. Lachance inc., 2011 QCCLP 2731 .

6     C.L.P. 201087-62A-0803-C, 31 janvier 2005, N. Tremblay (04LP-240).

 

 

[92]        Appliquant ces principes au fait du présent dossier, le tribunal est d’avis que le rapport complété par le docteur De Lachevrotière le 6 octobre 2010 ne répond pas aux exigences de l’article 212.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) puisqu’il ne constitue pas un rapport complémentaire dans lequel, le médecin qui a charge étaye ses conclusions.

[93]        Le tribunal constate également que le médecin qui a charge du travailleur n’a pas informé la travailleuse sans délai du contenu de son rapport complémentaire, ce qui constitue un deuxième motif pour invalider le rapport complémentaire dudit médecin.

[94]        Selon la jurisprudence précitée, un tel rapport complémentaire, n’étant pas conforme à la loi, ne peut lier la CSST et cette dernière devait acheminer au Bureau d’évaluation médicale la divergence d’opinions des médecins faute pour la CSST d’obtenir du médecin qui a charge des précisions quant aux motifs pour lesquels le médecin révisait son opinion. Faute de ce faire, la CSST est liée par les conclusions du médecin traitant dans son rapport précédent[3], de sorte qu’au 1er septembre 2010, la CSST demeurait liée par les conclusions du médecin qui avait charge, soit le docteur De Lachevrotière qui était à l’effet que la lésion n’était pas consolidée.

[95]        À compter du 18 novembre 2010, la travailleuse change de médecin qui a charge et c’est le docteur Gauthier qui devient son médecin. Le 18 novembre 2010, il pose le diagnostic d’entorse dorsale et mentionne qu’il s’agit d’une rechute, mais uniquement parce qu’il arrive au dossier, selon ce que rapporte la travailleuse.

 

[96]        Ce rapport est contesté par l’employeur qui utilise à nouveau le rapport du docteur Farmer du 1er septembre 2010 pour infirmer les conclusions du rapport du docteur Gauthier et demander le 28 décembre 2010 que le dossier soit dirigé au Bureau d’évaluation médicale, demande à laquelle la CSST donne suite.

[97]        Bien que la représentante de la travailleuse ait soulevé le fait que le rapport infirmant de l’employeur est antérieur au rapport contesté du 18 novembre 2010, la jurisprudence de notre tribunal a depuis longtemps reconnu que cette façon de procéder était conforme à l’article 212 de la loi qui n’exige pas que le rapport qu’obtient l’employeur pour infirmer les conclusions du médecin qui a charge soit obtenu après l’émission dudit rapport[4].

[98]        Toutefois, le tribunal ne peut retenir l’avis médical émis par le docteur Alain Jodoin du Bureau d’évaluation médicale. En effet, le docteur Jodoin prend tout d’abord en considération que son avis est requis dans le contexte de la récidive, rechute ou aggravation du 18 novembre 2010 qui est refusée par la CSST. La récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 est également refusée par la CSST au moment où il rend son avis. Bien que la demande d’arbitrage demeure valide puisqu’elle conteste le certificat médical émis par le docteur Gauthier en date du 18 novembre, l’avis du docteur Jodoin doit être apprécié dans son contexte.

[99]        L’opinion du docteur Jodoin voulant que la lésion de la travailleuse soit consolidée en date du 3 mars 2010, soit avant la date de survenance de la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 et celle du 18 novembre 2010. Si cet avis du BEM est logique dans un contexte de refus des deux récidives, rechute ou aggravation, le tribunal ne peut retenir l’avis du BEM quant à une date de consolidation qui serait antérieure à la date de survenance de la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 qu’il retient comme lésion professionnelle par la présente décision.

 

 

[100]     Au surplus, l’opinion du docteur Jodoin s’appuie sur une prémisse inexacte, soit le fait que la travailleuse est retournée à son emploi régulier depuis le 3 mars 2010. Avec égards, ce n’est pas la preuve qui est présentée au tribunal et qui ressort du dossier. Il est plutôt en preuve que le retour au travail régulier de la travailleuse n’a été que de quelques semaines et s’est soldé par un échec le 12 mai 2010 et une recrudescence de ses douleurs.

[101]     Par la suite, des essais de retour au travail progressif ont été tentés par les différents médecins consultés, lesquels ont été interrompus par des arrêts de travail complets et des retours à des travaux légers et réguliers sur une base progressive. Nous sommes loin du retour au travail normal depuis le 3 mars 2010. Par ailleurs, durant toute cette période, les différents médecins consultés ont constaté un état d’incapacité, à tout le moins, partiel, de la travailleuse de vaquer à son travail régulier. Ils ont noté des raideurs cervicale, nucale et dorsale qui corroboraient les symptômes douloureux allégués par la travailleuse. Pour ces différents motifs, l’avis du docteur Jodoin ne peut être retenu.

[102]     Quant à la date du 1er septembre 2010 suggérée par le docteur Farmer, on comprend que cette date, de l’aveu même de ce dernier, est une date administrative puisqu’il ne reconnaît pas la survenance de la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010.

[103]     L’opinion du docteur Farmer, à l’instar de celle du docteur Jodoin, s’appuie pour l’essentiel sur un examen des amplitudes articulaires qu’il considère, normales. On doit se rappeler que le témoignage de la travailleuse est à l’effet que durant cette période, elle pouvait exécuter son travail régulier de préposé aux bénéficiaires durant deux ou trois jours. C’est après ce délai que la douleur augmentait et l’empêchait de continuer à exécuter ses fonctions. Il est donc logique que lorsqu’elle est rencontrée par les médecins examinateurs, alors qu’elle ne travaille pas, l’examen des amplitudes articulaires puisse ressortir comme normal. 

[104]     Le tribunal ne peut conclure que le fait qu’un travailleur présente des amplitudes normales lors d’un examen signifie que ce dernier a la capacité d’exécuter toutes les tâches habituelles de son travail selon son horaire régulier. L’évaluation de la travailleuse doit, non seulement tenir compte de l’évaluation objective de ses amplitudes articulaires, mais également de son histoire subjective.

[105]     Le tribunal retient du témoignage de la travailleuse que ses douleurs étaient exacerbées après trois ou quatre jours de travail, la rendant incapable de compléter son horaire régulier de travail. Elle a cherché par elle-même des solutions aux douleurs qu’elle ressentait. Elle s’est payé des traitements d’ostéopathie et de physiothérapie à partir de l’automne 2010 et l’hiver 2011 qui ont, comme l’a constaté le docteur Gauthier, amélioré sa condition, ce qui lui a permis de reprendre son travail régulier à compter du 9 mai 2011, soit la date de consolidation fixée par son médecin qui a charge.

[106]     L’exacerbation des douleurs de la travailleuse l’empêchait de reprendre son travail habituel et nécessitait des soins additionnels, et ce, même si un examen ponctuel pouvait révéler que la travailleuse pouvait avoir des amplitudes articulaires dans les limites de la normale.

[107]     Le tribunal est donc d’avis que la date de consolidation de la lésion professionnelle du 12 mai 2010 est la date indiquée dans le rapport final du docteur Gauthier du 10 mai 2011, soit le 9 mai 2011. Puisque le docteur Gauthier est d’opinion que la travailleuse ne conservait pas d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en lien avec sa condition, le tribunal prend donc acte de cette opinion et rend une décision en conséquence.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 418879-63-1009

ACCUEILLE la requête de madame Stéphanie Brousseau, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 août 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a été victime le 12 mai 2010 d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 24 novembre 2009 et qu’elle a droit aux prestations en lien avec cette lésion professionnelle.

Dossier 444106-63-1107

ACCUEILLE la requête de madame Stéphanie Brousseau, la travailleuse;

DÉCLARE sans effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 juin 2011 à la suite d’une révision administrative quant à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation en date du 18 novembre 2010 compte tenu de l’absence de récidive, rechute ou aggravation à cette date;

INFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 juin 2011 à la suite d’une révision administrative et déclare que la travailleuse a toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu en date du 18 novembre 2010 étant donné que la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 n’était pas consolidée à cette date.

 

Dossier 449474-63-1109

ACCUEILLE la requête de madame Stéphanie Brousseau, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y avait pas lieu pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail de se prononcer sur les questions d’ordre médical consécutives à une rechute du 18 novembre 2010 puisqu’une telle récidive, rechute ou aggravation n’est pas survenue à cette date;

DÉCLARE qu’il y a toutefois lieu de se prononcer sur les questions d’ordre médicales en lien avec la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010;

DÉCLARE que la récidive, rechute ou aggravation du 12 mai 2010 est consolidée en date du 9 mai 2011, sans nécessité de soins ou traitements additionnels;

DÉCLARE que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à son intégrité physique et psychique, ni limitation fonctionnelle lui résultant de cette lésion.

 

 

 

__________________________________

 

Daniel Pelletier

 

 

 

 

Chantale Pellerin

C.S.N.

Représentante de la partie requérante

 

 

 



[1]           2012 QCCLP 496 .

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Ouellet et Métallurgie Noranda inc., 190453-08-0209, 9 mars 2003, Monique Lamarre.

 

[4]           Voir à cet effet : Winter et Centre d'accueil Louis-Riel, [1986] C.A.L.P. 107 ; Empire Stevedoring Co. Ltd et Tremblay, [1986] C.A.L.P. 30 ; Anderson et Steinberg inc., C.A.L.P. 21680-61-9008, 10 mars 1993, J.-M. Duranceau; Lazare et Hôpital Saint-Charles Borromée, C.L.P.114696-73-9904, 19 novembre 1999, R.-L. Beaudoin; Perron et Sucre Lantic ltée, C.A.L.P.10757-60-8902, 28 février 1991, G. Lavoie, (décision accueillant la requête en révision); Cayer et Tye-Sil Corporation ltée, [1995] C.A.L.P. 370 ; Redburn et Ville de Montréal, C.L.P.107119-63-9811, 25 novembre 1999, J.-L. Rivard; Lalande et Groupe Alcan Métal Primaire (Alma), C.L.P.303981-02-0611, 5 juin 2007, L. Vallières; Jutras et Wal-Mart du Canada, C.L.P. 200133-05-0302, 8 juillet 2003, M. Allard.

 

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