Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Parent |
2019 QCCDBQ 001 |
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CONSEIL DE DISCIPLINE |
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BARREAU DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
06-18-03171 |
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DATE : |
4 janvier 2019 |
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LE CONSEIL : |
Me HÉLÈNE DESGRANGES |
Présidente |
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Me PIERRE-MARC BELLAVANCE |
Membre |
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Me JOCELYN VALLERAND, C.R. |
Membre |
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Me PATRICK RICHARD, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec |
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Plaignant |
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c. |
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Me JEAN-ROCH PARENT, avocat |
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Intimé |
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DÉCISION SUR REQUÊTE POUR ÉMISSION D’UNE ORDONNANCE DE RADIATION PROVISOIRE IMMÉDIATE |
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CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DU NOM DE L’AVOCAT DU BUREAU DU DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES (DPCP) DONT IL EST QUESTION AUX 6e ET 7e CHEFS DE LA PLAINTE DATÉE DU 10 JUILLET 2018 (PIÈCE R-4) ET DE L’AGENT DU SERVICE CORRECTIONNEL DONT IL EST QUESTION AU 3e CHEF DE LA PLAINTE DATÉE DU 25 OCTOBRE 2018 (PIÈCE R- 8) ET DANS LA PREUVE DOCUMENTAIRE AINSI QUE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE LEUR RÉPUTATION ET LA SÉCURITÉ DE L’AGENT DU SERVICE CORRECTIONNEL.
LE CONSEIL PRONONCE ÉGALEMENT UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DU NOM DU CLIENT DONT LES INITIALES APPARAISSENT À LA PLAINTE DATÉE DU 22 NOVEMBRE 2018 (PIÈCE R-13) ET DANS LA PREUVE DOCUMENTAIRE AINSI QUE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER, INCLUANT LES NUMÉROS DE DOSSIERS DE COUR, SON NUMÉRO DE TÉLÉPHONE ET LE NOM DE SA CONJOINTE MENTIONNÉ À LA PIÈCE R-22 ET CE, AFIN D’ASSURER LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL ET LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DE CE DERNIER.
LE CONSEIL PRONONCE ÉGALEMENT POUR LES MÊMES MOTIFS UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DES PIÈCES R-20 ET RI-1.
APERÇU
[1] Le Conseil de discipline est saisi d’une requête pour l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire portée par le plaignant, Me Patrick Richard, en sa qualité de syndic adjoint du Barreau du Québec (Barreau) contre l’intimé, Me Jean-Roch Parent.
[2] La requête initiale datée du 22 novembre 2018 est accompagnée d’une plainte du même jour, ainsi que d’un avis de dénonciation de pièces[1].
[3] Les 3 et 14 décembre 2018, le Conseil autorise les demandes du plaignant afin de modifier cette requête qui est remplacée par la version modifiée du 5 décembre 2018 (la requête)[2]. Le plaignant demande au Conseil « d’émettre une ordonnance de radiation provisoire contre l’intimé, Me Jean-Roch Parent, jusqu’à la décision finale sur la plainte jointe à la présente requête, et produite en annexe sous la côte R-13 »[3].
[4] Le plaignant indique appuyer cette requête sur 5 plaintes disciplinaires visant l’intimé émises entre le 2 octobre 2017 et le 22 novembre 2018.
[5] Le 16 mai 2018, une autre formation du conseil déclare l’intimé coupable du chef d’infraction contenu dans la première de ces 5 plaintes datée du 2 octobre 2017. Une amende lui est imposée le 19 juin 2018[4].
[6] Le 4 octobre 2018, une autre formation du conseil prend en délibéré la décision sur culpabilité concernant la seconde plainte datée du 20 février 2018[5].
[7] Le 29 novembre dernier, la présidente en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline autorise la réunion des trois autres plaintes[6], incluant la dernière plainte portant le même numéro de dossier que la requête en radiation provisoire[7]. Les dates d’audience sur le fond ne sont pas encore fixées, les parties préférant attendre l’issue de la requête.
[8] Les 5 plaintes contiennent un total de 28 chefs d’infractions au Code de déontologie des avocats[8], au Code des professions[9] et au Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats (Règlement sur la comptabilité)[10].
[9] Entre le 19 mai 2017 et le 15 novembre 2018, l’intimé aurait notamment fait défaut de soutenir l’autorité du Tribunal et agi de manière à porter préjudice à l’administration de la justice, tenu des propos inappropriés à l’endroit d’un avocat du DPCP et fait défaut de se présenter ou de se faire représenter devant le Tribunal dans le dossier d’un client sans avoir informé au préalable ce dernier, le Tribunal et le procureur du DPCP.
QUESTIONS EN LITIGE
[10] Le Conseil doit répondre aux questions en litige suivantes :
1) Est-ce qu’une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion doit être émise en vertu de l’article 142 du Code des professions?
2) Le plaignant a-t-il satisfait aux critères exigés par la jurisprudence afin de convaincre le Conseil d’émettre une ordonnance de radiation provisoire immédiate à l’endroit de l’intimé?
3) Si oui, l’avis de la décision du Conseil émettant une ordonnance de radiation provisoire immédiate doit-il être publié conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions et l’intimé doit-il être condamné aux frais de publication de cet avis ainsi qu’aux déboursés?
PLAINTE
[11] La plainte dans le présent dossier est ainsi libellée :
1- a, à Québec, le 15 novembre 2018, fait défaut de se présenter ou de se faire représenter devant le tribunal dans le dossier de son client [A], numéro […], sans en avoir au préalable informé son client, le tribunal et [Me B], procureur aux poursuites criminelles et pénales, contrevenant ainsi à l’article 114 du Code de déontologie des avocats;
2- a, à Québec, fait défaut de soumettre à son client A. les deux offres de règlement qu’il avait reçues de [Me B], procureur aux poursuites criminelles et pénales les 7 mars et 16 mai 2018, dans les dossiers […], […] et […], contrevenant ainsi à l’article 43 du Code de déontologie des avocats;
3- a, à Québec, entre le 30 octobre 2018, date où il est informé de l’audience du 15 novembre 2018, et cette date, fait défaut de faire preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnable en négligeant d’informer son client [A] que son dossier numéro […] avait été fixé pour audience devant le tribunal le 15 novembre 2018, contrevenant ainsi à l’article 39 du Code de déontologie des avocats;
4- n’a pas, à Québec, depuis le début de son mandat, soit le ou vers le 10 octobre 2017, et jusqu’à la fin de son mandat, soit le ou vers le 15 novembre 2018, fait preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnable en ne retournant pas tous les appels de son client [A], contrevenant ainsi à l’article 39 du Code de déontologie des avocats;
5- a, à Québec, le ou vers 3 juillet 2018, reçu une somme de 2000 $, en espèces, sans remettre à son client [A] un reçu contenant les renseignements prescrits contrevenant ainsi à l’article 70 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats;
6- a, à Québec, le ou vers le 3 juillet 2018, fait défaut de déposer sans délai dans un compte général en fidéicommis la somme de 2000 $, reçue en espèces, que lui avait remis de son client [A] à titre d’avance d’honoraires et de débours en lien avec ses dossiers numéros […], […] et […], contrevenant ainsi à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats;
7- s’est, à Québec, le ou vers le 3 juillet 2018, approprié la somme de 2000 $ qu’il avait reçue en espèces de son client, [A], à titre d’avances d’honoraires et de débours et pour laquelle aucune facture n’a été émise et aucun service d’une telle valeur ne lui avait été rendu à cette date, contrevenant ainsi à l’article 59.2 du Code des professions.[11]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
CONTEXTE
A) Preuve du plaignant
[12] Le Conseil résume la preuve du plaignant comme suit.
[13] L’intimé est inscrit de façon continue au tableau du Barreau depuis le 15 novembre 2002 à l’exception de périodes où il fait l’objet de radiations administratives pour non-respect des exigences en matière de formation continue obligatoire et non-paiement de la cotisation annuelle[12]. Il est membre du Barreau pendant les périodes couvertes par les cinq plaintes.
[14] Il exerce sa profession d’avocat en pratique privée en défense dans les domaines du droit criminel et pénal depuis son congédiement du DPCP.
1ère plainte disciplinaire - dossier no 06-17-03089
[15] Le 19 mai 2017, alors que l’intimé se trouve dans le local des avocats de la défense au palais de justice, il demande à Me C, une ancienne collègue au DPCP, de lui présenter la personne qui l’accompagne. Elle introduit cette avocate récemment embauchée au Bureau des affaires de la jeunesse aux personnes présentes en précisant qu’elle est en observation.
[16] Alors que Me C parle en bien d’un autre avocat qu’ils connaissent tous les deux, l’intimé l’interrompt en lui disant « et il t’est venu partout sur le corps » en ricanant[13]. Elle lui répond froidement « pas du tout »[14].
[17] Un avocat présent dans la salle dit à l’intimé qu’il est raide cet après-midi. Afin d’éviter d’attirer davantage l’attention sur cet incident, Me C réplique que c’est vendredi après-midi. L’intimé dit quant à lui que c’est une blague.
[18] Après que le plaignant ait initié une enquête, l’intimé dans sa réponse du 30 juin 2017 :
[26] […] confirme que les événements décrits par [Me C] sont conformes à ces souvenirs.
[27] […] explique que lorsque [Me C] est entrée dans le local réservé aux avocats de la défense, ses collègues et lui avaient une discussion légère et amicale sur différents sujets, dont l’infidélité.
[28] Or, puisqu’il a déjà travaillé avec elle et qu’ils ont toujours eu une excellente relation, il a voulu l’inclure dans leur discussion et badiner avec elle.
[29] Lorsqu’il a constaté qu’elle n’était plus à l’aise d’avoir ce genre de discussion avec lui, il a cessé en indiquant qu’il ne faisait que vouloir rire avec elle. Il conclut : Si [ses] propos ont été offensants ou blessants, [il] tient à [s’]en excuser sincèrement auprès de [Me C].[15]
[19] Me C accepte ses excuses en précisant que ses propos « lui paraissent profondément offensants et indignes d’un membre du Barreau »[16].
[20] Le 2 octobre 2017, une plainte contenant un chef d’infraction est déposée. Le 16 mai 2018, après que l’intimé eut enregistré un plaidoyer de culpabilité, le conseil le déclare coupable d’avoir manqué à son devoir d’agir avec honneur, respect, modération et courtoisie en tenant des propos à caractère sexuel, inappropriés et inconvenants à l’égard de Me C contrairement à l’article 4 du Code de déontologie des avocats.
[21] Le 19 juin 2018, le conseil lui impose une amende de 3 000 $. Aucun appel n’est interjeté.
2e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-030109
[22] Le 20 février 2018, le plaignant dépose une seconde plainte contre l’intimé contenant quatre chefs d’infractions libellés ainsi :
1- a, à Québec, le ou vers le 11 mai 2017 lors de l'audition à la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, dans le dossier no [...], devant le juge A, j.c.q., fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en affirmant que le juge laissait paître les détenus en cellule et qu'il semblait n'avoir aucune considération pour cet élément, tel que reproduit aux notes sténographiques (pages 5 et 6) et à l'enregistrement audio de l'audition du 11 mai 2017, contrevenant ainsi à l'article 111 du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions;
2- a, à Québec, le ou vers le 11 mai 2017 lors de l'audition à la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, dans le dossier no [...], devant le juge A, j.c.q., fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice lorsque le juge A a voulu connaître les disponibilités de l'intimé pour la semaine du 5 juin 2017 l'obligeant à répéter sa question à plusieurs reprises, tel que reproduit aux notes sténographiques (pages 39 à 48) et à l'enregistrement audio de l'audition du 11 mai 2017, contrevenant ainsi à l'article 111 du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions;
3- n'a pas, à Québec, le ou vers le 11 mai 2017 lors de l'audition à la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, dans le dossier no [...], devant le juge A, j.c.q., agi avec respect et courtoisie envers le tribunal en faisant des remarques sur les connaissances personnelles en droit du juge, tel que reproduit aux notes sténographiques (pages 25 à 27) et à l'enregistrement audio de l'audition du 11 mai 2017, contrevenant ainsi à l'article 112 du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions;
4- n'a pas, à Québec, le ou vers le 20 juillet 2017, lors de l'audition à la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, dans le dossier no [...] présidée par la juge B, j.c.q., agi avec honneur, dignité, respect, modération et courtoisie en tenant des propos inappropriés à l'endroit de [Me D], représentant du DPCP, en déclarant: «qu'il est de mauvaise foi, qu'il remplit pas son travail, qu'il est paresseux dans le dossier, qu'il divulgue pas la preuve et qu'il se tourne les pouces et manifestement, qu'il n'a aucune considération pour les droits constitutionnels des personnes qui sont présentement détenues », tel que reproduit aux notes sténographiques (page 40) et à l'enregistrement audio de l'audition du 20 juillet 2017, contrevenant ainsi aux articles 4 et 132 du Code de déontologie des avocats et 59.2 du Code des professions.[17]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
[23] Les trois premiers chefs visent le comportement de l’intimé à l’endroit d’un juge de la Cour du Québec alors que le quatrième chef fait état de propos inappropriés à l’endroit d’un représentant du DPCP prononcés lors d’une audition devant une autre juge.
[24] L’audition sur culpabilité a eu lieu. Au moment où l’audition sur la présente requête se déroule, l’affaire est en délibéré depuis le 4 octobre 2018.
3e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03129
i) Événements du 25 avril 2018
[25] Le 25 avril 2018, l’intimé représente un client lors d’une audition devant la Cour municipale présidée par la juge Joanne Tourville (la juge).
[26] Après avoir rejeté une requête en arrêt des procédures et subsidiairement en exclusion de la preuve, elle offre à l’intimé de lui accorder quelques minutes avant de poursuivre l’audience. L’intimé répond qu’« En fait, on devrait fixer pour la défense pour la suite »[18]. La procureure de la poursuite s’objecte en indiquant qu’il est convenu que la défense continue le jour même.
[27] S’en suivent des échanges entre la juge et l’intimé durant lesquels ce dernier dit qu’il n’est pas en mesure de procéder et qu’il ne procédera pas aujourd’hui, et ce, même si la juge le force à le faire au fond[19].
[28] L’intimé mentionne avoir été malade toute la semaine et offre d’apporter des billets médicaux si la juge le souhaite. Il ajoute qu’« avec grand respect », la demande qu’il lui fait ne nécessite pas d’explication supplémentaire et d’ajournement et que dans l’intérêt de tout le monde, il serait préférable de reporter la suite du procès. Voici la continuation de cet échange :
LA COUR :
O.K. Là, vous avez commencé en me demandant une remise. Par la suite, vous me parlez de maladie. Tout ce qu’on veut, là, dans toutes les demandes de remise...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Mais ce n’est pas par la suite...
LA COUR :
... ça prend une raison. C’est simplement ça.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ce n’est pas par la suite, Madame la juge.
LA COUR :
O.K.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vous ai dit, je ne suis pas en état de procéder. Je vais vous demander une remise. Ce n’est pas suffisant, vous voulez en savoir plus.
Je vous dis, entre autres, la semaine dernière, j’ai été malade. Et je peux vous apporter mes billets de médecin, si vous voulez. Je peux faire témoigner ma mère. Je peux faire témoigner tout le monde.
Mais, moi ce que je vous dis, je ne suis pas en état de procéder. Je vous demande une remise.
LA COUR :
Bon.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vais prendre votre suspension. Je vais appeler ma mère pour qu’elle se présente pour témoigner en ma faveur, s’il le faut, je vais lui demander d’apporter mes billets médicaux.
Mais, bien honnêtement, je trouve qu’au niveau du respect pour le procureur, c’est ordinaire.
LA COUR :
Je m’excuse, mais je ne suis loin... je suis loin d’avoir statué. Et c’est vous, après ma décision, qui vous levez avec une certaine véhémence.
Alors, moi, je n’ai jamais dit...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien, si êtes susceptible, Madame la juge, là...
LA COUR :
... encore, je n’ai pas statué sur la demande de remise.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
Mais tout ce que je veux, c’est...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... moi, je ne suis pas ici pour ménager les susceptibilités du Tribunal. Je vous l’ai dit, ça n’a pas rapport avec votre décision. Je ne suis pas en état de procéder, je vous demande une remise.
LA COUR :
Parfait.
Alors là, vous allez me dire que vous êtes prête, là, la poursuite, et que c’était convenu que ça procède.
Me CATHERINE GOUIN-VALLERAND
procureure de la poursuite :
Exact.
LA COUR :
Parfait. Donc, je suspends quelques instants.[20]
[29] À son retour, la juge demande à l’intimé sa prochaine disponibilité. Il répond la fin du mois d’août en expliquant avoir un procès de 3 mois débutant le 30 avril. Il lui coupe la parole à quelques reprises et mentionne entre autres qu’il va cesser d’occuper :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
De toute façon, Madame la juge, juste... seulement une chose.
Lorsque j’étais venu pour procéder, j’ai demandé une remise dans ce dossier-là. Je vous ai expliqué les motifs, puis on me l’a refusée. On me les refuse tout le temps, les remises.
Vous pouvez me la refuser puis me forcer à procéder, Madame la juge. Mais je peux vous garantir quelque chose : je ne procéderai pas, je vais cesser d’occuper; monsieur s’arrangera tout seul.
Parce que... parce que moi, des remises, là, si... de la Ville de Québec, dans mes dossiers, je ne les conteste jamais.
Encore dans un dossier récent, là, madame […], on m’a fait deux (2) demandes de remise que je n’ai pas contestées parce que la policière était en congé maternité.
Puis quand c’est venu le temps que moi je fasse une demande de remise, on l’a contestée, même si je renonçais au délai.
Puis...
LA COUR :
Maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... la dernière fois, la dernière fois lorsque j’ai demandé une remise, j’avais eu une semaine débordée et je me suis présenté devant vous et je vous ai dit : on est tous des humains, je suis fatigué, ce n’est pas l’idéal. Ça l’a procédé quand même.
Je vous dis encore une fois aujourd’hui que pour l’avocat qui représente monsieur […], en raison de la maladie qu’il a eue la semaine d’avant, ce n’est pas l’idéal pour procéder et je vous demande une remise, en tenant compte du fait que je ne suis pas disponible les trois (3) prochains mois, et qu’on renonce au délai.
LA COUR :
Mais, maître Parent, moi, comme je vous ai dit, là de toute façon, il y a plusieurs des arguments où je n’ai pas à répondre puisque ce n’est pas le cas de monsieur […].
Ma réflexion porte beaucoup sur la situation de monsieur […], sur le fait de vous accorder ou non votre demande.
Ce matin, lorsque vous vous présentez, vous ne me faites pas état de cela et vous semblez plutôt de bonne humeur et vous êtes en mesure d’entendre mon jugement.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah, je ne l’étais pas, Madame la juge. Je n’étais pas de bonne humeur ce matin.
LA COUR :
Vous êtes en mesure -- écoutez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
J’étais de très...
LA COUR :
Écoutez-moi, là, il faut que je vous... que je vous explique.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... mauvaise humeur, ce matin, de devoir me présenter ici...
LA COUR :
Quoi qu’il en soit...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... pour ce dossier-là, alors que j’avais demandé une remise la dernière fois et que j’ai été obligé de plaider et que, après que j’aie plaidé, on m’a dit : «Avant que je rende ma décision sur la requête, faites votre défense», puis j’ai été obligé de... encore une fois insister pour que je ne fasse pas ma défense parce que je n’étais pas prêt, parce que je n’ai pas eu le temps de rencontrer mon client, puis je vous l’avais expliqué.
Écoutez, vous me refusez tout dans ce dossier-là.
Continuez, ça ne me dérange pas.
LA COUR :
Bon. Vous avez terminé? Je peux parler?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Comme vous voulez.
LA COUR :
Parfait.
Alors, j’ai à cœur les intérêts de monsieur […]. Il y a déjà eu une première demande de remise. Je me souviens, c’est moi qui étais ici, alors que c’était pour... c’était mis au rôle parce que c’était votre ancienne associée, maître […], qui était initialement l’avocate de monsieur […].
On vous avait accordé une première remise. Ça avait été remis, donc, la date de l’audition de cette présente requête.
Effectivement le matin, votre motif, c’était à l’effet que vous avez un détenu qui était sur une durée, là, au niveau de l’enquête caution, c’était plus long qu’envisagé. Vous saviez que ce procès-là, vous l’aviez. Alors, c’était plutôt un élément nouveau, c’est-à-dire la représentation d’un nouveau client qui était maintenant détenu, qui faisait en sorte que ça vous causait un problème dans le cas de monsieur […].
On a été, effectivement, le Tribunal a...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Refusé.
LA COUR :
Arrêtez de m’interrompre.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je pensais que vous cherchiez vos mots.
LA COUR :
Le Tribunal a permis...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Refusé.
LA COUR :
... à l’avocat de la défense d’aller devant la Cour supérieure.
Par la suite, j’ai demandé si l’avocat du requérant avait besoin de temps pour rencontrer son client.
Finalement, l’ensemble des parties a fait qu’on a pris une... une décision de commencer.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, (inaudible).
LA COUR :
Attendez! Arrêtez de m’interrompre, maître Parent!
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, Madame la juge, c’est parce que...
LA COUR :
Je suis en train, de toute façon, là... écoutez!
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non.
LA COUR :
Je ne suis pas en train de rendre ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ce n’est pas grave.
LA COUR :
Je suis en train de faire un état, un état de la situation. Je vais vous écouter, puis après...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Mais... (inaudible) de la situation, si vous voulez que je ne vous interrompe pas, vous devez le faire conforme à ce qui s’est passé. Puis ce n’est pas vrai qu’on a pris la décision toutes les parties ensemble qu’on allait continuer, la dernière fois.
Je vous l’ai dit, je me suis objecté. Je voulais une remise. Vous m’avez fait aller à la Cour supérieure, revenir ici, prendre trente (30) minutes pour rencontrer mon client pour finalement me faire procéder.
Vous ne viendrez pas dire que c’est une décision qui a été conjointe des parties. Ça, ce n’est pas vrai.
Maintenant, vous pouvez continuer votre résumé des faits.
LA COUR :
Donc, on a procédé à la dernière date. Et, par la suite, en fin de journée, vers seize heures (16 h), la poursuite voulait continuer dans le dossier sur le fond parce qu’effectivement, dès le début, j’avais dit qu’on allait procéder autant sur la requête que...
En fait, j’avais dit (inaudible) parce que je l’avais réécouté, qu’on allait terminer ce dossier-là.
Maintenant, il était rendu seize heures (16 h). Effectivement, maître Parent, contrairement à ce qu’il dit, c’est qu’il n’avait pas encore rencontré son client, parce qu’il se disait prêt à procéder sur la requête sans avoir besoin d’abord de rencontrer son client.
Donc, à seize heures (16 h), ça ne lui permettait pas de rencontrer son client. La journée, il se faisait tard, effectivement. Alors, on a convenu de remettre à aujourd’hui. Et maître Parent a plaidé en disant que ça n’avait pas de bon sens de continuer le procès sans que ma décision soit rendue.
Donc, maître Parent a eu gain de cause à ce moment-là; on l’a remis à aujourd’hui.
L’important...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je n’ai pas eu...
LA COUR :
L’important, c’est de savoir que la défense était au fait que ce matin, le dossier, c’était non seulement la décision, mais c’était même possible que le Tribunal ne soit pas en mesure de rendre sa décision parce que je voulais un délai plus long, considérant l’ensemble des délibérés.
Et j’ai été en mesure de la rendre dans le but, justement, d’un souci d’avancer avec diligence dans le dossier de monsieur […].
Or, je rends ma décision, et là on est prêt à continuer. La poursuite, elle est prête. On a le temps d’entendre la suite du procès.
Là, ce que je comprends de la demande de remise, c’est en raison de l’état... l’état. Ça semble être l’état de santé, en raison du fait que là maître Parent a été malade la semaine dernière. Sauf que là, le Tribunal est face à la situation suivante.
Comme je vous dis, je suis prête... j’aurais... je suis prête, et dans l’intérêt de monsieur […], d’accorder quelques jours.
Mais là, là, la situation, elle est la suivante. Vous me demandez le mois d’août. Ça date de deux mille seize (2016). Oui, les tribunaux doivent faire en sorte que ça procède avec diligence.
On peut remettre... il faut qu’il y ait une solution qui soit alternative avant le mois d’août.
La dernière fois, d’ailleurs, quand j’avais entendu maître Parent, vous sembliez dire que des fois, il y avait des trous dans un procès de longue durée.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui.
LA COUR :
Alors, j’étais prête, dans l’intérêt de monsieur […], à essayer de faire un bout de chemin en ne vous forçant pas à procéder aujourd’hui. Mais je ne peux pas remettre ça à la fin août, début septembre. Il faut qu’il y ait une solution mitoyenne.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Il n’y en a pas.
LA COUR :
D’autant plus, comme je le dis, que vous êtes en état d’entendre ma décision...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Mais il y en aura pas.
LA COUR :
... vous êtes en état de vous présenter ce matin...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Il y en aura pas.
LA COUR :
... et vous allez être en état, le trente (30) avril, de commencer un procès de trois (3) mois.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Il n’y en aura pas, Madame la juge, de situation mitoyenne. Il n’y en aura pas.
Soit vous me forcez à procéder aujourd’hui puis je cesse d’occuper, ou soit qu’on reporte au mois d’août.
LA COUR :
Pour cesser d’occuper, vous allez devoir avoir mon autorisation.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui. Puis si vous ne me donnez pas l’autorisation, je vais rester assis ici, puis vous condamnerez monsieur sans qu’il ait personne pour le représenter.
LA COUR :
Bon.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
C’est... si vous...
LA COUR :
Alors...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... si c’est de cette façon-là que vous pensez...
LA COUR :
Savez-vous quoi, maître parent? Savez-vous quoi?
Je vais aller plus loin.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge!
LA COUR :
Non, non! Là, je rends ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous allez baisser le ton.
LA COUR :
Non. Je rends ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous allez... vous allez baisser le ton.
LA COUR :
Là, je vous ordonne...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous n’avez pas à me crier après, Madame la juge.
LA COUR :
Non. Je ne vous crie pas après.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous n’avez pas à me crier après.
LA COUR :
Vous...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui, vous me crier après.
LA COUR :
Non. Vous m’interrompez sans arrêt.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Et vous allez garder un ton qui permet une audience sereine et un débat serein dans une salle d’audience, Madame la juge.
LA COUR :
Je vous demande d’avoir, et on va le noter au procès-verbal...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge, je vous demande de suspendre.
LA COUR :
Je vais suspendre.[21]
[30] L’intimé revient de la pause en disant que son client l’a informé ne plus avoir confiance en ses services. En réponse à des questions de la juge, le client mentionne entre autres que l’intimé lui a dit en arrivant ce matin-là qu’il n’était pas en état de procéder, qu’il était malade. En résumé, le client souhaite toujours être représenté par l’intimé à la fin août et a toujours confiance en lui, mais pas ce jour-là.
[31] La juge informe l’intimé qu’elle va accepter l’offre qu’il lui a faite lorsqu’il lui a demandé la remise en lui ordonnant de déposer ses billets médicaux et que sa mère vienne témoigner à la Cour. L’intimé refuse. Ils ont ensuite un échange durant lequel il lui dit qu’il cesse d’occuper et il l’interrompt à plusieurs reprises. En voici des illustrations :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Quelle est votre décision sur cette requête?
LA COUR :
Vous devez cesser de m’interrompre. Vous m’affrontez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
Je dois m’exprimer. Je vais vous demander...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Est-ce que vous vous êtes calmée?
LA COUR :
Je vais vous demander...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Est-ce que la pause vous a permis de vous calmer, Madame la juge?
LA COUR :
Maître Parent, je vais être obligée de demander qu’on vous expulse. Je ne suis pas capable de rendre des décisions.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
Je vais vous demander de cesser de m’interrompre. Je vais la rendre, ma décision. Cessez de m’interrompre.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vous demande de rendre une décision sur la requête que je vous ai présentée, pas de me poser d’autres questions puis me rendre d’autres ordonnances, Madame la juge!
LA COUR :
Je dois... je dois motiver mes décisions. Alors, je vous demande de...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui, mais là vous ne le faites pas, vous rendez une autre ordonnance, alors que je vous ai demandé de cesser d’occuper dans un dossier.
LA COUR :
Je vais vous demander de cesser de m’interrompre. Je vous le dis...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
... je ne veux pas vous expulser. Je devrai le faire...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
... et rendre mes décisions en votre absence parce que je dois motiver...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
J’ai cessé d’occuper dans le dossier, Madame la juge.
LA COUR :
Non. Je dois vous... je dois vous accorder une cessation d’occuper. Vous me demandez...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
C’est accordé? Merci!
LA COUR :
Non, je ne fais pas ça. Je suis en train de motiver ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Merci, Madame la juge. Bonne fin de journée.
LA COUR :
Alors, c’est la décision que vous prenez de quitter?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien, (inaudible).
LA COUR :
Malgré que ma décision n’est pas rendue très clairement ?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous venez de me dire que vous m’accordiez l’autorisation de cesser d’occuper.
LA COUR :
Non, ce n’est pas ça que j’ai dit. Je vous ai demandé de cesser de m’interrompre et je devrai motiver ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bon. Bien, j’aimerais ça qu’on prenne ma requête pour cesser d’occuper.
LA COUR :
Si vous arrêtez de m’interrompre, je vais le faire.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien, c’est parce que ce n’est pas ça que vous avez fait, là. Vous êtes en train de me rendre des ordonnances : vous allez... vous allez dire à votre mère de venir; vous allez présenter des billets médicals...
LA COUR :
Je vais vous demander de vous asseoir, s’il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge... Madame la juge...
LA COUR :
Est-ce que vous voulez vous asseoir, s’il vous plaît?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui, Madame la juge.
LA COUR :
Très bien. Merci.
Donc, on me demande une requête pour cesser d’occuper au motif suivant.
On fait entendre comme preuve monsieur […].
Monsieur […] expose la situation en expliquant qu’il n’a plus confiance en son procureur en raison de ce qu’il a observé tout au long cet avant-midi, dû aux échanges qui sont survenus suite à ma décision.
Or, ce que je comprends clairement, c’est qu’il n’a plus confiance en maître Parent aujourd’hui pour le représenter. Mais il aura confiance...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Après (inaudible) à la Cour.
LA COUR :
Je rends ma décision, s’il vous plaît.
Il aura confiance...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous l’avez piégé.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... éventuellement, au mois de septembre.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous l’avez piégé en lui posant des questions illégales, Madame la juge.
LA COUR :
Maître Parent, vous ne souhaitez pas...
Est-ce que c’est ce que vous souhaitez que je vous expulse dans le but d’avoir un recours devant un tribunal d’instance supérieure?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge, je ne souhaite rien du tout.
LA COUR :
Alors, cessez...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Moi ce que je souhaiterais, c’est que vous rendiez des décisions conformes au droit, et que vous nous écoutiez également les deux (2) parties, et que vous n’accordiez pas toujours raison au poursuivant, sans égard à ce que la défense vous demande. C’est ce que j’aimerais. Si...
LA COUR :
Donc, (inaudible)...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
ça implique que vous m’expulsez de la salle, Madame la juge, parce que vous considérez que c’est un cas où vous devez m’expulser de la salle, expulsez-moi de la salle.
Moi, par exemple, ce que je considère, Madame la juge, c’est que dès le départ, lorsque je vous ai demandé une remise, vous avez haussé le ton, vous avez... vous avez perdu votre...
LA COUR :
Maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... vous avez perdu votre sérénité...
LA COUR :
... on n’a pas à avoir cet échange-là.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous avez perdu votre sérénité.
LA COUR :
Arrêtez de m’interrompre. Je dois...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous avez été obligée de suspendre, Madame la juge, pour reprendre votre sérénité.
LA COUR :
Tout ce que vous dites, dans le but que ce soit enregistré et présent sur les notes sténographiques, est inexact. Je comprends que vous souhaitez...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non...
LA COUR :
... forger un éventuel appel en indiquant plein de choses sur les notes qui seront sténographiques, enregistrées.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
Mais là, vous cessez de m’interrompre.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Regardez... regardez où ce que vous êtes rendue.
Vous êtes rendue à penser que je crée des artifices pour invoquer un droit d’appel, alors que le procès n’est pas fini.
Vous voulez le condamner? Quel droit d’appel?
Le procès n’est pas fini!
Pourquoi vous parlez d’un appel, là? Il est condamné, ce monsieur-là?
LA COUR :
(Inaudible), maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je pense que je vais vous demander de vous récuser si vous parlez d’un appel, alors qu’il n’y a pas encore eu de condamnation.
LA COUR :
Maître Parent, assoyez-vous, s’il vous plaît.
Donc, considérant qu’il souhaiterait...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Faites attention, Madame la juge.
LA COUR :
... considérant qu’il souhaiterait que vous soyez son procureur en septembre, et que lorsque je suis venue, ce matin, après la demande de remise que vous m’avez formulée, la première question que je vous ai demandée, c’est quelles étaient vos dates de disponibilité.
Or, vous m’avez dit que dès le trente (30) avril, vous étiez absent.
Ce qui fait donc que l’ensemble de cette requête pour cesser d’occuper est dans l’objectif d’obtenir une remise en septembre, puisqu’en septembre, monsieur […] va avoir confiance aux services de maître Parent.
Donc, ça ne sert à rien d’accorder une requête pour cesser d’occuper puisque, nécessairement, maître Parent sera le procureur au dossier en septembre, parce que monsieur […] aura confiance en lui.
De toute évidence…[22]
[32] La juge rend sa décision et ordonne à l’intimé d’avoir des billets médicaux, ainsi que sa mère qui peut témoigner par affidavit. L’intimé exprimant ne pas avoir l’intention de faire témoigner sa mère, elle rejette sa requête pour cesser d’occuper et ordonne de procéder le jour même.
[33] La procureure de la poursuite fait part au Tribunal « qu’on avait estimé » que la preuve du voir-dire était déposée dans la preuve de la poursuite et que celle-ci est par conséquent close[23]. L’intimé réplique qu’il aimerait contrevérifier si cela avait été mentionné. La juge répond que cela avait effectivement été dit. L’intimé prend alors position à l’égard de la demande de la poursuite en indiquant que c’est refusé, que : « on ne l’accepte plus »[24].
[34] La juge dit que le versement de la preuve avait fait l’objet d’une admission consignée au procès-verbal. Elle demande à la greffière si le tout est exact. Voici des extraits des notes sténographiques à ce sujet :
LA COUR :
Je le sais que ç’a été dit.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah, c’est sûr. Hein?
LA COUR :
Parce que j’ai des notes, parce que je suis juge, j’ai des notes...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Parce que vous êtes juge depuis... parce que vous êtes juge!
LA COUR :
Parce que je suis juge depuis quelques mois, vous avez raison, je prends des notes de ce qui se déroule dans les audiences.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Parce que vous êtes juge! Parce que vous êtes juge.
LA COUR :
Parce que je suis juge, je dois prendre des notes, maître Parent.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Oui. Vous savez ce qui s’est passé parce que vous êtes juge. J’ai bien compris.
LA GREFFIÈRE :
Je n’ai pas l’information consignée au procès-verbal, Madame la juge.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah!
LA COUR :
Alors, vous souhaitez que je réécoute?
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah, je le veux absolument, parce que moi je n’ai pas le même souvenir, Madame la juge. Je n’ai jamais consenti à ce que ce soit versé, parce que je n’étais même pas d’accord à ce qu’on procède.
LA COUR :
Alors, je vais aller réécouter.[25]
[…]
LA COUR :
Maître Parent, c’est vous... vous me demandez... parce que vous n’admettez plus. Maintenant, je vais aller...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je n’admettais plus?
Où vous trouvez ça que j’ai admis ça, Madame la juge?
LA COUR :
Donc, je vais aller réécouter.
Parfait. Je vais réécouter.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
C’est vrai que vous êtes juge, vous le savez.[26]
[…]
LA COUR :
Je vais vous demander de vous lever, maître Parent, s’il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Est-ce que -- oui, c’est vrai, vous êtes juge.[27]
[35] L’intimé lui demande si la défense peut également avoir l’opportunité de réécouter l’audience et la juge le réfère au greffe. Après lui avoir fait part qu’il confronte le Tribunal, elle lui dit que sa question est simple et la résume comme suit : « Est-ce que vous allez pouvoir faire la demande? »[28]. Voici les échanges qui suivent entre eux :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge, calmez-vous, Madame la juge.
LA COUR :
Je vais vous demander d’aller vérifier au greffe.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Restez... restez calme.
LA COUR :
C’est terminé.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Restez calme, Madame la juge.
LA COUR :
Le dossier est... on va appeler -- il y a d’autres dossiers.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Madame la juge...
LA COUR :
Ce n’est pas pertinent, l’ensemble de vos autres propos, maître Parent.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Mais vous ne m’avez pas, vous ne m’avez pas laissé terminer, Madame la juge.
LA COUR :
Votre question, elle est simple. J’y ai répondu.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non.
LA COUR :
C’est terminé.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ce que je veux savoir...
LA COUR :
Vous allez pouvoir aller faire la réécoute. C’est tout. On appelle l’autre dossier.[29]
[…]
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
J’ai perdu assez de temps, là, ce matin, là. Là, vous allez fixer une heure pour qu’on continue, puis c’est tout, là. Ce n’est pas vrai que je vais être en attente de cinq (5) minutes en cinq (5) minutes, que...
LA COUR :
Maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... vous vous défâchiez, que vous vous calmez, que vous reveniez, que vous...
LA COUR :
Si vous trouvez l’information, c’est correct.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, Madame la juge. Je vous dis, fixez une heure.
Moi je vous l’ai dit, l’information, ça n’a pas...
LA COUR :
On essaie de gérer les rôles du mieux possible. Il y a beaucoup d’autres dossiers cet après-midi, puis il est onze heures et quart (11 h 15).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah, puis vous pensez que je n’en ai pas beaucoup de dossiers, Madame la juge?
Vous pensez que c’est le seul que j’ai?
Je me suis présenté pour vous dire à quel point... le... ma charge de travail, associée avec le fait que j’ai été malade la semaine dernière, faisait en sorte que je n’avais pas le temps de procéder aujourd’hui. Et là, vous me faites perdre ma journée en suspendant de cinq (5) minutes en cinq (5) minutes.
LA COUR :
Alors, je vais donc...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Une heure trente (1 h 30), je vais être ici.[30]
[36] La juge reporte l’audition à 13 h 30. Après avoir écouté l’enregistrement, elle conclut en ce qui a trait à la question du consentement au versement de la preuve dans le dossier sur le fond, que cela n’a pas été dit mot à mot, mais qu’il y avait bien eu consentement à ce faire[31]. Au surplus, elle est d’avis qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de recommencer la preuve de la poursuite.
ii) Événements du 3 mai 2018
[37] Le 3 mai 2018, Me E, avocat au DPCP, sort d’une salle d’audience à la suite d’une suspension lors d’un procès d’incitation à des contacts sexuels sur une jeune fille âgée de moins de 14 ans. Alors qu’il se dirige vers un cubicule avec la victime et ses parents, il croise l’intimé qui dit à Me Mathieu Giroux d’une voix suffisamment forte afin qu’il puisse l’entendre que : « les victimes ne sont pas choyées avec des procureurs aussi incompétents »[32].
[38] Après un bref échange avec la famille de la victime, il croise à nouveau l’intimé et qualifie ses propos précédents devant les victimes d’inacceptables. Ce dernier lui répond d’aller se faire soigner. Me E réplique « qu’il n’a pas l’air à filer, qu’il a beaucoup maigri et que c’est lui qui devrait consulter »[33].
[39] L’intimé s’approche de Me E et l’invite à se battre à l’extérieur du palais de justice. Ce dernier lui répond que « s’il veut le frapper, qu’il le fasse immédiatement et qu’il vivra avec les conséquences. [L’intimé] quitte en [le] narguant et en disant qu[‘il] devra[t] refaire [s]on Barreau, ce qu’il crie suffisamment fort pour que le constable […] puisse l’entendre »[34].
iii) Événements du 16 mai 2018
[40] Le 16 mai 2018, l’intimé représente un client lors d’une audition devant la Cour supérieure, division criminelle et pénale, présidée par l’honorable juge C (le juge).
[41] Lors de la présentation de la preuve de la poursuite, l’intimé pose la question « il l’as-tu vu récemment » pendant le visionnement d’un enregistrement vidéo. L’avocate de la poursuite demande au juge si l’intimé peut se taire. L’intimé répond « Bien oui, bien oui, bien oui »[35].
[42] Le juge intervient afin que l’écoute de l’enregistrement se déroule en silence et en vient ultimement à exclure l’intimé de la salle d’audience pendant le visionnement de la vidéo :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Bien, je le sais que vous ne l'avez pas vue.
LA COUR:
C'est ça.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Ça ne veut pas dire qu'elle ne l'a pas fait.
LA COUR
Bon.
Alors, s'il vous plaît, là, on va garder le silence, tout le monde...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Je vais...
LA COUR:
... le temps que, moi, j'écoute ça.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Moi, là, Monsieur le Juge, là, éventuellement, là, je vais encadrer la décision de la Cour suprême DPCP contre Jodoin, je pense que les gens devraient la lire cette décision-là, qui dit c'est le travail de l'avocat de la défense de contester avec vigueur les prétentions des autres acteurs du système judiciaire», c’est la cour suprême qui dit ça et elle parle procureurs de la couronne.
LA COUR:
Juste un instant.
Moi, je (inaudible)
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Donc, j'ai le droit de contester et j'ai le droit de manifester!
Je trouve que ça n'a pas de bon sens!
LA COUR:
Maître...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé :
C'est tout!
LA COUR:
Vous vous assoyez ou vous sortez.
ME JEAN-ROCH PARENT
Procureur de l’accusé :
Je vais…
La cour
Moi, je vais écouter le vidéo.
ME JEAN-ROCH PARENT
Procureur de l’accusé :
Je vais m'assoir, mais, Monsieur le Juge...
LA COUR
Et sans parler.
JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Oui, mais je vais quand même vous dire que de me menacer de sortir de la salle, c'est inacceptable!
LA COUR
Peut-être, mais votre comportement, il l'est autant plus, alors vous restez assis, s'il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Je me conforme, comme la Cour suprême me dit de le faire, Monsieur le Juge!
LA COUR:
Parfait!
Alors, reprenez, s'il vous plaît.
* * * *
REPRISE DU VISIONNAGE DE L'ENREGISTREMENT VIDÉO
* * * *
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Tout un commissaire!
LA COUR
(Inaudible).
Sortez, Maître Parent!
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Pour vrai?
LA COUR :
Oui.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Vous me demandez de sortir!
Vous allez continuer le procès sans moi?
* * * *
SUSPENSION DU VISIONNAGE DE L'ENREGISTREMENT VIDÉO
* * * *
LA COUR
Oui.
Vous l'écouterez par après, quand vous serez tout seul, ça va... sortez.
JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Vous, Monsieur le Juge, là, est-ce que ça vous...
LA COUR:
Madame la... voulez-vous sortir le constable... euh...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Je vais sortir, pas besoin, je vais sortir.
Je comprends, là, que c'est un ordre que vous me donnez de sortir de la salle?
LA COUR:
C'est un ordre comme les autres fois.
Vous ne vous êtes pas comporté correctement.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Oui, je le sais, Monsieur le Juge.
Je le sais.
Je le sais que ce n'est pas la première fois, c'est peut-être ça le problème, justement!
Ça arrive juste à moi!
Il y a juste vous qui me faites ça!
LA COUR:
Sortez-le, Madame...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
(Inaudible).
LA COUR:
... Madame la Greffière ... Madame la Constable, sortez-le.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Vous êtes (inaudible) d'éloges, Monsieur le Juge!
LA COUR:
Sortez-le.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Vous pouvez bien dire ce que vous voulez!
LA COUR:
Alors, Monsieur […], vous voyez le comportement de votre avocat.
Tant qu'il ne respectera pas le décorum, il doit être expulsé de la salle.
C'est triste pour vous, mais c'est l'avocat que vous avez choisi.
Alors, s'il ne se (inaudible) pas, on aura des problèmes à terminer le procès, mais on va le terminer, c'est sûr.
Vous comprenez bien?
L'INTERPRÈTE :
Est-ce que je peux parler?
LA COUR
Oui.
L'INTERPRÈTE
Est-ce que je peux parler?
Il demande : est-ce que je peux parler?
LA COUR
Oui.
L'INTERPRÈTE
Vous venez juste de dire, quoi, qu'on arrête ou quoi?
LA COUR
Non, je viens de dire qu'on va continuer le visionnement du vidéo.
L'INTERPRÈTE
Mais si je n'ai pas d'avocat qui me représente, qu'est-ce que je vais faire?
LA COUR:
Votre avocat a déjà vu ce vidéo-là, il pourra le voir, mais, après ça, on va lui permettre de revenir.
Mais tant qu'il aura ce comportement-là, on va faire la même chose.
Ça éternise les procédures.
Alors, comme vous êtes son client, vous pouvez lui demander que le procès puisse continuer le plus rapidement possible pour vous.
Alors, on va continuer le vidéo parce que ça n'a pas d'impact; votre avocat l'a déjà vu, ça vous permet de le voir.
Il pourra continuer à le regarder, s'il veut avoir du temps, il le regardera à l'extérieur de la salle, mais on va continuer le vidéo parce que... pour...
Parce que c'est moi qui dois prendre une décision, je dois pouvoir l'écouter paisiblement sans l'intervention à tout propos de votre avocat.
Alors, nous allons continuer le vidéo.
À la fin, nous prendrons une pause et espérons que votre avocat sera dans de meilleures conditions.
Parfait.[36]
[43] Ultérieurement, l’intimé informe le juge que son client désire souligner qu’il considère son « attitude impartiale »[37]. Le juge explique au client que l’intimé « doit comprendre qu’il doit respecter le décorum et les observations du juge. S’il ne le fait pas, il sera sanctionné de même manière qu’[il] l’a[..] fait ce matin »[38]. Une autre situation se présente par la suite :
Pouvez-vous nous expliquer comment ça se déroule?
[…]
R : À ce moment-là, je lui fais la relecture de sa déclaration.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
On l'a vu le vidéo, là!
LA COUR:
Maître...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Non, non, mais c'est parce que...
LA COUR:
Vous procéderez de la manière que vous voulez en contre-interrogatoire, mais laissez procéder en interrogatoire principal la procureure de la couronne.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Bien, je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus, Monsieur le Juge, là, parce que, quand je pose des questions en contre-interrogatoire, on s'objecte constamment sans raison et puis vous les accordez, on ne me laisse pas poser des questions et puis quand je suis trop insistant, on me sort de la salle d'audience, ça fait que, là...
LA COUR:
Parfait.
(Inaudible)... continuez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
T'sais, un moment donné, là.
LA COUR
(Inaudible).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Je veux dire, vous ne direz pas des choses comme ça, sous enregistrement, en pensant que je vais rester assis et puis que je ne dirai rien pour corriger la situation!
Vous accordez tout à la couronne, vous êtes impartial!
Le procureur de la couronne, là, mon client vous le dit, là, le procureur de la couronne, il la voit toujours intervenir, vous ne faites jamais rien quand c'est moi!
Mais aussitôt que je fais quelque chose, vous intervenez et, ça, mon client s'en rend compte et ça...
LA COUR
(Inaudible)
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
... ce n'est pas moi qui vous le dis, c'est mon client qu'il vous le dit.
LA COUR:
Assoyez-vous, Maître Parent.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Oui, je le sais, Monsieur le Juge, c'est votre préférée ça, « assoyez-vous, Maitre Parent»!
LA COUR:
Non, non.
Vous l'avez dit tantôt, vous irez à l'autre bout de (inaudible).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Ah, je ne (inaudible).
LA COUR:
C'est ça que vous m'avez dit tantôt.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Je ne vous (inaudible), on dirait que c'est ça que vous voulez!
LA COUR:
Allez-y, Maître, s'il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de l'accusé
Est-ce que c'est ça que vous voulez, Monsieur le Juge?
LA COUR
Allez-y, s'il vous plaît.
[…] procureure de la couronne
Merci![39]
iv) Dépôt d’une plainte disciplinaire
[44] Le 10 juillet 2018, le plaignant dépose une plainte à l’encontre de l’intimé contenant les chefs d’infractions suivants :
COUR MUNICIPALE- 25 AVRIL 2018
1- à Québec, le 25 avril 2018, lors d'une audition en Cour municipale devant la juge Joanne Tourville, j.c.m, dans le dossier no 17CC010257, a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en défiant et en refusant de se soumettre à l'autorité de la juge, en déclarant qu'il ne procèderait pas même si la juge le forçait à le faire et en reprochant à la juge d'être susceptible (page 35), tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
2- à Québec, le 25 avril 2018, lors d'une audition en Cour municipale devant la juge Joanne Tourville, j.c.m, dans le dossier no 17CC010257, a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en ne cessant d'interrompre la juge, tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 59 et suivantes) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
3- à Québec, le 25 avril 2018, lors d'une audition en Cour municipale devant la juge Joanne Tourville, j.c.m, dans le dossier no 17CC010257, a fait défaut d'agir avec respect, modération et courtoisie en répétant de façon sarcastique et méprisante à plusieurs reprises « parce que vous êtes juge », tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 79 et suivantes) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
4- à Québec, le 25 avril 2018, lors d'une audition en Cour municipale devant la juge Joanne Tourville, j.c.m, dans le dossier no 17CC010257, a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en disant à la juge, de manière familière et irrespectueuse, de se calmer tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 87 et suivantes) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
5- à Québec, le 25 avril 2018, lors d'une audition en Cour municipale devant la juge Joanne Tourville, j.c.m, dans le dossier no 17CC010257, a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en dictant à la juge sa conduite de la façon suivante : « j'ai perdu assez de temps, là, ce matin, là. Là, vous allez fixer une heure pour qu'on continue, puis c'est tout, là. Ce n'est pas vrai que je vais être en attente de cinq (5) minutes en cinq (5) minutes que ... vous vous défâchiez, que vous vous calmiez », tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 95 et suivantes) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
PALAIS DE JUSTICE DE QUÉBEC-3 MAI 2018
6- à Québec, le 3 mai 2018, dans un corridor du palais de justice de Québec, a traité un procureur du DPCP, [Me E], d'incompétent devant une jeune victime, sa mère et son père, manquant à son devoir d'agir avec respect, modération et courtoisie, contrevenant ainsi à l'article 4 et 132 du Code de déontologie des avocats;
7- à Québec, le 3 mai 2018, lors d'une suspension dans un corridor du palais de justice de Québec, a invité un procureur du DPCP, [Me E], à venir se battre à l'extérieur du palais de justice, manquant à son devoir d'agir avec respect, modération et courtoisie, contrevenant ainsi à l'article 4 du Code de déontologie des avocats.
COUR SUPÉRIEURE -AUDITION DU 16 MAI 2018
8- à Québec, le 16 mai 2018 lors d'une audition en Cour supérieure, division criminelle et pénale, devant le juge C, j.c.s. dans le dossier no [...], a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en ne respectant pas l'ordre du juge de garder le silence pendant le visionnement d'une vidéo obligeant le juge à l'expulser de la salle d'audience, tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 88 à 99) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
9- à Québec, le 16 mai 2018 lors d'une audition en Cour supérieure, division criminelle et pénale devant le juge C, j.c.s., dans le dossier no [...], a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en répondant au juge : « ... oui mais je vais quand même vous dire que de me menacer de sortir de la salle c'est inacceptable. » tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (page 94) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
10- à Québec, le 16 mai 2018 lors d'une audition en Cour supérieure, division criminelle et pénale devant le juge C, j.c.s., dans le dossier no [...], a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en répondant au juge:« vous pouvez bien dire ce que vous voulez » tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (page 97) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
11- à Québec, le 16 mai 2018 lors d'une audition en Cour supérieure, division criminelle et pénale devant le juge C, j.c.s., dans le dossier no [...], a fait défaut d'agir avec courtoisie et respect, a fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et a agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice en répondant au juge concernant les objections : « Bien je ne suis pas d'accord avec vous làdessus, Monsieur le Juge, là, parce que, quand je pose des questions en contre-interrogatoire, on s'objecte constamment sans raison et puis vous les accordez, on ne me laisse pas poser des questions et puis quand je suis trop insistant, on me sort de la salle d'audience, ça fait que, là ... Vous accordez tout à la couronne, vous êtes impartial! », tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (pages 231 et 232) et à l'enregistrement audio, contrevenant ainsi aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions;
12- à Québec, le 16 mai 2018 lors d'une audition en Cour supérieure, division criminelle et pénale devant le juge C, j.c.s., dans le dossier no [...], a fait défaut d'agir avec respect et courtoisie envers le tribunal en répliquant de façon impolie au juge qui lui demandait de s'asseoir : « oui, je le sais, Monsieur le Juge, c'est votre préférée ça assoyez-vous, Maître Parent! » tel qu'il appert des propos reproduits aux notes sténographiques (page 232) et à l'enregistrement audio, contrevenant aux articles 111 et 112 du Code de déontologie et 59.2 du Code des professions.[40]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
4e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03161
i) Événements du 19 juin 2018
[45] Le 19 juin 2018, l’intimé représente un autre client lors d’une audition présidée par l’honorable juge C (le juge).
[46] L’intimé présente une objection à l’affirmation de la procureure de la poursuite suivant laquelle : « on parle de vingt-quatre mille dollars (24 000 $) » et cela n’a jamais été contesté[41], car il considère cette affirmation fausse. Le juge lui dit que son tour viendra tantôt, que c’est de la plaidoirie. L’intimé réplique que ce n’est pas vrai ce qu’elle mentionne et le juge lui demande de s’asseoir. Les échanges suivants ont alors lieu :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ça n’a pas été contesté. J’ai plaidé devant jury que c’était deux mille quatre cents (2 400).
LA COUR :
Mais, maître...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
L’expert, il a convenu que ça pouvait être deux mille quatre cents (2 400).
LA COUR :
Maître...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Monsieur […] a dit que c’était deux mille quatre cents (2 400).
LA COUR :
Maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Écoutez, là, je veux bien croire...
LA COUR :
... maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... là, Monsieur le juge...
LA COUR :
... vous allez laisser plaider l’avocate...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, non. Ce n’est pas vrai, Monsieur le juge.
LA COUR :
... puis vous allez répondre après.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
J’ai le droit...
LA COUR :
Maître Parent...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... de faire des représentations puis d’intervenir, c’est mon rôle en tant qu’avocat de la défense...
LA COUR :
Non.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... puis vous allez m’écouter!
LA COUR :
Alors, Monsieur l’agent, voulez-vous sortir maître Parent?
Puis je vous dis que je ne continuerai pas comme ça avec vous certain.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien...
LA COUR :
Je vous donne cinq (5) minutes.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... vous allez m’écouter, Monsieur le juge...
LA COUR :
Sortez dehors.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... quand j’ai des représentations à faire.
LA COUR :
Sortez dehors.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vais sortir, Monsieur le juge, si vous me l’ordonnez. Mais...
LA COUR :
Je vous l’ordonne.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je sors, Monsieur l’agent. Regardez, je prends soin de ramasser mes trucs, là. Je le fais.
Je ne suis pas agressif, je pense que, Monsieur le juge...
LA COUR :
Maître Parent, j’ai rendu ma décision.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... vous n’avez pas le droit de faire ce que vous faites.
LA COUR :
Sortez dehors, s’ils vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vais vous demander de...
LA COUR :
Sortez dehors.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... pouvoir discuter avec mon client avant, Monsieur le juge.
LA COUR :
Sortez dehors.
- - - - -
Me JEAN-ROCH PARENT SE RETIRE DE LA SALLE
- - - - -
LA COUR :
Alors, [le client], je vais vous laisser parler avec votre avocat. Mais, s’il continue comme ça, il va devoir écouter l’avocate dans une autre salle. Je veux bien qu’il parle, mais il va parler en son temps.
La procédure, c’est que la plaidoirie de la poursuite se fait. Après ça, c’est la plaidoirie de la défense. S’il n’est pas d’accord avec ce que la poursuite dit, il viendra nous le dire, mais pas arrêter à tout bout de champ comme ça. Alors, s’il faut, on va prendre deux, trois (2-3) jours, maître [procureur de la poursuite] va plaider, il fera transcrire, il l’écoutera, puis on reviendra. je ne permettrai pas qu’il intervienne comme ça continuellement. Vous me comprenez bien?
Alors, c’est votre avocat puis c’est vous qui l’avez engagé. Alors, ce n’est pas la manière de se conduire à la Cour, mais je vais laisser l’avocate plaider avec ou sans lui. S’il continue comme ça, comme je vous dis, on va reporter ça à une autre date, puis il écoutera les bobines, puis je l’écouterai après. Vous me comprenez bien?
Bon.
Alors, je vais suspendre, on va revenir à quatorze heures quarante (14 h 40).
S’il continue comme ça, je l’expulse définitivement. Et je vous dis, le processus, c’est qu’il ira écouter la bobine puis, la semaine prochaine, on écoutera une autre... on fera une autre demi-journée et ainsi de suite.
Alors, je suspends et quatorze heures trente-cinq (14 h 35).[42]
[47] Au retour de la suspension de l’audition, les échanges suivants se déroulent :
LA COUR :
Alors, ce que j’ai dit à votre client, maître Parent, c’est que si vous intervenez encore durant le reste de la plaidoirie de maître [procureur de la poursuite], je vais vous expulser. Je vais faire repiquer les choses puis vous allez entendre... vous écouterez la plaidoirie puis je vous entendrai une autre journée.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Mon client m’a effectivement avisé de ce que vous lui avez mentionné et il me donne le mandat de continuer de faire des interventions et que la prochaine fois, si vous refusez d’entendre la défense qui a des représentations légitimes à vous faire, surtout lorsque le Ministère public mentionne des choses qui sont fausses, comme le vingt-quatre mille (24 000) qui n’était pas contesté alors que c’est un élément qui a été contesté tout au long du procès, mon client me donne le mandat de déposer une demande de récusation à votre endroit, Monsieur le juge. Et, donc... sachez que si le Ministère public continue d’invoquer des choses qui sont fausses, je vais intervenir pour corriger la situation sur le champ. La jurisprudence m’autorise a le faire...
LA COUR :
Mais sachez que si vous le faites...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... et si vous m’empêchez de...
LA COUR :
... vous allez sortir.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... et si vous m’empêchez de le faire, Monsieur le juge...
LA COUR :
Je vais vous en empêcher (inaudible).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... et si vous m’interrompez pendant que je parle sans me laisser terminer mes représentations puis vous me sortez de la salle avant que j’aie terminé de le faire, c’est certain que mon client m’a mentionné qu’il demanderait votre récusation et qu’il considère que le fait que vous expulsiez l’avocat qui le représente, qui le fait légitimement en vertu des principes de droit qui sont reconnus en droit criminel, qui ont été confirmés récemment par la Cour suprême, l’arrêt Groia -- je ne sais pas si vous l’avez lu -- deux mille dix-huit (2018), le rôle de l’avocat de défense. C’est important. Ce serait important que vous le lisiez, Monsieur le juge.
LA COUR :
Alors, je vous le dis, là...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ce serait très important.
LA COUR :
... moi, la manière que je vais procéder, c’est que la poursuite...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien, moi, je vous dis le mandat que le client...
LA COUR :
... la poursuite...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... mon client me donne, Monsieur le juge.
LA COUR :
... la poursuite -- le mandat que vous avez, ce n’est pas de mes... ce n’est pas mon problème.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Bien oui, c’est... -- ce n’est pas votre problème?
LA COUR :
La poursuite va plaider. Si vous l’interrompez, je vous expulse.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Je vous dis, si la poursuite...
LA COUR :
Alors là, vous vous assoyez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... plaide des choses qui sont fausses, je vais l’interrompre.
LA COUR :
Vous vous assoyez. Si vous faites ça, vous allez être mis dehors.
Vous le ferez, vous ferez vos représentations...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Et je présenterai une requête en récusation.
LA COUR :
... vous ferez vos représentations lorsque vous plaidez. Ce n’est pas de la preuve, c’est des plaidoiries. Alors, vous vous assoyez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Si le Ministère public mentionne des choses qui sont fausses, j’ai le devoir d’intervenir, Monsieur le juge.
LA COUR :
Vous allez voir...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
La Cour suprême le confirme.
LA COUR :
... vous n’interviendrez pas longtemps.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Ah, bien, ça, qu’est-ce que vous voulez?
LA COUR :
Alors, maître...
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Vous ne voulez pas vous conformez à la Cour suprême, Monsieur le juge.
LA COUR :
Vous vous assoyez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
C’est votre décision.
LA COUR :
Vous vous assoyez.
[procureur de la poursuite], allez-y.[43].
[48] La procureure de la poursuite précise par la suite que c’est exact, qu’il a été aussi question de 2 400 $[44]. Le juge adresse deux mises en garde à l’intimé selon lesquelles il sera expulsé de la salle d’audience :
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, mais je veux juste savoir si la Couronne considère que c’est un facteur aggravant.
Il faut que je me prépare, là, moi, là.
On n’annonce pas de preuve, on n’annonce rien, puis là on plaide des facteurs aggravants, puis on... on sait que ça prend une preuve hors de tout doute raisonnable.
Alors, je vous demande, elle est où, là, cette preuve hors de tout doute raisonnable là que c’est un facteur aggravant, que la défense n’est pas au courant?
LA COUR :
Dans votre plaidoirie, s’il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Laissez faire ma plaidoirie, Monsieur le juge.
Ah, la la!
LA COUR :
Allez-y.
[…] procureure de la poursuite :
Oui. Bien que l’accusé ne soit pas accusé de gangstérisme, je prétends qu’il s’agit là certainement, et c’est ce que la preuve a révélé au procès, et je n’ai pas à faire de preuve supplémentaire, je vous le soumets, Monsieur le juge, il s’agit de crimes en lien avec la criminalité organisée, parce que ce n’est pas l’œuvre d’une seule personne.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
(Inaudible).
[…] procureure de la poursuite :
Il y a eu plusieurs -- là, je suis tannée, Monsieur le juge. J’entends toujours parler dans mon oreille; j’ai de la misère à me concentrer.
LA COUR :
Oui. Continuez, maître...
[…] procureure de la poursuite :
Je vous le demande humblement...
LA COUR :
... vous n’avez pas le choix.
[…] procureure de la poursuite :
... Monsieur le juge.
LA COUR :
Elle a le droit de plaider en toute sérénité comme vous, vous allez avoir le droit de plaider en toute sérénité. Alors, si vous faites encore des commentaires, je vais être obligé de vous expulser.[45] […]
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Il a été déclaré coupable de complot en raison de ça, Monsieur le juge.
LA COUR :
Mais tout ça, dans votre plaidoirie, vous pourrez le dire.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non. Mais, Monsieur le juge...
LA COUR :
Vous vous assoyez, s’il vous plaît.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... ce que je vous dis, là, c’est que ça, là, ça n’a pas été annoncé...
LA COUR :
Vous vous assoyez.
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... la Couronne n’a pas annoncé qu’elle avait l’intention de plaider des facteurs aggravants, elle n’a pas annoncé qu’elle avait l’intention de déposer de la preuve...
LA COUR :
(Inaudible).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
... et là on arrive aujourd’hui...
LA COUR :
Monsieur l’agent, écoutez, amenez monsieur (inaudible).
Me JEAN-ROCH PARENT
procureur de la défense :
Non, mais... O.K., je vais m’asseoir, Monsieur le juge. J’avais terminé mes représentations.
LA COUR :
La prochaine fois, ça va être tout.
Allez-y, [procureur de la poursuite].[46]
ii) Événements du 13 juillet 2018
[49] Le 13 juillet 2018, Me Mathieu Giroux accompagné de l’intimé se présente à l’accueil du Centre de détention de Québec. Il fait sonner le détecteur dans l’arche de sécurité.
[50] L’agent du service correctionnel F (l’agent F) demande à Me Giroux d’enlever sa ceinture, mais le détecteur sonne à nouveau. L’agent F lui explique que c’est : « probablement sa montre qui fait sonner le détecteur »[47]. Me Giroux « proteste en disant qu’il ne se désabillerait (sic) pas ici et que le procès de son client pourrait avorter par [sa] faute et qu’il le mentionnerait au juge[48]. L’agent F le passe ensuite au détecteur manuel, afin qu’il puisse voir son client.
[51] L’agent F décrit comme suit la conduite de l’intimé :
Au même moment l’autre avocat qui l’accompagne, M. Jean-Rock Parent, m’ordonne de façon agressive de l’appeler «Maître» et m’invective en me traitant de clown, de calvitie et ce, à plusieurs reprise… Je ne sais pas s’il est intoxiqué car tout en m’insultant, il soutient que c’est moi qui l’insulte : Malgré tout, Je lui répond que je suis toujours poli et ce même avec les personnes incarcéré. M. Parent me dit alors qu’il connaît beaucoup de détenus et qu’il leurs parlerait de moi…[49]
[52] Un autre agent correctionnel présent (l’agent G) entend l’intimé parler très fort à l’agent F. Il constate que l’intimé est agité et que son visage est rouge. Il l’entend traiter son collègue de « crisse de clown » et lui dire qu’il « souffre de calvitie devant tous les visiteurs présents »[50]. L’agent G écrit dans son rapport que :
[L’agent F] le laisse entrer et lui passe le détecteur de métal et ce dernier hurle encore et soumet à [s]on collègue de l’appeler Maître car il est avocat. On ne dit pas vous à un avocat car il a fait des études. Il va même dire à [s]on collègue qu’il va s’informer à tous ses clients détenus pour savoir quel sorte d’agent que c’est ça et s’il est toujours aussi baveux que ça. Le tout s’est dit sur un ton très arrogant et la collaboration de ce dernier était très minime[51].
iii) Événements du 20 septembre 2018
[53] L’intimé fait l’objet de plaintes pénales pour exercice illégal de la profession d’avocat. Le 20 septembre 2018, alors que son dossier est fixé à la Cour pour orientation, l’avocat représentant le Barreau, Me H, indique à l’intimé qu’il souhaite lui parler. Les échanges suivants ont lieu entre eux alors qu’ils se trouvent à l’extérieur de la salle :
[Intimé] : «C’est certain que je vais contester, mais tu ne peux pas agir dans le dossier»;
[Me H]: «Pourquoi?»
[Intimé] :«Tu es un compétiteur, je ne peux pas croire que tu ne comprends pas ça, C’est quoi, tu veux mes clients? T’as pas d’ouvrage? Tu veux me faire radier?»
[Me H]: «Tu veux faire une requête?»
[Intimé] :«Oui tu ne peux pas agir»
[Intimé] : «Tu es un avocat de défense, tu as eu le dossier sur ton bureau pendant un an et tu as continué à me parler, tu as attendu avant de déposer à la limite de la prescription d’un an. Il y a un des deux chefs pour lequel il y a absence de preuve car c’est du ouï-dire»;[52]
[54] Me H ajoute que :
7. Voyant que [l’intimé] semblait être dans un état anormal, qu’il ne voulait rien entendre, qu’il devenait agressif et commençait à hausser le ton, [a] tenté d’ouvrir la porte de la salle 2.35 pour en finir avec cette conversation à sens unique et pour éviter que la situation dégénère;
8. Voyant [qu’il] voulai[t] interrompre la discussion, [l’intimé], en retenant la porte de la salle de Cour, [lui] a dit : «Tu es la poursuite, tu n’as pas le choix de me parler»;
9. [l’intimé], en [lui] parlant, retenait la porte avec son pied et, par la suite, avec son pied et ses deux mains pour [l’]’empêcher d’entrer dans la salle;
10. [Me H a] tenté d’ouvrir la porte en lui disant de [le] laisser entrer et, au même moment, il [l]’a laissé l’ouvrir en laissant son pied. Aussitôt, il a interpellé les constables spéciaux en leur disant que [Me H] venai[t] de commettre des voies de fait;
11. Un des constables lui a dit : «il est dans sa salle, il a le droit de rentrer. Arrête Jean-Roch»;
12. Il a répliqué en les menaçant de porter plainte en déontologie;
13. [Me H a] fini par réussir à entrer et, à ce moment-là, [l’intimé] s’est faufilé entre les deux portes de la salle pour [lui] dire : «tu vas avoir une plainte au Barreau pis je vais te poursuivre au civil». Il a ajouté, sur un ton agressif, en se rapprochant de [lui], avec une allure malsaine : «de toute façon, tu es pourri comme avocat et tu vas te faire «clencher» par le juge»;[53]
[55] Me H soumet ensuite une demande d’enquête au Bureau du syndic, car il lui apparaît : « inacceptable qu’un membre du Barreau tente d’intimider le procureur de la poursuite occupant dans un dossier de pratique illégale en tentant de le dissuader d’agir en l’accusant faussement d’une accusation criminelle »[54].
iv) Dépôt d’une plainte disciplinaire
[56] Le 25 octobre 2018, la plaignante, Me Dominique Jolin, syndique adjointe, dépose une plainte à l’encontre de l’intimé contenant les chefs d’infractions suivants :
Cour supérieure - audition du 19 juin 2018
1- à Québec, le 19 juin 2018, à plusieurs reprises par ses propos et son comportement, lors d'une audience présidée par le juge C, j.c.s. dans le dossier no [...], fait défaut de soutenir l'autorité du tribunal et agi de manière à porter préjudice à l'administration de la justice notamment en ne respectant pas l'ordre du juge de cesser d'intervenir pendant la plaidoirie et les observations de la procureure aux poursuites criminelles et pénales obligeant le tribunal à l'expulser de la salle d'audience et à lui adresser par la suite deux mises en garde de cesser d'agir de la sorte, contrevenant ainsi à l'article 111 du Code de déontologie des avocats;
2- à Québec, le 19 juin 2018, lors d'une audience présidée par le juge C, j.c.s. dans le dossier no [...], fait défaut d'agir avec courtoisie et respect en répliquant notamment au juge :
(...) puis vous allez m'écouter! ...vous allez m'écouter monsieur le juge ... quand j'ai des représentations à faire (...)
(...) Ah, bien, ça qu'est-ce que vous voulez? ...vous ne voulez pas vous conformez à la Cour Suprême monsieur le juge (...)
contrevenant ainsi à l'article 112 du Code de déontologie des avocats.
Établissement de détention de Québec - 13 juillet 2018
3- à Québec, le 13 juillet 2018, au poste d'accueil de l'Établissement de détention de Québec, manqué à son devoir d'agir avec honneur, respect, modération et courtoisie, en tenant des propos offensants à l'endroit de [monsieur F], agent du service correctionnel, alors que celui-ci était en service, en le traitant notamment de « clown » et de « calvitie », contrevenant ainsi à l'article 4 du Code de déontologie des avocats;
Palais de justice de Québec - 20 septembre 2018
4- à Québec, le 20 septembre 2018, à l'entrée de la salle d'audience 2.35 du palais de justice de Québec, dans le cadre du dossier de cour no [...], par ses propos et son comportement, manqué à son devoir d'agir avec honneur, respect, modération et courtoisie envers [Me H], en le traitant notamment « d'avocat pourri » et en lui bloquant momentanément l'accès à la porte d'entrée de cette salle, contrevenant ainsi à l'article 4 du Code de déontologie des avocats.[55]
5e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03171
[57] L’intimé représente A, un ancien policier, faisant l’objet d’accusations criminelles. Les 7 mars et 16 mai 2018, Me B, procureur au DPCP, soumet des offres de règlement à l’intimé en vue de régler le dossier de ce client[56].
[58] Le 31 octobre 2018, la continuation de l’audition sur la peine devant le juge Robert Sansfaçon de la Cour du Québec (le juge) est remise, en présence de l’intimé, au 15 novembre 2018, à 9 h 30[57].
[59] Le 15 novembre 2018, le juge venu expressément de Montréal, siège au Palais de justice de Québec afin d’entendre les dossiers de deux clients représentés par l’intimé, dont A. Des témoins se sont déplacés. L’intimé ne se présente pas à l’audition et n’est pas représenté.
[60] Vers 9 h 45, la réceptionniste du DPCP se présente dans la salle de Cour[58]. Elle mentionne que Me Mathieu Giroux vient d’appeler pour dire que l’intimé ne sera pas là aujourd’hui, car il est malade. Me Giroux a laissé son numéro de téléphone cellulaire.
[61] Le juge demande que Me Giroux vienne devant la Cour afin de fournir de l’information quant à l’absence de l’intimé. Il mentionne aussi qu’un mémo a été transmis au juge coordonnateur pour que quelque chose soit fait.
[62] Me B transmet la demande du juge à Me Giroux qui l’informe qu’il ne peut être là, car il a un rendez-vous débutant incessamment et qu’il ne veut pas que la Cour l’attende.
[63] A qui est détenu se met à pleurer lorsqu’il est informé de l’absence de l’intimé. Il avise le juge qu’il ne veut plus être représenté par l’intimé. Il mentionne qu’il n’a même pas de numéro de téléphone pour le rejoindre, que l’intimé n’a pas de téléphone cellulaire et seulement une assistante. Il indique préférer parler à la Couronne directement que d’être représenté par un avocat et qu’il veut régler son dossier.
[64] Le juge mentionne qu’il se sent très mal pour plusieurs raisons. Me B informe la Cour que Me Giroux ne peut venir.
[65] Un message est laissé à partir de la salle d’audience au numéro de téléphone du bureau de l’intimé lui demandant de rappeler au numéro indiqué dans les plus brefs délais. Il ne rappelle pas.
[66] Le juge mentionne qu’il ne peut faire un défaut mandat pour un avocat, mais qu’il a laissé un message au juge coordinateur, car on l’a informé de certaines choses. Il dit aussi qu’il est juge depuis 34 ans et que c’est la première fois qu’il fait face à cette situation.
[67] Le plaignant est informé de la situation[59].
[68] Après avoir été vu au palais de justice en compagnie du second accusé représenté par l’intimé, Me Giroux est appelé à la salle d’audience. Il se présente et le juge lui pose des questions au sujet de la situation de l’intimé dans le cadre du dossier de cet accusé.
[69] Me Giroux explique ne pas être associé à l’intimé, que ce dernier l’a appelé en tant que collègue, lui a dit qu’il ne pouvait être à la Cour, car il est malade et qu’il voulait savoir s’il allait être à la Cour. Il lui a répondu que non. Il indique avoir annulé son rendez-vous pour être ici et qu’outre le fait que l’intimé lui a dit être malade, il n’a pas d’autres détails.
[70] Me Giroux rencontre A et l’informe que l’intimé ne va pas bien. Il accepte le mandat de représenter les deux accusés. Lorsqu’il comparaît à titre d’avocat pour A, le juge s’assure qu’il ne comparaît pas au dossier en vue d’être remplacé par l’intimé. Il fait aussi le commentaire que « 34 ans sur le banc et aussi pire que cela jamais ». Il dit à Me Giroux que même s’il est malade avec 102 degrés de fièvre, de venir lui montrer.
[71] Les deux dossiers sont remis au 27 novembre 2018. Le juge réitère son indignation et « répète qu’en 34 ans de pratique il n’a jamais vu quelque chose d’aussi grave ».
[72] Dans sa déclaration manuscrite datée du 20 novembre 2018, A indique avoir donné à l’intimé le mandat de le représenter, qu’ils n’ont pas convenu d’un plan de match précis, qu’il lui « parlerait peut-être de Jordan et qu’il [lui] coûterait 5 000 $ pour en faire la demande »[60].
[73] A mentionne qu’ils ne se parlaient pratiquement jamais, puisque l’intimé n’était pas joignable. Selon lui, il « était comme un fantôme »[61]. Il explique qu’à sa sortie de thérapie en juin, son père émet un chèque d’environ 5 700 $ à l’intimé, facture à l’appui. Il déclare avoir remis la somme de 2 000 $ en argent sans facture à l’intimé à la fin juin et que s’il s’était représenté seul, il aurait épargné la somme de 10 000 $.
[74] Il déclare que début novembre, sa copine et lui tentent de rejoindre l’intimé, mais sans obtenir de réponse.
[75] Il dit avoir appris le matin même du 15 novembre au Centre de détention qu’il devait passer à la Cour et que la panique s’est emparée de lui. Une fois rendu sur place, il apprend que l’intimé est malade et se met à pleurer, « car tout se bousculait dans [s]a tête pour comprendre ce qui se passait. [Il] [s’est] adressé au juge lui mentionnant qu’[il] ne voulai[t] plus être représenté par [l’intimé] »[62].
[76] Finalement, A termine sa déclaration en disant que :
Le soir du 15 novembre, un représentant de la prison est venu me voir pour me dire que le syndic tenait à me rencontrer. J’ai accepté. La rencontre a eu lieu le 19 novembre. On m’a appris alors que la Couronne avait fait des offres de règlement il y a quelques mois… Je me suis fait traiter de trafiquant partout dans les médias et ma famille a été pratiquement détruite puisque je ne fais plus confiance à personne, ni au système. À ce jour, j’ai confié le mandat à Me Charles Levasseur. En toute sincérité.[63]
[77] Dans sa déclaration, Me B mentionne que :
Le dossier de [A] a procédé cet été malgré des offres des plus alléchantes pour la défense. En effet, à deux reprises [il a] soumis une offre de règlement par courriel à Me Parent qui fut refusé. Ces offres tenaient compte d’un PC [plaidoyer de culpabilité] sur un chef de possession simple de cocaïne au lieu de deux chefs de trafic de cocaïne. Le tout étant afin de permettre à la défense de demander un RPS [Rapport pré-sentenciel] et ainsi pouvoir demander une mesure d’absolution ou même de l’emprisonnement dans la collectivité.[64]
[78] Le 22 novembre 2018, le plaignant dépose une plainte à l’endroit de l’intimé.
[79] Après que l’intimé eut invoqué ses échanges sur Facebook Messenger avec son client lors de sa défense le 3 décembre 2018, le plaignant rencontre à nouveau A le 11 décembre. Ce dernier donne une seconde déclaration assermentée spécifiant apporter quelques nuances à la suite de sa déclaration du 19 novembre dernier[65].
[80] A affirme avoir pour politique de ne jamais effacer ses conversations de son compte Facebook Messenger. Or, après vérification, seuls des messages des 5 et 7 octobre 2018 ont été conservés[66]. Il ne nie pas le contenu des autres messages en possession de l’intimé, mais dit ne pas pouvoir en expliquer l’absence de son compte.
[81] A mentionne que son dernier échange avec l’intimé au sujet du retrait du chef de trafic a eu lieu vers le 24 mai 2018 et qu’à cette période, ils se parlaient « pratiquement jamais au téléphone, encore moins en personne »[67]. Il ajoute n’avoir jamais eu l’opportunité de voir les deux offres.
[82] Le 12 décembre 2018, la conjointe de A signe une déclaration assermentée[68]. Elle déclare n’avoir parlé qu’à une seule reprise à l’intimé et qu’elle a communiqué avec lui seulement le 8 octobre 2018. Elle lui avait alors écrit pour lui demander des nouvelles de A. Elle n’était pas au courant que ce dernier passait à la Cour le 15 novembre 2018.
[83] L’intimé n’a jamais eu de compte en fidéicommis.
B) Preuve de l’intimé
[84] L’intimé témoigne et produit une brève preuve documentaire. Le Conseil résume cette preuve comme suit.
[85] Le 10 octobre 2017, l’intimé commence à représenter A. Ce dernier est placé en détention pendant la période des fêtes 2017 et remis en liberté pour suivre une thérapie. Le 7 octobre 2018, il est arrêté en possession de cocaïne et est détenu à partir de ce moment. A est notamment accusé de trafic de stupéfiants.
[86] Voici les échanges de l’intimé et de son client via Facebook Messenger au sujet des offres de règlement du DPCP :
Vendredi 30 mars 2018 10:22 am
A : salut on as tu une offre de reglement??
Vendredi 30 mars 2018 4:20 pm
A : ??
Dimanche 1er avril 2018 4:22 pm
A : houston ya quelqu un????
Lundi 2 avril 2018 11:38 am
Intimé : Oui A, la couronne me court après pour régler, je lui parle demain et je te reviens avec l’offre. Il m’a déjà offert d’enlever la peine minimale de deux ans pour trafic que je ne considérais pas suffisante mais là je sais qu’il veut m’offrir autre chose, d’après moi il a peur de procéder
Vendredi 6 avril 2018 11:07 am
A : yo, des news? j suis stresser de tout ca… tu m’avais dit qu on se parlerait mais pas de newd ***nouvelles
Vendredi 6 avril 2018 7:31 pm
A : ???? Peux tu au moins me donner un retour? Taboire jean-roch
Intimé : on se parle demain, appelle moi au [numéro de téléphone] Ça l’air qu’on pourra pas procéder la semaine prochaine à cause d’un témoin de la couronne qui serait en conflit d’intérêt avec le juge
Vendredi 6 avril 2018 10:39 pm
A : ct une calisss de joke serieux….. moi j ai besoin qu on change mes criss de conditions, j suis a boute de J… L… jean-roch…. La fille a travaille au palais, on le savait déjà depuis le debut ça
Samedi 7 avril 2018 9:46 am
A : Vas-tu être bon pr demander mondification de mon 515 cette semaine? Je viens de t appeler
Samedi 7 avril 2018 2:51 pm
Intimé : oui pour les modifications. Je te rappelle après le souper, on se parle aujourd’hui sans faute
Dimanche 8 avril 2018 9:58 am
A : pas eu de tes news… pas facile d avancer sans se jaser. J suis vrmt decu
Lundi 9 avril 2018 1:31 pm
Intimé : Peux-tu m’appeler quand tu auras 2 secondes? [numéro de téléphone]
Mardi 10 avril 2018 4:28 pm
Intimé : Je suis désolé, je suis difficile à joindre, mais j’ai travaillé dans ton dossier et ça été efficace, tu peux m’appeler ou on s’en parle demain mais j’ai des bonnes nouvelles pour toi, je pense que tu vas être content :)
Lundi 21 mai 2018 12:05 pm
Intimé : Peux-tu m’appeler [A] au [numéro de téléphone]? À partir de 12h30 si tu peux C’est une bonne nouvelle que j’ai a t’annoncer donc ne t’inquiète pas
Jeudi 24 mai 2018 1:03 pm
A : je t’ai rappele vla 2 min. call moi au [numéro de téléphone]. Hate de savoir cke tu as a dire
Intimé : ce soir
A : ca rapport à quoi
Jeudi 24 mai 2018 5:14 pm
Intimé : offre de règlement Il retire trafic si tu plaids coupables à possession
A : me semble que c est pas ca qu on veut pantoute. Si je fais ca je met une croix sur une possibilite de retourner ds police. Qu on aille en proces merci bonsoir il s essayer pr me faire plaider coupable pcq traffic ne tient pas la route. No way ca m intéresse pas Ce qui me surprend c est que pr toi c est un bonne nouvelle… ya rien d interessant la dedans pantoute
Intimé : c’est toujours une bonne nouvelle quand la couronne baisse ses culottes, mais ça ne change pas que la décision finale d’appartient de faire le procès, moi mon travail, c’est de te soumettre l’offre de l’autre partie, je suis obligé
A : Je comprend que ca m appartient mais donne moi ton opinion…. Vas-tu faire la requete pr Jordan
Intimé : je vais faire tout ce que tu vas me donner le mandat de faire. La requête jordan devrait selon moi être faite, tu as d’excellentes chances mais c’est pas moi qui paye donc c’est à toit de décider.[69]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
[87] L’intimé témoigne avoir, entre le 2 et le 6 avril, parlé à A de l’offre de règlement du 7 mars[70]. Ce dernier décline l’offre, car il souhaite retourner travailler pour la police[71]. Il ajoute avoir eu plusieurs conversations téléphoniques avec A concernant les offres de règlement, il lui explique les « tenants et aboutissements de l’offre », et pourquoi même s’il continue d’avoir de bonnes chances, il s’agit d’une bonne offre[72]. Il lui laisse la décision d’accepter ou non.
[88] Ils ont aussi des échanges à propos du coût d’une possible requête en délais déraisonnables fondée sur l’arrêt Jordan[73] de la Cour suprême du Canada :
A : la requete implique koi comme $$
Intimé : j’aimeraIS mieux qu’on s’en parle en personne mais ce soir finalement j’aurai pas le temps, je plaide demain devant jury
A :ok ok je vois, as-tu des documents a faire ou a signer pr ma fin de therapie?
Intimé : Je te dirais environ 5 à 10h pour la rédaction et la préparation et max 8h l’audition
Tu finis quand?
A : 7 juin
et j’ai une date de cour le 8 juin
Intimé : je m’en occupe
félicitations, je suis vraiment content
A : Ouin je l ai faite une fois et j vais m’en souvenir…
Intimé :c’est çs le but
A : bon jte laisse la dessus, oublie pas mes papier svp pr fin de therapie, on se voit le 8 juin pr jaser en personne
Intimé : ok, prends soin de toi
Vendredi 25 mai 2018, 6:45 pm
A : J viens de jaser avec mon père… il demande c koi ton opinion sur le dossier. Est-ce que j ai des chances de m en sortir selon toi…. J suis prêt a me battre mais j ai quand meme besoin de ton opinion
Ta de l experience et je t ai choisi pr avoir l heure juste
Samedi 26 mai 2018, 10:23
Intimé : C’est pour ça que je veux qu’on en discute en personne. Pour prendre la bonne décision avec tous les paramètres.[74]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
[89] L’intimé et A devaient se voir la journée de l’audience du 8 juin 2018, mais comme A est malade, l’audience est alors remise à la semaine suivante. Entre le 27 juin et le 26 juillet 2018, ils se transmettent les messages suivants dans lesquels il est question des difficultés que A éprouve à joindre l’intimé ainsi que d’argent :
Mercredi 27 juin 2018, 4:33 pm
A : Bon, vas-tu pouvoir me répondre la? L engagement semblait pressant à signer et tu l as jamais envoye, dis le moi si tu n es plus mon avocat Jean-Roch, on perdra pas de temps inutilement
Mardi 3 juillet 2018, 10:03 am
Intimé : Bonjour M. [A], Je suis l’adjointe de Me Parent. Pouvez-vous m’indiquer à quel numéro je peux vous joindre le plus rapidement possible? Merci
A : j etais justement en route pr le palais…. […] j attends un retour RAPIDE pcq je ne suis pas tres content de la tournure des dernier temps
Jeudi 26 juillet 2018, 4:07 pm
A : Es-tu prêt pr lundi? Je vais t apporter des sous au palais
Jeudi 26 juillet 2018, 7:20 pm
Intimé :Oui je suis prêt. Finalement, après calcul des délais, j’ai conclu que c’était préférable de commencer le procès car je suis convaincu que deux jours ne seront pas suffisants. Donc, faudra remettre et les délais supplémentaire augmenteront nos chances de gagner sur les délais. Déjà j’ai des questions préliminaire à faire trancher par le juge concernant la divulgation de certains éléments de preuve et le fait que les préavis requis au code criminel viennent seulement de m’être transmis il y a quelques jours. On s’en parle en détail lundi matin je vais être au palais à 8h00 sans faute au presse café. Préliminaires.
A : ok good
Vendredi 27 juillet 2018, 9:32 am
A : J aj dla misere a comprendre pkoi notre plan de match change…. hate de comprendre
on focussait sur jordan et on va étirer ca encore… tabarnak[75]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
[90] Ils ont par la suite d’autres communications écrites au sujet de questions monétaires les 11 et 24 septembre 2018 :
11 septembre 13:13
Intimé : Salut, mon adjointe vient de me dire que tu avais des sous pour moi…
A : vers le 24-25 septembre maximum
24 septembre 10:08
A : Combien jte dois j-ro ch
Intimé : Je t’avais parlé de 5 000 $ pour faire la requête mais on a finalement fait le procès. Tu m’as donné 2 000 $ je pense que 2 500 $ de plus serait correct. Qu’en penses-tu?
A : …. j avais en tete 4 000 $ total m aurait arranger. j suis casser en tete. j ai ca live 2 000 $ de ma fds a la piste
Intimé : Ben oui c’est parfait [A] Je t’avais dit que je te donnais 500 $ de crédit si tu réussissais la thérapie de toute façon :) On peut se voir où? J’ai hâte de recevoir le jugement j’imagine que toi aussi :)
A : La j suis ds mes emplettes avec ma blonde mais demain peu importe où
Intimé : Demain je suis au palais alors on peut se voir là
A : good vendu
Le jugement m inquiete[76]
[Transcription textuelle sauf anonymisation]
[91] Le 25 septembre 2018, l’intimé propose à A de venir le rejoindre au palais de justice. Ce dernier lui transmet une photographie d’une liasse de billets de banque. S’en suit une série d’échanges faisant état de leurs tentatives pour se rencontrer.
[92] Finalement, l’intimé propose à A de passer à son bureau chez lui le samedi 29 septembre 2018. L’intimé étant absent, A laisse une enveloppe contenant l’argent qui lui est destiné à un ami de l’intimé et à ses enfants.
[93] Par le passé, la somme de 5 700 $ correspondant au travail effectué par l’intimé pendant la période des fêtes avait déjà été payée à ce dernier. Le père de A paie aussi un autre montant de 2 000 $, facture datée du 28 mai 2018 à l’appui[77]. Un reçu portant la même date est émis.
[94] L’intimé témoigne toujours fournir des reçus à ses clients. Malgré qu’il ait préparé une facture et un reçu pour A en prévision de la remise de l’argent du 29 septembre, il ne lui remet pas, car A laisse l’argent en son absence. Ce dernier qui est détenu depuis le 7 octobre 2018 n’est jamais retourné chercher le reçu. L’intimé ne l’ayant pas revu, il ne lui remet pas le reçu.
[95] L’intimé devait transmettre au greffe du Conseil facture et reçu d’ici le 6 décembre 2018, ce qu’il a omis de faire.
[96] L’intimé admet ne pas avoir de compte en fidéicommis. Il explique qu’il n’accepte pas d’argent à l’avance et qu’il facture pour le travail effectué[78]. Selon lui, le tout est confirmé par les messages sur Facebook Messenger. Il dit n’avoir jamais reçu d’avance.
[97] L’intimé nie ne pas avoir informé A que le dossier est fixé pour audience le 15 novembre 2018[79]. Il dit que A est au courant et que sa blonde l’est aussi « sauf erreur, il faudrait vérifier avec … »[80]. Il dit ensuite être certain à 100% d’avoir informé cette dernière de la date de l’audition[81]. Selon lui, elle pouvait plus facilement joindre A, car la période permise pour les fins de communications téléphoniques des détenus coïncidait avec la Cour.
[98] L’intimé mentionne qu’il faudrait vérifier au registre de l’établissement de détention les appels faits à A. Il dit à la fois qu’il lui semble avoir appelé à l’établissement de détention pour donner la date d’audition à l’intimé et en être convaincu[82].
[99] De plus, comme A est absent à la Cour lorsque la date d’audition est fixée, le juge ordonne la présence de l’accusé. Selon l’intimé, un mandat de renvoi est alors rédigé et le centre de détention en informe le détenu[83].
[100] À plusieurs occasions, il laisse des messages à l’établissement de détention afin que ses clients le rappellent et ses messages leur sont transmis une fois sur deux.
[101] Il dit retourner les appels ainsi que les messages de A, être « en constante communication avec lui, comme on le voit des messages textes » et se faire « un honneur de le rappeler le plus tôt possible ou de lui écrire le plus tôt possible pour l’informer des développements ou pour le rassurer »[84]. Il dit lui avoir parlé environ 1 000 fois en un an[85]. Il précise :
que des échanges, là, entre monsieur [A] et moi, là -- parce qu'on me reproche au deuxième chef de ne pas avoir répondu à monsieur [A] -- il y en a des centaines et des centaines. S'il y a quelqu'un à qui j'ai répondu, c'est bien monsieur [A], mais évidemment que... je l'admets, je n'ai pas retourné chacun de ses appels à la minute parce que, évidemment... premièrement, il y a une certaine partie du temps qu'il était détenu, l'autre partie qu'il était en maison de thérapie, et également parce que ce n'était pas dans son intérêt que je le fasse et ce n'était pas dans l'intérêt de son dossier non plus. Mais à chaque fois, j'ai répondu aux demandes de monsieur [A], comme de toute façon les échanges vont le démontrer.[86]
[102] À partir du 30 mars 2018, l’intimé a un procès d’une durée de 3 mois devant juge et jury. Il témoigne qu’il « est possible que pendant ces dates-là, les communications étaient un peu plus difficiles dans le sens où [A] n'était pas nécessairement capable de [lui] parler le jour même où la minute même où il voulait [lui] parler »[87].
[103] L’intimé a deux auditions le 15 novembre 2018 dont celle de A alors que le syndic dépose une plainte dans un seul de ces dossiers.
[104] Le 15 novembre 2018, l’intimé souffre de gastro-entérite[88]. À 8 h 25, il appelle Me Giroux qui l’avait déjà assisté dans le dossier de l’autre accusé et lui demande :
de se présenter, à savoir soit de demander une remise à brève échéance, le temps [qu’il] soi[t] remis de [s]a maladie, ou si la Cour n'était pas d'accord et si lui était en mesure de le faire, de comparaître pour les deux individus, notamment pour monsieur [A] qui était en détention. Donc, [il] estimai[t] que ça devait procéder quand même malgré le fait [qu’il était] malade.[89]
[105] L’intimé rappelle Me Giroux à 10 h 30[90]. Ce dernier l’informe qu’il doit se présenter à la Cour et que le plaignant ne cesse pas de l’appeler. L’intimé ouvre son ordinateur et constate qu’il a reçu un courriel de ce dernier lui demandant les motifs de son absence et de communiquer avec lui dès réception du courriel. Il tente de rejoindre le plaignant par téléphone et lui laisse un message.
[106] L’intimé répond aussi au plaignant par courriel qu’il est « malade, [il a] demandé à Me Giroux »[91]. Il lui précise de ne pas hésiter à communiquer avec lui pour des renseignements supplémentaires. L’intimé, malade, retourne se coucher. Le plaignant l’appelle environ 10 fois.
[107] Selon l’intimé, lorsqu’ils sont convoqués à la Cour, les détenus quittent le Centre de détention à 7 h. À partir de ce moment, ils sont impossibles à joindre. Il est par conséquent dans l’impossibilité d’aviser A de son absence.
[108] Il mentionne que Me B et le Tribunal ont été avisés dans la mesure du possible, que s’il avait su la veille qu’il allait être malade le lendemain, il les aurait informés.
[109] L’intimé rencontre le plaignant et la syndique adjointe Jolin. Il leur explique la raison de son absence le 15 novembre et ils acceptent ses explications. Le plaignant lui dit « on comprend cela arrive »[92].
[110] Après avoir pris connaissance de la déclaration de la conjointe de A, l’intimé mentionne qu’il ne l’a rencontrée qu’à une seule reprise. Selon lui, il s’agit de leur seul contact et ils ne se sont jamais revus.
[111] Il relate qu’alors qu’il félicitait un procureur de la couronne pour ses 35 ans de service, Me B lui a dit « Tu ne te rendras jamais là, Jean-Roch, tu vas être radié avant »[93]. Il ajoute qu’il y a une enquête en cours à l’endroit de ce dernier pour ses propos.
[112] Il mentionne avoir présenté une défense dans le dossier qui est en délibéré[94]. Il invoque les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Groia[95] et Jodoin[96].
[113] Selon lui, un arrêt des procédures a été prononcé dans le dossier dans lequel il a traité un procureur du DPCP de paresseux, car « la couronne a été malveillante puis elle n’avait pas divulgué de la preuve »[97].
[114] Il déclare avoir une défense à faire valoir sur le fond en ce qui concerne les autres plaintes concernant ses propos à l’endroit de la magistrature qui ne constituent pas selon lui des infractions déontologiques[98]. Il relate sa version des faits concernant ses interactions avec la juge Tourville, de même qu’avec Me E. En ce qui concerne les auditions devant la Cour supérieure, il invoque à la Cour d’appel que le juge est partial[99].
[115] Il indique avoir une défense à faire valoir dans le dossier de Me H[100]. Son client s’est fait ouvrir le crâne pendant sa détention au palais de justice. Alors qu’il est radié administrativement, l’intimé se présente au palais de justice ainsi qu’à l’hôpital pour voir comment il va. Il se représente comme l’avocat de la famille et ami. Il est informé qu’il ne peut le rencontrer. Il relate sa version des faits concernant son interaction avec Me H qui pratique aussi en défense dans le même district et qu’il connaît.
[116] Il est congédié du DPCP en septembre 2015 à la suite d’un bris d’engagement après avoir plaidé coupable « d’harcèlement envers son ex-conjointe ».
[117] Il n’a jamais reçu de plaintes pendant qu’il est procureur au DPCP. Cela faisait moins d’un an qu’il exerçait en défense qu’il faisait l’objet de plaintes de partout qui ont d’abord été refusées par le Bureau du syndic. Il prétend, sans fournir de preuve à l’appui, que le Barreau s’est fait dire qu’il « faudrait y aller un peu plus fort »[101].
[118] L’intimé subira un procès le 4 février 2019 pour entrave et menace de causer des lésions à un policier. Il dit lui avoir dit « Si tu me retouches, je vais te cogner ».
[119] Il témoigne avoir été convaincu que toutes ses conversations avec le plaignant étaient enregistrées.
[120] Selon l’intimé, A éprouve des problèmes de santé mentale et aurait probablement été prêt à dire tout ce que le plaignant voulait.
ARGUMENTATION DU PLAIGNANT
[121] Le plaignant demande au Conseil d’accueillir la requête en radiation provisoire, car il est d’avis qu’elle rencontre les critères y donnant ouverture. Il mentionne ne pas être dans l’obligation de soumettre les demandes d’enquête à l’intimé et d’obtenir sa version des faits.
[122] Il souligne la gravité des infractions, dont celle de ne pas s’être présenté à la Cour en raison de l’impact sur les droits fondamentaux du client.
[123] Le plaignant indique que l’intimé fait l’objet de 28 chefs d’infractions. Il intervient à ce moment-ci, en raison de l’accumulation des infractions et qu’il est maintenant clair que l’intimé doit changer sa façon de pratiquer. Il considère que ce dernier a bénéficié de chances et n’a pas compris les avertissements reçus.
[124] Il plaide qu’il n’y a pas un chef d’infraction pour lequel l’intimé s’est excusé. Il croit qu’il continuera son comportement et que la protection du public est compromise.
[125] Il comprend qu’il est possible que la relation avec un juge soit parfois plus difficile, mais qu’en l’instance, il y a une variété de personnes qui dénoncent son comportement et qu’il y a atteinte à la protection du public.
[126] Le plaignant produit des autorités au soutien de sa position[102].
ARGUMENTATION DE L’INTIMÉ
[127] L’intimé soutient que l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire n’est pas justifiée.
[128] Selon lui, le plaignant ne plaide pas en fonction des faits. L’intimé s’est excusé relativement à son comportement visé par la plainte du 2 octobre 2017 et il a accepté la décision du conseil dans cette affaire. Depuis le 17 mai 2017, on ne lui reproche pas d’avoir tenu des propos vulgaires.
[129] Il allègue qu’en ce qui concerne le 20 février 2018, le plaignant travestit les faits et qu’il n’a jamais dit que le juge ne connaissait pas le droit.
[130] Il mentionne avoir oublié de donner sa version des faits devant le Conseil en ce qui concerne son comportement à l’endroit des agents du service correctionnel et regretter son comportement.
[131] Il mentionne qu’on ne sait pas à quoi le juge Sansfaçon fait référence lorsqu’il fait son commentaire en lien avec ses 34 ans de carrière.
[132] Il insiste que c’est sa version contre celle de A qui n’a pas subi de contre-interrogatoire.
[133] Il déplore que le Barreau ne fasse pas enquête après avoir reçu des plaintes et ne lui demande pas sa version des faits.
ANALYSE
1) Est-ce qu’une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion doit être émise en vertu de l’article 142 du Code des professions?
[134] Lors de l’audition du 3 décembre 2018, le plaignant requiert que le Conseil prononce une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des noms des « procureurs », « plaignants » et « témoins ». Il précise que les noms des juges ne sont pas visés par cette demande[103]. Les motifs au soutien de sa demande sont :
Lr (sic) milieu criminel, évidemment, là, les gardiens de prison, est-ce que c'est nécessaire, les agents correctionnels, que leurs noms soient connus lors de la lecture, là, compte tenu des incidents? Même chose pour le client de maître Parent, monsieur [A], là, est-ce qu'il y a vraiment intérêt pour le public à ce que son nom soit dévoilé? Je ne crois pas. Et pour les procureurs de la Couronne aussi qui oeuvrent dans un milieu criminalisé m'apparaît, à première vue, là, que ce serait préférable une certaine discrétion, mais ça vous appartient. Mais pour les juges, bien là, ça, c'est... leur décision a caractère public, leur intervention, et caetera.[104]
[135] Initialement, l’intimé ne prend pas position à l’égard de cette demande. Il plaide néanmoins qu’il n’y a « aucun indicatif d'un quelconque problème de sécurité pour aucun des gens qui ont été mentionnés»[105].
[136] Il exprime avoir un peu de difficulté à comprendre la demande afin que la déclaration assermentée de A soit déclarée confidentielle. Il explique que ce dernier a « accepté de rencontrer les gens du Barreau à l'établissement de détention, a fait une déclaration assermentée »[106]. Il trouve particulier « qu'on autorise les gens à déposer des plaintes puis à faire des déclarations assermentées » et qu’après ça, « c'est sûr qu'on peut leur dire : « Bien, vous pouvez dire ce que vous voulez, de toute façon, personne ne va jamais savoir que c'est vous qui l'avez dit. »[107]
[137] Il conclut que A ne devrait pas bénéficier de cette protection et qu’il va déposer une preuve documentaire qui démontrera la fausseté de sa déclaration sous serment.
[138] À la suite d’une demande du Conseil quant à savoir s’il a une liste des noms des procureurs, des témoins et des plaignants dont il souhaite protéger l’identité, le plaignant répond les deux agents du service correctionnel dont les noms sont au dossier avec les justifications suivantes :
Compte tenu du milieu carcéral, est-ce qu'ils ont intérêt... est-ce que le public maintenant a intérêt à savoir que les agents carcérals se sont plaints d'un avocat qui a peut-être des... je ne le sais pas, là, qu'il y a peut-être d'autres clients qui sont défendus par maître Parent qui sont dans le milieu carcéral. Donc, le nom des deux... je ne sais pas si c'est la bonne appellation, là, agents carcérals, là, c'est indiqué.
[…]
bon, dans le milieu dans lequel ils sont, est-ce que ces choses-là vont se savoir puis est-ce que ça peut... peut-être que ça ne changera rien, mais je ne pense pas qu'on a intérêt à les nommer.[108]
[139] Selon lui, l’identité de Me H ainsi que celle de A devrait aussi être protégée :
Également, monsieur [A], est-ce qu'on a besoin nommément de savoir que c'est ce monsieur-là ou ça... si on indique un client de maître Parent? Je suis conscient de la difficulté parce qu'évidemment, il ne faut pas être dupe non plus. Si on parle de l'absence du quinze (15) novembre, que son avocat n'était pas là, que c'est un ancien policier, vous ne pouvez pas éviter de mentionner ça, mais est-ce que c'est nécessaire de faciliter puis de mettre son nom? Donc, le nom de monsieur [A]. Qu'est-ce que j'oublie?[109]
[140] En ce qui concerne chacun des procureurs de la couronne impliqués dans les dossiers, il estime suffisant d’indiquer « procureur du DPCP », plutôt que leurs noms.
[141] Il mentionne fonder sa demande d’ordonnance sur la protection de la vie privée.
[142] Après que le Conseil lui ait permis d’intervenir, Isabelle Mathieu du Journal Le Soleil rappelle le principe de la publicité des débats et mentionne que :
c'est peut-être principalement... l'ordonnance nous cause un problème pour bien faire notre travail par rapport au nom des juges qui sont les décideurs qui sont évoqués dans les plaintes, et aussi, le client de maître Parent, [A], a fait l'objet d'une abondante couverture médiatique de son procès en raison de la fonction qu'il occupe et de la nature des accusations. Donc, je pense que ça causerait vraiment un tort au droit du public à l'information. De devoir un peu masquer, on ferait vraiment le travail à moitié.[110]
[143] En ce qui concerne les autres personnes visées par la demande d’ordonnance, elle indique n’avoir absolument pas de problèmes à ce que leur identité soit protégée. Selon elle :
les agents correctionnels travaillent dans un milieu difficile et leur nom n'a pas d'intérêt public dans ce dossier-là. Même chose pour les avocats, ça pourrait être une autre... L'identité des procureurs n'a pas d'importance... n'a pas d'intérêt public, à mon sens, mais celle des juges décideurs et celle du client, qui est le plaignant principal.[111]
[144] L’autre journalise présent, Nicholas Saillant du Journal de Québec, invoque que les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Dagenais[112] et Mentuck[113] sont pertinentes relativement au préjudice important requis pour demander une ordonnance de non-publication.
[145] Bien qu’invité à ce faire, le plaignant n’a pas fait de représentations supplémentaires et l’intimé s’est dit d’accord avec l’interprétation donnée à l’arrêt Dagenais[114].
[146] Toujours le 3 décembre, conformément à l'article 142 du Code des professions, le Conseil prononce, une ordonnance temporaire de non-divulgation, de non-diffusion et de non-publication du nom des deux agents du service correctionnel, des procureurs de la poursuite ainsi que des plaignants dont les noms sont identifiés dans les documents déposés en preuve ainsi que de tout renseignement permettant de les identifier afin d'assurer la protection de la vie privée de ces personnes et ce, jusqu’à ce que le Conseil rende une décision finale sur cette demande d’ordonnance.
[147] Par ailleurs, le 14 décembre 2018, le Conseil prononce, avec le consentement des deux parties, une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion des pièces RI-1[115] et R-20[116] afin d’assurer le respect du secret professionnel de l’avocat et la protection de la vie privée de A.
[148] L’article 142 du Code des professions énonce le principe général suivant lequel « toute audience est publique». Il attribue toutefois au Conseil le pouvoir :
d’office ou sur demande, [d’]ordonner le huis clos ou interdire la divulgation, la publication ou la diffusion de renseignements ou de documents qu’il indique, pour un motif d’ordre public, notamment pour assurer le respect du secret professionnel ou la protection de la vie privée d’une personne ou de sa réputation.
[149] Récemment, le conseil de discipline de l’Ordre des comptables agréés professionnels dans l’affaire Houde[117] fait un très bon résumé de l’état du droit relatif à ce type d’ordonnance. En voici des extraits :
[39] La Cour suprême a élaboré une grille d’analyse dans les arrêts Dagenais[7] et Mentuck[8], finalisée dans l’arrêt Sierra Club[9]. Les critères de pondération de cette grille sont applicables lorsque des droits sont opposés au principe de la publicité des débats. Ainsi, une ordonnance de non-publication ne doit être rendue que si :
a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;
b) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.[10]
[40] La Cour suprême relie le principe de la publicité des débats aux libertés fondamentales, en particulier la liberté d’expression prévue à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés[11], laquelle protège le droit du public d’être informé[12].
[41] Par ailleurs, ce principe est fermement ancré dans la législation, comme en font foi les articles 23 de la Charte des droits et libertés de la personne[13] et 11 du Code de procédure civile[14].
[42] C’est à la partie qui présente la demande qu’incombe la charge de justifier une dérogation à la règle générale de la publicité des procédures[15].
[43] La Cour d’appel a déjà exprimé qu’il s’agit d’un lourd fardeau. Il ne suffit pas de prétendre à un risque grave qui n’est pas étayé par aucun élément de preuve[16].
[44] Celui qui demande l’ordonnance de confidentialité doit justifier un intérêt plus large pouvant se définir en termes d’intérêt public à la confidentialité[17] :
Ou, pour citer le juge Binnie dans F.N. (Re), [2000] 1 R.C.S. 880, 2000 CSC 35 (CanLII), par. 10, la règle de la publicité des débats judiciaires ne cède le pas que « dans les cas où le droit du public à la confidentialité l’emporte sur le droit du public à l’accessibilité. »
[45] La Cour suprême rappelle qu’il ne faut pas minimiser les effets néfastes d’une interdiction de publication. Une telle mesure porte atteinte à la liberté des individus d’échanger de l’information sur les institutions de l’État. Face à une interdiction, les médias ne peuvent plus informer la population sur des sujets d’intérêt qui pourraient faire l’objet de débats[18].
[46] L’accès du public aux informations véhiculées pendant une audience « assure l’intégrité des procédures judiciaires et la publicité des débats est nécessaire au maintien de leur indépendance et de leur impartialité. La confiance du public dans le système judiciaire en dépend[19]».
[47] L’accès du public aux procédures judiciaires est d’une importance vitale pour notre système juridique[20] et la Cour suprême considère qu’il s’agit d’une caractéristique d’une société démocratique[21].
[48] La transposition de ces principes en droit disciplinaire est acquise[22]. Ils se sont imposés avec force notamment lorsqu’il a été question de requérir une preuve démontrant qu’il est nécessaire de restreindre la règle de la publicité des procédures.
[49] À titre d’exemple, dans l’affaire Chartrand, la Cour supérieure rappelle qu’il ne suffit pas simplement d’invoquer un autre droit que la liberté d’expression pour déroger au principe de la publicité des audiences. Encore faut-il que le Conseil soit en présence d’une preuve convaincante[23] :
[36] Le Tribunal est d’avis que la décision rendue par le Conseil est déraisonnable puisqu’elle déroge aux principes établis dans les arrêts Dagenais[34] et Mentuck[35] et réitérés à maintes reprises par la Cour suprême. Elle réduit la liberté d’expression à une notion accessoire et secondaire qui doit céder le pas devant un autre droit, tout aussi important sans doute, mais qui, en l’absence de preuve convaincante, ne peut du seul fait de son existence l’emporter sur le premier.
[50] À ce sujet, le Tribunal des professions[24] réfère au passage suivant de l’arrêt B.B. c. Québec (Procureur général)[25] quant à la preuve requise pour contrecarrer le principe de la publicité des débats :
23 Quiconque demande la préservation de l'anonymat doit donc prouver à la satisfaction du juge que le préjudice qu'il subirait par le dévoilement de son nom serait supérieur à celui de l'intérêt public qui soutient le caractère public et ouvert du débat judiciaire (Metropolitan Stores1987 CanLII 79 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 110; MacDonald Inc. c. Canada 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 311 p. 342).
[51] Plusieurs décisions des conseils de discipline réfèrent à la grille d’analyse développée par la Cour suprême lorsque des droits tels le droit à la vie privée ou la réputation sont invoqués dans ce contexte[26].
[52] Le fardeau de démontrer que la requête est justifiée appartient à celui qui la demande et le Conseil ne peut procéder par automatisme[27] :
[65] En 2013, un arrêt de la Cour d’appel du Québec21 rappelle qu’une partie qui recherche une ordonnance de confidentialité, en occurrence dans ce dossier, le Syndic du Barreau du Québec, doit se décharger du fardeau que lui impose la grille d’analyse découlant des arrêts Dagenais et Mentuck.
[66] Un jugement très récent de la Cour supérieure22, sous la plume de l’honorable Chantal Chatelain, j.c.s., rappelle qu’en matière de justice disciplinaire, les ordonnances ne sont pas un automatisme et les conseils de discipline doivent procéder à l’évaluation.
___________
21 Guay c. Gesca ltée, 2013 QCCA 343 (CanLII).
22 Racine c. Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec, 2016 QCCS 5064 (CanLII).
[53] Tel que déjà mentionné, l’intérêt qui doit être soulevé pour justifier une telle demande se définit en termes d’intérêt public à la confidentialité et non pas en fonction de l’intérêt spécifique à une partie qui demande une telle ordonnance[28].
_______________________
7 Dagenais c. Société Radio-Canada, 1994 CanLII 39 (CSC).
8 R. c. Mentuck, [2001] 3 RCS 442, 2001 CSC 76 (CanLII)
9 Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).
10 R. c. Mentuck, supra, note 8, paragr. 32.
11 Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11.
12 Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43 (CanLII), voir paragr. 26.
13 RLRQ c. C-12.
14 RLRQ c. C-25.01.
15 Vancouver Sun (Re), supra, note 12, paragr. 31 et Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), 1996 CanLII 184 (CSC), paragr. 71.
16 Sirius Services conseils en technologie de l'information inc. c. Boisvert, 2017 QCCA 518 (CanLII), paragr. 2.
17 Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), supra, note 9, paragr. 55.
18 Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada, [2010] 1 RCS 721, 2010 CSC 21 (CanLII), voir paragr. 58.
19 Savard c. La Presse ltée, 2017 QCCA 1340 (CanLII), paragr. 54.
20 Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 R.C.S. 253, 2007 CSC 43 (CanLII), paragr. 4.
21 Vancouver Sun (Re), supra note 12, paragr. 23.
22 Racine c. Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec, 2016 QCCS 5064 (CanLII), voir paragr. 46; Chartrand c. Conseil de discipline de l'Ordre des pharmaciens du Québec, 2014 QCCS 1885 (CanLII), voir paragr. 18; Lemieux c. Barrafato, 2012 QCTP 11 (CanLII); Bernier c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 112 (CanLII), voir paragr. 18.
23 Chartrand c. Conseil de discipline de l'Ordre des pharmaciens du Québec, supra, note 22, paragr. 36.
24 Lemieux c. Barrafato, supra, note 22, paragr. 8.
25 B.B. c. Québec (Procureur général), 1997 CanLII 10220 (QC CA).
26 Médecins (Ordre professionnel des) c. Claveau, 2017 CanLII 73282 (QC CDCM), voir paragr. 122; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Koutsouris, 2016 CanLll 91695 (QC CDOPQ), désistement de l’appel au Tribunal des professions; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Gosselin, 2016 CanLII 7345 (QC CPA).
27 Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Koutsouris, supra, note 26.
28 Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), supra, note 9.
[150] Suivant le Tribunal des professions dans l’affaire Paquette[118], les arrêts Dagenais[119] et Mentuck[120] « postulent une présomption en faveur du caractère public des procédures judiciaires et le rejet de toute censure à l'égard de leur diffusion à moins que le juge ne dispose d'une preuve convaincante pour ordonner une interdiction »[121].
[151] L’article 142 du Code des professions s’applique à toutes les étapes du procès disciplinaire dont l’audition sur la requête en radiation provisoire[122].
[152] Antérieurement à sa nomination à titre de présidente de conseils, Me Julie Charbonneau écrit dans un article sur le sujet qu’il ne saurait : « être question de rendre confidentiels, au moyen d’une ordonnance, des renseignements déjà publics »[123].
[153] Dans l’affaire Gosselin[124], l’appelant demande au Tribunal des professions de rendre une ordonnance de non-divulgation, non-diffusion et non-accessibilité du nom de la conjointe et du fils de l'intimé, de même que de toute information permettant de les identifier. Bien que l’autre partie ne s’oppose pas à cette demande, le Tribunal la rejette pour les motifs suivants :
[8] Comme le jugement rendu en matière criminelle, qui constitue le fondement de la plainte disciplinaire, ne comporte aucune restriction quant à la publication de quelque information que ce soit et que les noms des personnes visées par la demande peuvent être associés à celui de la personne condamnée dans ce dossier, le Tribunal considère que les informations visées par la demande sont déjà du domaine public et qu'il ne serait ni utile ni approprié de rendre l'ordonnance sollicitée et de faire exception au principe de la publicité de l'audience en matière disciplinaire.[125]
[154] Dans l’affaire Serra[126], le conseil détermine que le nom du patient et le fait qu’il est ou a été le patient de l’intimée n’ont pas à être protégés, car ces informations « ont été divulgué[e]s publiquement lors d’une audience et dans une décision d’un Conseil de discipline, ne font plus partie de la sphère de la vie privée d’une personne»[127].
[155] Par ailleurs, le nom de la personne ayant dénoncé l’inconduite du professionnel au syndic est généralement protégé, de façon à favoriser l’acheminement des informations à ce dernier et ainsi accroître la protection du public[128].
[156] Dans l’affaire Denis[129], le comité de discipline de l’Ordre des psychologues commente ainsi les objectifs visés par l’article 142 du Code des professions :
En effet, nous croyons que, tout en voulant faciliter l’accès au rôle d’audience et au dossier, c’est la protection à la personne à l’origine du dépôt d’une plainte et aux témoins ou tiers impliqués que le législateur a voulu renforcée et ce, en prévoyant, en outre du huis clos et de l’interdiction de publication ou de diffusion de renseignements et de documents, l’interdiction d’accessibilité à ces derniers lorsque l’ordre public ou la morale le justifient.
[…]
L’on constate donc que c’est la réputation ou la vie privée de personnes innocentes, de victimes, de témoins ou de tiers impliqués que les tribunaux ont jugé opportun de protéger lorsqu’ils ont décidé de restreindre l’accessibilité du public à l’identité de ces derniers, soit en cours d’audience soit postérieurement.[130]
[157] Les noms des patients constituent un autre exemple d’informations fréquemment protégées.
[158] En faisant référence à l’arrêt A.B. c. Bragg Communications Inc.[131], l’auteur Claude G. Leduc conclut que :
La Cour suprême n’hésite pas à utiliser le bon sens pour conclure en droit à l’existence d’un préjudice objectivement existant; quant au volet des effets préjudiciables au principe de la publicité des débats et de la liberté de la presse, elle déclare insignifiant le préjudice pouvant être ainsi être causé puisque la protection accordée aux victimes par l’anonymat l’emporte sans conteste sur le principe de la publicité des débats judiciaires […].[132]
[159] Si l’ordonnance protégeant l’identité d’une personne n’est pas émise, le préjudice objectivement existant que subirait cette personne peut être déduit : « en appliquant la logique et la raison »[133].
[160] Le Conseil examinera dans un premier temps les questions particulières qui se posent en l’instance au niveau de la demande d’ordonnance quant à la preuve relative à chacune des plaintes disciplinaires avant de l’aborder dans son ensemble.
1ère plainte disciplinaire - dossier numéro 06-17-03089 :
[161] La preuve présentée à l’égard de cette plainte repose sur les décisions sur culpabilité et sanction prononcées par le conseil. Celles-ci ne contiennent pas le nom de Me C, une ancienne collègue de l’intimé au DPCP, et sont publiques.
[162] De plus, le conseil a prononcé « une ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom de la demanderesse dont le nom est mentionné dans la plainte ou dans le cadre de la preuve, ainsi que tout renseignement permettant de l’identifier, et ce, afin d’assurer la protection de la vie privée »[134].
[163] Dans les circonstances, le Conseil ne considère pas nécessaire de prononcer une ordonnance en vertu de l’article 142 du Code des professions pour protéger l’identité de Me C.
2e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-030109
[164] Selon le 4e chef de cette plainte, l’intimé aurait tenu des propos inappropriés à l’endroit de Me D, représentant du DPCP, lors d’une audition devant la juge B dans le dossier numéro [...].
[165] Le seul document produit en preuve par le plaignant à ce sujet est la plainte disciplinaire datée du 20 février 2018[135]. Elle contient des initiales plutôt que le nom de l’avocat du DPCP, ainsi que le numéro de dossier de cour.
[166] Les parties n’informent pas le Conseil quant à savoir si une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion a été prononcée par l’autre formation du conseil saisi de cette plainte sur le fond.
[167] L’intimé aurait tenu les propos qui lui sont reprochés à l’endroit de Me D, un avocat dans l’exercice de ses fonctions représentant le DPCP lors d’une audition devant la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale. Comme il s’agit d’une audition publique, l’identité de Me D, ainsi que les propos tenus à son endroit revêtent donc un caractère public.
[168] De plus, le nom et le titre d’un avocat du DPCP possèdent un caractère public sauf exceptions[136].
[169] Le Conseil considère qu’il n’y a pas lieu en l’instance de rendre confidentiels, au moyen d’une ordonnance, des renseignements déjà publics.
[170] Le Conseil conclut que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que l’ordonnance demandée est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque et que ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.
3e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03129
[171] Suivant les chefs 6 et 7 de la troisième plainte[137], l’intimé aurait le 3 mai 2018, dans un corridor du palais de justice de Québec, notamment traité un procureur du DPCP, Me E, d'incompétent et l’aurait invité à venir se battre à l'extérieur.
[172] Les propos en question auraient été tenus à l’extérieur d’une salle d’audience et revêtent pas de caractère public. De plus, ils n’ont pas été prononcés par l’intimé dans le cadre de la défense d’un accusé.
[173] Le nom du procureur en question apparaît entre autres à la déclaration sous serment de ce dernier produite comme pièce R-6[138]. Le plaignant invoque de façon générale lors de la présentation de cette pièce :
Donc, évidemment, on n’est pas au niveau de l’audition de la plainte, mais vous comprenez que ces demandes-là ont été soumises au syndic, hein, puis ça en a résulté à une plainte, des chefs de plainte, […][139]
[174] Les propos reprochés à l’intimé sont de nature à porter atteinte à la réputation de Me E. Or, suivant l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne [140]: « Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation ».
[175] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hill c. Église de scientologie de Toronto[141], traite de l’importance de la réputation de l’avocat :
En l'espèce, il faut tenir compte de l'importance particulière que revêt la réputation pour l'avocat. La réputation d'un avocat est d'une importance primordiale vis-à-vis des clients, des membres de la profession et de la magistrature. L'avocat monte sa pratique et la maintient grâce à sa réputation d'intégrité et de conscience professionnelles. Elle est la pierre angulaire de sa vie professionnelle. Même doué d'un talent exceptionnel et faisant preuve d'une diligence de tout instant, l'avocat ne peut survivre sans une réputation irréprochable.[142]
[176] Ces constats s’appliquent avec les adaptations nécessaires au procureur du DPCP qui doit pouvoir exercer ses fonctions sans craindre de faire l’objet d’attaques à sa réputation. Rendre son identité publique viendrait perpétuer le préjudice causé par l’atteinte initiale à sa réputation.
[177] Il est aussi nécessaire de protéger son identité afin de favoriser les dénonciations au bureau du syndic. Son identité n’a pas d’intérêt public et la divulguer n’ajoute rien au processus disciplinaire.
[178] Le Conseil conclut que le plaignant s’est déchargé de son fardeau de prouver que l’ordonnance demandée est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque et que ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.
[179] Par conséquent, conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil prononce une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion du nom de l’avocat du DPCP dont il est question aux 6e et 7e chefs de la plainte datée du 10 juillet 2018 (Pièce R-4) et dans la preuve documentaire ainsi que tout renseignement permettant de l’identifier pour assurer la protection de sa réputation.
4e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03161
[180] Suivant le chef 3 de la quatrième plainte[143], l’intimé aurait le 13 juillet 2018, au poste d'accueil de l'Établissement de détention de Québec, tenu des propos offensants à l'endroit de monsieur F, agent du service correctionnel, alors que celui-ci est en service, en le traitant notamment de « clown » et de « calvitie ».
[181] Au moment des faits, F agissait dans l’exercice de ses fonctions d’agent du service correctionnel. Le nom et le titre d’un agent des services correctionnels ont un caractère public sauf exceptions[144]
[182] Par contre, en l’instance, l’intimé aurait tenu des propos de nature à porter atteinte à la réputation de F. Rendre son identité publique viendrait perpétuer le préjudice causé par l’atteinte initiale à sa réputation.
[183] De plus, dans sa déclaration manuscrite, F rapporte que l’intimé lui dit « qu’il connaît beaucoup de détenus et qu’il leur parlerait » de lui[145].
[184] L’agent du service correctionnel est appelé à côtoyer des avocats de la défense dans le cadre de ses fonctions. Il œuvre aussi auprès de détenus, une clientèle difficile qui peut représenter des risques pour sa sécurité. Il doit pouvoir exercer ses fonctions sans craindre de faire l’objet d’attaques à sa réputation ou de propos tels que ceux allégués à l’encontre de l’intimé.
[185] De plus, il est nécessaire de protéger l’identité de F afin de favoriser les dénonciations au bureau du syndic. Son identité n’est pas d’intérêt public et la divulguer n’ajoute rien au processus disciplinaire.
[186] Le Conseil conclut que le plaignant s’est déchargé de son fardeau tel qu’énoncé au paragraphe 178 de la présente décision.
[187] Par conséquent, conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil prononce une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion du nom de l’agent des services correctionnel dont il est question au 3e chef de la plainte datée du 25 octobre 2018 (Pièce R-8) et dans la preuve documentaire ainsi que tout renseignement permettant de l’identifier, pour assurer sa sécurité et protéger sa réputation.
[188] Suivant le chef 4 de la même plainte, l’intimé aurait le 20 septembre 2018, à l'entrée d’une salle d'audience au palais de justice de Québec, dans le cadre du dossier de cour numéro [...], par ses propos et son comportement, manqué à son devoir d'agir avec honneur, respect, modération et courtoisie envers Me H, en le traitant notamment « d'avocat pourri » et en lui bloquant momentanément l'accès à la porte d'entrée de cette salle.
[189] Me H représente le Barreau dans le cadre d’une poursuite pénale intentée par ce dernier à l’encontre de l’intimé pour exercice illégal de la profession d’avocat.
[190] Bien que Me H ait transmis une demande d’enquête au bureau du syndic relativement à cet événement[146], le Conseil ne considère pas qu’il y ait lieu de protéger son identité dans les circonstances.
[191] En effet, au moment où les infractions auraient été commises, Me H agit dans l’exercice de ses fonctions d’avocat de la poursuite, son rôle est au cœur de la preuve relative au chef 4, le dossier de la poursuite pénale à l’endroit de l’intimé possède un caractère public et le nom de Me H est facilement accessible à titre d’avocat représentant le Barreau dans le cadre de cette poursuite pénale.
[192] La seule façon de protéger son identité serait de ne pas divulguer l’identité de l’intimé, ce qui n’est pas une option raisonnable en l’instance. Enfin, le plaignant n’a présenté aucune preuve au soutien de sa demande de protéger l’identité de Me H.
[193] Par conséquent, le Conseil conclut que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau tel qu’énoncé au paragraphe 170 de la présente décision.
5e plainte disciplinaire - dossier no 06-18-03171
[194] Il est reproché à l’intimé aux chefs 1 à 7 de la plainte datée du 22 novembre 2018[147] une série de contraventions déontologiques vis-à-vis son client A.
[195] Le plaignant demande de protéger l’identité de A ainsi que toute information susceptible de l’identifier.
[196] Plusieurs informations protégées par le secret professionnel de l’avocat sont contenues dans la preuve, dont les discussions relatives au contenu des offres de règlement transmises par Me B à l’intimé ainsi qu’aux modalités de paiement des honoraires de ce dernier.
[197] Ces discussions sont au cœur des infractions qui sont reprochées à l’intimé. Afin de pouvoir en traiter dans la présente décision tout en assurant la protection du secret professionnel, il est nécessaire de prononcer une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de l’identité de A et toute information susceptible de l’identifier. Le Conseil considère qu’il n’y a pas d’autres mesures raisonnables d’écarter le risque de divulgation d’informations protégées par le secret professionnel.
[198] Le secret professionnel de l’avocat est un « principe de justice fondamentale et droit civil de la plus haute importance en droit canadien »[148]. Il s’agit d’un principe essentiel pour l’administration de la justice :
[traduction] L’objet et la teneur de la règle sont les suivants : comme, en raison de la complexité et des difficultés inhérentes à notre droit, les procès ne peuvent être correctement menés que par des professionnels, il est absolument nécessaire qu’un homme fasse appel à des avocats professionnels pour faire valoir ses droits ou se défendre contre une demande injustifiée [. . .] qu’il puisse, pour employer une expression populaire, tout avouer au professionnel qu’il consulte pour faire valoir sa demande ou pour se défendre [. . .], qu’il puisse placer toute sa confiance dans ce représentant professionnel et que les choses communiquées demeurent secrètes, sauf consentement de sa part (car il s’agit de son privilège et non de celui du mandataire qui reçoit l’information confidentielle), afin qu’il soit bien préparé à mener son procès.[149]
[199] Le droit de chacun au respect du secret professionnel est enchâssé à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne.
[200] L’ordonnance demandée est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, à savoir le bris du secret professionnel de l’avocat et le manque de confiance qui en découlerait, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque.
[201] Il est aussi nécessaire de protéger des informations relatives à la vie privée de A.
[202] Le Conseil est d’avis que les effets bénéfiques de l’ordonnance sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.
[203] Tout comme dans l’affaire Duquette[150], l’identité de A n’est pas d’intérêt public :
[125] L’objectif du droit disciplinaire étant la protection du public, notamment par un contrôle de la pratique des professionnels membres, ce qui est “ d’intérêt public ” dans un tel contexte, particulièrement en l’espèce, est de savoir que le Docteur Duquette fait l’objet d’une plainte disciplinaire, de connaître les gestes qui lui sont reprochés, de savoir s’il est coupable ou non de les avoir commis, et finalement, d’être informé, dans l’éventualité où il serait trouvé coupable, de la sanction rattachée à de tels gestes. À cet effet, le comité fait sien les propos suivants du Tribunal des professions :
“ En quoi, dans le cas en l’espèce, l’identité de la patiente peut intéresser le public ? N’est-ce pas plutôt les faits reprochés au professionnel concerné, la manière dont les traitements ont été prodigués, le sort que le Comité de discipline a fait aux plaintes qui sont susceptibles d’intéresser le public dans la perspective de “ la protection du public ”? ” 45
(Nous soulignons)
[126] Le comité a tout à fait conscience d’un “ intérêt ” des médias dans la divulgation de l’identité des patients, particulièrement de ceux qui sont connus du public, intérêt qui s’est notamment manifesté par la présence de nombreux représentants de la presse lors des auditions du comité ainsi que par le rapport qu’ils en ont fait. Toutefois, le contexte particulier de cette affaire a convaincu le comité, au moment de prononcer les ordonnances ainsi que suite à l’examen de celles-ci à l’occasion de leur contestation, que celles-ci étaient tout à fait justifiées malgré le fait qu’elles impliquaient, dans le cas de certains chefs, ce qu’il est convenu d’appeler des “ personnalités publiques ”. Quant à l’intérêt des médias, la Cour suprême a émis une mise en garde à l’effet que “ la couverture médiatique ne peut être considérée comme une mesure impartiale de l’intérêt public ”46.
44 R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442, page 475;
45 Médecins c. Esterez, T.P. no. 500-07-000090-963, 11 juillet 1997, page 27;
46 Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, para 85;
[204] Les journalistes peuvent remplir leur rôle auprès du public sans connaître l’identité de A. Divulguer le nom du client n’ajoute rien au processus disciplinaire. Le Conseil fait siens les constats suivants contenus dans l’affaire Laprise[151]:
[107] La transparence des débats judiciaires demeure. Aucun débat public n’est empêché quant aux aspects fondamentaux de l’affaire à l’étude, soit le comportement déontologique de l’intimé.
[205] Par conséquent, conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil prononce une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion du nom du client dont les initiales apparaissent à la plainte datée du 22 novembre 2018 (Pièce R-13) et dans la preuve documentaire ainsi que tout renseignement permettant de l’identifier, incluant les numéros de dossiers de cour, son numéro de téléphone et le nom de sa conjointe mentionné à la pièce R-22, et ce, afin d’assurer le respect du secret professionnel et la protection de la vie privée de ce dernier.
Autres demandes
[206] Le Conseil considère que le plaignant n’a pas rencontré son fardeau afin de protéger l’identité des autres personnes visées par sa demande d’ordonnance dont le second agent du service correctionnel G qui alors qu’il agit dans l’exercice de ses fonctions est témoin de la conduite de l’intimé à l’endroit d’un autre agent. La demande présentée par le plaignant est large et aucune preuve n’est présentée à son soutien. Les critères jurisprudentiels cités précédemment ne sont pas rencontrés.
2) Le plaignant a-t-il satisfait aux critères exigés par la jurisprudence afin de convaincre le Conseil d’émettre une ordonnance de radiation provisoire immédiate à l’endroit de l’intimé?
[207] Conformément à l’article 133 du Code des professions, le Conseil peut rendre une ordonnance de radiation provisoire « s’il juge que la protection du public l’exige ».
[208] La radiation provisoire immédiate d’un professionnel a pour effet de priver un professionnel de son droit d’exercer sa profession avant que le Conseil n’ait statué sur la plainte déposée contre lui[152]. Il s’agit d’une mesure d’exception[153] visant à assurer la protection du public.
[209] Elle revêt un caractère d’urgence et requiert d’agir avec diligence[154]. Le caractère d’urgence de la demande de radiation provisoire « ne se prête pas à une enquête exhaustive ni à une démonstration étoffée du professionnel tendant à y établir qu’il ne saurait être coupable »[155]. Il est aussi inutile de « démontrer que l’enquête du syndic ne tient pas la route »[156].
[210] Il n’y a pas lieu au stade de la radiation provisoire de statuer sur la culpabilité ou non-culpabilité de l’intimé quant aux infractions reprochées ni sur la crédibilité des parties et de leurs témoins[157]. Le débat à ce sujet s’effectuera plutôt dans le cadre de l’audition sur culpabilité.
[211] La radiation provisoire n’est pas une mesure punitive ou un mécanisme de pression. Le seul véritable enjeu doit demeurer la protection du public[158].
[212] L’article 130 du Code des professions énonce les situations donnant ouverture à la radiation provisoire. Ce sont les paragraphes 2 et 3 qui sont pertinents en l’instance :
130. La plainte peut requérir la radiation provisoire immédiate de l’intimé ou la limitation provisoire immédiate de son droit d’exercer des activités professionnelles : […]
2o lorsqu’il lui est reproché de s’être approprié sans droit des sommes d’argent et autres valeurs qu’il détient pour le compte d’un client ou d’avoir utilisé des sommes d’argent et autres valeurs à des fins autres que celles pour lesquelles elles lui avaient été remises dans l’exercice de sa profession;
3o lorsqu’il lui est reproché d’avoir commis une infraction de nature telle que la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession. […]
[213] Le Conseil a un pouvoir discrétionnaire d’ordonner la radiation provisoire qui est balisé par la jurisprudence. Les quatre critères suivants doivent guider le Conseil dans l’exercice de sa discrétion[159] :
1. la plainte doit faire état de reproches graves et sérieux;
2. les reproches doivent porter atteinte à la raison d’être de la profession;
3. la preuve à première vue démontre que le professionnel a commis les gestes reprochés;
4. la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.
[214] Avant de débuter cette analyse, il y a lieu de déterminer sur quoi doit porter l’examen que le Conseil doit effectuer en vertu de ces quatre critères.
[215] Le plaignant soutient que le Conseil doit dans l’évaluation de chacun des critères tenir compte de la preuve administrée quant aux cinq plaintes déposées contre l’intimé. Le Conseil ne partage pas ce point de vue. Voici pourquoi.
[216] L’article 130 du Code des professions prévoit que « la plainte peut requérir la radiation provisoire immédiate de l’intimé ». Le plaignant a joint la dernière plainte à la requête. En l’instance, bien que le texte même de la plainte ne requière pas la radiation provisoire de l’intimé, le Conseil juge néanmoins que cette façon de faire est conforme à l’esprit de cet article.
[217] En effet, selon l’honorable Ginette Piché de la Cour supérieure dans l’affaire Danielle[160] au sujet de l’article 130 du Code des professions :
15 L'article 130 n'exclut pas (en utilisant le verbe «peut» et non pas «doit») la possibilité de faire une plainte dans un document distinct et il est clair, de plus, lorsqu'on examine le document, que l'avis d'audition d'une requête en radiation provisoire ne peut qu'être relié à une plainte. En effet, une requête en radiation provisoire ne peut tenir in abstracto sans qu'il y ait un lien avec des faits reprochés. Ici, rappelons-nous que la plainte et l'avis d'audition ont été signifiés dans deux documents distincts, il est vrai, mais que ces deux documents ont été signifiés le même jour et au même moment à Me Daniele. La requète (sic) fait d'ailleurs référence à la plainte. Voyons les deux premiers paragraphes de la requête:
1. Il dépose, ce jour même, une plainte disciplinaire contre l'intimé;
2. Parmi les chefs d'accusation contenus à la plainte, il se trouve des infractions dont la nature va à l'essence même de la profession d'avocat; (...)
16 Il s'agit d'un problème purement procédural et, dans son jugement, M. le juge Robert dira d'ailleurs ceci à ce sujet:
2. La plainte portée contre l'intimé devait contenir la demande de radiation provisoire selon une interprétation rigoriste de l'article 130 du Code des professions alors que cette demande se retrouvait dans un document distinct intitulé «requête en radiation provisoire». Encore là, je ne vois pas comment cette irréqularité procédurale, si elle est réelle, pouvait porter atteinte à la compétence du comité.
[Soulignements ajoutés dans la décision originale]
[218] Ce qui importe est que la requête soit en lien avec une plainte disciplinaire.
[219] Le plaignant apporte des modifications à la requête après la réunion des plaintes par la présidente en chef. Après la première journée d’audition, il produit une nouvelle liste de pièces datée du 5 décembre 2018 qui inclut l’énumération de la preuve reliée aux 5 plaintes. L’essence des conclusions de la requête demeure toutefois la même.
[220] Effectivement, suivant la version modifiée de la requête datée du 5 décembre 2018, le plaignant demande au Conseil : « d’émettre une ordonnance de radiation provisoire contre l’intimé, Me Jean-Roch Parent, jusqu’à la décision finale sur la plainte jointe à la présente requête, et produite en annexe sous la côte R-13 ». R-13 est la plainte datée du 22 novembre 2018.
[221] C’est cette plainte que le Conseil doit examiner afin de déterminer si elle fait état de reproches graves et sérieux. Ce sont aussi les mêmes reproches qui doivent porter atteinte à la raison d’être de la profession. Enfin, la preuve doit démontrer à première vue que l’intimé a commis les gestes reprochés qui sont contenus dans cette plainte.
[222] Cette interprétation est compatible avec le fait que la radiation provisoire si elle est prononcée demeurera effective jusqu’à la décision finale sur la dernière plainte.
[223] Le Conseil est toutefois d’avis qu’il peut prendre en considération notamment les l’antécédent disciplinaire de l’intimé et ses dossiers en cours afin de déterminer si la protection du public risque d’être compromise s’il continue à exercer sa profession.
[224] La preuve relative à l’existence des cinq plaintes disciplinaires pourra donc être prise en compte pour les fins de l’évaluation du quatrième critère, et ce même si aucune décision du conseil n’a été rendue. En effet, les règles de preuve sont souples à l’étape de la radiation provisoire :
[29] Les règles de preuve sont également différentes puisque l'on peut, à l'étape de la radiation provisoire, faire une preuve de caractère, produire les sanctions antérieurement imposées au professionnel, souligner l'existence d'autres plaintes disciplinaires en attente d'audition, etc.[161]
[225] L’interprétation retenue par le Conseil est conforme à la nature même de la procédure de radiation provisoire qui revêt un caractère urgent et exceptionnel.
[226] En effet, suivant l’article 133 du Code des professions, l’instruction de la requête en radiation provisoire « doit débuter au plus tard dans les 10 jours de la signification de la plainte ». La plainte datée du 22 novembre 2018 est signifiée à l’intimé le 26 novembre 2018[162] alors que l’instruction de la requête débute le 3 décembre 2018, ce qui est à l’intérieur du délai prévu.
[227] En ce qui concerne la première plainte, l’audition est terminée, une amende est imposée et aucun appel n’est interjeté. Or, l’article 133 du Code des professons prévoit que :
L’ordonnance de radiation provisoire ou de limitation provisoire du droit d’exercer des activités professionnelles demeure en vigueur jusqu’à la signification de la décision du conseil rejetant la plainte ou imposant la sanction, selon le cas, à moins que le conseil n’en décide autrement.
[228] Il est trop tard pour qu’une radiation provisoire soit ordonnée jusqu’à la signification de la décision rendue sur la première plainte. Adopter une telle interprétation détournerait ce recours exceptionnel de sa raison d’être.
[229] Les plaintes sont réunies à la demande de l’intimé. Il n’y a aucune indication que cette réunion de plaintes est effectuée pour élargir la portée de la présente requête. L’objectif d’une réunion de plainte est d’assurer une meilleure gestion des instances[163].
[230] Aucune des cinq plaintes ne mentionne qu’elles requièrent la radiation provisoire. L’article 145 du Code des professions prévoit qu’une plainte peut être « modifiée pour requérir, notamment, la radiation provisoire visée à l’article 130 ». Cela n’a pas été fait en l’instance.
[231] Enfin, la substance des conclusions recherchées par la requête n’a pas changé depuis que les plaintes sont réunies.
1. La plainte fait-elle état de reproches graves et sérieux?
[232] Ce critère porte sur la nature des infractions reprochées à l’intimé. Il ne s’agit pas à cette étape-ci d’évaluer la gravité de ces infractions à la lumière de la preuve présentée lors de l’instruction de la requête en radiation provisoire.
[233] Le Tribunal des professions dans l’affaire Mailloux[164] explique bien en quoi consistent les deux premiers critères qui :
sont essentiellement de nature objective. Ils se rapportent à la nature de l'infraction.
[101] Ces critères ne nécessitent ni enquête ni longue analyse.
[102] Ils font appel au jugement objectif fondé essentiellement sur la description des manquements et leur renvoi aux dispositions légales ou réglementaires invoquées dans la plainte disciplinaire.
Chefs 1 à 4 de la plainte datée du 22 novembre 2018
[234] Il est reproché à l’intimé au 1er chef d’avoir le 15 novembre 2018 contrevenu à l’article 114 du Code de déontologie des avocats se lisant comme suit :
114. Lorsque sa présence est requise, l’avocat se présente ou se fait représenter devant le tribunal, à moins d’en être empêché pour des motifs hors de son contrôle. Autant que possible, il en avise préalablement son client, le tribunal et les parties concernées.
[235] Plus particulièrement, ce chef précise que l’intimé fait défaut de se présenter ou de se faire représenter devant le tribunal dans le dossier de son client A sans en avoir au préalable informé ce dernier, le tribunal et le procureur aux poursuites criminelles et pénales.
[236] L’article 114 se trouve au chapitre III du Code de déontologie des avocats intitulé « Devoirs envers l’administration de la justice » sous la section II « Devoirs envers le tribunal ». Il s’agit d’une obligation élémentaire pour un avocat pouvant avoir de graves conséquences pour le client qui se retrouve non représenté devant le tribunal.
[237] Suivant le chef 2, l’intimé enfreint l’article 43 du Code de déontologie des avocats ainsi formulé :
43. L’avocat soumet au client toute offre de règlement qu’il reçoit relativement au mandat et le conseille dans l’évaluation de celle-ci.
[238] L’article 43 se trouve au chapitre 2 du Code de déontologie des avocats intitulé « devoirs envers le client ».
[239] L’intimé aurait fait défaut de soumettre à son client A les deux offres de règlement qu’il a reçues du procureur aux poursuites criminelles et pénales les 7 mars et 16 mai 2018, et ce, dans trois dossiers.
[240] Suivant les chefs 3 et 4, l’intimé contrevient à l’article 39 du Code de déontologie des avocats ainsi libellé: « L’avocat fait preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnables pour la réalisation des diverses tâches professionnelles reliées au mandat ». Cet article se trouve au chapitre 2 du Code de déontologie intitulé « devoirs envers le client ».
[241] Le chef 3 reproche à l’intimé d’avoir entre le 30 octobre 2018 et le 15 novembre 2018, négligé d’informer son client A que son dossier avait été fixé pour audience devant le tribunal le 15 novembre 2018 alors que le chef 4 concerne le défaut de retourner tous les appels du même client du 10 octobre 2017 au 15 novembre 2018.
[242] Les infractions aux articles 39, 43 et 114 du Code de déontologie des avocats se situent au cœur de la profession d’avocat, minent la confiance du public à l’endroit des avocats et reflètent un manque de professionnalisme[165]. Il s’agit de reproches graves et sérieux.
Chefs 5 et 6 de la plainte datée du 22 novembre 2018
[243] Il est reproché à l’intimé aux chefs 5 et 6 de la cinquième plainte d’avoir le ou vers le 3 juillet 2018 enfreint respectivement les dispositions suivantes du Règlement sur la comptabilité :
70. L’avocat doit remettre à la personne de qui il reçoit une somme en espèces un reçu dont il conserve une copie, laquelle indique:
1° la date de réception de la somme;
2° le nom de la personne de qui la somme provient;
3° la somme reçue;
4° le nom du client pour qui la somme est reçue;
5° le numéro ou la désignation du dossier afférent;
6° l’objet pour lequel la somme est reçue.
Ce reçu doit être signé par l’avocat ayant reçu cette somme ou par la personne autorisée par ce dernier à la recevoir ainsi que par la personne de qui provient cette somme.
50. L’avocat doit, sans délai après réception d’argent en fidéicommis, le déposer dans un compte général en fidéicommis, dans une succursale québécoise d’une institution financière dont les dépôts sont couverts par l’assurance-dépôts en application de la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada (L.R.C. 1985, c. C-3) ou garantis en application de la Loi sur l’assurance-dépôts (chapitre A-26), et ayant conclu avec le Barreau une entente conformément aux dispositions du Règlement sur le fonds d’études juridiques du Barreau du Québec (chapitre B-1, r. 10).
Ce compte général en fidéicommis doit être identifié au nom de l’avocat ou de la société au sein de laquelle il exerce, suivi de la mention «en fidéicommis» ou «in trust».
[244] L’article 50 se trouve au sein de la section VIII intitulée « réception et retrait d’argent en fidéicommis » alors que l’article 70 est dans la section « montant en espèce ».
[245] L’obligation de remettre un reçu en cas de paiement en espèce vise à contribuer à la lutte contre le blanchiment d’argent et à la déclaration de toutes les sommes reçues à titre d’honoraires professionnels.
[246] Les articles 50 et 70 ne constituent pas de simples formalités techniques, mais bien des infractions importantes afin de maintenir la confiance du public.
[247] Suivant l’affaire Bellemare[166] :
[91] Le défaut de déposer au compte en fidéicommis les sommes confiées à titre d’avance d’honoraires et de déboursés à effectuer et de les y conserver constitue une faute grave qui se situe au cœur même de l’exercice de la profession d’avocat.
[248] L’objectif visé est de protéger le public :
[52] Ce n’est pas sans raison que l’ensemble des avocats est assujetti à des règles strictes concernant la comptabilité fidéicommissaire.
[53] Ces règles ont essentiellement pour but de protéger le public et tout défaut de s’y conformer constitue une infraction sérieuse.[167]
[249] Les chefs 5 et 6 font état de reproches graves et sérieux.
Chef 7 de la plainte datée du 22 novembre 2018
[250] Il est reproché à l’intimé au 7e chef d’avoir le 3 juillet 2018 contrevenu l’article 59.2 du Code des professions se lisant comme suit :
59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.
[251] Plus particulièrement, l’intimé se serait approprié la somme de 2 000 $ reçue en espèces de son client, A, à titre d’avances d’honoraires et de débours et pour laquelle aucune facture n’a été émise et aucun service d’une telle valeur ne lui avait été rendu à cette date.
[252] Suivant la décision du conseil dans l’affaire Dauphin[168] :
[11] La jurisprudence du Comité de discipline et du Tribunal des professions est constante en ce qui concerne l’infraction d’appropriation :
« En soi, l’appropriation de deniers, par un avocat est une faute grave qui touche à l’essence même de sa profession, soit l’intégrité. »2
2 Avocats c. Bazinet, 1994 D.D.O.P., p. 187. [169]
[253] Il s’agit de reproches tellement graves et sérieux que le législateur a pris le soin d’inclure spécifiquement ce motif comme donnant ouverture à la radiation provisoire immédiate au paragraphe 2 de l’article 130 du Code des professions.
[254] De plus, l’article 156 du Code des professions prévoit que le Comité doit imposer au moins une radiation temporaire lorsqu’un professionnel est déclaré coupable de s’être approprié sans droit des sommes d’argent.
[255] À la lumière de ce qui précède, le reproche prévu au chef 7 est grave et sérieux.
2. Les reproches de la plainte portent-ils atteinte à la raison d’être de la profession?
[256] Les infractions visées par les chefs 1 à 4 mettent en cause la négligence de l’intimé dans l’exécution de son mandat de représentation et portent atteinte à la raison d’être de la profession. Considérant que l’intimé pratique en droit criminel, les conséquences d’une telle négligence peuvent être importantes pour le client. Il peut y avoir un impact sur les droits fondamentaux du client[170].
[257] Le client est en droit de s’attendre à être représenté par un avocat faisant preuve de disponibilité et de diligence raisonnables. En tant qu’officier de justice, l’avocat doit aussi avoir à cœur le respect de ses devoirs envers le tribunal. Il s’agit d’infractions au cœur de la profession.
[258] De plus, le législateur a pris le soin de réserver à l’avocat le droit de donner des consultations et des avis juridiques, ainsi que de plaider ou agir devant la Cour du Québec.
[259] L’avocat qui administre les fonds d’autrui, se doit de s’assurer de suivre les exigences relatives aux comptes en fidéicommis.
[260] Les reproches contenus aux chefs 1 à 4 ainsi que 6 et 7 de la plainte portent atteinte à la raison d’être de la profession.
[261] Toutefois en ce qui concerne le cinquième chef, l’émission d’un reçu lorsque l’avocat reçoit une somme en espèce est une modalité importante relative à sa pratique, mais ne fait pas partie de la raison d’être de la profession.
[262] Le reproche contenu au chef 5 ne porte pas atteinte à la raison d’être de la profession, ce qui se reflète dans les sanctions moindres qui sont imposées par les conseils pour ce type de manquement[171].
3. La preuve à première vue démontre-t-elle que l’intimé a commis les gestes reprochés?
[263] Le fardeau de preuve qui doit être rencontré par le plaignant au stade de la requête en est un de présentation :
[10] En raison du contexte juridique dans lequel se situe une demande de radiation provisoire, le fardeau s’imposant au plaignant en est un de présentation, et non de persuasion, qui doit établir à première vue (« prima facie ») suffisamment d’éléments qui permettent au comité de conclure que la protection du public exige de rendre l’ordonnance.
[11] Il s’agit donc pour le comité d’évaluer et d’apprécier une preuve factuelle qui démontre à première vue (« prima facie ») la perpétration des infractions reprochées, d’une part, et d’autre part, de s’assurer que cette preuve tombe sous l’une ou l’autre des situations prévues à l’article 130 du Code.
[12] Le comité doit enfin juger si, au terme de la prise en compte de cette preuve, et aussi, du point de vue du professionnel visé, le cas échéant, la protection du public exige la radiation provisoire et immédiate.[172]
[264] Il est important de ne pas confondre les objectifs visés par une audition sur culpabilité et la radiation provisoire. Il est bien établi que :
la contestation du professionnel ne doit pas porter sur la question de déterminer s'il est coupable ou non des infractions reprochées contre lui, mais plutôt et surtout s'appliquer à démontrer que la protection du public ne sera pas mise en danger s'il continue à exercer sa profession. Cela étant, le professionnel peut aussi faire valoir une preuve « à première vue » établissant qu'il n'a pas commis les infractions dont on l'accuse.[173]
Concernant le chef 1 :
[265] La preuve présentée par le plaignant sur le chef 1 démontre à première vue que :
- l’intimé ne se présente pas à l’audition du 15 novembre 2018 fixée à 9 h 30 et n’y est pas représenté alors que sa présence est requise;
- l’intimé appelle un confrère, il l’informe qu’il ne peut être à la Cour, car il est malade et lui demande s’il va être à la Cour. Le confrère lui répond que non;
- selon la déclaration assermentée du procureur du DPCP, vers 9 h 45, la réceptionniste du DPCP se présente dans la salle de Cour[174]. Elle rapporte que Me Giroux vient d’appeler pour dire que l’intimé ne sera pas là aujourd’hui, car il est malade. Cette portion de la preuve constitue du triple ouï-dire.
[266] Le Conseil estime que l’intimé a présenté une preuve « à première vue » :
- Qu’il ne peut se présenter à la Cour le 15 novembre 2018 pour des motifs hors de son contrôle puisqu’il souffre de gastro-entérite;
- Qu’il ne sait pas la veille qu’il sera malade et que le lendemain matin à 8 h 25, il tente d’être représenté à la Cour en contactant un confrère qui l’avait déjà assisté dans le dossier de l’autre accusé;
- Qu’il ne peut communiquer avec son client détenu pour l’informer de son absence, car à partir de leur départ du Centre de détention à 7 h, les détenus sont impossibles à joindre;
- Qu’à la suite de son appel à son confrère à 8 h 25, celui-ci communique avec le DPCP afin de l’informer qu’il ne peut pas se présenter pour cause de maladie.
[267] De plus, vu les circonstances, l’intimé ne peut communiquer directement avec le juge en l’absence de l’autre partie en raison de l’article 121 du Code de déontologie des avocats.
[268] Le Conseil conclut que le plaignant n’a pas démontré « à première vue » que l’intimé a commis l’infraction qui lui est reprochée au chef 1.
Concernant le chef 2 :
[269] La preuve présentée par le plaignant démontre « à première vue » que :
- les 7 mars et 16 mai 2018, le procureur du DPCP soumet des offres de règlement à l’intimé en vue de régler le dossier de son client A;
- A affirme n’avoir jamais eu l’opportunité de voir les deux offres.
[270] La preuve présentée par l’intimé démontre « à première vue » que :
- contrairement à ce que A affirme dans sa première déclaration, ce n’est pas le 15 novembre 2018 qu’il apprend que la Couronne a fait des offres de règlement;
- le 2 avril 2018, il mentionne dans un message à A sur Facebook Messenger que la Couronne a déjà offert d’enlever la peine minimale de deux ans pour trafic qu’il ne considérait pas suffisante;
- À partir du 21 mai 2018, il tente de rejoindre A pour lui communiquer la seconde offre de règlement reçue le 16 mai 2018. Le 24 mai 2018, il l’informe via Facebook Messenger que la Couronne retire le chef de trafic s’il plaide coupable de possession;
- À l’époque, A n’est pas intéressé par cette offre, car son intérêt est de réintégrer la police.
[271] L’intimé fait partiellement référence à la première offre du DPCP dans son message du 2 avril 2018 et semble avoir décidé de son propre chef de ne pas y donner suite.
[272] L’intimé témoigne avoir eu plusieurs conversations téléphoniques avec A concernant les offres de règlement et lui avoir expliqué les « tenants et aboutissements de l’offre », et pourquoi même s’il continue d’avoir de bonnes chances (d’avoir gain de cause dans son dossier), il s’agit d’une bonne offre[175]. Pour sa part, A dit n’avoir jamais vu les offres de règlements et déclare que l’intimé et lui ne se parlent pratiquement jamais, puisque l’intimé n’est pas joignable.
[273] Le Conseil est en présence de versions contradictoires et à ce stade-ci, son rôle n’est pas d’évaluer la crédibilité des témoins. De plus, l’intégralité des deux offres n’est pas contenue dans les communications de l’intimé avec A via Facebook Messenger.
[274] Le Conseil considère que le plaignant a démontré « à première vue » que l’intimé a commis l’infraction prévue au chef 2.
Concernant le chef 3 :
[275] Le Conseil considère que la preuve présentée par le plaignant démontre à première vue que l’intimé a commis l’infraction prévue au chef 3.
[276] Tant A que sa conjointe affirment ne pas avoir été informés par l’intimé de la date de l’audition du 15 novembre 2018, alors que le témoignage de ce dernier à ce sujet est imprécis. Le rôle du Conseil à ce stade-ci n’est pas de déterminer si l’intimé a commis ou non l’infraction reprochée.
Concernant le chef 4 :
[277] Le Conseil considère que la preuve présentée par le plaignant démontre à première vue que l’intimé a commis l’infraction prévue au chef 4.
[278] L’infraction suivant laquelle l’intimé n’a pas fait preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnable en ne retournant pas tous les appels de son client A repose sur la version des faits de A et est corroborée notamment par des messages échangés sur Facebook Messenger.
[279] L’intimé pour sa part invoque sa diligence dans sa représentation ainsi que le fait qu’il avait un procès d’une durée de 3 mois. Ce sera le rôle du Conseil lors de l’audition sur le fond de déterminer s’il est coupable ou non de l’infraction reprochée.
Concernant le chef 5 :
[280] De sa propre admission la preuve du plaignant au sujet de ce chef repose sur la déclaration assermentée de A en date du 20 novembre 2018. Il y déclare avoir remis la somme de 2 000 $ en argent sans facture à l’intimé à la fin juin. Or, il n’y mentionne pas l’absence de reçu.
[281] L’intimé témoigne que :
- Il fournit toujours des reçus à ses clients, sauf pour la remise d’argent comptant effectuée par A le 29 septembre 2018.
- Malgré qu’il ait préparé une facture et un reçu pour A en prévision de la remise de l’argent le 29 septembre, il ne lui remet pas, car A a laissé l’argent en son absence.
- A n’est jamais venu chercher le reçu et est détenu depuis le 7 octobre. L’intimé ne l’ayant pas revu, il ne lui remet pas le reçu.
[282] Il y a à première vue deux remises d’argent de 2 000 $ dans le dossier de A. En date du 24 septembre 2018, l’intimé écrit à A qu’il lui a déjà donné 2 000 $. Il n’y a pas de preuve que la remise de ce premier 2 000 $ s’est effectuée, sans qu’un reçu soit remis.
[283] Le Conseil considère que la preuve présentée ne démontre pas à première vue que l’intimé a commis l’infraction prévue au chef 5.
[284] Le plaignant n’a par ailleurs pas fait de demande au Conseil afin d’amender le chef 5 pour faire référence au 29 septembre au lieu du 3 juillet.
Concernant le chef 6 :
[285] L’article 50 du Règlement sur la comptabilité impose l’obligation, sans délai après réception d’argent en fidéicommis, de le déposer dans un compte général en fidéicommis.
[286] Le paragraphe 1(2) de ce règlement définit l’agent en fidéicommis comme étant :
2° «argent en fidéicommis»: toute somme d’argent reçue par un avocat pour être affectée suivant les instructions du client ou d’une autre personne, et qui comprend une somme d’argent remise à un avocat à titre d’avance d’honoraires pour services à rendre ou pour débours à effectuer;
[287] Suivant l’article 54 du Règlement sur la comptabilité :
54. L’avocat ne doit pas déposer dans un compte général en fidéicommis:
1° l’argent reçu à titre d’avance d’honoraires ou de débours pour lesquels la facturation a été envoyée;
2° l’argent reçu à titre d’avance d’honoraires ou de débours pour lesquels la facturation a été envoyée n’a pas à être déposé dans un compte général en fidéicommis.
[288] Le plaignant a démontré à première vue que l’intimé n’a jamais eu de compte en fidéicommis, et en se basant sur la déclaration assermentée de A datée du 20 novembre 2018, que ce dernier remet la somme de 2 000 $ en argent sans facture à l’intimé à la fin juin 2018.
[289] L’intimé pour sa part témoigne qu’il n’accepte pas d’argent à l’avance, qu’il facture pour le travail effectué et qu’il n’a jamais reçu d’avance de la part de A. Toutefois, bien que l’intimé indique avoir une copie des factures correspondantes aux deux sommes de 2 000 $ qui lui ont été remises, il n’en produit pas de copie.
[290] Le Conseil est en présence de versions contradictoires quant à savoir si le ou vers le 3 juillet 2018, une somme de 2 000 $ est remise à l’intimé sans facture. Or, à ce stade-ci, son rôle n’est pas d’évaluer la crédibilité des témoins. De plus, l’intimé ne s’est pas prévalu de l’opportunité que le Conseil lui avait offerte de transmettre cette facture. Le syndic rencontre donc son fardeau de présentation alors que l’intimé échoue dans sa tentative de démontrer à première vue l’existence de cette facture.
[291] Toutefois, le Conseil constate l’absence de preuve présentée par le plaignant que la somme de 2 000 $ a été remise à l’intimé alors qu’aucun service d’une telle valeur n’avait été rendu à A. De plus, l’intimé témoigne à l’effet contraire.
[292] Dans l’affaire Gagnon[176], le conseil déclare l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité. L’intimé plaidait que les sommes d’argent qu’il a reçues les 7 et 26 novembre 2012 couvraient des honoraires pour des services rendus et qu’il n’avait donc pas à déposer ces sommes dans son compte en fidéicommis.
[293] Le conseil conclut qu’au moment où le client lui remet les sommes d’argent en question, il n’avait pas rendu des services professionnels et encouru des déboursés pour ces valeurs. Toutefois, même s’il en était venu à une conclusion différente, le conseil précise que l’absence de facturation est fatale et qu’il devait donc déposer les sommes reçues dans son compte général en fidéicommis.
[294] Le conseil dans cette affaire interprète comme suit les articles 50 et 54 du règlement ainsi que la définition d’argent en fidéicommis :
[39] Il ressort de ces dispositions que les deux seules façons pour un avocat de ne pas déposer des sommes reçues de son client dans son compte général en fidéicommis sont : soit qu’il a émis et envoyé au client, au moment de la réception desdites sommes, une facture pour les services rendus et déboursés encourus; soit que la somme d’argent reçue de son client lui est remise pour garantir sa disponibilité. Notons que cette deuxième exception ne concerne pas le présent dossier.
[40] Lorsqu’un avocat reçoit de son client une avance d’honoraires ou de déboursés, et qu’aucune facture n’est émise pour ces honoraires ou déboursés, il doit déposer les sommes reçues dans son compte en fidéicommis.
[41] Le Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats (le règlement) a pour but de resserrer les mécanismes de contrôle des comptes en fidéicommis et impose aux membres de l’Ordre des exigences spécifiques.
[42] Ces exigences ont pour objectif d’assurer la séparation complète entre l’argent que l’avocat détient en fidéicommis et l’argent qui lui appartient en propre[30].
[43] L’avocat doit avoir un compte général en fidéicommis pour recevoir toutes les sommes qui lui sont confiées en fidéicommis dans l’exercice de sa profession[31].
[44] L’argent en fidéicommis signifie toute somme d’argent reçue par l’avocat pour être affectée suivant les instructions du client et comprend une somme d’argent remise à un avocat à titre d’avance d’honoraires pour services à rendre ou pour débours à effectuer[32].
[45] L’argent en fidéicommis confié par le client à son avocat n’appartient pas à ce dernier et doit donc être déposé dans son compte général en fidéicommis. Il doit y demeurer jusqu’à ce que le travail ait été effectué, le débours engagé et la facturation transmise au client[33].
[46] Les termes de l’article 50 du Règlement sont sans équivoque « L’avocat doit, sans délai après réception d’argent en fidéicommis, le déposer dans un compte général en fidéicommis ».
[47] Il s’agit d’une obligation impérative qui a été mise en place dans un but de protection du public.[177]
[295] En conclusion, le Conseil détermine que le plaignant a démontré à première vue que l’intimé a commis l’infraction à l’article 50 du Règlement sur la comptabilité contenue au chef 6, en faisant défaut, le ou vers le 3 juillet 2018, de déposer sans délai dans un compte général en fidéicommis la somme de 2 000 $, reçue en espèces, que lui avait remis de son client [A] en lien avec ses dossiers numéros […].
Concernant le chef 7
[296] On retrouve une définition du mot « appropriation » dans la décision du Tribunal des professions dans l’affaire Blanchet[178] :
[102] […] Il n’existe en effet aucune définition du terme «appropriation» dans les textes légaux mentionnés précédemment. De fait, le lien de rattachement juridique des infractions se trouve aux articles 59.2 et 152 du Code énonçant qu’il revient au comité de décider si l’acte reproché est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’ordre.
[103] Ces considérations autorisent donc de s’en rapporter au sens qu’a, dans la langue française, le terme appropriation.
[104] L’appropriation évoque l’action de s’approprier, c’est-à-dire de faire sien, de s’attribuer la propriété de, de se donner la propriété de [52].
52 Petit Robert, dictionnaire de la langue française, édition 2002; Petit Larousse illustré, édition 2001
[297] Contrairement au droit criminel, il n’est pas nécessaire de prouver l’intention coupable pour prouver l’infraction disciplinaire relative à l’appropriation d’une somme appartenant à un client[179].
[298] L’omission d’un avocat de déposer sans délai dans son compte en fidéicommis une somme d’argent en contravention avec l’article 50 du Règlement sur la comptabilité ne constitue pas nécessairement de l’appropriation d’une somme d’argent contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.
[299] Le plaignant a démontré à première vue que l’intimé n’a jamais eu de compte en fidéicommis, et en se basant sur la déclaration assermentée de A datée du 20 novembre 2018, que ce dernier remet la somme de 2 000 $ en argent sans facture à l’intimé à la fin juin 2018.
[300] Le Conseil constate toutefois l’absence de preuve présentée par le plaignant que la somme de 2 000 $ a été remise à l’intimé alors qu’aucun service d’une telle valeur n’avait été rendu à A. De plus, l’intimé témoigne à l’effet contraire.
[301] Le Conseil en vient à la conclusion que le plaignant n’a pas démontré à première vue que l’intimé a commis l’infraction visée au septième chef.
4. La protection du public risque-t-elle d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession?
[302] Le Conseil doit donc déterminer si la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession. C’est d’un danger éventuel dont il est question :
[81] Il faut aussi retenir de l'article 130 le terme « risque » au sujet duquel dans Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des)[27], le Tribunal souligne qu'il connote l'idée d'un danger éventuel par opposition à une ferme conviction ou une certitude que le danger se réalisera si le professionnel continue d'exercer sa profession.
[82] Il n'est nul besoin de démontrer la concrétisation de quelque préjudice, comme du reste c'est généralement le cas en déontologie qui s'intéresse au comportement du professionnel au regard des normes prévues et prouvées sans égard aux conséquences de la faute.[180]
________________________________________
27 Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 9.
[303] Dans l’affaire Landry[181], le Conseil considère dans son appréciation que :
[175] Une de ces infractions, prise isolément, ne constitue peut-être pas un élément suffisant pour une radiation provisoire, mais leur nombre, leur gravité, leur répétition et la diversité des personnes qui les dénoncent justifient, selon le Comité, le recours à la radiation provisoire.
[…]
[178] L’avocat, qui est un officier de justice, doit agir avec dignité, intégrité, honneur, respect, modération et courtoisie, et il doit soutenir le respect de la loi tel que le prévoit son code de déontologie.
[…]
[183] Le Barreau se doit donc d’intervenir auprès de l’intimé qui n’a pas compris les avertissements reçus, notamment dans les jugements dont le Comité a fait état, ou qui ne veut pas amender sa conduite de façon à respecter le Code des professions, la Loi du Barreau et le Code de déontologie des avocats.
[…]
[189] La collaboration de l’avocat est essentielle à la bonne administration de la justice.
[304] Le plaignant doit démontrer à première vue que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession. L’intimé peut de même se prêter à l’exercice contraire et démontrer à première vue que ce n’est pas le cas.
[305] Quatre des chefs contenus dans la cinquième plainte rencontrent les 3 premiers critères à examiner pour l’octroi d’une ordonnance de radiation immédiate, à savoir le défaut de soumettre à son client A les deux offres de règlement qu’il avait reçues du procureur du DPCP, de faire preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnable en négligeant d’informer son client A que son audience est fixée devant le tribunal le 15 novembre 2018 et en ne retournant pas tous les appels de ce dernier et de déposer sans délai dans un compte en fidéicommis une somme d’argent.
[306] Il s’agit d’infractions sérieuses mettant en cause la protection du public. La preuve prima facie révèle notamment que le client apprend le matin du 15 novembre 2018 qu’il a une audience le jour même lorsque le Centre de détention organise son transport vers le palais de justice et qu’il avait auparavant éprouvé des difficultés à joindre l’intimé.
[307] Les enjeux pour ce client sont pourtant importants : il est détenu, fait face à de sérieuses accusations criminelles et souhaite retourner travailler comme policier. Les clients sont en droit de s’attendre à ce que leur avocat fasse preuve d’une disponibilité et d’une diligence raisonnable. Ils sont aussi en droit d’être informés d’éléments aussi importants qu’une offre de règlement. Les exigences en matière de comptes en fidéicommis sont aussi là pour protéger le public.
[308] L’intimé nie avoir commis ces quatre infractions et il n’y a aucune indication qu’il se soit amendé. Dans sa défense, il tente de démontrer qu’il n’est pas coupable des gestes qu’on lui reproche, au lieu d’adresser le risque que la protection du public soit compromise ou non s’il continue d’exercer. Il ne présente aucune explication permettant au Conseil de comprendre ce qui peut être à l’origine des omissions qui lui sont reprochées. Il est aussi silencieux quant à la prise de mesures afin d’éviter que de telles situations ne se reproduisent.
[309] Le conseil n’est en aucune façon rassuré par le témoignage de l’intimé.
[310] De plus, ces quatre infractions qui lui sont reprochées ne constituent pas des actes isolés. Il fait l’objet de quatre autres plaintes disciplinaires contenant 21 chefs d’infractions couvrant une longue période à savoir du 19 mai 2017 au 20 septembres 2018.
[311] Un antécédent disciplinaire résulte de la première plainte qui est déposée le 2 octobre 2017. Après avoir tenu le 19 mai 2017 des propos à caractère sexuel, inappropriés et inconvenants à l’égard d’une consœur, avocate au DPCP, et avoir été déclaré coupable, l’intimé se voit imposer une peine supérieure à l’amende minimale le 19 juin 2018.
[312] Au moment de l’audition sur la requête, la décision d’une autre formation du conseil est attendue sur la seconde plainte datée du 20 février 2018. L’intimé aurait fait des commentaires inappropriés à l’endroit du juge A et l’aurait obligé à répéter sa question à plusieurs reprises lorsqu’il a voulu connaître ses disponibilités.
[313] Il aurait ce même jour fait défaut d’agir avec respect et courtoisie envers le tribunal en faisant des remarques sur les connaissances personnelles en droit du juge A. Il aurait aussi lors d’une audience devant la juge B de la Cour du Québec, tenu des propos inappropriés à l'endroit d’un représentant du DPCP, en déclarant notamment qu'il est de mauvaise foi et paresseux dans le dossier.
[314] De plus, outre la dernière plainte, l’intimé fait l’objet de deux autres plaintes dont l’audition n’a pas encore débutée.
[315] En ce qui concerne la plainte du 10 juillet 2018, il est reproché à l’intimé d’avoir le 25 avril 2018 défié et refusé de se soumettre à l’autorité de la juge Joanne Tourville de la Cour municipale, de ne pas avoir cessé de l’interrompre, de lui avoir répété de façon sarcastique et méprisante à plusieurs reprises « parce que vous êtes juge », de lui avoir dit, de manière familière et irrespectueuse, de se calmer et de lui avoir dicté sa conduite.
[316] Il est aussi allégué que le 3 mai 2018, dans un corridor du palais de justice, l’intimé a notamment traité un autre procureur du DPCP d'incompétent devant une jeune victime et ses parents et qu’il l’aurait invité plus tard à venir se battre à l'extérieur.
[317] Finalement, il est reproché à l’intimé d’avoir le 16 mai 2018 fait défaut de respecter l’ordre du juge C de la Cour supérieure, de garder le silence pendant le visionnement d'une vidéo obligeant le juge à l'expulser de la salle d'audience et de lui avoir dit :
- « ... oui mais je vais quand même vous dire que de me menacer de sortir de la salle c'est inacceptable. »;
- « vous pouvez bien dire ce que vous voulez »;
- « Bien je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus, Monsieur le Juge, là, parce que, quand je pose des questions en contre-interrogatoire, on s'objecte constamment sans raison et puis vous les accordez, on ne me laisse pas poser des questions et puis quand je suis trop insistant, on me sort de la salle d'audience, ça fait que, là ... Vous accordez tout à la couronne, vous êtes impartial! »;
- ainsi que de façon impolie au juge qui lui demandait de s'asseoir : « oui, je le sais, Monsieur le Juge, c'est votre préférée ça assoyez-vous, Maître Parent! ».
[318] Enfin, il est reproché à l’intimé à la plainte datée du 25 octobre 2018 d’avoir, le 19 juin 2018, fait défaut de respecter l'ordre du juge C de cesser d'intervenir pendant la plaidoirie et les observations de la procureure du DPCP, l’obligeant à l'expulser de la salle d'audience et à lui adresser par la suite deux mises en garde de cesser d'agir de la sorte. Il aurait répliqué notamment au juge :
(...) puis vous allez m'écouter! ...vous allez m'écouter monsieur le juge ... quand j'ai des représentations à faire (...)
(...) Ah, bien, ça qu'est-ce que vous voulez? ...vous ne voulez pas vous conformez à la Cour Suprême monsieur le juge (...).
[319] L’intimé aurait aussi le 13 juillet 2018 tenu des propos offensants à l'endroit d’un agent du service correctionnel en service, en le traitant notamment de « clown » et de « calvitie ». Il aurait également le 20 septembre 2018, à l'entrée d’une salle d'audience, traité un autre avocat, agissant en poursuite dans un dossier dans lequel il faisait l’objet de poursuites pénales, « d'avocat pourri » et lui aurait bloqué momentanément l'accès à la porte d'entrée de cette salle.
[320] Le fait d’avoir été enquêté par le Bureau du syndic de son ordre à plusieurs reprises, de s’être vu imposer une sanction par le conseil de discipline et d’avoir reçu quatre plaintes avant celle du 22 novembre 2018, n’a pas suffi pour que l’intimé mette un terme à son comportement désordonné. Une cinquième plainte est émise à son endroit. Cette fois-ci, la principale victime de son comportement est un client.
[321] Les infractions reprochent à l’intimé des comportements à l’encontre de ses obligations déontologiques à l’endroit de plusieurs personnes jouant des rôles importants au sein de ou reliés à l’administration de la justice. Il aurait mal agi ou tenu des propos inappropriés envers 3 juges, 4 procureurs de la poursuite ou agissant à ce titre et un agent du service correctionnel, en plus d’avoir fait preuve de négligence et d’un manque de diligence à l’endroit d’un client. Plusieurs des infractions contenues dans les plaintes reposent sur des enregistrements audio qui laissent peu de place à l’interprétation.
[322] Les infractions commises ou alléguées révèlent une désinvolture et un manque d’inhibition et de filtre. La ou les causes à l’origine de l’ensemble de ce comportement qui apparaît désordonné et hors de contrôle demeurent toutefois essentiellement inexpliquées, si cause il y a.
[323] L’intimé a été courtois dans ses échanges avec le Conseil, mais en retard lors de la deuxième journée d’audition.
[324] À part le fait qu’il n’ait pas récidivé concernant l’usage de propos de nature sexuelle, d’autres chefs d’infractions relativement à des propos inappropriés se sont ajoutées. Il n’a pas démontré de volonté de s’amender afin d’éviter de représenter un risque pour la protection du public.
[325] Un avocat de la défense peut représenter ses clients avec vigueur en demeurant respectueux et professionnel et surtout sans se livrer au genre d’excès qui lui est reproché.
[326] L’intimé invoque l’arrêt Groia[182] comme justification à plusieurs des comportements qui lui sont reprochés. Il faut se garder de donner à cet arrêt une portée qu’il n’a pas.
[327] La trame factuelle de cette affaire concerne le comportement d’un avocat de la défense à l’endroit de ceux de la poursuite. Une fois que le juge lui a ordonné de cesser de répéter ces allégations d’inconduite, il a essentiellement obéi.
[328] D’emblée, le juge Moldaver au nom de la majorité de la Cour rappelle l’importance que les procès soient menés de manière civilisée. Il partage l’opinion de deux juges de la Cour d’appel que :
la civilité et l’obligation de l’avocat de représenter son client avec vigueur ne sont pas incompatibles : voir Groia (C.A. Ont.), par. 131-139; Felderhof (C.A. Ont.), par. 83 et 84. Au contraire la civilité est souvent le moyen le plus efficace pour représenter un client.[183]
[329] Contre-interrogé au sujet d’autres demandes d’enquêtes, l’intimé témoigne qu’il a une audition fixée à la Malbaie le 5 avril 2018 et que le juge ainsi que le procureur de la Couronne sont avisés qu’il ne sera pas en mesure de procéder, car le dossier est fixé à une date où il a d’autres engagements.
[330] Il ajoute qu’il est représenté par avocat lors de cette audition. Sa cliente et lui ne se présentent pas à la Cour et un mandat d’amener est émis à l’endroit de cette dernière. L’intimé indique que son erreur a été de dire à sa cliente de ne pas se présenter.
[331] Concernant le dossier d’un autre client faisant l’objet d’une enquête, l’intimé explique que l’audition est fixée au 5 décembre 2018 pour représentations sur sanction au cas où le dossier d’un autre de ses clients prévu à la même date se règle. Or, comme il n’y a pas de règlement, il en informe le procureur de la Couronne et ne se présente pas à la Cour le 5 décembre dans le dossier fixé sur sanction.
[332] Il s’agit à nouveau d’allégations de négligence envers des clients, comme c’est le cas en l’instance, ce qui est préoccupant.
[333] Finalement, l’intimé aura un procès le 4 février 2019 pour entrave et menace de causer des lésions à un policier. Il indique lui avoir dit « Si tu me retouches, je vais te cogner ».
[334] Plusieurs allégations auxquelles l’intimé fait face font état d’un manque de respect pour l’autorité et des différents acteurs qui ont un rôle à jouer dans l’administration de la justice, ainsi qu’à l’égard d’un client.
[335] L’article 2 de la Loi sur le Barreau prévoit pourtant que : « L’avocat exerce une fonction publique auprès du tribunal et collabore à l’administration de la justice ». Suivant l’arrêt Jodoin de la Cour suprême du Canada : « En tant qu’officiers de la cour, les avocats ont le devoir de respecter l’autorité des tribunaux »[184].
[336] Certaines des infractions alléguées sont de nature à porter ombrage à la profession d’avocat, à miner l’autorité des tribunaux et à « porter préjudice au système de justice en affectant sa crédibilité »[185].
[337] L’intimé a eu plusieurs occasions pour mettre fin à cette spirale, mais il ne l’a pas fait. L’intimé semble négliger ou peu se soucier du respect de ses obligations déontologiques. Les omissions et les inconduites de l’intimé, le nombre élevé de chefs qui lui sont reprochés et le nombre de victimes alléguées de son comportement font définitivement craindre pour la protection du public.
[338] Le Conseil conclut que les gestes reprochés à l’intimé aux chefs 2, 3, 4 et 6 de la plainte du 22 novembre 2018 constituent à la lumière des circonstances un risque de compromettre la protection du public.
[339] Le Conseil considère que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession. Seule une radiation provisoire pourra mettre un terme à son comportement et protéger le public.
[340] Le plaignant a satisfait les quatre critères permettant au Conseil de décider qu’une ordonnance de radiation provisoire immédiate doit être prononcée contre l’intimé.
3) Si oui, l’avis de la décision du Conseil émettant une ordonnance de radiation provisoire immédiate doit-il être publié conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions et l’intimé doit-il être condamné aux dépens ainsi qu’aux déboursés?
[341] Dans les conclusions de sa requête, le plaignant demande au Conseil d’émettre la présente requête avec frais.
[342] La requête est toutefois silencieuse quant à la question de la publication de l’avis de la décision ordonnant la radiation provisoire dans un journal conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions.
[343] Pour sa part, l’intimé ne prend position sur aucune de ces questions.
[344] L’objectif de la publication de l’avis est la protection du public. Selon le Tribunal des professions dans l’affaire Belliard[186] : « La jurisprudence constante du tribunal veut que la dispense d’un avis public de la décision ne soit accordée que dans les cas exceptionnels »[187]. De plus, il est bien établi que « lorsqu'il est question de circonstances exceptionnelles, chaque cas doit être étudié en fonction des faits qui lui sont propres »[188].
[345] Le Conseil estime que l’intimé n’a pas fait la démonstration de circonstances exceptionnelles pouvant justifier une dispense de publication. Par conséquent, le Conseil ordonne la publication d’un avis de la décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, le tout conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions.
[346] Le Conseil ordonne que les frais de cette publication soient assumés par l’intimé conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions.
[347] L’article 151 du Code des professions prévoit ce qui suit quant aux déboursés :
151. Le conseil peut condamner le plaignant ou l’intimé aux déboursés ou les condamner à se les partager dans la proportion qu’il doit indiquer.
[…]
Le président du conseil qui rejette une plainte en vertu de l’article 143.1 peut condamner le plaignant au paiement des déboursés.
Les déboursés sont ceux relatifs à l’instruction de la plainte. Ils comprennent notamment les frais de signification, d’enregistrement, d’expertise acceptée en preuve et les indemnités payables aux témoins cités à comparaître, calculées conformément au tarif établi dans le Règlement sur les indemnités et les allocations payables aux témoins cités à comparaître devant les cours de justice (chapitre C-25.01, r. 0.5). Lorsque l’intimé est reconnu coupable, les déboursés comprennent aussi les frais de déplacement et de séjour des membres du conseil nommés par le Conseil d’administration de l’ordre. […]
[348] Le Tribunal des professions dans l’affaire Lubrina[189] réaffirme la définition de l’instruction d’une plainte :
[39] Dans Chartrand c. Aubry, ès qualité (infirmiers), le Tribunal des professions, devant statuer sur la compétence d'un conseil de discipline composé de deux membres à débuter l'instruction d'une plainte, définit l'instruction « comme signifiant l'enquête et l'audition sur la culpabilité et la sanction, excluant les ajournements préalables et l'audition sur la radiation provisoire relative à l'autre plainte ».
[40] Cette définition a été réitérée par notre Tribunal dans Duchastel c. Avocats (Ordre professionnel des).
[Références omises]
[349] Par conséquent, le Conseil est d’avis que les déboursés prévus à l’article 151 du Code des professions ne comprennent pas ceux relatifs à l’audition de la présente requête. Seuls les frais de publication de l’avis sont donc imposés.
POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :
[350] ACCUEILLE la présente Requête en radiation provisoire immédiate du plaignant déposée à l’encontre de l’intimé.
[351] ORDONNE la radiation provisoire immédiate de l’intimé jusqu’à la signification de la décision rejetant la plainte ou imposant une sanction, selon le cas, à moins que le Conseil n’en décide autrement.
[352] DÉCIDE que la secrétaire du Conseil de discipline du Barreau du Québec doit faire publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément au cinquième alinéa de l’article 133 du Code des professions.
[353]
CONDAMNE l’intimé au paiement des frais de publication de cet
avis.
[354] RÉFÈRE le dossier à la Présidente en chef du Bureau des présidents des conseils de discipline afin de fixer la date de l’audition sur culpabilité.
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____________________________________ Me Hélène Desgranges Présidente
____________________________________ Me Pierre-Marc Bellavance Membre
____________________________________ Me Jocelyn Vallerand, C.R. Membre |
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Me Patrick Richard |
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Agissant personnellement et assisté de Me Dominique Jolin |
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Me Jean-Roch Parent |
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Agissant personnellement |
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Date d’audience : |
3 et 14 décembre 2018 |
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[1] Requête pour l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire signée par le plaignant et datée du 22 novembre 2018; Pièce R-13 : Barreau du Québec (Ordre professionnel du) c. Parent, Conseil de discipline, plainte disciplinaire no 06-18-03171 signée par le plaignant datée du 22 novembre 2018 et Avis de dénonciation de pièces daté du 22 novembre 2018.
[2] Requête pour l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire - modifiée signée par le plaignant et datée du 5 décembre 2018.
[3] Id., p. 11; Pièce R-13 : supra, note 1.
[4] Pièce R-2 : Barreau du Québec (Ordre professionnel du) c. Parent, décision sur sanction du 19 juin 2018 sur la plainte No 06-17-03089 datée du 2 octobre 2017.
[5] Pièce R-3 : Barreau du Québec (Ordre professionnel du) c. Parent, Conseil de discipline, plainte disciplinaire no 06-18-03109 signée par le plaignant et datée du 20 février 2018.
[6] Plaintes Nos 06-18-03129 datée du 10 juillet 2018 (Pièce R-4), 06-17-03161 datée du 25 octobre 2018 (Pièce R-8) et 06-18-03171 datée du 22 novembre 2018 (Pièce R-13).
[7] Procès-verbal de la conférence de gestion du 29 novembre 2018.
[8] RLRQ c. B-1, r. 3.1.
[9] RLRQ c. C-26.
[10] RLRQ c. B-1, r. 5.
[11] Pièce R-13 : supra, note 1.
[12] Pièce R-1 : Attestation signée par la secrétaire du Barreau du Québec et datée du 27 novembre 2018.
[13] Pièce R-2 : Barreau du Québec (Ordre professionnel du) c. Parent, décision sur culpabilité datée du 16 mai 2018 sur la plainte No 06-17-03089 datée du 2 octobre 2017, paragr. 17.
[14] Id., paragr. 18.
[15] Id., p. 6.
[16] Id., paragr. 31.
[17] Pièce R-3 : supra, note 5.
[18] Pièces R-5 : Notes sténographiques de l’audition du 25 avril 2018 devant la juge Joanne Tourville du 25 avril 2018 dans le dossier numéro 17CC010257.
[19] Id., p. 30.
[20] Id., p. 33.
[21] Id., p. 39-53.
[22] Id., p.62-72.
[23] Id., p. 76.
[24] Id., p. 77.
[25] Id., p. 79-80.
[26] Id., p. 82.
[27] Id., p. 84.
[28] Id., p. 87.
[29] Id., p. 87, 88 et 89.
[30] Id., p. 96.
[31] Pièce R-5 : Enregistrement-audio de l’audition du 25 avril 2018 devant la juge Joanne Tourville du 25 avril 2018 dans le dossier numéro 17CC010257. Cette portion de l’enregistrement n’a pas été écoutée lors de l’audition sur la présente requête.
[32] Pièce R-6 : Serment et déclaration sous serment de Me E datée du 28 mai 2018.
[33] Ibid.
[34] Ibid.
[35] Pièce R-7 : Transcription de l’audition du 16 mai 2018 devant l’honorable juge C de la Cour supérieure dans le dossier numéro [...], p. 88.
[36] Id., p. 92 à 97.
[37] Id., p. 137.
[38] Id., p. 139.
[39] Id., p. 229 à 233.
[40] Pièce R-4 : supra, note 6.
[41] Pièce R-9 : Notes sténographiques du 19 juin 2018 dans le dossier numéro 200-01-207967.
[42] Id., p. 10 à 15.
[43] Id., p. 16 à 21.
[44] Id., p. 23.
[45] Id., p. 39 à 41.
[46] Id., p. 42 à 43.
[47] Pièce R-11 : Rapport d’intervenant de l’agent du service correctionnel F daté du 17 juillet 2018, p. 2.
[48] Ibid.
[49] Ibid.
[50] Pièce R-10 : Rapport d’intervenant de l’agent du service correctionnel G daté du 18 juillet 2018, p. 2.
[51] Ibid.
[52] Pièce R-12 : Déclaration sous serment de Me H datée du 21 septembre 2018, p. 1 et 2.
[53] Id., p.2.
[54] Id., p.3.
[55] Pièce R-8 : supra, note 6.
[56] Pièce R-17 : Courriel de de Me B à l’intimé daté du 16 mai 2018.
[57] Pièce R-16 : Procès-verbal informatisé du 31 octobre 2018 dans le dossier de A.
[58] Pièce R-18 : Déclaration assermentée de Me B datée du 20 novembre 2018, p. 1.
[59] Id., p. 2.
[60] Pièce R-15 : Déclaration manuscrite de A datée du 20 novembre 2018.
[61] Id., p. 2.
[62] Id., p. 4 et 5.
[63] Id., p. 5.
[64] Pièce R-18 : supra, note 58, p. 3.
[65] Pièce R-21 : Déclaration assermentée de A du 11 décembre 2018, p. 1.
[66] Pièce R-20 : Capture d’écran du compte Internet Messenger de A.
[67] Pièce R-21 : supra, note 65.
[68] Pièce R-22 : Déclaration assermentée de la conjointe de A le 12 décembre 2018.
[69] Pièce RI-1 : Communications entre l’intimé et A vis Facebook Messenger entre le 20 octobre 2017 et le 7 octobre 2018 (310 messages - 12 pages), p. 4 et 5.
[70] Notes sténographiques du témoignage de l’intimé devant le Conseil du 3 décembre 2018, p. 37.
[71] Id., p. 43.
[72] Id., p. 50.
[73] R. c. Jordan, [2016] 1 RCS 631, 2016 CSC 27.
[74] Pièce RI-1 : supra, note 69, p. 5.
[75] Id., p. 8 et 9.
[76] Id., p. 10.
[77] Notes sténographiques du témoignage de l’intimé devant le Conseil du 3 décembre 2018, p. 64, ainsi que l’audition du 14 décembre 2018.
[78] Notes sténographiques du témoignage de l’intimé devant le Conseil du 3 décembre 2018, p. 64 et 65.
[79] Id., p. 54.
[80] Id., p. 55.
[81] Id., p. 57.
[82] Id., p. 56.
[83] Id., p. 57.
[84] Id., p. 60.
[85] Id., p. 75.
[86] Id., p. 37.
[87] Id., p. 38.
[88] Id., p. 6.
[89] Id., p. 7.
[90] Id., p. 8.
[91] Id., p. 9.
[92] Id., p. 107.
[93] Id., p. 12.
[94] Id., p. 76.
[95] Groia c. Barreau du Haut-Canada, 2018 CSC 27.
[96] Québec (Directeur des poursuites criminelles et pénales) c. Jodoin, [2017] 1 RCS 478, 2017 CSC 26.
[97] Notes sténographiques du témoignage de l’intimé devant le Conseil du 3 décembre 2018, p. 77.
[98] Id., p. 77 et 78.
[99] Id., p. 89.
[100] Id., p. 99.
[101] Id., p. 105.
[102] Jean-Guy Villeneuve et al., Précis de droit professionnel, Cowansville, Yvon Blais, 2007, p. 196-206; Éthique, déontologie et pratique professionnelle, Collection de droit 2017-2018, École du Barreau du Québec, vol. 1, Montréal, Yvon Blais, p. 236 à 238; Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 80; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Choquette, 2012 QCCDBQ 92; Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 1; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Landry, 2007 CanLII 22055 (QC CDBQ); Avocats (Ordre professionnel des) c. Legault, 2017 QCCDBQ 32.
[103] Notes sténographiques de l’audition devant le Conseil du 3 décembre 2018 - partie I, p. 90.
[104] Id., p. 90.
[105] Id., p. 92.
[106] Ibid.
[107] Ibid.
[108] Id., p. 98 et 102.
[109] Id., p. 98.
[110] Id., p. 105.
[111] Id.
[112] Dagenais c. Société Radio-Canada, 1994 CanLII 39 (CSC).
[113] R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442.
[114] Dagenais c. Société Radio-Canada, supra, note 112.
[115] Pièce RI-1 : supra, note 69.
[116] Pièce R-20 : supra, note 66.
[117] Comptables professionnels agréés du Québec (Ordre professionnel) c. Houde, 2018 CanLII 118241.
[118] Paquette c. Notaires, 2008 QCTP 225.
[119] Dagenais c. Société Radio-Canada, supra, note 112.
[120] R. c. Mentuck, supra, note 113.
[121] Paquette c. Notaires, supra, note 118, paragr. 42.
[122] Anglehart c. Avocats (Ordre professionnel des), 2004 QCTP 101, paragr. 59; Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c Sadi, 2009 CanLII 90569 (QC OPPQ).
[123] Julie Charbonneau, « L’audience en matière disciplinaire : un caractère vraiment public? », dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, volume 307, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 214.
[124] Gosselin c. Comptables agréés (Ordre professionnel des), 2008 QCTP 160.
[125] Id., p. 4.
[126] Médecins du Québec (Ordre professionnel) c. Serra, 2017 CanLII 10474 (QC CDCM).
[127] Id., paragr. 41.
[128] Latulippe c. Tribunal des professions, C.A.M. 1998 CanLII 12943 (QC CA); Farhat c. Opticiens d'ordonnances du Québec (Ordre professionnel), 1999 CanLII 11677 (QC CS).
[129] Psychologues (Ordre professionnel des) c. Denis, [1996] D.D.O.P. 132.
[130] Id. Voir aussi : Dentistes (Ordre professionnel des) c. Khang La, 2017 CanLII 61841 (QCODQ).
[131] [2012] 2 RCS 567, 2012 CSC 46 (CanLII).
[132] Claude G. Leduc, « J’ordonne, vous ordonnez, nous ordonnons : les ordonnances des Conseils de discipline revues et corrigées! », dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, vol. 367, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 149; A.B. c. Bragg Communications Inc., supra, note 131, par 28-29.
[133] A.B. c. Bragg Communications Inc., supra, note 131, paragr. 16; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1995 CanLII 64 (CSC), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 72; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), 1998 CanLII 829 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 877, par. 91.
[134] Pièce R-2 : supra, notes 4 (décision sur sanction) et 13 (décision sur culpabilité), p. 1.
[135] Pièce R-3 : supra, note 5.
[136] Article 57 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels RLRQ, c. A-2.1.
[137] Pièce R-4 : supra, note 6.
[138] Pièce R-6 : supra, note 32.
[139] Notes sténographiques de l’audition devant le Conseil du 3 décembre 2018 - partie I, p. 30.
[140] RLRQ c C-12.
[141] Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130:
[142] Id., paragr. 118.
[143] Pièce R-8 : supra, note 6.
[144] Article 57 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels RLRQ, c. A-2.1.
[145] Pièce R-11 : supra, note 48.
[146] Pièce R-12 : supra, note 52.
[147] Pièce R-13 : supra, note 1.
[148] Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général); White, Ottenheimer & Baker c. Canada (Procureur général); R. c. Fink, [2002] 3 RCS 209, 2002 CSC 61, paragr. 36.
[149] Anderson c. Bank of British Columbia (1876), 2 Ch. D. 644 (C.A.), p. 649.
[150] Médecins du Québec (Ordre professionnel des) c. Duquette, 2003 CanLII 64743 (QC CDCM).
[151] Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec c. Laprise, 2016 CanLII 47980 (QC OTSTCFQ) (Décision sur rétractation de jugement de La Presse, Ltée).
[152] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), supra, note 102, paragr. 67.
[153] Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, paragr. 20 et 44.
[154] Dupont c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2003 QCTP 77.
[155] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), supra, note 102, paragr. 93.
[156] Id., paragr. 138.
[157] Avocats (Ordre professionnel) c. Landry, 2007 QCTP 14.
[158] Benhaim c. Médecins (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 83. Citer également : Dentistes (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2018 CanLII 88868 (QC ODQ), paragr. 124.
[159] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des) supra, note 102, paragr. 98.
[160] Danielle, ès qualités Avocat c. Leduc, ès qualités Avocat, 1997 CanLII 8069 (QC CS).
[161] Chartrand c. Aubry, 2001 QCTP 14.
[162] Procès-verbal de signification usuelle de Philippe Lanteigne-Brisson, huissier de justice, daté du 26 novembre 2018.
[163] GL&V Fabrication Inc. C. Transport S.R.S. Inc., 2003 CanLII 15460 (QCCS); Avocats (Ordre professionnel des) c. Gauthier, 2018 QCCDBQ 039.
[164] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des) supra, note 102.
[165] Voir notamment : Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Chahwan, 2017 QCCDBQ 71, paragr. 26.
[166] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Bellemare, 2008 QCCDBQ 065.
[167] Avocat (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2014 QCCDBQ 056.
[168] Thibault c. Dauphin, 2003 CanLII 54710 (QC CDBQ).
[169] Id.
[170] Avocats (Ordre professionnel des) c. Legault, supra, note 102, paragr. 61.
[171] Voir : Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Foisy, 2016 QCCDBQ 42 (amende de 1 000 $ sur le chef 1); Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Cliche, 2015 QCCDBQ 69 (une réprimande sur le chef 1) ; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Karkar, 2017 QCCDBQ 57 (une réprimande sur le chef 3).
[172] Bohémier c. Avocats (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 140.
[173] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des) supra, note 102, paragr. 126.
[174] Pièce R-18 : supra, note 58.
[175] Notes sténographiques du témoignage de l’intimé devant le Conseil du 3 décembre 2018, p. 50.
[176] Avocats (Ordre professionnel) c. Gagnon, 2018 QCCDBQ 019 (décision sur culpabilité).
[177] Avocats (Ordre professionnel) c. Gagnon, 2018 QCCDBQ 019 (décision sur sanction).
[178] Blanchet c. Avocats (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 60.
[179] Archambault c. Avocats (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 130, paragr. 49; Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Adessky, 2013 QCCDBQ 050, paragr. 128.
[180] Mailloux c. Médecins (Ordre professionnel des), supra, note 102,
[181] Avocats (Ordre professionnel des) c. Landry, supra, note 102.
[182] Groia c. Barreau du Haut-Canada, supra, note 95.
[183] Id., par. 76.
[184] Québec (Directeur des poursuites criminelles et pénales) c. Jodoin, supra, note 96, paragr. 18.
[185] Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 102, paragr. 72.
[186] Belliard c. Avocats (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 16.
[187] Rousseau c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 41 (CanLII); Pellerin c. Avocats (Ordre professionnel des), 2009 QCTP 120 (CanLII); Lambert c. Agronomes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 39 (CanLII); Dentistes (Ordre professionnel des) c. Tremblay, supra, note 158.
[188] Pellerin c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 187.
[189] Lubrina c. Médecins vétérinaires (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 114, demande de pourvoi judiciaire rejetée; Voyer c. Tribunal des professions, 2015 QCCS 4831; Duchastel c. Avocats (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 177; Chartrand c. Aubry, 2001 QCTP 15, paragr. 58; Avocats (ordre professionnel des) c. Gauthier, 2017 QCCDBQ 36, paragr. 57.
AVIS :
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