Picard c. Air Canada

2011 QCCS 5186

 

JL3751

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-06-000112-089

 

DATE :

3 octobre 2011

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

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SERGE PICARD

et

JACQUELINE RODRIGUE PICARD

et

P... A..., en sa qualité de curateur à son frère N... A...,

Demandeurs;

c.

AIR CANADA

et

WEST JET,

Défenderesses.

 

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JUGEMENT

portant sur une demande d’autorisation d’exercer un recours collectif

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[1]           Les demandeurs, Serge Picard, Jacqueline Rodrigue Picard et P... A..., en qualité de curateur à son frère N... A..., requièrent la permission d’exercer un recours collectif contre les défenderesses Air Canada et WestJet. Ils demandent aussi l’autorisation d’agir comme représentants.

[2]           Plus spécifiquement, les demandeurs sollicitent l’autorisation du recours collectif pour le groupe suivant :

Toutes les personnes handicapées et/ou obèses résidant au Canada qui, sur un vol intérieur au Canada, ont dû payer aux intimées ou à un mandataire autorisé des intimées des frais additionnels pour la carte d’embarquement d’un accompagnateur et/ou pour un emplacement adapté à leur condition à bord d’un appareil des intimées ou qui se sont vues privées de se déplacer par les airs en raison de ces frais.

et

Toutes les personnes physiques au Canada qui ont payé aux intimées ou à un mandataire autorisé des intimées des frais d’embarquement à bord d’un appareil des intimées alors qu’elles accompagnaient une personne handicapée et/ou obèse sur un vol intérieur au Canada.

Le contexte

[3]           Au moment de la prise des procédures, Serge Picard est âgé de 57 ans. Il occupe un poste de technicien en informatique pour le gouvernement du Québec.

[4]           La mobilité de monsieur Picard est réduite puisque sa jambe gauche a été amputée et une de ses hanches a été remplacée. Il aurait aussi d’autres problèmes de santé.

[5]           Il est considéré comme une personne handicapée par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

[6]           Il prétend qu’il est incapable, sans aide, de suffire à ses besoins personnels pendant un vol en avion et qu’il aurait besoin d’aide en cas d’évacuation d’urgence ou de décompression en vol au-delà des services fournis par le personnel du transporteur aérien.

[7]           Madame Jacqueline Rodrigue Picard est l’épouse de Serge Picard. Elle dit devoir assister et accompagner son mari lors de ses déplacements en avion. En tant qu’accompagnatrice, elle aurait été appelée pendant certains vols d’avion à répondre à différents besoins de Serge Picard, tel que manger, prendre des médicaments et utiliser la toilette. Son aide serait également essentielle en cas d’évacuation d’urgence ou de décompression en vol.

[8]           Quant au demandeur P... A..., il agit à titre de curateur de son frère N... A.... Ce dernier a subi un grave traumatisme crânien et est lourdement handicapé. Ses facultés tant motrices qu’intellectuelles sont très limitées. Son état nécessite une assistance quasi constante. Dans ce contexte, N... A... doit recevoir une aide spécialisée et particulière pour ses besoins courants. Il réside d’ailleurs de façon permanente dans un centre d’hébergement de soins de longue durée situé sur la Côte-Nord.

[9]           Or, au cours des dernières années, les demandeurs Serge Picard et son épouse Jacqueline Rodrigue Picard ont voyagé à trois reprises avec WestJet pour aller visiter leur fils qui habite dans la région de Calgary, soit un aller-retour Montréal-Calgary du 24 au 31 décembre 2006, du 16 au 30 décembre 2007 et du 14 au 30 décembre 2008.

[10]        Ils n’ont jamais voyagé à bord d’un appareil d’Air Canada.

[11]        Lors de ces voyages, madame Rodrigue Picard se qualifiait d’accompagnatrice de son mari plutôt que de passagère. Dans ce contexte, les Picard ont demandé à WestJet, avant de procéder à l’achat des billets d’avion, de pouvoir bénéficier de réductions tarifaires pour madame Rodrigue Picard plaidant que sa présence était requise compte tenu de la situation particulière de monsieur Picard.

[12]        WestJet a refusé les demandes formulées et deux billets d’avion ont dû être achetés, soit un pour monsieur Picard et l’autre pour son épouse.

[13]        Quant au demandeur N... A..., il n’a pas voyagé avec WestJet, mais avec Air Canada à au moins deux reprises, soit pour des allers-retours Baie-Comeau-Montréal du 3 au 11 juin 2006 et du 1er au 10 juin 2007.

[14]        Lors de ces déplacements, N... A... se rendait à un camp de vacances spécialisé pour les personnes handicapées.

[15]        Il n’est pas contesté que compte tenu de son grave handicap, il ne peut voyager de façon autonome. Il doit être accompagné pour chacun de ses vols. L’accompagnatrice choisie par le curateur de N... A... a été rémunérée pour la tâche d’accompagnement dans l’avion et pour les déplacements vers l’aéroport.

[16]        Ces frais de déplacement, incluant le coût des billets d’avion, ont été payés par N... A..., par l’intermédiaire de son curateur.

[17]        Le 10 janvier 2008, l’Office des transports du Canada (OTC) rend une décision importante sur laquelle le Tribunal reviendra plus en détail. Pour le moment, il suffit de préciser que l’OTC a jugé certaines politiques de transport discriminatoires à l’endroit des personnes déficientes et/ou obèses de la part des transporteurs visés.

[18]        Dans ce contexte, l’OTC a ordonné certaines mesures correctives, dont l’absence de frais additionnels pour les personnes déficientes qui nécessitent la présence d’un accompagnateur en vol vu leur condition de santé et pour celles qui sont obèses et ont besoin d’un siège additionnel en vol.

[19]        Onze (11) mois après cette décision, soit le 5 décembre 2008, les demandeurs déposent la requête en autorisation d’exercer un recours collectif sur laquelle le Tribunal doit statuer.

[20]        Le 27 mai 2009, quelques mois après le dépôt de la requête introductive d'instance, monsieur Picard soumet une demande à WestJet dans le but de bénéficier de la nouvelle politique mise en place à la suite de la décision de l’OTC désignée sous l’appellation « une personne, un tarif ».

[21]        Le 16 juin 2009, WestJet refuse la demande de monsieur Picard en décidant que ce dernier ne se qualifie pas au sens de la nouvelle politique « une personne, un tarif ».

[22]        Monsieur Picard conteste par la suite cette décision en portant plainte devant l’OTC.

[23]        À la suite de l’ouverture du dossier auprès de l’OTC, on offre à monsieur Picard de participer au processus de médiation pour tenter de trouver une solution au litige. La médiation auprès de l’OTC est amorcée, mais en cours de route, monsieur Picard se désiste de sa demande pour, dit-il, se concentrer sur le recours collectif dont il requiert l’autorisation.

Les prétentions des demandeurs

[24]        Comme prémisse, les demandeurs plaident principalement que les personnes ayant une déficience doivent être traitées avec dignité et respect, et ce, peu importe le type de handicap dont elles souffrent. Elles doivent ainsi avoir les mêmes droits que les autres personnes afin d’être en mesure de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société.

[25]        Dans ce contexte, ils ajoutent que l’égalité d’accès au transport est une condition cruciale et fondamentale à la capacité des personnes ayant une déficience d’exercer ce droit et qu’elles doivent disposer des mêmes options de transport que les autres.

[26]        Puis, les demandeurs ajoutent de façon corollaire que les personnes ayant une déficience ne devraient pas être désavantagées économiquement en raison de leur déficience. Ainsi, elles ne devraient pas payer plus cher pour leur service de transport que les autres passagers. Cela inclut, selon les demandeurs, les cas où le fournisseur de services de transport doit fournir des services adaptés pour garantir un accès équivalent au réseau de transport fédéral.

[27]        Dans ce cadre, les demandeurs considèrent qu’on limite leur accès à un moyen de transport en les obligeant à assumer les frais d’un accompagnateur qui occupe un siège, certes additionnel, mais dont la présence est requise par leur condition de personne handicapée. Ils attaquent donc les politiques tarifaires des défenderesses plaidant qu’ils en sont victimes et qu’elles sont discriminatoires à leur égard.

[28]        Les demandeurs plaident que les personnes obèses et celles qui sont à la fois obèses et déficientes sont également visées par cette demande puisqu’elles nécessitent l’utilisation de deux sièges à bord de l’appareil.

[29]        Sur cette base, les demandeurs réclament le remboursement de tous les frais excédentaires payés en raison de cette pratique, mais également des dommages compensatoires, exemplaires et punitifs.

La décision de l’OTC du 10 janvier 2008

[30]        Pour appuyer leurs prétentions, les demandeurs attirent l’attention du Tribunal sur une décision importante rendue par l’OTC. Pour bien comprendre leur position, il convient de résumer brièvement les éléments importants de cette affaire.

[31]        Suivant de nombreuses plaintes déposées par des personnes ayant un handicap et par le Conseil des Canadiens avec déficiences (ci-après « CCD »), l’OTC a rendu une décision le 10 janvier 2008 concernant les politiques tarifaires des compagnies aériennes qui exigeaient des frais d’embarquement à l’accompagnateur d’une personne atteinte d’une déficience ou à une personne obèse pour l’utilisation d’un siège additionnel.

[32]        Dans cette affaire, les demandeurs prétendaient que le fait pour les personnes ayant une déficience de devoir payer le tarif pour le siège supplémentaire qu’elles requièrent en raison de leur déficience lorsqu’elles utilisent des services de transport aérien constituait un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[33]        Les demandeurs requerraient des transporteurs la mise en place d’un régime « une personne, un tarif » visant les personnes suivantes :

a.      Les personnes déficientes qui sont tenues de voyager avec un accompagnateur au terme des tarifs des compagnies aériennes visées;

b.      Les personnes déficientes en raison de leur obésité qui ne peuvent abaisser l’accoudoir du siège qui leur est assigné de manière sécuritaire et avec dignité. Dans ce cas, le transporteur doit fournir un second siège adjacent ou un siège plus large sans frais;

c.      Les personnes déficientes qui ont besoin d’un siège supplémentaire en raison de leur déficience. Dans ce cas, le transporteur doit aussi fournir un siège supplémentaire sans frais.

[34]        Les transporteurs plaidaient que les tarifs et frais additionnels exigés des personnes déficientes ne constituaient pas des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

[35]        Au contraire, ils soutenaient qu’il était raisonnable d’exiger le paiement de ces frais, d’autant plus que si les prétentions des demandeurs étaient retenues, cela constituerait une contrainte excessive et déraisonnable notamment pour les raisons suivantes :

·        Un accroissement du fardeau financier des compagnies aériennes qui doivent déjà assumer le maintien de certaines mesures mises en place pour éliminer les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience (formation des employés, ajout de services, mise à la disposition d’équipements spéciaux, etc.);

·        Un désavantage concurrentiel par rapport aux autres compagnies aériennes non visées par la demande.

[36]        Dans une décision étoffée et très détaillée, l’OTC a déterminé que les politiques des compagnies aériennes visées constituaient, au sens de la Loi sur les transports au Canada (ci-après « LTC »), des obstacles abusifs au transport pour cette catégorie d’usagers.

[37]        Concernant le principe One passenger - One Fare (un passager, un tarif), l'OTC a déterminé que les tarifs additionnels exigés par Air Canada et WestJet à l'égard de certaines personnes qui, en raison de leur déficience, ont besoin de plus d'un siège pour elles-mêmes ou pour leur accompagnateur constituaient un désavantage économique qui limitait les possibilités de déplacement de cette catégorie d’usagers, que ce soit pour des voyages à des fins d'emploi, d'études, de loisirs, de soins de santé ou pour des situations d'urgence.

[38]        L'OTC a reconnu que l'obligation de mettre en œuvre une politique « One passenger - One Fare » pouvait représenter pour les transporteurs des défis opérationnels et financiers, mais qu’ils pouvaient les assumer.

[39]        L’Office a donc ordonné aux défenderesses de modifier leurs politiques tarifaires afin d’accommoder les personnes handicapées et obèses par la mise en place de mesures correctives. Ces mesures sont toutefois limitées à deux catégories de personnes ayant une déficience :

·        Premièrement, les personnes qui sont tenues de voyager avec un accompagnateur en vertu des modalités du tarif du transporteur;

·        Deuxièmement, les personnes déficientes, y compris en raison de leur obésité, qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes en raison de leur déficience lors de leurs déplacements en avion.

[40]        L’OTC prend soin de préciser que la décision « un passager un tarif » n’a pas une portée générale quant à toute personne voulant voyager avec un accompagnateur ni quant à toute personne ayant une déficience ou étant obèse.

[41]        Ainsi, la décision ne s'applique pas :

a.      à la plus grande sous-population des personnes, ayant une déficience ou autres, qui préfèrent voyager avec un compagnon pour diverses raisons personnelles, ni aux personnes ayant une déficience qui ont seulement besoin de soins personnels à destination, mais non en vol[1];

b.      aux personnes obèses, qui sont obèses, mais qui n'ont pas de déficience en raison de leur obésité[2] puisque ce ne sont pas toutes les personnes ayant une déficience qui voyagent par avion qui ont besoin d'un accompagnateur pour le faire[3];

c.      si les services requis de l’accompagnateur peuvent être assumés par le personnel du transporteur.

[42]        L’OTC précise qu’une personne non ambulatoire n’est pas nécessairement non autonome et qu’ainsi, elle n’a pas droit automatiquement de se faire accompagner gratuitement.

[43]        Quant aux personnes obèses, l’OTC précise que l’obésité ne représente pas en soi une déficience. Ainsi, la question de savoir si une personne obèse a une déficience dépend d’une analyse factuelle individuelle au cas par cas.

[44]        Dans ce contexte, l’OTC conclut sur ce point qu’il continuera d’examiner chaque cas séparément en vue de déterminer si une personne obèse est une personne ayant une déficience au sens de la Loi sur les transports.

[45]        Ainsi, dans ce cadre, l’OTC indique qu’il n’est pas possible de déterminer à l’avance qui peut faire partie des personnes admissibles à la politique « une personne un tarif » vu la nécessité dans certains cas d’effectuer des évaluations individuelles afin de statuer sur le type de déficience.

[46]        En conclusion, l’OTC reconnaît le droit à l’autodétermination d’une personne, mais ajoute qu’il n’est pas absolu. Les décideurs ultimes sont les transporteurs quant à l’évaluation des besoins d’une personne liée à une déficience. L’OTC s’exprime ainsi :

L'Office a accepté depuis longtemps que les transporteurs doivent ultimement avoir le droit de substituer leur propre évaluation des besoins liés à une déficience à celle des personnes ayant une déficience, s'il y a lieu et à la condition qu'un processus de consultation adéquat ait été mené préalablement.[4]

[47]        Ainsi, l’OTC a laissé aux transporteurs le soin d’élaborer des mécanismes d’évaluation relativement à l’admissibilité d’éventuelles politiques « une personne un tarif » et leur a alloué une période de une année afin de compléter cette élaboration et la mise en œuvre de ce plan.

Quelques dates importantes

[48]        Pour bien cerner le débat, il convient de reprendre la chronologie de certaines dates importantes :

·        3 au 11 juin 2006 : premier voyage de N... A... avec Air Canada;

·        24 au 31 décembre 2006 : premier voyage des Picard avec WestJet;

·        1er au 10 juin 2007 : deuxième voyage de N... A... avec Air Canada;

·        16 au 30 décembre 2007 : deuxième voyage des Picard avec WestJet;

·        10 janvier 2008 : décision de l’OTC;

·        5 décembre 2008 : dépôt de la requête en autorisation pour obtenir le recours collectif;

·        14 au 30 décembre 2008 : troisième voyage des Picard avec WestJet;

·        10 janvier 2009 : date limite de la mise en place de la politique « une personne, un tarif »;

·        27 mai 2009 : monsieur Picard se soumet à la politique « une personne, un tarif »;

·        16 juin 2009 : WestJet confirme la non-admissibilité de monsieur Picard à la politique « une personne, un tarif ».

Les questions en litige

[49]        Les questions en litige sont les suivantes :

1.      La Cour supérieure a-t-elle compétence pour entendre le présent litige?

2.      Quels sont les principes généraux applicables en matière d’autorisation de recours collectif?

3.      Quels sont les critères d’autorisation du recours collectif et plus spécifiquement :

3.1    Les faits allégués paraissent-ils justifier les conclusions recherchées?

3.2    Les recours des membres soulèvent-ils des questions de fait ou de droit identiques similaires ou connexes?

3.3    La composition du groupe rend-il difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67 C.p.c.?

3.4    Le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est-il en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres?

4.      L’absence de projet d’avis aux membres constitue-t-elle un vice fatal à l’introduction du recours en autorisation?

Analyse

1-         La compétence de la Cour supérieure

[50]        Préliminairement à toute autre question, le Tribunal doit statuer sur sa compétence pour entendre le présent litige.

[51]        En effet, les défenderesses WestJet et Air Canada plaident que la Cour supérieure du Québec n'est pas le forum approprié.

[52]        Prenant appui sur les arrêts Seneca College[5] et Honda[6] selon lesquels l'existence de dispositions substantielles d'une loi sur les droits de la personne doublées d'un mécanisme complet d'application en confie la mise en œuvre au tribunal désigné en toute exclusivité, les défenderesses soutiennent que le présent recours, si tant est qu'il y en ait un à faire valoir, aurait dû être institué devant le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP).

[53]        Étant en effet d'avis que la Loi canadienne sur les droits de la personne contient un mécanisme complet d'application, une poursuite en dommages fondée sur les principes d'accessibilité aux transports sans discrimination, voire sur une violation à la loi, relèverait selon elles de la juridiction exclusive du Tribunal canadien des droits de la personne, constitué en vertu de la loi pour assurer la protection des droits qui y sont prévus.

[54]        Elles demandent au Tribunal d'écarter la décision Chernack, dans laquelle la juge Langlois de notre Cour se déclare compétente pour appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, au motif qu'elle serait erronée en droit, ne tenant pas compte des enseignements de la Cour suprême dans les arrêts précités.

[55]        Enfin, les défenderesses ajoutent que le fait que les demandeurs aient choisi d'instituer le présent recours sur une base collective ne peut conférer compétence à la Cour supérieure alors que les réclamations individuelles qui le forment relèvent de la compétence ratione materiae d'un autre tribunal[7].

[56]        Les demandeurs quant à eux plaident que le défaut de compétence, s'il en est un (ce qu'ils nient vigoureusement) devait être soulevé le plus rapidement possible. Ils attirent l’attention du Tribunal sur le fait que la requête introductive d'instance a été déposée en 2008, plusieurs interrogatoires hors cour ont été tenus et certains jugements de nature interlocutoire ont été rendus. Des pièces additionnelles ont été déposées et des conférences téléphoniques de gestion ont été tenues pour orienter le dossier avant l’audience. Ils soutiennent qu’à aucun moment le défaut de compétence de la Cour supérieure n’a été soulevé. Ce n’est que lors de l’audience et plus précisément lors des plaidoiries dans le cadre de la demande d’autorisation du recours collectif que le défaut de compétence est soulevé.

[57]        Pour les demandeurs, les défenderesses ont implicitement reconnu la compétence de la Cour supérieure et elles ne peuvent tardivement tenter de contrer la demande de recours collectif en plaidant cet élément.

[58]        Subsidiairement, les demandeurs se demandent à quel endroit dans la loi apparaissent les dispositions législatives qui ont pour effet de vider la compétence de la Cour supérieure en semblable matière. Selon eux, de telles dispositions n’existent pas.

[59]        Les demandeurs ajoutent que les principes émis dans la décision Chernack sont fondés et qu’il faut distinguer les principes applicables en droit civil et ceux qui proviennent de la common law. Dans ce cadre, les demandeurs soutiennent que les décisions déposées par les défenderesses émanent toutes de la common law.

[60]        Le Tribunal rejette l’argument de tardiveté de la présentation du moyen de défense portant sur la contestation de la compétence de la Cour supérieure. Ou la compétence d’attribution existe ou elle n’existe pas. Si la Cour supérieure conclut qu’elle n’a pas compétence pour entendre le litige, elle ne peut se saisir de l’affaire sous prétexte que cet argument lui est présenté tardivement. La question doit donc être vidée dès qu’elle est présentée.

[61]        Certes, en 1981, le plus haut tribunal du pays, sous la plume du juge en chef Laskin, écartait toute possibilité d’action civile fondée directement sur une contravention à une loi sur les droits de la personne dotée de dispositions substantielles doublées d’un mécanisme complet d’application confiant sa mise en œuvre à un tribunal désigné, telle la Loi canadienne sur les droits de la personne :

 

27  Le point de vue adopté par la Cour d’appel de l’Ontario témoigne d’audace et peut être loué comme tentative de faire avancer la common law. [page 195] Je suis toutefois d’avis que cela est rendu impossible par l’initiative du législateur qui, allant plus loin que la common law telle qu’elle existe en Ontario, a établi un régime qui, loin d’exclure les cours, les intègre dans le mécanisme d’application prévu par le Code.

28 Pour ces motifs, je conclus que non seulement le Code empêche toute action civile fondée directement sur une violation de ses dispositions, mais qu’il exclut aussi toute action qui découle de la common law et est fondée sur l’invocation de la politique générale énoncée dans le Code. Le Code lui-même établit les procédures destinées à la défense de cette politique générale, procédures dont la demanderesse n’a pas cru bon de se prévaloir.[8]

[62]        En d’autres termes, la sanction d’une telle loi devait être assurée, disait-on, par les institutions et tribunaux qui y étaient désignés, en l’occurrence la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP), à l’exclusion de tout autre.

[63]        Les professeurs Brun, Tremblay et Brouillet sont d’avis que cette position émise au début des années 1980 doit maintenant être élargie et qu’il « doit y avoir moyen de faire sanctionner la Loi canadienne autrement que par le biais de la CCDP et du TCDP »[9]. Le Tribunal est d’accord avec cette opinion pour les raisons qui suivent.

[64]        D’une part, si le Code des droits de la personne[10] de l’Ontario, dans sa version antérieure, conférait effectivement  à une commission d’enquête une compétence exclusive pour connaître des contraventions au Code, tel n’est plus le cas depuis les récentes modifications législatives.

[65]        Pour reprendre les propos des juges majoritaires dans l’arrêt Tranchemontagne :

[d]ans sa forme actuelle, le Code peut être interprété et appliqué par une multitude d’instances administratives. Rien dans le régime législatif actuel ne permet de penser que la [Commission ontarienne des droits de la personne] est le gardien des lois relatives aux droits de la personne en Ontario. […] Ces énoncés sont compatibles avec le retrait par le législateur de la disposition attribuant une compétence exclusive à la [Commission ontarienne des droits de la personne], ainsi qu’avec sa politique actuelle de [lui] permettre […] de décliner compétence dans les cas où la question serait mieux tranchée en vertu d’une autre loi : voir al. 34(1)a) du Code. La Cour peut difficilement maintenant s’élever contre ce changement de politique législative au profit d’une compétence concurrente et chercher à rétablir la compétence exclusive de la [Commission ontarienne des droits de la personne].[11]

 

[66]        Aussi le Code des droits de la personne[12] de l’Ontario, dans sa rédaction actuelle, même s’il prohibe conformément aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Seneca College[13] toute action civile fondée uniquement sur une atteinte à un droit qui y est reconnu[14], reconnaît néanmoins la compétence des tribunaux judiciaires de droit commun à connaître d’un litige impliquant une violation de ses dispositions. C’est ce que prévoit son article 46.1 :

46.1 (1) Si, dans une instance civile dont il est saisi, un tribunal judiciaire conclut qu’une partie à l’instance a porté atteinte à un droit d’une autre partie reconnu dans la partie I, il peut rendre l’une ou l’autre des ordonnances suivantes ou les deux :

 

1. Une ordonnance enjoignant à la partie qui a porté atteinte au droit de verser une indemnité à la partie lésée pour la perte consécutive à l’atteinte y compris une indemnité pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.

 

2. Une ordonnance enjoignant à la partie qui a porté atteinte au droit d’effectuer une restitution à la partie lésée, autre que le versement d’une indemnité, pour la perte consécutive à l’atteinte, y compris une restitution pour atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi.

 

(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’autoriser une personne à introduire une action fondée uniquement sur une atteinte à un droit reconnu dans la partie I.

[67]        D’autre part, le droit à la non-discrimination a depuis lors été constitutionnalisé à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[68]        À cet égard, le Tribunal fait sienne l'opinion incidente de monsieur le juge Lebel, dissident, dans l’arrêt Honda :

[118] Je conviens qu’il n’est pas indispensable en l’espèce de revenir sur l’arrêt Bhadauria. Toutefois, à mon avis, dans cet arrêt, l’opinion du juge en chef Laskin a dépassé le cadre de ce qui était nécessaire pour régler le dossier. Dans cet arrêt, la Cour a statué essentiellement que la common law ne garantissait pas à Mme Bhadauria un droit auquel le comportement du défendeur, qu’elle disait être discriminatoire, avait porté atteinte (p. 191-192). Or, plutôt que de s’en tenir à ce constat, le juge en chef Laskin poursuit son raisonnement et ajoute que le Code des droits de la personne de l’Ontario « empêche toute action civile fondée directement sur une violation de ses dispositions [et] exclut aussi toute action qui découle de la common law et est fondée sur l’invocation de la politique générale énoncée dans le Code » (p. 195). Ces conclusions impliquent (et leur interprétation le confirme) qu’aucun comportement apparenté au type de comportement interdit par le Code ne saurait fonder d’une instance en common law. Dans sa promotion de l’égalité, le Code s’attaque à un large éventail de comportements. Toutefois, le comportement considéré dans Bhadauria était particulier à cette affaire. Il aurait simplement suffi de conclure que le droit invoqué par Mme Bhadauria n’était pas garanti par la common law. Il était inutile que la Cour écarte toute action civile fondée sur un comportement discriminatoire.

[119] Cette remarque incidente ne doit pas faire indéfiniment obstacle à l’évolution du droit de la responsabilité délictuelle. Le paysage juridique a changé. Les strictes prescriptions des codes des droits de la personne et de la Charte ont orienté l’évolution de la common law sous de nombreux rapports.[15]

 

[69]        Cela dit, bien qu’elle comporte un mécanisme complet d’application, la Loi canadienne sur les droits de la personne, contrairement au Code des droits de la personne[16] de l'Ontario tel qu'il se lisait à l'époque de l'arrêt Seneca College, ne confère aucune compétence exclusive à la Commission canadienne des droits de la personne et au Tribunal canadien des droits de la personne[17].

[70]        Prévoyant le renvoi de certaines plaintes de discrimination à un autre recours, la politique législative actuelle milite au contraire en faveur d’une compétence concurrente[18].

[71]        Me Richard Tardif, avocat à la Commission canadienne des droits de la personne, écrivait d’ailleurs récemment qu’« [u]ne nouvelle lecture de la Loi canadienne sur les droits de la personne a permis de comprendre que la Commission ne détient pas le monopole des droits de la personne et qu’elle suit le principe selon lequel il vaut mieux obtenir des recours à autant d’endroits que possible et le plus rapidement possible »[19].

[72]        Conclure autrement risquerait de faire perdre des droits à des justiciables puisque la Commission canadienne des droits de la personne n’est pas tenue de statuer sur toutes les plaintes qu’elle reçoit[20]. Le Tribunal est d’avis que l’intention du législateur n’est pas de restreindre les recours des justiciables, d’autant plus qu’il s’agit ici de droits constitutionnels et quasi constitutionnels.

[73]        Il importe de ce fait d’assurer à la Loi canadienne sur les droits de la personne une application accessible.

[74]        En conclusion, le Tribunal est d’avis que la Cour supérieure a compétence pour entendre le présent litige.

2-         Quelques principes généraux en matière d’autorisation de recours collectif

[75]        L’article 1003 C.p.c. demeure la pierre angulaire au stade de l’autorisation du recours collectif. Il prévoit que quatre (4) éléments spécifiques doivent être satisfaits pour que le recours soit autorisé :

a)      les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

b)      les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

c)      la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67;

d)      le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres.

[76]        L’analyse de ces quatre (4) questions doit être effectuée dans un contexte d’ouverture. C’est ce que nous enseigne la Cour suprême sous la plume de la juge en chef McLachlin :

Le recours collectif joue un rôle important dans le monde d’aujourd’hui. La montée de la production de masse, la diversification de la propriété commerciale, la venue des conglomérats, et la prise de conscience des fautes environnementales ont tous contribué à sa croissance. […]

Les recours collectifs procurent trois avantages importants sur une multiplicité de poursuites individuelles. Premièrement, par le regroupement d’actions individuelles semblables, les recours collectifs permettent de faire des économies au plan judiciaire en évitant la duplication inutile de l’appréciation des faits et de l’analyse du droit. Les gains en efficacité ainsi réalisés libèrent des ressources judiciaires qui peuvent être affectées à la résolution d’autres conflits, et peuvent également réduire le coût du litige à la fois pour les demandeurs (qui peuvent partager les frais) et pour les défendeurs (qui contestent les poursuites une seule fois) : [références omises]

Deuxièmement, comme les frais fixes peuvent être divisés entre un grand nombre de demandeurs, les recours collectifs donnent un meilleur accès à la justice en rendant économiques des poursuites qui auraient été trop coûteuses pour être intentées individuellement. Sans les recours collectifs, la justice n’est pas accessible à certains demandeurs, même pour des réclamations solidement fondées. Le partage des frais permet de ne pas laisser certains préjudices sans recours. [références omises]

Troisièmement, les recours collectifs servent l’efficacité et la justice en empêchant des malfaisants éventuels de méconnaître leurs obligations envers le public. Sans recours collectifs, des personnes qui causent des préjudices individuels mineurs mais répandus pourraient négliger le coût total de leur conduite, sachant que, pour un demandeur, les frais d’une poursuite dépasseraient largement la réparation probable. [21]

[77]        Puis de façon plus précise, les principes qui régissent l’analyse de la requête pour autorisation d’exercer un recours collectif, tels qu’ils se dégagent de la jurisprudence, se résument ainsi :

a)      Le Tribunal doit adopter une interprétation large et libérale des règles existantes[22] ;

b)      Le recours collectif est un remède ordinaire qui vise à favoriser une meilleure justice sociale[23] ;

c)      Le fardeau de la preuve du demandeur en est un de simple démonstration. Au stade de l’autorisation, une preuve par prépondérance n’est pas requise ;

d)      Toutes les questions soulevées n’ont pas à être connues, il suffit qu’un certain nombre d’entre elles le soit[24] ;

e)      Le recours collectif n’est qu’un simple moyen de procédure qui doit être interprété dans l’esprit des articles 2 et 4.2 C.p.c.[25];

f)       La requête en autorisation exerce un rôle de mécanisme de filtrage. Dans ce contexte, le Tribunal doit éviter d’examiner le fond du litige de façon anticipée[26] puisque les défendeurs conservent le droit de faire valoir tous leurs moyens de défense lors de l’audience au fond si l’autorisation est accordée[27] ;

g)      Le juge ne fait que vérifier si les quatre conditions de l’article 1003 C.p.c. sont satisfaites. Sa discrétion est ainsi limitée[28] ;

h)      Malgré l’ouverture requise du Tribunal, l’autorisation du recours n’est toutefois pas l’occasion pour le demandeur d’obtenir un chèque en blanc[29] ;

i)       Les faits donnant ouverture au recours doivent être allégués, et ce, de façon suffisante. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’alléguer tous les faits susceptibles d’être mis en preuve lors du procès. Si elles exposent l’essentiel du débat, les allégations seront suffisantes[30];

j)       Les faits allégués à la requête pour autorisation doivent être tenus pour avérés[31] et il en est de même de ceux mis en preuve par le biais d’une preuve appropriée[32].

3-         L’analyse des critères d’autorisation

3.1-      Les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées[33]

[78]        La jurisprudence nous enseigne que bien que ce critère apparaisse en deuxième lieu dans le libellé de l’article, il doit d’abord être analysé. Il s’agit de la vérification sommaire de la base juridique du recours. Sans elle, le recours ne peut être autorisé.

[79]        Il s’agit en fait de déterminer si les faits allégués dévoilent une « apparence de droit sérieuse »[34] qui reposent sur des allégations suffisantes, qui prima facie, semblent bien fondées. Le Tribunal doit éviter de se prononcer sur le fond du recours.

[80]        Il n'appartient pas au juge saisi de la demande d'autorisation d'évaluer les risques et les écueils qui guettent le demandeur[35]. Ainsi, la difficulté de preuve lors de l’audience au fond ne peut généralement constituer un motif de refus.

[81]        Les faits particuliers et précis qui soutiennent prima facie les conclusions recherchées doivent être tenus pour avérés. Toutefois, doivent être exclues les allégations qui sont contredites par la preuve ou celles qui rapportent simplement des conclusions recherchées, de l’argumentation juridique, des opinions, des hypothèses, des inférences ou des généralités.

[82]        En bref, le Tribunal doit examiner le fondement sommaire et la logique apparente du syllogisme juridique du demandeur et se demander si le raisonnement utilisé et la théorie de la cause soutenue semblent justifier le recours intenté ou encore, si les allégations contenues à la requête justifient de façon logique les conclusions recherchées[36].

[83]        À ce stade, l’autorisation sera refusée si le recours est frivole à sa face même, manifestement voué à l’échec ou incontestablement mal fondé ou encore si les allégations de fait sont insuffisantes au point de rendre le recours vide de substance[37].

[84]        En l'espèce, la base juridique du recours des demandeurs repose sur une demande de dédommagement qui découle de l’application de politiques tarifaires discriminatoires par les compagnies aériennes visées à l’égard des personnes ayant une déficience et/ou souffrant d’obésité.

[85]        Le Tribunal cerne le syllogisme juridique des demandeurs de la façon suivante:

·        Serge Picard et N... A... souffrent de déficiences. Ils ont, malgré les limites attachées à leur condition, les mêmes droits que les autres personnes qui ne souffrent pas de déficience, de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société et dans ce cadre, doivent bénéficier de l’égalité d’accès aux transports;

·        Lorsqu’ils voyagent à bord d’un avion, ils nécessitent la présence d’un accompagnateur, car ni eux ni le personnel de bord ne sont en mesure de s’occuper personnellement de leurs besoins (manger, prendre des médicaments, aller aux toilettes);

·        Dans ce contexte, les fournisseurs de services ont l’obligation de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour accommoder les personnes souffrant de déficiences et leur assurer l’égalité de traitements;

·        Or, comme ces personnes déficientes ont besoin d’un accompagnateur en vol lorsqu’elles voyagent en avion et que la présence de cet accompagnateur est directement reliée à leur qualification de personne déficiente, les frais de déplacement de cet accompagnateur devraient être assumés par la compagnie aérienne. Agir autrement équivaut à discriminer les personnes déficientes et à leur refuser l’égalité d’accès au transport;

·        Or, en l'espèce, Serge Picard et N... A... ont respectivement voyagé en avion avec WestJet et Air Canada;

·        Ils ont dû payer pour les frais de l’accompagnateur;

·        Dans ce cadre, les demandeurs plaident que cette exigence de la part des transporteurs constitue un obstacle abusif aux déplacements des personnes déficientes et est contraire à la Loi sur les transports du Canada, comme l’a d’ailleurs décidé l’OTC dans une décision du 10 janvier 2008;

·        Elle est au surplus discriminatoire sur la base du handicap comme prévu à la Loi canadienne des droits de la personne (LCDP);

·        Les réclamations des accompagnateurs sont connexes à celles des personnes déficientes.

[86]        Dans leur argumentation, les demandeurs ajoutent à leur syllogisme les éléments suivants :

·        La base du recours est aussi de nature contractuelle et dans ce contexte, les articles 1458 et 1607 C.c.Q. trouvent application;

·        Une faute a été commise, un dommage en découle et il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage;

·        Ils ajoutent également que les conditions et tarifs d’embarquement ont toujours été imposés par les défenderesses sans possibilité d’être librement discutés par les membres, ce qui s’apparente à un contrat d’adhésion.

[87]        À ce stade, le Tribunal est d’avis que le syllogisme juridique apparaît logique sous réserve des éléments qui suivent. À l’étape de l’autorisation, le Tribunal doit se demander si le recours du demandeur présenté individuellement a des chances de succès.

[88]        Or, pour le demandeur Serge Picard, le Tribunal est d’avis que sur la base du syllogisme juridique présenté, il n’a pas l’intérêt requis pour poursuivre WestJet. En effet, il n’y a aucune preuve comme quoi Serge Picard est handicapé au point de requérir les services d’un accompagnateur au sens où on l’entend. Au contraire, la preuve appropriée démontre que ses seuls besoins particuliers consistent à obtenir de l’assistance en cas de décompression en vol, services qui sont prodigués par le personnel de bord. Or, Serge Picard n’est pas représentatif des personnes qu’on désire inclure dans le recours collectif.

[89]        Ainsi, le recours individuel de Serge Picard contre WestJet est voué à l’échec. Il en est de même pour Jacqueline Rodrigue Picard, à titre d’accompagnatrice, puisque la viabilité de son recours dépend directement de celui de Serge Picard.

[90]        Il en est toutefois autrement pour N... A... dont la condition de personne handicapée n’est pas contestée. Est également admis le fait que lorsqu’il voyage en avion, il nécessite la présence d’un accompagnateur. Le recours individuel de N... A... contre Air Canada semble viable. Il n’y a toutefois aucun lien de droit entre N... A... et WestJet; N... A... n’ayant jamais voyagé avec WestJet. Dans ce contexte, WestJet ne peut être qualifiée de défenderesse dans le présent recours en autorisation d’un recours collectif.

[91]        Par conséquent, sous réserve des remarques mentionnées précédemment, le Tribunal est d’avis que le syllogisme juridique apparaît logique et que le recours de N... A... n’est pas frivole à sa face même, manifestement voué à l’échec ou vide de substance.

3.2-      Les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes[38]

[92]        C'est lors de l'examen de cette condition que le tribunal vérifie l'existence du groupe dont la désignation est proposée dans la requête ainsi que la présence de « questions communes ».

[93]        La définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs, s’appuyer sur un fondement rationnel, n’être ni circulaire ni imprécise et ne pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond[39]. Il n’est toutefois pas nécessaire que tous les membres du groupe soient nommés ou connus dès l’institution du recours. Au départ, la description du groupe doit être assez claire pour permettre à tout le moins à une partie des membres qu’on veut viser de se reconnaître et ainsi de s’intéresser au recours.

[94]        Lorsque la définition du groupe comporte une condition préalable à l’appartenance de ce groupe, le Tribunal doit être très vigilant et s’assurer qu’elle n’est pas ainsi circulaire[40].

[95]        Il est important de mentionner que les termes « question de droit ou de fait identique, similaire ou connexe » sont suffisamment larges pour permettre le recours collectif même si la situation concrète de chacun des membres d’un groupe ou de sous-groupes peut laisser apparaître un certain degré de diversité ou d’individualité, notamment dans les circonstances entourant le quantum réclamé par chacun des membres.

[96]        En bref, il faut d’abord examiner l’objet du recours sur une base individuelle et évaluer si, en fonction de cet objet, le recours collectif permettra d’éviter une multitude de recours portant sur l’analyse des mêmes faits ou sur la même analyse juridique.

[97]        La seule présence d’une question de droit commune, connexe ou similaire est suffisante pour satisfaire le critère de 1003 a) C.p.c. si elle n’est pas insignifiante sur le sort du recours. Elle n’a toutefois pas à être déterminante sur le sort du litige. Il suffit qu’elle fasse avancer les réclamations sans une répétition de l’analyse juridique[41].

[98]        Au surplus, même si la détermination des questions communes ne constitue pas une résolution complète du litige et qu’elle donne plutôt lieu à des petits procès à l’étape du règlement individuel des réclamations, cela ne fait pas obstacle à un recours collectif[42].

[99]        Lorsque le Tribunal est d’avis que le groupe proposé manque d’homogénéité et que l’importance des questions individuelles prend le dessus, le juge a discrétion. Il peut soit rejeter la requête en autorisation ou encore essayer de remodeler la composition du groupe. Rien ne l’oblige à choisir une alternative plutôt que l’autre[43].

[100]     Il faut se garder de mettre sur le même pied l’autorisation du recours collectif et son exécution. Le juge du fond pourra alors distinguer les questions individuelles des questions communes. Il pourra aussi modifier le groupe en cours de route pour tenir compte de certains éléments révélés par la preuve. La description définitive du groupe sera ainsi connue lors du jugement final[44].

[101]     En l'espèce, il y a lieu de reproduire aux fins d’une meilleure compréhension la description du groupe telle qu’elle est proposée :

Toutes les personnes handicapées et/ou obèses résidant au Canada qui, sur un vol intérieur au Canada, ont dû payer aux intimées ou à un mandataire autorisé des intimées des frais additionnels pour la carte d’embarquement d’un accompagnateur et/ou pour un emplacement adapté à leur condition à bord d’un appareil des intimées ou qui se sont vues privées de se déplacer par les airs en raison de ces frais.

et

Toutes les personnes physiques au Canada qui ont payé aux intimées ou à un mandataire autorisé des intimées des frais d’embarquement à bord d’un appareil des intimées alors qu’elles accompagnaient une personne handicapée et/ou obèse sur un vol intérieur au Canada.

[102]     Le Tribunal note une première lacune : il n’y a pas de limite temporelle emportant ainsi une description du groupe beaucoup trop large.

[103]     Pour circonscrire adéquatement le groupe, il doit y avoir un début et une fin. Il sera ensuite possible aux membres de se reconnaître.

[104]     À l’audience, les demandeurs ont présenté certains arguments basés sur une possible suspension de la prescription qui aurait pour effet de faire débuter le groupe au 19 novembre 2002, soit trois (3) ans avant le dépôt de la demande initiale devant l’OTC.

[105]     Le Tribunal est loin d’être convaincu du bien-fondé de cet argument, mais comme la description du groupe peut être modifiée lors de l’audience au fond après que le Tribunal ait entendu toute la preuve, le Tribunal reporte l’analyse de cette question lors du débat sur le fond. À ce stade, le Tribunal limite le cadre temporel du groupe de la façon suivante:

A)     Début : trois (3) ans avant le dépôt de la requête introductive d'instance en autorisation, soit le 5 décembre 2005; la prescription de trois ans en matière de droit personnel étant retenue;

B)     Fin : dépôt de la requête introductive d'instance en autorisation le 5 décembre 2008.

[106]     Il y a aussi lieu d’aborder la question de la limite territoriale ou plutôt de la portée extraterritoriale du groupe. On vise ici les membres résidant au Canada. Pour savoir si le recours peut être élargi à l’extérieur de la province de Québec et inclure les résidents des autres provinces et territoires canadiens, il y a lieu de référer aux principes de droit international privé.

[107]     L’article 3148 du Code civil se lit ainsi :

Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants :

1.  Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec;

2.  Le défendeur est une personne morale qui n’est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement et la contestation est relative à son activité au Québec;

3.  Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée;

4.  Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé;

5.  Le défendeur a reconnu leur compétence.

[…]

[108]     Au Québec, dans un jugement rendu en mai 2008 par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Brito c. Pfizer Canada inc. et al.[45] sur la question de la composition d’un groupe à portée extraterritoriale, la juge Danielle Grenier a opté pour l’approche globale de la cause d’action alléguée ainsi que pour l’efficacité et l’économie des ressources judiciaires en autorisant la composition d’un groupe à portée extraterritoriale.

[109]     Ce recours visait toutes les personnes au Canada ayant utilisé le contraceptif Dépo-Provera et qui s’étaient exposées par le fait même aux risques de subir une baisse totale et irréversible de leur densité minérale osseuse, pouvant conduire à l’ostéoporose.

[110]     Après une revue des autorités et de la jurisprudence sur le sujet des recours à portée multijuridictionnelle, la juge Grenier en est venue à la conclusion que la problématique des effets secondaires liés au médicament Depo-Provera pouvait toucher l’ensemble de la population canadienne, qu’il y avait un lien réel et substantiel avec le for du Québec, que le siège social de Pfizer Canada inc. était situé au Québec, que les intimées avaient consenti à donner juridiction aux tribunaux du Québec et que, si la diffusion des avis était suffisante, son jugement devrait être reconnu par les tribunaux des autres provinces canadiennes.

[111]     Voici d’ailleurs certains passages pertinents de l’analyse de la juge Grenier :

[104] Il s'ensuit qu'en principe, un recours collectif entrepris au Québec peut avoir des ramifications d'envergure nationale ou même internationale et, comme en l'espèce, viser des membres du groupe qui sont des non-résidents ou des ressortissants étrangers.  Le recours entrepris au Québec est ainsi susceptible de produire des effets à l'extérieur de cette province, sous réserve des règles de droit international privé applicables et du principe constitutionnel de la territorialité des lois.

[105] Dans chaque cas, qu’il y ait ou non des éléments extraterritoriaux présents, le recours doit satisfaire le critère du lien réel et substantiel entre le tribunal saisi et la cause d’action pour l’ensemble des membres du groupe visé.

[112]     Puis la juge analyse les critères qui peuvent guider le Tribunal dans sa décision d’élargir le recours pour le rendre pancanadien :

[114] De plus, la pertinence d'autoriser ou non un recours collectif pancanadien devrait s'articuler en fonction de l'objet visé par la demande d'autorisation.  Des activités qui se déroulent à l'intérieur d'une province canadienne produisent souvent des effets à l'échelle du pays.  En pareil cas, il faut éviter une multiplicité de recours concurrents.

[115] Il faut aussi considérer que si la règle du forum non conveniens devait s'appliquer, elle militerait en faveur du for québécois.  Les considérations territoriales se trouvant atténuées, que l'affaire soit tranchée au Québec ne peut surprendre.  Il est donc raisonnable d'intenter l'action au Québec, là où le lien réel et substantiel entre le ressort et l'acte dommageable est le plus fort.

[113]     Finalement, la juge fait un lien entre les raisons qui militent en faveur d’un recours national et les objectifs de base que vise le recours collectif :

[120] Le recours collectif, de par sa nature même et par les objectifs qu'il poursuit, ne peut être limité à un seul ressort.  Il a vraisemblablement une vocation à portée large et vise à représenter un ensemble d'individus.  Au nom de l'efficacité et de la commodité, son objet est de représenter le plus grand nombre d'individus possible dans la mesure où l'objet du litige et les questions soulevées sont communs à l'ensemble des membres du groupe.  La raison en est fort simple.  Dans la plupart des cas, les recours envisagés «collectivement» ont pour but de fournir un accès à la justice à moindre coût pour les citoyens touchés par un problème commun dont la valeur pécuniaire est généralement modique.

[Notes omises]

[114]     Une autre décision a été rendue où les principes émis par la juge Grenier ont été adoptés, soit dans l’affaire  Nguyen c. CP Ships Limited[46] :

[42] Les intimés plaident qu’il serait inconstitutionnel d’appliquer la loi québécoise à d’autres provinces et en l’occurrence, il n’y a pas lieu d’accorder une telle demande.

[43]            Dans l’affaire Pfizer Canada inc., la juge Danielle Grenier de notre Cour a fait un examen exhaustif de la question en tenant compte de la jurisprudence la plus récente sous la rubrique « LE GROUPE NATIONAL PROPOSÉ ».

[44]            Le tribunal souscrit entièrement au raisonnement de la juge Grenier et fait sienne l’analyse de cette dernière et sa conclusion à l’effet que les personnes décrites soient celles qui sont domiciliées au Canada.

[115]     Il faut donc regarder l’existence du lien réel et substantiel entre le recours des demandeurs (et du groupe proposé pris dans son ensemble) et le for[47].

[116]     En Ontario, la question des recours collectifs, incluant des membres non-résidents de la province, a été soumise aux tribunaux à plusieurs reprises.

[117]     De tels recours collectifs et/ou règlements nationaux ont été certifiés ou approuvés dès lors qu’il existait un lien réel et substantiel entre le for saisi, l’objet de l’action et les défendeurs.

[118]     Voici d’ailleurs des extraits de certaines décisions pertinentes à ce sujet :

Nantais v. Telectronics Proprietary (Canada) Ltd.[48] :

It seems eminently sensible, for all the reasons given by La Forest in Morguard, and the policy reasons given for passage of the Act, to have the questions of liability of these defendants determined as far as possible once and for all Canadians. There is nothing in the Act to prevent it. […] 

Carom v. Bre-X Minerals Ltd.[49] :

[…] the absence of a provision limiting the application of the legislation to Ontario residents permits the inclusion of any person with a right of action, regardless of the location of his or her residence, in the class, subject to the constitutional considerations dealt with below.

Morguard and Hunt permit the extra-territorial application of legislation where the enacting province has a real and substantial connection with the subject matter of the action and it accords with order and fairness to assume jurisdiction. […] there is a “real and substantial connection” between the defendants and the subject matter of the actions to Ontario, thus meeting that requirement in Morguard and Hunt for the assumption of jurisdiction.

Wilson v. Servier Canada Inc.[50]:

The CPA is merely a procedural statute. It affords the latitude to a court to establish a “national class” proceeding. In my view, the CPA is not unconstitutional on the basis that the Ontario legislature is legislating extraterritorially. The CPA allows this court to include non-residents as parties in an action in which Ontario has unquestioned jurisdiction with respect to Ontario residents.

[119]     Et plus récemment dans l’affaire Lépine[51], la Cour suprême du Canada s’est vue soumettre la question de la reconnaissance d’un jugement étranger dans le cadre du règlement d’un recours approuvé en Ontario et qui incluait les résidents du Québec alors qu’un recours collectif visant la même cause d’action y était pendant. Voici un extrait pertinent de ce jugement :

[56] Au-delà de ses conclusions de droit, la Cour d’appel du Québec me semble avoir exprimé des réticences ou des inquiétudes à l’égard de la constitution de groupes de réclamants provenant de plusieurs provinces. Nous n’avons pas à examiner en profondeur ce problème. Cependant, je noterais que la formation de tels groupes nationaux semble à l’occasion nécessaire. Leur établissement peut poser le problème délicat de la constitution de sous-groupes en leur sein et de la détermination du régime juridique qui leur serait applicable. Le contexte de ces instances impose aussi au tribunal saisi de la demande le devoir de s’assurer que la conduite de la procédure, le choix des réparations et l’exécution des jugements prennent effectivement en compte les intérêts particuliers de chaque groupe et il leur commande de veiller à la communication d’une information claire.

[Soulignement ajouté]

[120]     En l'espèce, le Tribunal est d’avis que la portée extraterritoriale du groupe est appropriée, notamment pour les raisons suivantes :

a.      Le recours du demandeur a entièrement pris naissance au Québec, lieu de l’imposition de frais discriminatoires;

b.      Les pratiques tarifaires d’Air Canada visées par le recours collectif envisagé sont uniformes dans toutes les provinces et territoires du Canada;

c.      Les fautes reprochées à Air Canada sont les mêmes à l’égard de tous les usagers résidant au Canada;

d.      Des résidents d’autres provinces ou territoires du Canada peuvent acheter au Québec des billets d’avion d’Air Canada;

e.      Air Canada aurait contrevenu à des lois fédérales, soit la Loi sur les transports et la Loi canadienne sur les droits de la personne, donc applicables à l’ensemble des citoyens canadiens;

f.       Air Canada a un établissement d’affaires au Québec.

[121]     Le recours collectif envisagé par le demandeur est donc ouvert et praticable partout au Canada.

[122]     De plus, il y a lieu de se demander si les personnes obèses peuvent être incluses dans le recours collectif. Certains prétendront que tous les obèses ne souffrent pas de déficience, alors que d’autres pourront désirer faire valoir que les obèses sont automatiquement inclus dans le vocable de déficients. Or, à ce stade, il faut revenir à la base et se demander que vise en premier lieu le recours collectif. On recherche entre autres le non-paiement du deuxième siège utilisé au bénéfice d’une même personne, soit pour celui qui nécessite la présence d’un accompagnateur vu sa déficience ou pour celui qui a besoin de l’usage de deux bancs vu sa condition de personne déficiente et/ou obèse.

[123]     Le Tribunal est d’avis qu’une interprétation large favorise l’inclusion des personnes obèses dans le groupe puisqu’il y a de nombreuses questions communes entre les différentes personnes visées par le groupe. Comme exemple, l’utilisation d’un siège additionnel dont on ne veut pas assumer les frais, compte tenu de la situation particulière du demandeur, constitue un élément commun suffisant pour assurer une communauté d’intérêts.

[124]     Par la suite, d’autres questions reposant sur des faits identiques, similaires ou connexes peuvent être formulées. Par exemple :

a)      Les politiques tarifaires d’Air Canada sont-elles discriminatoires et constituent-elles des obstacles abusifs aux déplacements de N... A... et des membres à l’intérieur du réseau de transport fédéral?

b)      Dans l’affirmative, N... A... et les membres sont-ils en droit de réclamer des dommages en raison des politiques tarifaires d’Air Canada?

c)      N... A... et les membres peuvent-ils se voir octroyer des dommages punitifs et exemplaires?

[125]     Puis il y a lieu de s’attarder sur la dernière partie de la description du groupe qui vise les membres « qui se sont vu privés de se déplacer par les airs en raison de ces frais ».

[126]     Cette portion doit être retirée de la description du groupe. En effet, le Tribunal est d’avis que la question de savoir si c’est justement « en raison de ces frais » que les personnes « handicapées et/ou obèses » se sont privées de se déplacer est une question nécessitant une détermination et une preuve individuelle dont l’administration pourrait inutilement complexifier et noyer l’utilité du recours pour les personnes qui auraient réellement été victimes de discrimination. Cette définition du groupe est beaucoup trop large. Elle est de plus circulaire puisqu’elle s’appuie sur un critère qui dépend de l’issue du recours collectif au fond.

[127]     Finalement, le Tribunal est d’avis, pour clarifier la description du groupe, qu’il y a lieu de remplacer le vocable « intimées » par le nom de la défenderesse Air Canada.

[128]     La nouvelle description du groupe proposé se libelle de la façon suivante:

Toutes les personnes handicapées et/ou obèses résidant au Canada qui, sur un vol intérieur au Canada, ont dû payer à Air Canada ou à un mandataire autorisé d’Air Canada des frais additionnels pour la carte d’embarquement d’un accompagnateur nécessité par leur condition particulière et/ou pour un emplacement adapté à leur condition à bord d’un appareil d’Air Canada, et ce, entre le 5 décembre 2005 et le 5 décembre 2008.

et

Toutes les personnes physiques au Canada qui ont payé à Air Canada ou à un mandataire autorisé d’Air Canada des frais d’embarquement à bord d’un appareil d’Air Canada alors qu’elles accompagnaient une personne handicapée et/ou obèse au sens du premier paragraphe sur un vol intérieur au Canada.

3.3-      La composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67 C.p.c.[52]

[129]     Cette condition n'exige nullement que l'application des articles 59 ou 67 C.c.Q. est impossible, mais plutôt que leur application est tout simplement peu pratique ou difficile.  Le nombre élevé de membres potentiels ainsi que la modicité de la réclamation de chacun constituent des facteurs à considérer à cet égard[53].

[130]     Cette condition doit être interprétée de façon à donner à la procédure en recours collectif son plein effet, soit de permettre la représentation d’un très grand nombre de personnes dans une seule procédure.

[131]     En l'espèce, il est raisonnable d’estimer que plusieurs personnes obèses et/ou atteintes d’une déficience, ou ayant accompagné ces personnes, ont payé aux défenderesses des frais pour une place additionnelle alors qu’elles auraient dû, selon les prétentions des demandeurs, bénéficier d’une gratuité.

[132]     En somme, il est clair que la composition des groupes proposés par les demandeurs, tant par leur taille que par leur nature, rend l’application des articles 59 et 67 C.p.c. pratiquement impossible ou, à tout le moins, difficile ou peu pratique.

3.4-      Le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres[54]

[133]     D’abord, le membre doit posséder l’intérêt légal pour poursuivre et bénéficier de la compétence requise. Il ne doit pas avoir de conflit d’intérêts avec les autres membres du groupe.

[134]     Puis, pour que le demandeur soit en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres, sa propre situation juridique doit nécessairement être représentative de celle des membres. Elle doit être soit identique, similaire ou connexe.

[135]     Quant à la compétence du représentant, on s’attend généralement qu’il ait fait une enquête raisonnable, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit approfondie. Il doit fournir, dans la mesure du possible, une estimation des personnes visées par le recours et établir à la satisfaction du tribunal qu’il est en mesure de diriger les démarches requises pour l'exercice du recours.

[136]     En l'espèce, il y a lieu de s’attarder sur la situation de N... A... puisque le Tribunal a déjà décidé que les demandeurs Serge Picard et son épouse Jacqueline Rodrigue Picard n’ont pas l’intérêt pour instituer le présent recours.

[137]     Air Canada plaide que N... A... est incapable d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe. Son état de santé ne le lui permet tout simplement pas pour les raisons suivantes :

·        capacité intellectuelle extrêmement réduite;

·        difficulté de mémorisation;

·        incapacité de tenir une conversation;

·        ignorance des procédures;

·        ignorance de la tenue de l’interrogatoire au préalable de P... A...;

·        absence de communication et de contact avec l’avocat responsable du dossier;

·        incapacité de lire;

·        absence d’initiative;

·        incapacité d’avoir des conversations téléphoniques avec des gens de l’extérieur;

·        incapacité de subir un interrogatoire.

[138]     Le Tribunal est d’accord. Toutefois, N... A... est sous curatelle. Qu’en est-il de son frère P... A...?

[139]     Monsieur P... A... agit comme curateur. Air Canada plaide que le curateur d’une personne incapable ne peut agir comme le représentant d’un groupe. Le curateur ne serait pas l’alter ego de la personne en tutelle; son mandat étant limité à des actes d’administration.

[140]     Ainsi, selon Air Canada, monsieur P... A... ne peut exercer les droits extrapatrimoniaux de la personne protégée.

[141]     Le Tribunal n’est pas d’accord avec la position soutenue par Air Canada. Le curateur d’une personne visée par un recours collectif peut agir à titre de représentant au bénéfice de cette personne.

[142]     En effet, le curateur exerce au nom de la personne protégée les droits qu’elle n’est pas apte à exercer[55].

[143]     La capacité d’ester en justice est très certainement incluse dans les pouvoirs du curateur au bénéfice de la personne inapte.

[144]     Quant aux pouvoirs du curateur d’occuper le statut de représentant au nom de la personne inapte, la Cour suprême du Canada a déjà répondu affirmativement à cette question dans l'affaire Québec (Curateur public) c. Hôpital St-Ferdinand. La conclusion pertinente du jugement d'autorisation se lit comme suit :

« ATTRIBUER à Me Rémi Lussier, curateur à Honorine Abel, le statut de représentant aux fins d'exercer le susdit recours collectif pour le compte du groupe des personnes physiques ci-après décrit : » (Jugement rendu dans le district de Montréal le 10 janvier 1986, C.S. 500-06-000010-856.)

[145]     En l'espèce, la preuve révèle que P... A... a démontré de l’intérêt pour le recours collectif et qu’il est prêt à assumer ce rôle. Certes, les démarches entreprises jusqu’à maintenant ont été assez ténues, mais elles suffisent à ce stade pour accepter qu’il soit désigné représentant au bénéfice de son frère.

L’absence d’avis aux membres

[146]     Les défendeurs soutiennent que l’omission par les demandeurs et leurs procureurs d’avoir déposé le projet d’avis aux membres est fatale. Ce projet d’avis doit, suivant l’article 58 d) du Règlement de procédure civile, être déposé au même moment que la requête pour autorisation :

58.  Documents accompagnant la requête. La requête est accompagnée des documents suivants, dont copie est signifiée à la partie adverse en même temps que la requête:

  a)      (paragraphe abrogé);

  b)      (paragraphe abrogé);

  c)      (paragraphe abrogé);

  d)      un projet de l'avis aux membres (article 1006 C.p.c.) rédigé selon le formulaire VI;

  e)      (paragraphe abrogé);

  f)      (paragraphe abrogé);

  g)      (paragraphe abrogé);

  h)      (paragraphe abrogé);

  i)      copie de toute autre requête pour autorisation de recours collectif portant en tout ou en partie sur le même objet.

Le défaut par le requérant de se conformer à la présente règle n'entraîne pas le rejet de la requête; toutefois le juge, à la demande de toute personne intéressée ou de son propre chef, peut reporter la date de présentation de la requête et ordonner au requérant de remédier au défaut.

 

[147]     L’article prévoit que le défaut d’annexer l’avis n’est pas un vice fatal.

[148]     En l'espèce, le Tribunal ne peut tenir rigueur aux demandeurs d’avoir préféré attendre le sort du présent recours en autorisation avant de préparer l’avis aux membres. Les multiples changements apportés à la description du groupe confirment que dans le présent cas, il est opportun de procéder à la préparation des avis une fois le groupe circonscrit.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[149]     REJETTE l’autorisation d’exercer le recours collectif présenté par les demandeurs Serge Picard et Jacqueline Rodrigue Picard contre WestJet;

[150]     DÉCLARE que Serge Picard et Jacqueline Rodrigue Picard n’ont pas l’intérêt requis pour exercer le présent recours collectif;

[151]     AUTORISE l’exercice du recours collectif de P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., contre Air Canada;

[152]     DÉCLARE qu’il n’y a aucun lien de droit entre P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., et WestJet;

[153]     AUTORISE l’exercice du recours collectif ci-après décrit :

Une action en dommages-intérêts compensatoires, moraux, punitifs et exemplaires contre Air Canada afin de sanctionner des pratiques et des politiques tarifaires discriminatoires à l’égard des personnes ayant une déficience et/ou souffrant d’obésité.

[154]     ATTRIBUE à P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., le statut de représentant aux fins d’exercer le recours collectif envisagé pour le compte des groupes de personnes ci-après décrites :

Toutes les personnes handicapées et/ou obèses résidant au Canada qui, sur un vol intérieur au Canada, ont dû payer à Air Canada ou à un mandataire autorisé d’Air Canada des frais additionnels pour la carte d’embarquement d’un accompagnateur nécessité par leur condition particulière et/ou pour un emplacement adapté à leur condition à bord d’un appareil d’Air Canada, et ce, entre le 5 décembre 2005 et le 5 décembre 2008.

et

Toutes les personnes physiques au Canada qui ont payé à Air Canada ou à un mandataire autorisé d’Air Canada des frais d’embarquement à bord d’un appareil d’Air Canada alors qu’elles accompagnaient une personne handicapée et/ou obèse au sens du premier paragraphe sur un vol intérieur au Canada.

[155]     IDENTIFIE comme suit les principales questions de faits et de droit qui seront traitées collectivement :

1.      Les politiques tarifaires d’Air Canada sont-elles discriminatoires à l’endroit des personnes déficientes et/ou obèses qui nécessitent la présence d’un accompagnateur?

2.      Les politiques tarifaires d’Air Canada sont-elles des obstacles abusifs aux déplacements du demandeur et des membres à l’intérieur du réseau de transport fédéral?

3.      Dans l’affirmative, le demandeur et les membres ont-ils subi des dommages en raison des politiques tarifaires d’Air Canada?

4.      Air Canada peut-elle être tenue d’indemniser ou de rembourser le demandeur et les membres sur la base de la décision rendue par l’Office des transports ou des dispositions de la Loi sur les transports, de la LCDP et autres lois applicables?

5.      Le demandeur P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., aux fins d’exercer le recours collectif, et les membres peuvent-ils se voir octroyer des dommages punitifs et exemplaires?

[156]     IDENTIFIE comme suit les conclusions recherchées qui s’y rattachent :

1.      CONDAMNER Air Canada à verser à P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., la somme équivalente aux frais payés pour l’embarquement d’un(e) accompagnateur(trice) et/ou pour un emplacement adapté à la condition de N... A... à bord d’un appareil d’Air Canada, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

2.      CONDAMNER Air Canada à verser à P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., la somme de 1 000,00 $ à titre de dommages moraux et pour troubles, ennuis et inconvénients, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

3.      CONDAMNER Air Canada à verser à P... A..., en sa qualité de curateur à la personne de N... A..., la somme de 500,00 $ à titre de dommages punitifs et exemplaires, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

4.      CONDAMNER Air Canada à verser à chacun des membres la somme équivalente aux frais payés pour l’embarquement d’un accompagnateur et/ou pour un emplacement adapté à leur condition à bord d’un appareil d’Air Canada, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

5.      CONDAMNER Air Canada à verser à chacun des membres la somme équivalente aux frais payés pour l’embarquement alors qu’ils accompagnaient une personne ayant une déficience sur un vol intérieur au Canada, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

6.      CONDAMNER Air Canada à verser à chacun des membres le somme de 1 000,00 $ à titre de dommages moraux et pour troubles, ennuis et inconvénients, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

7.      CONDAMNER Air Canada à verser à chacun des membres ayant une déficience et/ou souffrant d’obésité la somme de 500,00 $ à titre de dommages punitifs et exemplaires, avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, calculés à compter de la date de signification de la requête;

8.         AVEC DÉPENS, incluant les frais pour les pièces, les experts, les expertises et la publication d’avis.

[157]     IDENTIFIE comme suit la question particulière à chacun des membres :

1.      Quel est le montant des dommages subis par chacun des membres?

[158]     DÉCLARE qu’à moins d’exclusion, les membres du groupe seront liés par tout jugement à intervenir sur le recours collectif de la manière prévue par la loi;

[159]     FIXE le délai d’exclusion à trente (30) jours après la date de publication de l’avis aux membres, délai à l’expiration duquel les membres du groupe qui ne se seront pas prévalus des moyens d’exclusion seront liés par tout jugement à intervenir;

[160]     REPORTE la détermination du contenu et des conditions de publication de l’avis aux membres selon les modalités qui seront fixées lors d’une conférence téléphonique à être tenue dans les trente (30) jours du présent jugement;

[161]     AVEC DÉPENS.

 

 

__________________________________

CATHERINE LA ROSA, j.c.s.

 

Me David Bourgoin

BGA Avocats (Casier 72)

Avocats des demandeurs

 

Mes Marc-André Fabien / André Durocher

Fasken Martineau (Casier 133)

Avocats de Air Canada

 

Mes Chantal Chatelain / François LeBel / Rebecca St-Pierre

Langlois Kronström Desjardins (Casier 115)

Avocats de WestJet

 

Date d’audience :

26 et 27 avril 2011

 



[1]     Décision de l’Office n° 6-AT-A-2008 (10 janvier 2008) (la « Décision 1P1T »), par. 28.

[2]     Id., par. 28.

[3]     Id., par. 333.

[4]     Id., par. 852.

[5]     Seneca College of Applied Arts and Technology c. Bhadauria, [1981] 2 R.C.S. 181 .

[6]     Honda Canada inc. c. Keays, [2008] 2 R.C.S. 362 .

[7]     Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666 .

[8]     Seneca College of Applied Arts and Technology c. Bhadauria, précité, note 5. Voir également : Jaffer c. York University, 2010 ONCA 654, par. 37, requête pour autorisation de pourvoi rejetée (C.S. Can., 2011-03-03), 33938 et Honda Canada inc. c. Keays, précité, note 6, par. 64-67.

[9]     Henri BRUN, Guy TREMBLAY, Eugénie BROUILLET, Droit constitutionnel, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 1043.

[10]    L.R.O. (1990), c. H-19.

[11]    Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), [2006] 1 R.C.S. 513 , par. 39.

[12]    Précité, note 10.

[13]    Seneca College of Applied Arts and Technology c. Bhadauria, précité, note 5.

[14]    C’est d’ailleurs ce que note la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Jaffer c. York Université, précité, note 8, par. 44 : « […] Thus, whether or not a claim for breach of the duty to accommodate disabilities can proceed in the Superior Court depends upon whether or not the pleading discloses a reasonable cause of action that does not arise solely from a breach of the Code. » [ soulignements ajoutés ]. Voir également : Anderson c. Tasco Distributors, 2011 ONSC 269, par. 3.

[15]    Honda Canada inc. c. Keays, précité,  note 6.

[16]    Précité, note 10.

[17]    C’est également l’avis de madame la juge Langlois dans l’affaire Chernak c. Air France, [2002] R.J.Q. 3152 (C.S.), par. 40 et suiv.

[18]    Article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[19]    Richard TARDIF, « Gestion du changement innovatrice : une solution de rechange aux modifications législatives », dans Développements récents en justice participative : la diversification de la pratique de l’avocat, Service de la formation continue, Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2006, EYB2006DEV1255.

[20]    Id.

[21]    Western Canadian Shopping Centers Inc. c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534 , par. 26-29.

[22]    Harmegnies c. Toyota Canada inc., 2008 QCCA 380 , par. 27-31.

[23]    Id.

[24]    Id.

[25]    Option Consommateurs c. Banque de Montréal, 2006 QCCS 5353 , par. 55 et 56.

[26]    Marcotte c. Longueuil (Ville), [2009] 3 R.C.S. 65 , par. 22 ; Option Consommateurs c. Banque de Montréal, précité, note 25, par. 55-56.

[27]    Option Consommateurs c. Banque de Montréal, précité, note 25.

[28]    Id.

[29]    Pagé c. Bell Mobilité inc., 2009 QCCS 377 , par. 13, appel rejeté, 2010 QCCA 31 .

[30]    Aberback Ptack c. Amex Bank of Canada, 2006 QCCS 1425 , par. 17.

[31]    Voir notamment : Harmegnies c. Toyota Canada inc., précité, note 22, par. 30.  Pharmascience inc. c. Option Consommateurs, 2005 QCCA 437 , par. 29 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, C.S. Can., 2005-08-25, 30922).  Aberback Ptack c. Amex Bank of Canada, précité, note 30, par. 18.

[32]    Pagé c. Bell Mobilité inc., précité, note 29.

[33]    Art. 1003  b) C.p.c.

[34]    Marcotte c. Longueuil (Ville), précité, note 26, par. 23.

[35]    Pharmascience inc. c. Option Consommateurs, précité, note 31, par. 52.

[36]    Pagé c. Bell Mobilité inc., précité, note 29, par. 16.

[37]    Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., J.E. 2005-589 (C.S.), par. 37 et 44.

[38]    Art. 1003 a) C.p.c.

[39]    George c. P.G. du Québec, [2006] R.J.Q. 2318 (C.A.), par. 40.

[40]    Del Guidice c. Honda Canada inc., [2007] R.J.Q. 1496 (C.A.), par. 14.

[41]    Collectif de défense des droits de la Montérégie (CDDM) c. Centre hospitalier régional du Suroît du Centre de santé et de services sociaux du Suroît, 2011 QCCA 826 , par. 22.

[42]    Id., par. 23.

[43]    Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920 , par. 21.

[44]    Carrier c. P.G. du Québec, 2011 QCCA 1231 .

[45]    Brito c. Pfizer Canada inc., 2008 QCCS 2231 .

[46]    Nguyen c. CP Ships Limited, 2008 QCCS 3817 .

[47]    Brito c. Pfizer Canada inc., précité, note 45, par. 105; Société canadienne des postes c. Lépine, 2007 QCCA 1092 , par. 57.

[48]    Nantais v. Telectronics Proprietary (Canada) Ltd., [1995] 25 O.R. (3d) 331 (requête pour autorisation d’interjeter appel rejetée : [1995] 129 D.L.R. (4th) 110.

[49]    Carom v. Bre-X Minerals Ltd., [1999] 43 O.R. (3d) 441.

[50]    Wilson v. Servier Canada Inc. [2000] O.J. (Quicklaw) no 3392 (Ont. Sup. C. of J.).

[51]    Société canadienne des postes c. Lépine, [2009] 1 R.C.S. 549 , 2 avril 2009.

[52]    Art. 1003 c) C.p.c.

[53]    Aberback Ptack c. Amex Bank of Canada, précité, note 30, par. 33; Boulerice c. Bell Canada, 2008 QCCS 249 , par. 61.

[54]    Art. 1003 d) C.p.c.

[55]    Art. 59 C.p.c.

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