COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Estrie

SHERBROOKE, le 30 juillet 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

178211-05-0202

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Luce Boudreault

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Émile Provencher

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Maurice Brisebois

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

119041200

AUDIENCE TENUE LE :

12 juillet 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Sherbrooke

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JULIE TURCOTTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HOPITAL LA PROVIDENCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 8 février 2002, madame Julie Turcotte (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 9 janvier 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]               Cette décision confirme une décision rendue par la CSST le 19 octobre 2000 qui reconsidérait sa décision relative à l’admissibilité de la réclamation et refuse celle-ci concernant l’événement survenu le 28 août 2000.

[3]               À l’audience, la travailleuse est présente et représentée et l’employeur, Hôpital La Providence, est représenté.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[4]               La Commission des lésions professionnelles a soumis aux parties l’interrogation qu’elle avait quant à la validité de la décision reconsidérée par la CSST le 19 octobre 2000. Celles-ci ont donc été entendues sur cette question en début d’audience.

LES FAITS RELATIFS À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[5]               Le 18 septembre 2000, la travailleuse, qui exerce des fonctions de préposée aux bénéficiaires depuis quatre ans chez l’employeur, produit une réclamation à la CSST pour un événement survenu le 28 août 2000. L’événement est ainsi décrit sur l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement » :

J’ai levé un patient pour le transférer dans son fauteuil roulant et en l’amenant à la salle de dîner, j’ai ressenti une douleur au pied gauche près des orteils.

[6]               À l’audience, est déposé le document T-1 qui est la déclaration d’accident du travail faite par la travailleuse à l’employeur en date du 29 août 2000, déclaration qui reprend la même description que sur l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement » et qui comporte une note de l’infirmière consultée qui mentionne avoir constaté de la rougeur et une chaleur au pied et avoir référé la travailleuse à l’urgence.

[7]               Le 2 octobre 2000, la CSST rend la décision suivante :

Nous avons reçu les documents concernant l’accident que vous avez subi le 28 août 2000 et qui vous a causé une blessure au pied gauche. L’étude des documents nous permet d’accepter votre réclamation pour un accident du travail.

 

Nous avons remboursé à votre employeur 357,46 $, soit la somme qu’il vous a versée pour la période du 30 août 2000 au 5 septembre 2000.

 

Vous ou votre employeur pouvez demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet ou pour toute autre question.

 

Veuillez agréer, Madame, nos salutations distinguées.

[8]               Aux notes évolutives du dossier de la CSST, on peut constater qu’en date du 18 octobre 2000, un agent d’indemnisation écrit ce qui suit :

09-310 envoyée suite à une erreur administrative.

La décision a été reconsidéré [sic] parce que le dossier avait été traité par erreur comme un face même [sic]. Le dossier une fois rendu à l’agent, il y avait déjà une décision d’admissibilité rendue.

 

Donc, dossier refusé considérant :

Qu’il y a pas de localisation précise au niveau du pied

Qu’il y a absence d’un traumatisme articulaire significatif condition personnelle à considérée. [sic]

 

[9]               Par la suite, c’est-à-dire le lendemain, le 19 octobre, la CSST rend la décision suivante :

En vertu de l’article 365 , 1 er alinéa de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a lieu de reconsidérer la décision du 18 octobre 2000 [sic] concernant l’admissibilité de la réclamation. Suite à une erreur administrative, votre dossier a été accepté alors qu’il aurait dû être refusé. Donc, veuillez ne pas tenir compte de la lettre d’admissibilité que vous avec reçu antécédemment [sic].

 

En conséquence, veuillez prendre note que vous devez maintenant à la CSST un montant de 357,46 $ pour la période du 29 août au 5 septembre.

 

Vous pouvez demander la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet ou pour toute autre question.

[10]           Le représentant de la travailleuse soumet que lorsque la CSST reconsidère une décision, il faut qu’il y ait une erreur, et en l’espèce, il n’y a pas d’erreur, puisque tous les faits étaient connus au moment de rendre la décision du 2 octobre 2000. La décision du 19 octobre est donc invalide.

[11]           Le représentant de l’employeur soumet que l’agent a fait une erreur d’appréciation et que l’article 365 alinéa 1 lui permet de corriger un tel type d’erreur. La décision rendue le 19 octobre est donc valablement rendue.

L'AVIS DES MEMBRES RELATIVEMENT À LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[12]           Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que c’est illégalement que la CSST a reconsidéré sa décision du 2 octobre 2000. En effet, la loi permet à la CSST de reconsidérer une décision pour toute erreur mais encore faut-il qu’il y ait eu erreur et en l’espèce, celle-ci n’apparaît pas du dossier, la CSST n’est pas venue expliquer de quelle erreur il s’agissait au juste. En vertu du principe de la stabilité des décisions, la travailleuse n’a pas à subir de préjudice en l’espèce.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la décision du 19 octobre 2000 constitue une décision valide en regard du pouvoir de reconsidérer énoncé à l’article 365 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle - ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

  Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1997, c. 27, a. 21; 1996, c. 70, a. 43.

 

 

[14]           Dans la présente affaire, il s’agit d’examiner ici l’alinéa 1 de l’article 365 qui permet à la CSST de reconsidérer sa décision pour corriger « toute erreur », s’il n’y a pas de décision rendue en révision administrative.

[15]           Suite aux modifications apportées à l’article 365 de la loi en 1992, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la C.A.L.P.) a examiné la portée de celles-ci et s’est ainsi exprimée sur l’interprétation à y donner :

À ce sujet, il importe également au soussigné de corriger l’interprétation du bureau de révision quant à la modification législative apportée à l’article 365 de la loi précitée le 1er novembre 1992 et permettant dorénavant à la Commission de corriger « toute erreur ». L’existence d’une telle erreur doit être démontrée au moyen d’une preuve rigoureuse. Il s’avérerait plutôt simpliste de soutenir que le législateur a, par cet amendement, autorisé la Commission à corriger ad infinitum toute et chacune des décisions qu’elle peut rendre. Il s’agirait là d’un cirque auquel le législateur ne peut avoir souscrit. Il appartiendra alors à la Commission de prouver, au moyen d’une preuve prépondérante, que l’interprétation qu’elle a faite quant au fondement d’une réclamation puisse constituer une erreur dite de droit. Il s’agit là d’un recours extraordinaire, exigeant une preuve exhaustive, qui ne peut se limiter à l’expression de quelques commentaires.[2]

 

 

[16]           Cette interprétation a été approuvée par la commissaire Giroux dans l’affaire Simonet et Domaine Boisé Miramont inc.[3]

Le législateur a adopté, en 1992, une modification à l’article 365 de la loi pour permettre à la Commission de corriger toute erreur. Ce terme n’est pas défini ni qualifié et il n’appartient pas à la Commission d’appel d’en restreindre le sens. Cela dit, cependant, et comme l’a dit la Commission d’appel dans les affaires précitées, il faut qu’une erreur existe et soit mise en preuve.

 

(notre soulignement)

 

 

[17]           Cette façon de voir les choses a également été retenue par la Commission des lésions professionnelles, notamment dans l’affaire Crook et Le Motel Castel de l’Estrie inc. et CSST :

C’est donc dire que le pouvoir discrétionnaire dévolu à la CSST par le biais du premier alinéa de l’article 365 de la loi n’est pas absolu. Le législateur a d’ailleurs prévu qu’une telle reconsidération a pour but de corriger toute erreur.

 

La notion de « toute erreur » s’avère très large et englobe l’erreur de faits comme celle de droit. Mais encore faut-il que soit démontrée une telle erreur au moyen d’une preuve probante et convaincante.[4]

 

 

[18]           Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas l’erreur commise par la CSST dans ce dossier. Les notes évolutives font état de « 09-310 envoyée suite à une erreur administrative », mais l’erreur en question n’est pas décrite, tout au plus mentionne-t-on que le dossier a été considéré comme un « face même », ce qui est loin d’être une preuve convaincante qu’il y ait eu quelque erreur que ce soit. En effet, en date du 2 octobre 2000, le dossier semblait le même qu’au 18 octobre suivant, si ce n’est d’une note du docteur Dumont qui mentionne à cette dernière date qu’il a « de la difficulté à relier le tableau clinique au travail ». Cette simple mention ne permet pas à la CSST de revenir purement et simplement sur sa décision parce qu’un nouvel examen de la question l’amènerait à décider différemment. Il en va du respect du principe de la stabilité des décisions, comme le mentionne la commissaire Giroux dans l’affaire Simonet précitée.

[19]           Comme précédemment mentionné, aucune erreur n’est manifeste à la lecture du dossier et la CSST n’est pas intervenue et n’a donc présenté aucun élément qui aurait pu mettre en évidence l’erreur à l’origine de la réclamation. La décision du 19 octobre 2000 n’est donc pas valable.

 


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée par madame Julie Turcotte, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue le 9 janvier 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE nulle la décision du 19 octobre 2000 par laquelle la CSST reconsidère sa décision rendue le 2 octobre 2000;

RÉTABLIT la décision de la CSST rendue le 2 octobre 2000;

DÉCLARE que la travailleuse a subi le 28 août 2000 une lésion professionnelle.

 

 

 

 

Me Luce Boudreault

 

Commissaire

 

 

 

 

 

C.S.N.

(M. Jean Desjardins)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

HEENAN BLAIKIE

(M. Hugo Champoux)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Succession Gaston Lacasse et CSST, C.A.L.P. 64204-63-9411, 22 mars 1996, D. Beaulieu

[3]          [1997] C.A.L.P. 729

[4]          C.L.P. 106383-62B-9810, 19 mai 1999, G. Marquis; Voir également au même effet : Renaud et Services Joron Chicoutimi ltée, 119441-07-9906, 25 mai 2000, D. Rivard

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