CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES DENTISTES DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

14-10-01124

 

DATE :

20 octobre 2016

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JULIE CHARBONNEAU

Présidente

Dre SYLVIE FORREST

Dre NANCY LALANCETTE

Membre

Membre

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DR PIERRE LAFLEUR, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des dentistes du Québec

Partie plaignante

c.

DR PASCAL TERJANIAN

Partie intimée

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DÉCISION SUR REQUÊTE EN ARRÊT DES PROCÉDURES

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LE 28 JUILLET 2016, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL A RÉITÉRÉ LES ORDONNANCES DÉJÀ PRONONCÉES DANS LE PRÉSENT DOSSIER.

LE CONSEIL A RENDU UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DE LA PATIENTE, DES DOSSIERS MÉDICAUX ET/OU TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER. LE CONSEIL A ÉGALEMENT RENDU UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM, DU NUMÉRO DE TÉLÉPHONE ET DE L’ADRESSE DE L’AMANT DE LA PATIENTE, DANS TOUT DOCUMENT Y COMPRIS LES PROCÈS-VERBAUX ET LES ENREGISTREMENTS [11;48;05 à 11;49;20] ET CE, À TOUTE PERSONNE Y COMPRIS LES PARTIES ET LES PROCUREURS DANS LE PRÉSENT DOSSIER, À MOINS D’AUTORISATION DU CONSEIL DE DISCIPLINE. LE CONSEIL A ÉGALEMENT RENDU UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON- DIVULGATION DU NOM DU TÉMOIN DE L’AMANT DE LA PATIENTE ET DE TOUTE INFORMATION PERMETTANT DE L’IDENTIFIER AINSI QUE DU CONTENU DE SON TÉMOIGNAGE RENDU LE 4 JUIN 2015.

 

[1]           Le Conseil de discipline s’est réuni à Montréal le 28 juillet 2016 pour procéder à l’audition de la requête en arrêt des procédures présentée par l’intimé, Dr Pascal Terjanian à l’encontre de la plainte déposée contre lui par Dr Paul Morin, en sa qualité de syndic de l’Ordre des dentistes du Québec qui a par la suite été remplacé par le syndic adjoint Dr Pierre Lafleur.

[2]           Cette requête en arrêt des procédures, déposée le 21 janvier 2016, survient après que Me Pierre Linteau ait décidé de ne pas poursuivre l’instruction de la plainte, le ou vers le 26 octobre 2015, alors qu’il agissait jusqu’alors comme président du Conseil de discipline saisi de la plainte portée contre l’intimé.

1.    HISTORIQUE DU DOSSIER

[3]           Le 21 juin 2010, une plainte disciplinaire est portée contre l’intimé lui reprochant deux chefs d’infractions:

«1.   Entre les mois de décembre 2008 et fin mars 2009, l’intimé, à sa résidence de Laval, avec sa patiente, madame […], avec qui il était en relation professionnelle, a posé des gestes abusifs à caractères sexuels, a tenu des propos abusifs à caractères sexuels et a eu avec cette dernière des relations sexuelles, ce qui constitue un acte dérogatoire à la dignité de sa profession, commettant par là une infraction aux dispositions de l’article 59.1 du Code des Professions;

2.   Depuis le mois de novembre 2009 jusqu’à ce jour, l’intimé, à son cabinet de Terrebonne, omet toujours, et encore à ce jour, de répondre aux demandes du syndic de l’Ordre des dentistes du Québec agissant dans le cadre d’une enquête sur le comportement professionnel de l’intimé concernant des « gestes abusifs à caractères sexuels » et, plus particulièrement, de donner ses commentaires aux accusations portées, notamment tel qu’il appert de l’échange de correspondance entre le plaignant et le procureur de l’intimé, Me Raphaël Levy, dans des correspondances datées des 3 novembre 2009, 17 novembre 2009, 25 novembre 2009, 1er décembre 2009, 20 avril 2010, 23 avril 2010, 28 mai 2010, 3 juin 2010, 7 juin 2010 et 10 juin 2010, commettant par là une infraction aux dispositions de l’article 4.03.01 du Code de déontologie de l’Ordre des dentistes du Québec et aux articles 114 et 122 du Code des Professions  »

[4]           Le 9 août 2010, une décision du Conseil de discipline radie provisoirement l’intimé. Toutefois, cette décision sera cassée par les tribunaux supérieurs.

[5]           L’audience sur culpabilité se déroule les 9 et 10 juillet 2012, 14, 15 et 21 mars 2013, 21 et 22 octobre 2014 et les 20 avril, 21, 22 mai et 4 et 5 juin 2015. 

[6]           Le ou vers le 26 octobre 2015, Me Linteau se dessaisit de la plainte avant que le Conseil n’ait terminé l’audition sur culpabilité.

[7]           Quatre journées d’audience sont alors annulées, soit les 3 et 4 décembre 2015 et 21 et 22 janvier 2016.

[8]           Le 1er décembre 2015, la Présidente en chef du nouveau Bureau des présidents des conseils de discipline tient une conférence de gestion avec les parties.

[9]           Le but de cette conférence de gestion est de déterminer la position des parties quant à la suite du dossier.

[10]        Les dispositions transitoires de la Loi modifiant le Code des professions en matière de justice disciplinaire en vigueur depuis le 13 juillet 2015 prévoient, à l’article 31, que le mandat des présidents des conseils de discipline en poste le 12 juillet 2015 prend fin immédiatement sous réserve de pouvoir terminer les affaires qu’ils ont déjà commencées à entendre ou sur lesquelles ils n’ont pas encore statué.

[11]        Cette disposition prévoit notamment que ces présidents peuvent décider de ne pas continuer à exercer leurs fonctions, comme l’a décidé Me Linteau le 26 octobre 2015.

[12]        Dans cette éventualité, la Présidente en chef doit désigner un nouveau président pour l’instruction de la plainte, quelle que soit l’étape où est rendue l’audience.

[13]        En vertu du nouvel article 118.5 du Code des professions, « lorsque la désignation du nouveau président intervient avant que la décision sur culpabilité ait été rendue, le conseil de discipline peut, avec le consentement des parties, poursuivre l’instruction de cette plainte et s’en tenir à la preuve produite ».

[14]        À défaut de consentement, l’audition sur culpabilité est reprise en entier devant le nouveau président ainsi que les deux mêmes membres et, par la suite, une décision est rendue sur cette base.

[15]        Lors de la conférence de gestion du 1er décembre 2015, le plaignant a consenti à ce que le nouveau président poursuive l’instruction de la plainte, de concert avec les deux membres toujours en poste, après écoute de l’enregistrement de l’audition.

[16]        L’intimé a plutôt choisi de présenter une requête en arrêt des procédures.

[17]        Le 28 janvier 2016, la Présidente en chef a alors fixé l’audition de cette requête en arrêt des procédures, en fonction de la disponibilité des parties et de leurs avocats, et a désigné Me Julie Charbonneau comme nouvelle présidente du Conseil en remplacement de Me Pierre Linteau.

2. LA REQUÊTE EN ARRÊT DES PROCÉDURES

La preuve

[18]        L’intimé fait entendre le plaignant.

[19]        Le plaignant confirme le cheminement du dossier qui a débuté avec une Requête en radiation provisoire et immédiate de l’intimé ayant été accueillie par une décision du Conseil de discipline mais cassée par les tribunaux supérieurs.

[20]        Il confirme qu’il est informé que l’intimé vit des problèmes de santé depuis 2010 et que des journées d’audience ont été reportées pour ce motif.

[21]        L’intimé témoigne également au soutien de sa requête.

[22]        Il relate au Conseil les conséquences du présent dossier sur sa pratique professionnelle et sa vie personnelle. Il souligne le fardeau à la fois financier, psychologique et moral qu’il assume dans le cadre de la présente plainte.

[23]        À ces fardeaux, il faut ajouter le stress qu’il a ressenti dès le début du processus d’enquête disciplinaire.

[24]        Malgré le libellé du premier chef, aucune accusation criminelle n’a été portée contre lui. Une policière l’a contacté pour l’informer qu’elle désirait le rencontrer à une date à être déterminée. Toutefois, il n’a reçu aucune visite ou autre appel d’un membre des services policiers.

[25]        Il s’est marié en 2012 et les chefs d’infraction affectent son épouse. Il témoigne de l’impact financier et des problèmes de santé que lui a causés le dossier. En 2013, il a vécu un moment sombre.

[26]        Il a consulté un professionnel de la santé jusqu’en août 2015. Toutefois, il a cessé de le consulter puisqu’il n’était plus en mesure d’assumer les honoraires professionnels de celui-ci.

[27]        Il se dit financièrement ruiné.

[28]        Dans l’éventualité où sa requête en rejet est rejetée, il serait placé dans une situation injuste puisque le nouveau président, par la prise de connaissance de la preuve déjà produite, ne pourra évaluer la crédibilité des témoins.  

[29]        Quant à l’autre possibilité, il ne peut envisager de reprendre entièrement l’audition devant un nouveau président. Il affirme avec force être financièrement et moralement à son dernier souffle.

[30]        Le contre-interrogatoire a permis de faire ressortir que l’intimé n’est pas suivi par un professionnel de la santé au moment de l’audition de la requête. Il est toutefois en attente d’une ressource.

[31]        Il reconnaît qu’il exerce sa profession de dentiste au sein de l’une de ses cliniques et que deux dentistes exercent leur profession au sein de cliniques lui appartenant.

[32]        Il n’est pas sous le coup d’une faillite mais, il a des difficultés financières.

[33]        L’intimé relate une rencontre tenue avec le syndic Dr Paul Morin en 1996. Cette rencontre serait le début de toutes ses difficultés avec le bureau du syndic de l’Ordre.

[34]        Le plaignant n’a pas présenté de preuve.

L’argumentation de l’intimé

[35]        Les motifs invoqués au soutien de sa requête en arrêt des procédures se résument ainsi :

A.        Les délais déraisonnables, inacceptables et aucunement justifiés :

a)    Le délai de près de huit ans écoulé depuis les faits reprochés (2008/2009) et l’audition de la requête en arrêt des procédures (28 juillet 2016).

b)    Les délais qui continuent de s’accumuler depuis 2008 alors que l’audition sur culpabilité a débuté et n’est pas terminée.

B.        Le changement de président lui cause un préjudice :

a)     Le nouveau président qui sera saisi de l’audition sur la culpabilité devra prendre connaissance de la preuve produite lors de l’audition sur culpabilité, cela occasionnera de longs délais supplémentaires en sus de ceux déjà écoulés.

b)     Le nouveau président qui sera saisi de l’audition sur la culpabilité ne pourra juger de la crédibilité des témoins entendus causant une iniquité grave à l’intimé.

c)     La reprise de l’audition sur culpabilité devant un nouveau président est financièrement et moralement impossible pour l’intimé.

C.        Le préjudice subi par l’intimé :

a)    L’intimé a subi des procès à l’intérieur du procès.

b)    Les longs délais continuent de lui causer de lourds dommages tant sur le plan psychologique que financier.

[36]        L’intimé invite le Conseil à conclure que la durée de vie du dossier débute en 2008, date des évènements rapportés à la plainte.

[37]        En 2010, le système judiciaire a constaté la faiblesse de la conduite du syndic en cassant la décision du Conseil imposant une radiation provisoire à l‘intimé.

[38]        L’intimé a déjà subi des procès par cette requête en radiation provisoire et les recours devant les tribunaux supérieurs qui s’en sont suivis.

[39]        Les principes de la justice naturelle confirment le droit d’une personne d’être jugée dans un délai raisonnable.

[40]        Le Conseil a reçu une preuve non contredite du préjudice irréparable que subi l’intimé depuis  2008 et qui se perpétue depuis cette date.

[41]        Le préjudice déjà subi par l’intimé au niveau professionnel et personnel est immense, il en a fait la preuve.

[42]        Dans l’éventualité où le nouveau président prend connaissance de la preuve d’un procès d’une durée de douze jours sans avoir vu les témoins, cela équivaut à un déni de justice des plus flagrant.

[43]        De plus, l’intimé a fait la preuve qu’il lui est impossible de poursuivre l’audition.

[44]        La seule autre option prévue est donc la reprise de l’audition en entier, ce qui est illogique et cause un préjudice à l’intimé. L’intimé a fait la preuve du préjudice qu’il a subi et continue de subir.

[45]        Il réitère que la vie du dossier doit s’évaluer à compter de 2008, date des évènements rapportés au chef 1.

[46]        L’intimé soumet des autorités[1] au soutien de sa requête.

[47]        Pour lui, l’arrêt définitif des procédures est la seule issue du présent dossier.

L’argumentation du plaignant

[48]        Pour le plaignant, l’intimé n’a pas présenté de preuve convaincante, appuyée par des professionnels de la santé, relativement à son état de santé. Le Conseil n’est pas en présence d’une preuve démontrant que la reprise de l’audition est nocive pour l’intimé. Son témoignage est nettement insuffisant et surtout, non appuyé par une preuve de nature médicale.

[49]        Par ailleurs, la reprise de l’audition serait cruelle pour la patiente.

[50]        L’intimé pratique sa profession de dentiste, il n’est pas suivi par un professionnel de la santé et ne prend pas de médication. Il est placé dans la même situation que tout professionnel qui doit faire face à une plainte disciplinaire.

[51]        Les délais préinculpatoires ne peuvent faire partie de la computation des délais. À compter de la date du dépôt de la plainte, les délais doivent être analysés en fonction du cheminement du dossier. La computation doit se faire à compter du dépôt de la plainte en juin 2010 et non en décembre 2008. Aucun délai du présent dossier n’est déraisonnable.

[52]        Dans le cadre du présent dossier, le syndic a terminé sa preuve, la suite dépend de l’intimé.

[53]        L’intimé est par ailleurs avantagé par la situation puisqu’il témoignera alors qu’il sera en possession des notes sténographiques de la preuve du plaignant.

[54]        Le Conseil n’a pas reçu en preuve un diagnostic médical ou psychologique qui appuie les prétentions de l’intimé. Les craintes et les appréhensions de l’intimé sont une preuve insuffisante.

[55]        Le plaignant est prêt à poursuivre le dossier, à faire des admissions et surtout, il ne veut la peau de personne.

[56]        L’intimé veut pratiquer la profession de dentiste sans être faire l’objet d’enquête, sans être soumis au processus disciplinaire.  

[57]        Les délais encourus à ce jour ne peuvent être imputés à une personne en particulier.

[58]        L’intérêt public commande que l’audition de cette plainte se termine et le public ne doit pas être pénalisé pour les problèmes de santé de Me Linteau.

[59]        Le plaignant appuie sa contestation par des autorités[2].

[60]        Il demande le rejet de la requête présentée par l’intimé.

2.    QUESTION EN LITIGE

[61]        Pour décider du sort de la requête en arrêt des procédures, le Conseil doit décider de la question en litige suivante : en fonction des motifs invoqués par l’intimé, y a-t-il lieu d’ordonner l’arrêt des procédures dans les circonstances de la présente affaire?

3.    ANALYSE

1.    Le caractère exceptionnel de la requête en arrêt des procédures

[62]        La Cour suprême du Canada enseigne que l’arrêt des procédures est justifié seulement dans les cas les plus manifestes au motif que l’équité du procès est compromise ou pour protéger l’intégrité du processus judiciaire.

[63]        En 2014, dans l’arrêt R. c. Babos[3], la Cour suprême s’exprime ainsi :

« [30] L’arrêt des procédures est la réparation la plus draconienne qu’une cour criminelle puisse accorder (R. c. Regan, 2002 CSC 12 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 297, par. 53). Il met un terme de façon définitive à la poursuite de l’accusé, ce qui a pour effet d’entraver la fonction de recherche de la vérité du procès et de priver le public de la possibilité de voir justice faite sur le fond. En outre, dans bien des cas, l’arrêt des procédures empêche les victimes alléguées d’actes criminels de se faire entendre.

[31] La Cour a néanmoins reconnu qu’il existe de rares cas les « cas les plus manifestes » dans lesquels un abus de procédure justifie l’arrêt des procédures (R. c. O’Connor, 1995 CanLII 51 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 411, par. 68). Ces cas entrent généralement dans deux catégories : (1) ceux où la conduite de l’État compromet l’équité du procès de l’accusé (la catégorie « principale »); (2) ceux où la conduite de l’État ne présente aucune menace pour l’équité du procès, mais risque de miner l’intégrité du processus judiciaire (la catégorie « résiduelle » (O’Connor, par.73). […]

 

 

[64]        En matière disciplinaire, les tribunaux considèrent également que l’arrêt des procédures est une mesure exceptionnelle[4].

[65]        Pour déterminer si l’arrêt des procédures s’avère approprié, la Cour suprême[5] a établi les deux critères suivants :

« (1) le préjudice causé par l'abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;

(2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice. »

[66]        Dans l’affaire Ruffo[6], la Cour d’appel du Québec confirme l’application de ces principes en matière disciplinaire :

« [64] L’arrêt définitif des procédures, que l’on soit en matière pénale ou disciplinaire, constitue un remède qui ne doit être accordé qu’exceptionnellement, lorsqu’aucune solution de rechange n’existe. Cette mesure extrême n’est appropriée que dans les cas les plus manifestes, lorsque le requérant démontre l’existence d’un préjudice irréparable qui compromet irrémédiablement son droit de présenter une défense pleine et entière ou l’intégrité du système judiciaire. »

[67]           Cet arrêt Ruffo de la Cour d’appel a été cité par diverses décisions du Tribunal des professions[7].

2.    Le fardeau de la preuve de l’intimé

[68]        Le fardeau de la preuve repose sur le requérant-intimé. Il lui appartient de démontrer au Conseil que les abus allégués lui causent un préjudice d’une telle ampleur qu’ils heurtent le sens de la justice et de la décence rendant ainsi le procès inéquitable[8].

[69]        Il s’agit certainement d’un lourd fardeau. La Cour d’appel rappelle ce lourd fardeau en ces termes dans l’arrêt Commission de déontologie policière c. Bourdon et al[9]:

« [75] Le fardeau que devaient satisfaire les policiers pour faire arrêter les procédures est plus lourd encore que celui justifiant une déclaration de nullité des citations.

[76] La Cour l’a réaffirmé récemment dans R. c. Fournier, C.A.Montréal, 2000 CanLII 6745 (QC CA), no 200-10-000750-989, 24 février 2000, jj. Brossard, Robert et Forget, l’arrêt des procédures est le recours ultime sur lequel doit se rabattre un tribunal lorsque les droits d’un justiciable sont violés de façon irrémédiable.  Dans R. c. O’Connor, 1995 CanLII 51 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 411, la Cour suprême affirme que l’arrêt des procédures est approprié uniquement dans les cas les plus manifestes, lorsqu’il serait impossible de remédier au préjudice causé au droit de l’accusé à une défense pleine et entière ou lorsque la continuation de la poursuite causerait à l’intégrité du système judiciaire un préjudice irréparable.»

[70]        Le Conseil doit s’en tenir à la preuve présentée par l’intimé au soutien de sa requête.

[71]        Il n’y a pas de présomption de préjudice en présence de longs délais comme en matière criminelle[10].

[72]        Dans l’affaire Carlos c. Pigeon[11], la Cour supérieure souligne, tout comme le Tribunal des professions[12], que l’intimé doit démontrer un préjudice réel, grave et sérieux :

« [31] CONSIDÉRANT que c’est au professionnel qui demande l’application de cette mesure exceptionnelle qu’est l’arrêt des procédures qu’il incombe de prouver ou de démontrer qu’il subit un préjudice grave, en raison du délai prétendument indu auquel ce professionnel a été exposé, en rapport avec l’audition de la plainte portée contre lui. »

[73]        Dans l’affaire Williams-Stevenson[13], le Tribunal des professions précise que, lorsqu’une demande d’arrêt des procédures se base sur l’état de santé du professionnel, « les tribunaux doivent se demander si véritablement l’état de santé de la personne nécessite et justifie une telle solution de dernier ressort ».

3.    Le premier moyen invoqué par l’intimé : les délais

[74]        En l’espèce, par sa requête et ses représentations, l’intimé invoque deux délais qu’il qualifie de déraisonnables, d’inacceptables et d’aucunement justifiés qu’il continue de subir :

a)   Le délai de près de huit ans écoulé depuis les faits reprochés (2008/2009) et l’audition de la requête en arrêt des procédures (28 juillet 2016).

b)   Les délais qui continuent de s’accumuler depuis 2008 alors que l’audition sur culpabilité a débuté et n’est pas terminée.

[75]        Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable, protégé par l’article 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés, ne trouve pas application en droit disciplinaire en ce que le professionnel n’est pas un inculpé au sens de la Charte tel que décidé par la Cour d’appel[14].

[76]        Dans l’arrêt R. c. Wigglesworth[15], la Cour suprême a expressément reconnu que l’article 11 b) de la Charte ne s’applique pas aux « affaires privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l'intégrité professionnelle ainsi que certaines normes professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d'activité privée et limitée ».

[77]        Ainsi, l’arrêt récent de la Cour suprême dans l’affaire Jordan[16] ne peut recevoir application dans le présent dossier. En effet, l’article 11 b) ne s’applique pas en droit disciplinaire, la personne n'étant ni « accusée » ni « inculpée»[17].

[78]        Un professionnel ne peut donc pas réussir dans sa demande d’arrêt des procédures en invoquant seulement le délai écoulé. Cela reviendrait à imposer une prescription à une faute disciplinaire alors que ce genre d’infraction est imprescriptible[18].

[79]        La Cour d’appel, dans Ptack c. Comité de l’Ordre des dentistes du Québec[19], a retenu comme facteurs d’analyse ceux appliqués par la Cour suprême[20] en matière de violation du droit garanti par l’alinéa 11 b) de la Charte :

1) La longueur du délai;

2) La renonciation par l’accusé à invoquer le délai;

3) Les raisons du délai;

4) Le préjudice subi par l’accusé.

[80]        La Cour[21] précise ce qui suit quant à l’analyse de ces facteurs à être effectuée par le Conseil :

« Ces facteurs doivent être analysés les uns par rapport aux autres et la décision d’accorder un arrêt des procédures doit s’appuyer sur la pondération du préjudice subi par l’accusé et de l’intérêt de la société à ce que l’accusé soit traduit en justice. »

[81]        Dans l’affaire Comeau c. Barreau du Québec[22], le Tribunal des professions a refusé d’ordonner l’arrêt des procédures 17 ans après le dépôt de la plainte au motif que l’intimé n’avait pas démontré qu’il n’était plus en mesure de présenter une défense pleine et entière.

[82]        Dans l’affaire Gauthier c. Avocats[23], l’intimée invoquait les délais écoulés entre les gestes reprochés et le dépôt de la plainte au soutien de sa demande en arrêt des procédures. Le Tribunal des professions refuse d’accorder la permission d’en appeler de la décision du Comité de discipline, rejetant la demande en ces termes :

« [15] Qui plus est, le Tribunal a déjà décidé que ces délais ne devaient être considérés en matière disciplinaire que si le professionnel démontre un empêchement réel à se défendre en raison de ceux-ci, ce qui constituerait évidemment un préjudice certain, grave et sérieux. La faute disciplinaire, il faut le rappeler, est imprescriptible et le professionnel n’étant pas un inculpé, sa liberté et sa sécurité ne sont pas mises en péril en raison de délais même très longs.

[16] Contrairement à ce que plaide la requérante, les délais préinculpatoires ne compromettent pas «automatiquement» l’équité du procès, tel que l’a déjà précisé la Cour suprême du Canada. De plus lorsque la personne poursuivie n’est pas un inculpé au sens de la Charte, comme c’est le cas en l’instance, les tribunaux ont exigé la preuve d’un préjudice concret et ils ont conclu que la «présomption de préjudice» élaborée par les tribunaux supérieurs en matière criminelle ne s’appliquait pas dans de tels cas. »

[83]        Dans l’affaire Huot c. Pigeon[24], sept années s’étaient écoulées entre les événements reprochés et le dépôt de la plainte. Malgré que le délai pouvait sembler à première vue déraisonnable ou inacceptable, la Cour d’appel a décidé que les circonstances particulières du dossier ne permettaient pas de conclure à de l’abus de procédures.

[84]        Dans Avocats c. Louski[25], le Comité de discipline du Barreau du Québec a ordonné l’arrêt des procédures au motif que l’intimé avait démontré qu’il n’était pas en mesure de présenter une défense pleine et entière. Dans cette affaire, deux témoins importants pour la défense du professionnel étaient décédés entre les faits reprochés, qui remontaient à 1991, et l’audition de la plainte à la suite de son dépôt en novembre 1996 et sa signification en janvier 1997. Dans le cadre de son analyse, le Comité s’exprime ainsi :

« La requête de l’intimé est donc recevable s’il réussit à convaincre le Comité qu’il n’est plus en mesure de présenter une défense pleine et entière, et qu’il ne servirait à rien de débuter une audition si le Comité est convaincu que l’intimé ne peut présenter une telle défense.

Le fardeau de faire cette preuve repose naturellement sur les épaules de l’intimé, mais quel est le poids de ce fardeau? Le Comité décide que le professionnel, intimé dans un processus disciplinaire, doit convaincre par une preuve plus que prépondérante que le processus disciplinaire ne peut débuter, car il serait une perte de temps, puisqu’il n’est plus en mesure de mettre en preuve des éléments importants de sa défense. […]

Plusieurs éléments doivent être analysés avant de conclure qu’un intimé professionnel est privé de son droit de présenter une défense pleine et entière. Sans vouloir en donner une liste exhaustive, le Comité croit que les points suivants font partie de ces éléments : la nature et la gravité des infractions qui sont reprochés au professionnel; le nombre de témoins potentiels pouvant être appelés à la demande du professionnel, et qui ne pourront plus témoigner; la perte de preuves documentaires; le temps écoulé depuis la commission des infractions; le rôle joué par le professionnel dans cet écoulement du temps; le rôle joué par le professionnel dans le cadre de l’enquête menée par le syndic, et finalement l’impossibilité pour le professionnel de palier aux éléments de défense manquants, lui causant ainsi un préjudice grave et sérieux. »

[85]        Le Comité conclut que les deux témoins décédés « apparaissent pour le moins essentiels et même le Comité aurait sans doute demandé à les faire entendre. »

[86]        Le Conseil n’a aucune preuve d'une telle situation dans le présent dossier.

[87]        L’intimé n’a aucunement prétendu, dans le cadre de la présente requête, qu’il sera privé de son droit à une défense pleine et entière, dans l’éventualité de la reprise de l’audition, à la suite du décès ou de l’absence d’un témoin ou d’un moyen de preuve.

[88]        L’intimé n’a présenté aucune preuve ou représentation qu’il s’est plaint, d’une quelconque façon, des délais lors des différentes conférences de gestion et journées d’audience sur culpabilité.

[89]        Le Conseil est d’avis que les délais du présent dossier ne causent pas à l’intimé un préjudice grave, réel et sérieux, de sorte qu’ils portent atteinte à son droit de présenter une défense pleine et entière ou que ces délais portent atteinte à l’intégrité du système disciplinaire.

4.    Le deuxième moyen invoqué par l’intimé : le changement de président

a)    Le nouveau président qui sera saisi de l’audition sur la culpabilité devra prendre connaissance de la preuve produite lors de l’audition sur culpabilité, cela occasionnera de longs délais supplémentaires en sus de ceux déjà écoulés.

b)    Le nouveau président qui sera saisi de l’audition sur la culpabilité ne pourra juger de la crédibilité des témoins entendus causant une iniquité grave à l’intimé.

c)    La reprise de l’audition sur culpabilité devant un nouveau président est financièrement et moralement impossible pour l’intimé.

[90]        Au moment de la démission de Me Linteau, le 26 octobre 2015, le Conseil n’a pas terminé l’audition sur culpabilité, quatre autres journées d’audience sont prévues afin de terminer l’audition.

[91]        Force est constater que le rythme de tenue des journées d’audience semblait convenir aux parties et au Conseil puisqu’aucune représentation n’a été faite quant à des indisponibilités du Conseil ou de l’une des parties depuis le début de l’audition sur culpabilité le 9 juillet 2012.

[92]        Dans Acupuncteurs c. Francoeur[26], la décision sur culpabilité était en délibéré depuis 19 mois lorsque le président du Conseil est décédé. Il fallait donc reprendre l’audition de la plainte devant une nouvelle formation qui avait duré initialement 17 jours. Le Conseil de discipline refuse d’ordonner l’arrêt des procédures étant d’avis que l’intérêt public primait sur l’intérêt privé et exigeait que l’audition de la plainte soit reprise.

[93]        Dans l’affaire Goulet[27], la décision sur culpabilité avait été rendue. Cependant, un des membres démissionne et le président du Comité de discipline accède à la magistrature avant que le Comité procède à l’audition sur les sanctions. Un nouveau Comité est alors formé pour reprendre l’instruction de la plainte.

[94]        Le jour prévu pour l’audition de la plainte, le professionnel présente une requête en arrêt des procédures pour des motifs forts similaires à ceux qui nous sont présentés par l’intimé. Dans cette affaire Goulet, les motifs invoqués sont : le changement de président cause un préjudice puisque l’audition sur culpabilité doit être reprise, cette situation augmente les délais et entraîne des honoraires additionnels en plus du stress et de l’angoisse inhérents à de telles procédures.

[95]        Malgré l’ensemble de ces motifs, le Comité de discipline a refusé d’ordonner l’arrêt des procédures.

[96]        Dans l’affaire Baril[28], la décision sur culpabilité n’avait pas été rendue au moment où la présidente du Comité de discipline accède à la magistrature. Un nouveau Comité est alors formé pour reprendre l’instruction de la plainte.

[97]        Le jour prévu pour l’audition de la plainte, la professionnelle présente, elle aussi, une requête en arrêt des procédures pour des motifs, à nouveau, forts similaires à ceux qui nous sont présentés par l’intimé. Les motifs invoqués sont : le changement de présidente lui cause un préjudice puisque l’audition sur culpabilité doit être reprise, cette situation augmente les délais et entraîne des honoraires additionnels, en plus du stress et de l’angoisse inhérents à de telles procédures. La requête est rejetée par le Conseil en citant l’affaire Tobiass[29] de la Cour suprême.

[98]        Dans Lemieux[30], le Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues décide ce qui suit au sujet du remplacement d’un président de Conseil de discipline :

« [102] Le remplacement d’un président de conseil, quel qu’en soit le motif, tout comme le remplacement d’un juge par un autre, fait partie des aléas possibles lors de l’instruction d’une cause.

[103] Soucieux de la stabilité du processus disciplinaire et de l’importance de poursuivre l’instruction d’une plainte jusqu’à la fin du processus, le législateur a donc prévu la marche à suivre.

[104] En adoptant ces dispositions, le législateur n’a manifestement pas voulu qu’un remplacement de président de conseil de discipline entraîne automatiquement un arrêt des procédures.

[105] Ainsi, le Conseil est d’avis que la démission de Me Vermette et son remplacement comme président dans la présente affaire ne constituent pas en soi un événement justifiant l’arrêt des procédures.

[106] Les délais inhérents à ce remplacement ne peuvent être qualifiés, à ce stade-ci, de déraisonnables ou d’inacceptables puisque le législateur les a implicitement autorisés par l’adoption des dispositions précitées. Ces délais s’expliquent donc.

[107] Cela est d’autant plus vrai qu’on ne connait pas encore l’ampleur de ces délais. Il est donc prématuré pour l’intimée de les soulever.

[108] Ceux-ci pourraient par ailleurs varier selon que l’audition sur culpabilité soit recommencée ou qu’une décision soit rendue après écoute de l’enregistrement de l’audition initiale. »

[99]        Ainsi, le remplacement d’un président de Conseil, quel qu’en soit le motif, tout comme le remplacement d’un juge par un autre, fait partie des aléas possibles de la vie d’un dossier. L’affaire Buithieu[31] abonde dans le même sens.

5.    Le troisième moyen invoqué par l’intimé : le préjudice

a)    L’intimé a subi des procès à l’intérieur du procès.

b)    Les longs délais continuent de lui causer de lourds dommages tant sur le plan psychologique que financier.

 

[100]     L’intimé plaide que son état psychologique rend cependant impossible la reprise de l’audition. Il se dit à bout de ressources financières et morales. Il n’est plus en mesure de subir le stress qui s’accumule depuis le début du processus en 2008, date des évènements.

[101]     De plus, il considère ne pas être en mesure d’assumer les frais qu’occasionnerait une nouvelle audition.

[102]     Le législateur offre à l’intimé la possibilité que la présidente soussignée, de concert avec les deux autres membres, poursuive l’audition sur culpabilité, après écoute par cette dernière de la preuve présentée lors de l’audition, de manière à lui éviter de recommencer l’audition. L’intimé croit que cette option ne lui permet pas d’avoir droit à une défense pleine et entière. Le législateur impose alors aux parties de reprendre l’audition en entier.

[103]     Le droit à une défense pleine et entière ne doit pas être interprété comme la reconnaissance à une défense absolue ou idéale[32].

[104]     L’intimé plaide le préjudice moral et psychologique que le présent dossier lui a occasionné et continue de lui occasionner. Le Conseil retient à nouveau les enseignements de la Cour d’appel dans Ptack[33], à savoir que les problèmes rencontrés par l’intimé sont le résultat du dépôt de la plainte et non de la longueur des délais :

« [21] On ne peut déduire de cette allégation ni de l’ensemble de la preuve que le long délai a concrètement causé un préjudice à l’appelant. Si ce dernier a pu subir certaines atteintes à sa sécurité, telles des angoisses, tensions, perturbations familiales, sociales et professionnelles, elles résultent davantage du fait d’avoir été accusé que du long délibéré du comité. »

[105]     Dans l’affaire Williams-Stevenson[34], le Tribunal des professions intègre à ses propos un extrait du jugement de la Cour supérieure dans R. c. Speer[35] :

« […] pour obtenir l’arrêt des procédures, le requérant doit démontrer un préjudice irréparable à son droit de présenter une défense pleine et entière ou à l’intégrité du système judiciaire. En l’espèce, la preuve s’est limitée à une preuve médicale tendant à démontrer une incapacité physique ou un danger possible du risque d’accident cardiovasculaire occasionné par le stress d’un procès.

La Cour doit préciser qu’à l’instar de nombreuses causes citées par le requérant, ce dernier ne souffre aucunement d’un handicap intellectuel l’empêchant d’aider ses avocats à préparer une défense pleine et entière ou encore de s’exprimer adéquatement pour faire valoir ses droits. »

[106]     Le Tribunal des professions souligne que, dans cette affaire, la Cour supérieure a refusé l’arrêt des procédures alors que l’accusé avait fait témoigner deux médecins spécialistes au soutien de sa requête.

[107]     Aucune preuve de nature médicale n’a été soumise au Conseil. Toutefois, le Conseil croit l’intimé lorsque celui-ci témoigne que le présent dossier lui cause des inconvénients et du stress.

[108]     Toutefois, le préjudice moral et psychologique que subirait l’intimé ne suffit pas à convaincre le Conseil qu’il est dans l’impossibilité de présenter une défense pleine et entière.

[109]     L’intimé mentionne que seuls ses dossiers avec le Bureau du syndic lui occasionnent des problèmes de santé.

[110]     Le Conseil ne peut également retenir l’argument du préjudice financier[36]. Ce préjudice est inhérent à tout professionnel qui fait face à une plainte disciplinaire et varie en fonction de la complexité du dossier et des honoraires demandés par l’avocat qui le représente.

[111]     Dans l’éventualité où le Conseil déclare l’intimé coupable des infractions reprochées dans la plainte, celui-ci aura toujours l’opportunité d’invoquer les ennuis qu’il subit lors des représentations sur sanction, le cas échéant, comme l’enseigne le Tribunal des professions dans l’affaire Monfette[37] :

«Le traumatisme et la perte par le professionnel de son intégrité et de sa réputation pourront être invoqués lors des représentations relatives à la sanction, advenant une déclaration de culpabilité. Ils n’ont rien à voir avec une défense pleine et entière et un procès équitable.»

6.    L’intérêt public

[112]     Finalement, dans le cadre de l’évaluation d’une requête en arrêt des procédures, le Conseil se doit de considérer l’intérêt public, soit « l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond » comme le précise la Cour suprême dans Babos[38].

[113]     La Cour d’appel dans Huot c. Pigeon[39] citant un passage du jugement de la Cour supérieure dans Parizeau c. Barreau du Québec[40]  définit les exigences de l’intérêt public :

« [45] […]  L’intérêt public commande qu’une infraction déontologique soit punie, et le seul fait que l’enquête prenne un certain temps ne saurait conférer une immunité à l’auteur de la faute. Si, advenant le dépôt de plaintes, la requérante considère qu’elle n’est plus en mesure de faire valoir une défense pleine et entière en raison du temps qui s’est écoulé entre l’infraction alléguée et l’audition, il lui reviendra alors de convaincre les membres du comité de discipline de fermer le dossier. »

[Soulignement de la Cour d’appel] 

[114]        Le Conseil est d’avis que l’intérêt public exige que le processus disciplinaire enclenché contre l’intimé soit mené à terme.

[115]     Les délais, le changement de président et les préjudices invoqués par l’intimé sont insuffisants pour justifier un arrêt des procédures.

[116]     Considérant tout ce qui précède, le Conseil refuse d’ordonner l’arrêt des procédures dans la présente affaire.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL :

REJETTE la requête de l’intimé en arrêt des procédures;

CONVOQUE les parties à une conférence de gestion pour convenir de la suite du dossier et fixer une date d’audition.

 

 

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Me Julie Charbonneau

Présidente

 

 

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Dre Sylvie Forrest

Membre

 

 

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Dre Nancy Lalancette

Membre

 

 

Jacques Prévost

Pouliot, Caron, Prévost, Bélisile, Galarneau, s.e.n.c.

Avocats du plaignant

 

Me Raphael Levy

Levy Tsotsis Avocats

Avocats de l’intimé

 

Date d’audience :

28 juillet 2016

 



[1] Ptack c. Comité de l’Ordre des dentistes du Québec, 1992 CanLII 3303; R. c. Askov, [1990] 2 RCS 1199; R. c. Morin, [1992] 1 RCS 771; Francoeur c. Acupuncteurs (Ordre professionnel des), 2013 CanLII 81264 (QC OAQ); Bouchard c. Avocats, 2003 QCTP 19; Gamache c. Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 145; R. c. Jordan, 2016 CSC 27

[2] Béchard c. Roy, AZ-74021004 (174) C.S. 13; Tétrault c. Dupuis, ès qual. (psychologues), 2000 QCTP 75; Gauthier c. Avocats, 2003 QCTP 69; Avocats (Ordre professionnel des) c. Paquin, 2006 QCTP 85; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307; R. c. Babos, 2014 CSC 16, [2014] 1 R.C.S. 309; Huot c. Pigeon, 2006 QCCA 164; Huot c. Association des Courtiers et Agents immobiliers du Québec, 2005 CanLII 2821 (QC CS); Bourdon c. Commissaire à la déontologie policière, 2000 CanLII 10049 (QC CA); Ptack c. Comité de l'ordre des dentistes du Québec, 1992 CanLII 3303 (QC CA); Grothé c. Denis, 1991, AZ-92041038; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391; Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); Gamache c. Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 145; R. c. L. (W.K.), [1991] 1 R.C.S. 1091; Mills c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 863; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Gourgi, 2007 CanLII 81523 (QC ODQ);; Gariépy c. Autorité des marchés financiers, 2016 QCCA 839; Pharmaciens c. Lafleur, 1992, D.D.C.P.; Notaires (Ordre professionnel des) c. Huneault, 2002 D.D.O.P. 146; Rivest c. Dentistes, 1999 QCTP 68; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Maniatakos, 2005 CanLII 78594 (QC ODQ); Air-Care Ltd c. United Steel Workers Of America et al. [1976] 1 R.C.S. 2 R. c. Gallant, [1998] 3 R.C.S. 80; R. c. MacDougall, [1998] 3 R.C.S. 45; Francoeur c. Bélanger, 2014 QCCS 523; Optométristes (Ordre professionnel des) c. Baril, 2001 CanLII 38090 (QC OOQ); Dentistes (Ordre professionnel des) c. Goulet, 2001 CanLII 38032 (QC ODQ); Pharmascience inc. c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513, 2006 CSC 48; R. c. Taillefer; [2003] 3 R.C.S. 307; Psychologues (Ordre professionnel des) c. Lemieux, 2016 CanLII 58329 (QC OPQ); Dentistes (Ordre professionnel des) c. Buithieu, 2016 CanLII 47976 (QC ODQ); Schatner c. Généreux, 2000 CanLII 18776 (QC CS)

[3] [2014] 1 R.C.S. 309; voir aussi R. c. O’Connor, [1995] 4 R.C.S. 411

[4] Dentistes (Ordre professionnel des) c. Buithieu, 2016 CanLII 47976 (QC ODQ), Psychologues (Ordre professionnel des) c. Lemieux, 2016 CanLII 58329 (QC OPQ), Voir aussi Médecins (Ordre professionnel des) c. Gauthier, 2011 CanLII 18575 (QC CDCM), Notaires (Ordre professionnel des) c. St-Pierre, 2012 CanLII 85947 (QC CDNQ), requête pour permission d’en appeler au Tribunal des professions rejetée par l’honorable Julie Veilleux, j.c.q., St-Pierre c. Notaires (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 128 (CanLII) Médecins (Ordre professionnel des) c. Ubani, 2014 CanLII 38942 (QC CDC)

[5] R. c. O’Connor, [1995]  4 R.C.S. 411

[7] Williams-Stevenson c. Infirmières, 2002 QCTP 110 et Milunovic c. Bélanger, 2009 QCTP 105

[8] Dentistes (Ordre professionnel des) c. Gourgi, 2007 CanLII 81523 (QC ODQ)

[9] 2000 CanLII 10049 (QC CA)

[10] Gourgi, précité note 8

[12] Rivest c. Dentistes, 1999 QCTP 68; Gourgi, précité note 8 et Williams-Stevenson, précité note 7

[13] Williams-Stevenson, précité note 7

[14] Ptack c. Comité de l’Ordre des dentistes du Québec, 1992 CanLII 3303 (QC CA)

[15] [1987] 2 R.C.S. 541

[16] Précité note 3

[17] Ptack, précité note 14, Désormeaux c. Côté, [1985) C.S. 522, Windisch-Laroche c. Biron, [1992] R.J.Q. 1343

[18] Blencoe c. B.C. (Human Rignts Commission), [2002] 2 R.C.S. 307

[19] Précité note 14

[20] R. c. Askov, [1990] 2 RCS 1199 et R. c. Morin, [1992] 1 RCS 771

[21] Précité note 14

[22] 2002 QCTP 044; voir aussi Notaires c. Legault AZ-00041004, CD 13 octobre 1999

[23] 2003 QCTP 069; voir aussi Rivest c. Dentistes, 1999 QCTP 068 et Tétreault, précité note 16

[24] 2006 QCCA 164

[25] 1999, D.D.O.P., page 33

[26] 2013 CanLII 81264 (QC OAQ)

[27] [2001] D.D.O.P. 44

[28] Optométristes (Ordre professionnels des) c. Baril 2001 AZ-50100725 (QC OOQ)

[29] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391

[30] Psychologues (Ordre professionnel des) c. Lemieux, 2016 CanLII 58329 (QC OPQ)

[31] Dentistes (Ordre professionnel des) c. Buithieu, 2016 CanLII 47976 (QC ODQ)

[32] Notaire c. Legault, 2000 D.D.O.P. 187; Williams-Stevenson, précité note 6; Gourgi, précité note 10. Chambre de la sécurité financière c. Morin, 2010 CanLII 99839 (QC CDCSF); Champagne c. Bouchard, 2015 CanLII 14435 (QC CDCSF)

[33] Précité, note 14

[34] Précité, note 17

[35] REJB 2000-22298; J.E. 2001-465

[36] Lemire c. Avocats (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 161, par 81; Notaires (Ordre professionnel des) c. St-Pierre, 2012 CanLII 85947 (QC CDNQ, 26-09-01125), par. 148-149, permission d’en appeler refusée, 2012 QCTP 128

[37] Monfette c. Médecins (Corporation professionnelle des médecins), 1997 CanLII 17332 (QC TP), p. 10.

[38] Précité note 3

[39] Précité note 24

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