Chiasson c. Commission scolaire des Découvreurs |
2017 QCCS 1835 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-021887-153 |
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DATE : |
9 mai 2017 |
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EN PRÉSENCE DE : |
L’HONORABLE |
SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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JEAN-CHRISTOPHE CHIASSON -et- LYNDA VEILLEUX -et- CARL CHIASSON -et- CASSANDRA CHIASSON, représentée aux fins des présentes par sa mère Lynda Veilleux et son père Carl Chiasson, en leurs qualités de tuteurs
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Demandeurs |
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c.
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COMMISSION SCOLAIRE DES DÉCOUVREURS -et- COMPAGNIE D’ASSURANCE AIG DU CANADA
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Défenderesses |
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J U G E M E N T |
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[1] Les demandeurs soutiennent que les défenderesses et, plus particulièrement, la Commission Scolaire Des Découvreurs (Commission scolaire) sont responsables de l’accident de Jean-Christophe Chiasson qui survient le 28 mars 2012 dans l’auditorium de l’établissement «Les Compagnons[1]»?
[2] La Commission scolaire et son assureur sont plutôt d’avis que Jean-Christophe Chiasson est l’artisan de son propre malheur.
[3] S’agit-il plutôt d’un litige où la responsabilité doit être partagée entre les différents protagonistes?
[4] Telles sont les questions au cœur du litige.
[5] Les demandeurs précisent qu’en raison du fréquent accès possible à l’auditorium par Jean-Christophe Chiasson et ses amis, la Commission scolaire manque à son obligation de surveillance. Plus particulièrement, ils lui reprochent d’avoir confié les clés de l’auditorium, pendant toute l’année scolaire 2011-2012, à quatre étudiants de secondaires 4 et 5 de son établissement. Ces derniers sont techniciens de scène. Or, certains de ceux-ci permettent à leurs amis de s’y introduire pour s’y reposer à des moments où cet accès n’est pas normalement permis. C’est effectivement ce qui se produit le 28 mars 2012.
[6] La famille Chiasson subit des dommages divers suite à l’accident de Jean-Christophe Chiasson.
[7] La Commission scolaire précise plutôt que Jean-Christophe Chiasson est l’artisan de son propre malheur, en agissant de façon irréfléchie et dangereuse, d’une part. Elle soutient que les dommages réclamés sont grossièrement exagérés, d’autre part.
[8] Les prétentions des parties requièrent l’examen des questions suivantes :
· la détermination de la responsabilité;
· les montants des dommages-intérêts réclamés, s’il y a lieu.
[9] Dans un premier temps, il convient de résumer les faits pertinents au litige.
1.- Les faits
[10] Le 28 mars 2012, Jean-Christophe Chiasson est âgée de 15 ans et 9 mois. Il étudie à l’école «Les Compagnons» en secondaire 4. Il est dans le programme PROTIC depuis le début de son secondaire. Il s’agit d’un programme contingenté qui requiert la réussite de certains tests pour y être admis.
[11] La prépondérance de la preuve établit qu’avant l’accident, Jean-Christophe :
· est un excellent étudiant parmi les premiers de sa classe. Une heure d’étude par soir lui suffit. Avant un examen, une révision de quelques heures lui permet d’être prêt pour celui-ci et d’y obtenir d’excellents résultats;
· il joue au basketball pour l’équipe de l’école et, à ce titre, a deux pratiques de 2 heures par semaine plus une partie ou encore trois pratiques par semaine le soir;
· il fait partie également du programme sport-études-basketball et, il a deux pratiques sport-études de basketball par période de 9 jours;
· il suit aussi des cours de natation pour devenir sauveteur, ce qui lui permettra d’avoir un emploi d’été dans le milieu des piscines municipales;
· il fait du «jogging» ainsi que du vélo de montagne en forêt;
· il a une excellente relation avec ses parents;
· il a aussi une relation très harmonieuse avec sa jeune sœur Cassandra. Notamment, ils jouent ensemble aux jeux vidéo ou avec leur chien et prennent des marches;
· il est en excellente santé, ne prend pas de médicament et gère bien son stress;
· il joue aussi régulièrement aux jeux vidéo avec ses amis ou en ligne. Il sort avec ses amis.
[12] Jean-Christophe est aussi très impliqué au sein de son école. Il y organise, dès son arrivée en secondaire 1, le défi «Têtes Rasées» pour ramasser des fonds pour Leucan. Bref, Jean-Christophe n’a aucun problème particulier. Tout va bien dans sa vie.
[13] Les locaux pour le groupe «PROTIC» sont tous situés dans la même aile de l’établissement. Les salles des élèves de secondaire 1 et 2 sont situées à l’étage. Celles pour les élèves de secondaire 3 à 5 sont au rez-de-chaussée du même immeuble.
[14] L’auditorium de l’école où survient l’accident, est situé à l’étage. Les portes sont verrouillées pendant les périodes de cours.
[15] Au moment des événements, rappelons que Jean-Christophe est en secondaire 4.
[16] Le 28 mars 2012, au moment de la pause de l’après-midi, soit entre 14h10 et 14h20, Jean-Christophe se rend, en compagnie de ses amis Samuel Grégoire, William Patry et Raphaël Métivier, à l’auditorium pour y relaxer.
[17] Raphaël Métivier a les clés de l’auditorium car il est technicien de scène. Il leur ouvre l’accès à l’auditorium et repart rapidement.
[18] Jean-Christophe s’assoie avec ses amis dans les sièges. William Patry les quitte pour aller ailleurs.
[19] Samuel Grégoire et Jean-Christophe continuent donc de discuter. À un moment, ils vont sur la scène car ils peuvent en sortir par une porte arrière qui se verrouille automatiquement[2].
[20] Sur la scène, Samuel Grégoire qui a le même âge que Jean-Christophe, se donne un petit élan pour se suspendre à un rideau de scène du côté. Il s’y agrippe pendant quelques secondes. Rien ne se produit.
[21] Jean-Christophe fait de même sur un autre rideau. Après une fraction de seconde, le rideau lui tombe sur la tête ainsi que le poteau de métal auquel il est accroché au plafond.
[22] Jean-Christophe ne se rappelle aucunement des circonstances de l’accident.
[23] Samuel Grégoire enlève le rideau sur Jean-Christophe. Il constate que celui-ci est inconscient. Lorsqu’il reprend conscience, Samuel note qu’il est confus et qu’il saigne. Il l’aide à s’asseoir et va chercher de l’aide.
[24] Un professeur, monsieur Émond, passant près de l’auditorium dans les corridors, vient examiner la situation, il va aussi chercher de l’aide. La direction de l’école fait venir les ambulanciers.
[25] Jean-Christophe a très mal à la tête après l’accident, il se sent confus, ne sait pas s’il est blessé mais répète toujours la même chose. Il précise que plusieurs personnes lui parlent mais qu’il ne comprend pas ce qui lui est dit.
[26] Transporté au CHUL, le diagnostic de traumatisme crânien léger est posé. Des points de suture sont faits sur la plaie sise sur le dessus de sa tête. Des agrafes y sont posées et ce, même si l’injection d’anesthésie locale ne fonctionne pas.[3]
[27] Jean-Christophe demeure à l’hôpital jusqu’au lendemain[4]. Il retourne à la maison avec de très forts maux de tête. Il doit rester couché sauf pour les repas et la salle de bain. Il n’est pas capable de faire quoique ce soit. Il ne peut écouter la télévision qu’en position couché et au maximum une heure à la fois.
[28] Ne voyant pas d’amélioration, il retourne à l’hôpital le 4 avril 2012[5]. Il voit alors un neurologue qui lui prescrit de rester deux autres semaines couché à ne rien faire, ne pouvant se lever que pour les repas et aller à la salle de bain. Ensuite, il ne peut regarder la télévision que 3 fois, ½ heure par jour puis augmenter progressivement. Il recommence ensuite à lire mais pas plus de 15 minutes à la fois.
[29] Ce programme progressif de reprise des activités dure plusieurs mois. Il ne peut plus jouer au basketball car il s’agit d’un sport de contact, ce qui lui est interdit dès ce moment jusque et incluant le Cégep. Il est suivi par une équipe de l’Institut de réadaptation en déficiences physiques du Québec (IRDPQ)[6].
[30] Jean-Christophe ne retourne pas à l’école pour terminer son secondaire 4 car il a suffisamment de bonnes notes pour passer en secondaire 5. En fait, il y retourne deux fois, au mois de juin 2012, ½ journée chaque fois, pour évaluer comment il s’y sent, sur recommandation de son médecin. La présence de beaucoup de personnes et de bruit lui donnent des maux de tête.
[31] Quant à la Commission scolaire, dès le lendemain de l’accident, la direction fait réparer le pôle défectueux et le rideau de scène brisé car l’auditorium est loué à des tiers pour le soir-même.
[32] Jean-Christophe reprend l’école, en secondaire 5, au mois de septembre 2012. Il n’a pas alors retrouvé sa santé complète. Lui qui n’étudie, avant l’accident, qu’une heure ou deux par soir car il a beaucoup de facilité pour les apprentissages, doit étudier jusque vers 23h00 le soir et malgré ce travail, n’obtient pas de bons résultats[7]. La direction, ses professeurs et lui mettent en place, de concert avec ses parents, un plan d’intervention qui lui donne plus de temps pour faire les examens qu’aux autres étudiants. Il termine brillamment ses études de secondaire 5[8].
[33] À compter du mois d’août 2013, il fréquente le Cégep de Ste-Foy dans l’option exigeante de sciences de la nature car il désire devenir médecin ou vétérinaire. Il éprouve des difficultés notamment en mathématiques. Il a une rencontre avec la direction du Cégep. Un plan d’accommodement[9] est mis sur pied en tenant compte de son traumatisme crânien. On lui accorde plus de temps pour faire les examens dans un local séparé des autres, il ne peut faire qu’un examen par jour et au maximum deux examens par semaine. Il a droit à l’utilisation d’un ordinateur pour rédiger ses textes et la vérification de ceux-ci avec le logiciel «Antidote». Ses notes s’améliorent notamment en mathématiques.
[34] La décision est alors prise qu’il complète son Cégep sur trois ans au lieu de deux afin qu’il puisse réussir à avoir de bonnes notes. Cette option lui est favorable car depuis septembre 2016, il fréquente l’Université de Montréal, au campus de St-Hyacinthe, pour y étudier la médecine vétérinaire, son rêve.
[35] Tant Samuel Grégoire que son ami Anthony Giacomo, des amis d’enfance ou de longue date de Jean-Christophe, sont à même de constater les limitations qui l’affectent après l’accident. Ils doivent aussi composer avec les limitations que les médecins lui imposent.
[36] Il convient maintenant de procéder à la détermination de la responsabilité.
2.- La responsabilité des parties
[37] Comme on le sait, Jean-Christophe Chiasson et ses parents considèrent que la Commission scolaire est seule responsable des dommages qu’il subit le 28 mars 2012.
[38] La Commission scolaire, rappelons-le, soutient que quant à elle, Jean-Christophe est seul l’artisan de son propre malheur, d’une part. Elle ajoute, d’autre part, que l’acte irréfléchi et imprévisible accompli par Jean-Christophe ce jour-là, soit de s’agripper à l’un des rideaux de scène, rompt toute responsabilité qu’elle pourrait avoir.
[39] Qu’en est-il?
[40] L’article 1457 C.c.Q. prévoit ce qui suit :
«1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.»
[41] Il convient également d’énoncer le principe qui prévaut en matière de partage de responsabilité :
«1478. Lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes, la responsabilité se partage entre elles en proportion de la gravité de leur faute respective.
La faute de la victime, commune dans ses effets avec celle de l’auteur, entraîne également un tel partage.»[10]
[42] Il est bien établi depuis plusieurs décennies que pour conclure à la présence d’une faute, il y a lieu de prouver qu’un acte négligeant ou une omission est commis par la personne à laquelle on le reproche, que la victime en subit un préjudice et qu’effectivement il y a un lien de causalité entre cet acte et le préjudice subi.
[43] Le professeur Vincent Karim précise à ce sujet que :
«2514. Le critère applicable pour déterminer l’existence d’une faute est donc la conduite acceptée par la société au moment précis de la survenance de l’acte reproché. Ce critère constitue ainsi le reflet de l’évolution sociale. L’existence d’une faute dans les conditions données doit être déterminée selon le critère de défaut de prudence et d’attention moyenne qui marque la conduite d’une personne raisonnable. Ainsi, la faute consiste en l’absence des soins ordinaires qu’une personne raisonnable ou un professionnel compétent et prudent devrait fournir dans les mêmes conditions, en tenant compte du fait que l’intensité et la qualité de soin varient suivant les circonstances, le temps, les lieux et les personnes.
2515. L’omission, l’abstention ou la négligence d’agir, tout comme l’acte positif fautif, peut aussi constituer une faute civile lorsqu’elle résulte d’une imprudence qu’une personne raisonnablement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances, n’aurait pas commise.»[11]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[44] La responsabilité d’une commission scolaire peut donc être retenue à certaines conditions établies par la jurisprudence.
[45] Dans X. c. Centre Jeunesse A.[12], Monsieur le juge François Tôth précise que :
«[69] L’obligation de surveillance est continue, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit continuelle. Cette obligation de surveillance ne doit pas être jugée dans l’abstrait mais appréciée suivant les circonstances.»
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[46] La Cour d’appel, dans l’arrêt X. c. Commission Scolaire Des Portages-de-L’Outaouais[13], précise que :
«[32] Les institutions scolaires et leurs professeurs doivent faire preuve de prudence et de diligence dans le cadre de la surveillance des élèves, ce qui oblige à interrompre toute activité qui ne se déroulerait pas dans des conditions normales et adéquates.»
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[47] Un autre élément important concernant la responsabilité d’une commission scolaire, de sa direction ou des professeurs concerne le degré de prévisibilité concernant la survenance de l’acte fautif. Ainsi, la Cour suprême précise, dans l’arrêt Ouellet c. Cloutier[14] que :
«Il se peut qu’il était possible qu’un accident semblable arrivât. Mais ce n’est pas là le critère qui doive servir à déterminer s’il y a eu oui ou non négligence. La Loi n’exige pas qu’un homme prévoit tout ce qui est possible. On doit se prémunir contre un danger à condition que celui-ci soit assez probable, qu’il entre ainsi dans la catégorie des éventualités normalement prévisible. Exiger davantage et prétendre que l’homme prudent doive prévoir toute possibilité, quelque vague qu’elle puisse être, rendrait impossible toute activité pratique.»[15]
(Les caractères en surimpression sont ajoutés.)
[48] C’est donc en ayant présents à l’esprit ces principes qu’il y a lieu d’examiner le présent litige.
[49] Comme on le sait, Jean-Christophe est, le 28 mars 2012, en secondaire 4 à l’école Des Compagnons. Il est âgé de 15 ans et 9 mois.
[50] De l’avis du Tribunal, l’intensité du devoir de surveillance d’une commission scolaire, devoir exercé par les membres de sa direction ainsi que par ses professeurs et surveillants, doit être modulé en fonction non seulement de la prévisibilité de l’accident qui survient mais aussi de l’âge de l’élève concerné. Plus l’élève est jeune, plus l’intensité de ce devoir est importante.
[51] Le Tribunal analyse l’abondante jurisprudence que lui soumettent les avocats des parties. Pour la plupart, celles-ci concernent des accidents survenus en milieu scolaire à l’occasion d’activités physiques ou encore d’explorations téméraires de l’entretoit ou du toit d’une école, par exemple.
[52] Or, chaque litige repose sur les faits qui lui sont propres.
[53] En l’espèce, le Tribunal note que les cours de Jean-Christophe, comme il le reconnaît d’ailleurs lors de l’audience, se déroulent tous au rez-de-chaussée de l’école.
[54] Lors des pauses de la journée, les élèves entendent trois cloches : la première, leurs signale la fin du cours et pour les élèves, autres que ceux qui fréquentent le programme PROTIC, l’obligation de ramasser leurs effets personnels et de se déplacer dans une autre salle de cours; la deuxième, leurs signale qu’il ne leurs reste que cinq minutes pour se rendre dans l’autre salle de cours et la dernière signale le début du cours suivant.
[55] En l’espèce, Jean-Christophe n’a aucune raison de se déplacer de salles de cours car dans son programme, les enseignants s’y dirigent, au moment du changement voulu, et non les élèves. Cette absence de changement est due à la configuration spéciale de celles-ci pour les élèves dans le programme PROTIC.
[56] La pause de dix minutes permet donc à Jean-Christophe et à ses amis de sortir de la salle de cours, d’aller à la salle de bain ou encore de rester en salle de cours en attendant le changement de professeur.
[57] Le Tribunal est d’avis que la prépondérance de la preuve démontre qu’en aucun cas, Jean-Christophe Chiasson et ses amis n’ont de raison légitime de quitter le rez-de-chaussée de l’école et de se rendre à l’auditorium du deuxième étage, pendant une pause de dix minutes. Ce n’est pas parce que la preuve révèle que cela survient à plusieurs reprises au fil de l’année de secondaire 3 et de celle de secondaire 4, que cette façon de faire est pour autant acceptable.
[58] Le Tribunal retient que le déplacement de Jean-Christophe et de ses amis à l’auditorium, soit du rez-de-chaussée au premier étage, lors de la pause de l’après-midi, n’est certes pas permis par l’institution car ils n’ont rien à y faire à ce moment.
[59] Par ailleurs, le Tribunal doit se demander si l’incident qui survient à l’auditorium, à ce moment, fait partie d’un élément normalement prévisible pour la direction de l’établissement?
[60] Le Tribunal constate que la remise par la direction de l’établissement d’une clé de l’auditorium à quatre étudiants, tous techniciens de scène, constitue une imprudence en ce qu’elle leur permet l’accès à l’auditorium tant à des moments où ils doivent y être qu’à ceux où ils n’ont pas affaire à y être. Cet accès possible constitue, de l’avis du Tribunal, une négligence susceptible de générer la responsabilité de la commission scolaire.
[61] Cette responsabilité sera engagée si, de l’avis du Tribunal, les circonstances de l’accident que subit Jean-Christophe sont prévisibles en l’espèce.
[62] De l’examen de la preuve, le Tribunal constate que :
· Jean-Christophe et ses amis savent très bien qu’ils ne doivent pas être à l’auditorium à ce moment même s’ils le font régulièrement;
· Jean-Christophe sait aussi, à plus de 15 ans, que de s’agripper à un rideau de scène, ne serait-ce que quelques secondes ou fractions de seconde, ne constitue pas un geste permis ni approprié.
[63] Quel adulte raisonnable et doté d’un sens normal de la prévisibilité, aurait pu penser qu’un élève brillant et responsable comme Jean-Christophe aurait été à l’auditorium à ce moment-là de la journée, d’une part et aurait profité de cet accès pour s’agripper à un rideau de scène, d’autre part? De l’avis du Tribunal, ce geste est imprévisible en soi et la Commission scolaire ne saurait en être tenue responsable.
[64] L’acte malheureux posé par Jean-Christophe est à la source même de son accident.
[65] Malgré toute la sympathie que le Tribunal éprouve pour Jean-Christophe et les membres de sa famille, le Tribunal doit conclure à l’imprévisibilité totale d’un tel geste de la part d’un élève qui est qualifié par tous, d’excellent élève ne causant aucun problème à quiconque et étant considéré comme étant responsable et mature pour son âge.
[66] Le Tribunal doit appliquer la règle de droit : Jean-Christophe est le seul artisan de son malheur.
[67] Quant aux frais juridiques, le Tribunal estime que, dans les circonstances et pour éviter que Jean-Christophe ne supporte des frais qui sont susceptibles de compromettre son avenir, il est approprié que chaque partie supporte ses propres frais de justice.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[68] REJETTE l’action;
[69] LE TOUT, chaque partie supportant ses frais de justice.
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__________________________________ SUZANNE HARDY-LEMIEUX, J.C.S. |
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Me Jean-Philippe Royer - casier 100 |
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Bouchard, Pagé, Tremblay |
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Procureur des demandeurs |
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Me Marie-Hélène Betournay - casier 14 |
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Stein, Monast |
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Procureure des défenderesses |
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Dates d’audition : |
20, 21 et 22 mars 2017 |
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[1] Anciennement connu sous le nom de «Les Compagnons de Cartier»
[2] P-16
[3] P-10, page 4
[4] P-1
[5] P-1
[6] P-1
[7] D-5, pages 18 à 22
[8] D-5
[9] P-12, page 2
[10] 1478 C.c.Q.
[11] Vincent Karim, Les obligations, 4e édition, Volume 1, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, 2015, par. 2514 et 2515
[12] 2010 QCCS 1682,
[13] 2013 QCCA 1089
[14] 1947 R.C.S. 521
[15] 1947 R.C.S. 521, à la page 526
AVIS :
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