A.C. c. R.

2023 QCCA 988

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-10-004002-221

(200-01-205552-163)

 

DATE :

28 juillet 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GUY GAGNON, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

A... C...

REQUÉRANT – accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

MISE EN GARDE : Une ordonnance de non-publication en vertu de l’article
486.4(1) C.cr. a été rendue en première instance, interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime.

[1]                Le requérant désire contester en appel une décision rendue sur voir-dire par une juge de la Cour du Québec (l’honorable Hélène Bouillon) qui rejette sa demande de réouverture d’enquête pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine. Il demande donc l’autorisation de porter en appel une peine de cinq ans d’emprisonnement infligée le 20 juin 2022 à la suite d’un verdict de culpabilité prononcé contre lui le 22 juillet 2021 pour avoir commis le crime d’agression sexuelle sur une mineure.

[2]                Pour les motifs du juge Gagnon auxquels souscrivent les juges Gagné et Lavallée, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel de la sentence;

[4]                ACCUEILLE l’appel en partie;

[5]                ANNULE la peine d’emprisonnement de cinq ans infligée à l’appelant et les différentes ordonnances qui l’accompagnent;

[6]                ORDONNE le retour du dossier en première instance pour que soit déterminée l’aptitude de l’appelant à recevoir sa peine.

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

Me Félix-Antoine T. Doyon

LABRECQUE DOYON AVOCATS

Pour l’appelant

 

Me Sonia Lapointe

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

9 décembre 2022


 

MOTIFS DU JUGE GAGNON

 

 

MISE EN GARDE : Une ordonnance de non-publication en vertu de l’article
486.4(1) C.cr. a été rendue en première instance, interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la victime.

[7]                En droit criminel, il existe un principe séculaire tiré des règles de justice fondamentale selon lequel « [n]o person can be rightly tried, sentenced or executed while insane »[1].

[8]                En sa qualité d’officier de justice, l’avocat du requérant A... C... demande l’autorisation d’appeler d’une peine de cinq ans d’emprisonnement[2] infligée à son client à la suite d’un verdict de culpabilité pour une accusation d’agression sexuelle commise sur une mineure (anc. art. 246.1(1)a) C.cr.)[3]. L’avocat désire contester la décision interlocutoire rendue par une juge de la Cour du Québec (l’honorable Hélène Bouillon), qui rejette sa demande d’ouvrir l’enquête pour permettre de présenter une preuve sur l’état mental du requérant en vue d’obtenir une ordonnance pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine[4].

[9]                Il n’est pas nécessaire de motiver davantage ma proposition d’autoriser l’appel de la peine, si ce n’est pour dire que la requête soulève une question de droit importante. Pour la suite des choses, j’entends donc conférer au requérant le statut d’appelant.

[10]           L’alinéa 672.11a) et le paragraphe 672.23(1) C.cr. prévoient le pouvoir du juge d’ordonner une évaluation de l’accusé pour déterminer son aptitude à subir son procès. L’avocat de l’appelant n’en soutient pas moins que la juge a commis une erreur de droit en refusant de rouvrir l’enquête pour se pencher sur l’aptitude de son client au stade de la peine.

[11]           L’appelant demande maintenant à la Cour de prononcer l’ordonnance qui aurait dû être rendue en première instance et, le cas échéant, de lui permettre de présenter une preuve nouvelle constituée d’un rapport psychologique censé démontrer son inaptitude au stade de la peine.

A)  La décision sur voir-dire

[12]           La juge rejette la requête de l’appelant pour quatre motifs ainsi résumés :

-          L’appelant n’a pas donné le mandat à son avocat de présenter une demande visant à faire déterminer son aptitude;

-          La correspondance « officieuse » transmise à la juge accompagnant le courriel de l’avocat du 11 avril 2022 ne permet pas d’ordonner d’office l’évaluation de l’appelant;

-          Durant le procès et lors de son témoignage rendu dans le cadre de la preuve sur la peine, « rien […] n’a permis [à la juge] de douter de l’aptitude de l’accusé »[5];

-          Les dispositions visées du Code criminel ne ciblent pas le stade de la détermination de la peine.

[13]           Elle conclut son jugement par cette remarque :

En terminant, le Tribunal tient à dire que, s’il avait eu quelque doute que ce soit quant à l’aptitude de l’accusé au moment de, du procès ou lors des observations sur la peine, soit avant la mise en délibéré du dossier, la décision aurait pu être différente[6].

[Soulignement ajouté]

B)  Le contexte procédural

[14]           Un retour sur le contexte procédural entourant la demande dont était saisie la juge me semble nécessaire pour bien comprendre la difficulté soulevée par ce pourvoi.

[15]           Après une ordonnance de nouveau procès rendue par la Cour en 2020[7], le second procès de l’appelant se tient les 25, 26 et 28 mai 2021 au terme duquel, le 22 juillet 2021, la juge le déclare coupable d’agression sexuelle sur une mineure. L’audition sur la peine est fixée au 14 décembre 2021.

[16]           Le jour venu, le poursuivant demande l’infliction d’une peine d’emprisonnement de cinq ans. L’avocat de l’appelant estime plutôt qu’au regard des faits de l’affaire et de la personnalité de son client, une peine de 18 mois est suffisamment exemplaire et dissuasive pour satisfaire les fins de la justice. On notera que, lors de l’audition du 14 décembre, l’appelant est entendu dans le cadre de la preuve sur la peine.

[17]           À la fin de l’audition, la juge informe les parties qu’elle rendra sa décision le 13 janvier 2022. Comme la perspective d’une peine d’emprisonnement ne fait plus de doute, l’appelant choisit de commencer à purger sa peine dès le 14 décembre 2021. Il demeure incarcéré depuis.

[18]           Pour des raisons parfaitement valables, le prononcé de la peine est remis au 2 mars 2022 et il le sera de nouveau au 21 juin 2022. Entre-temps, le 7 avril 2022, l’avocat de l’appelant s’informe auprès de l’adjointe de la juge du jour probable de son retour au bureau. Il désire discuter avec elle de la détérioration de la santé mentale de son client[8].

[19]           Cette demande d’intervention auprès de la juge se précise dans un courriel du 11 avril transmis à cette dernière, avec copie au poursuivant. Ce courriel de l’avocat deviendra en quelque sorte sa requête à l’origine de la décision sur voir-dire maintenant contestée en appel. En raison de cette particularité et en dépit de la longueur du texte, je le reprends in extenso :

Madame la juge,

Désolé du délai de réponse. Je voulais reparler à la femme de monsieur C... avant dofficialiser ma demande. Je lai fait il y a quelques heures.

En clair, je sollicite la permission de revenir devant vous afin que monsieur puisse se faire évaluer sur son aptitude à subir son procès. Si jamais monsieur est apte, je sollicite une réouverture denquête en ce qui concerne les représentations sur la peine.

Jai informé Me Dufour il y a quelques jours (ou semaines) de la possibilité de vous envoyer ce courriel. Elle est en copie conforme.

Deux documents PDF sont joints au courriel.

FONDEMENTS JURIDIQUES À LA DEMANDE LIÉE À LAPTITUDE

Les articles 672.12(1) et 672.23(1) prévoient respectivement :

672.12 (1) Le tribunal peut rendre une ordonnance dévaluation à toute étape des procédures intentées contre laccusé, doffice, à la demande de laccusé ou, sous réserve des paragraphes (2) et (3), à la demande du poursuivant.

672.23 (1) Le tribunal qui a, à toute étape des procédures avant que le verdict ne soit rendu, des motifs raisonnables de croire que laccusé est inapte à subir son procès peut, doffice ou à la demande de laccusé ou du poursuivant, ordonner que cette aptitude soit déterminée.

Larticle 672.11a) prévoit que le tribunal qui a compétence à légard dun accusé peut rendre une ordonnance portant évaluation de létat mental de laccusé sil a des motifs raisonnables de croire quune preuve concernant son état mental est nécessaire pour déterminer laptitude de laccusé à subir son procès. Dans J.M. c. R., 2019 QCCA 1755, par. 17, il est écrit que le tribunal « peut rendre une telle ordonnance à toute étape des procédures, même en appel » (dailleurs, la Cour dappel est actuellement saisie dans laffaire Fruitier dune telle demande).

Suivant une recherche des règles de droit et de déontologie applicables à la situation que jestime être exceptionnelle, jattire votre attention sur ce qui suit : R. v. Szostak, 2012 ONCA 503, par. 69

The fitness to stand trial issue

[69] I am also of the view that no question of ineffective assistance of counsel arises because defence counsel raised the question of the appellant's fitness to stand trial. As an officer of the court, counsel was entitled, perhaps even bound, to raise the fitness issue. He could not proceed with the trial of a possibly unfit client unless that issue was dealt with. Michel Proulx and David Layton, in Ethics and Canadian Criminal Law (Toronto: Irwin Law, 2001), at p. 155, deal with the issue as follows:

lt may be that, after obtaining expert advice, the lawyer -feels it necessary to launch a fitness hearing and to present evidence. We believe that this drastic step may be justified in limited circumstances. After all, by undertaking the conduct of the case in court, the lawyer is arguably implicitly representing that the accused is fit to stand trial. Certainly, the lawyer is proceeding on the assumption that the client is exercising some level of decision making authority within the bounds of a workable professional relationship. If the relationship is fractured by reason of real fitness issues, nonetheless proceeding to conduct the trial undermines the client's autonomy and the proper role of counsel.

[mon emphase]

Jestime que le passage qui suit est aussi très pertinent à la situation exceptionnelle à laquelle je suis confrontée : R. v. Szostak, 2012 ONCA 503, par. 60-61 (car jai aussi en tête Ferland c. R., 2020 QCCA 1043, par. 53).

lneffective assistance of counsel

[60] The appellant's submissions about ineffective assistance of counsel centre on his trial counsel's actions in making the appellant's mental state an issue in the proceedings. The appellant submits that his trial counsel acted without instructions in putting his mental state in issue even before the trial began and again at the end of the trial when counsel sought a s. 672.11 assessment. Counsel should have applied to the trial judge to remove himself from the record when the appellant sought to change counsel. Finally, counsel should have sought a mistrial when he received explicit instructions not to raise the NCRMD defence. Counsel's actions resulted in a miscarriage of justice since it is clear that, but for those actions, NCRMD would never have been an issue in the case.

[mon emphase)

En clair, au moment décrire ces lignes, je suis confronté à la situation suivante. Dun côté, considérant notamment les discussions que jai eues avec monsieur C... (sans en révéler le contenu pour des raisons liées au secret professionnel) jai lintime conviction que létat mental de monsieur doit être évalué. Dun autre côté, je nai pas le mandat de vous faire la présente demande.

Si je dois me retirer du dossier, je le ferai.

Jai aussi le passage suivant en tête: Ferland c. R., 2020 QCCA 1043, par. 59 :

[59] Lobligation quimpose au juge le paragraphe 672.24(1) C.cr. de désigner un avocat à laccusé, même si celui-ci ne le souhaite pas, constitue une exception au principe que quiconque est libre dêtre ou de ne pas être représenté par avocat de son choix devant les instances judiciaires [36]. La raison sexplique toutefois aisément. Puisque des motifs raisonnables de croire quune preuve concernant létat mental de laccusé est nécessaire afin de déterminer son aptitude à subir son procès existent, motifs qui ont eux-mêmes justifié lordonnance dévaluation, limposition dune représentation-par avocat vise à assurer que les droits fondamentaux de laccusé, de même que léquité procédurale, soient respectés. Voici ce quécrivait la Cour dappel du Yukon[37] :

[40] Section 672.24 is·a mandatory order to appoint counsel for a person who may be extremely vulnerable. The section applies even when the person does not want counsel's assistance. This is clearly because someone suffering from a mental disorder may not understand the importance of having a lawyer help and guide him or her through the legal system. Further, if the person is found to be unfit, the Crown has an obligation to return the accused to court every two years to ensure they still have a prima facie case: s. 672.33. The accused is entitled to apply to have such a hearing accelerated on the filing of written materials. The assistance of counsel is essential to ensure the fairness of this process.

[mon emphase]

Je résume en disant simplement ceci. Je suis très tracassé et je me sentirais mal et irresponsable de ne pas vous mettre au courant des faits nouveaux caractérisant létat mental de monsieur C.... Sur le plan humain, jestime avoir le devoir de vous écrire ce courriel.

Les motifs raisonnables au soutien de ma demande sont notamment les suivants :

1) Jai lintime conviction que létat mental de monsieur doit être évalué. Selon mes notes, jai discuté avec monsieur C... le 11 janvier, le 23 février, le 21 mars et le 30 mars 2022. Selon mes constatations, depuis le 23 février létat mental de monsieur dépérit continuellement.

2) Sans me révéler le contenu de ce qui le justifie (secret professionnel), une agente correctionnelle de l’Établissement de Baie-Corneau (madame Boulianne) ma confirmé le 23 mars 2022 que la situation était très sérieuse et me suggérait fortement « de faire quelque chose ».

3) L... Co... me confirme que les discussions quelle a avec son mari sont du même type que celles quil a avec moi. L... Co... a pris des notes manuscrites à ma demande. Au moment décrire ces lignes, jai en ma possession les notes manuscrites relatives à lincarcération de monsieur à Baie-Corneau. Je joins les notes au courriel. Monsieur C... est revenu à Québec, selon moi, depuis environ le 19 mars 2022. De plus, L... Co... ma informé ce soir 11 avril 2022, quun infirmier de !'Établissement de Québec lui a rapporté que monsieur C... a été vu par une psychiatre et quil serait finalement atteint de démence.

FONDEMENT JURIDIQUES À LA DEMANDE DE RÉOUVERTURE DENQUÊTE

Dans la mesure où vous acceptez la demande liée à laptitude, je soumets ce qui suit.

Étant conscient que « [l]a notion dinaptitude à subir son procès commande un seuil relativement bas » : Ferland c. R., 2020 QCCA 1043, par. 51, jaimerais quune preuve liée à létat mental de monsieur C... puisse être administrée, même à cette étape. Je fonde ma demande sur le Traité général de preuve et de procédure pénales 2021-28e édition, par. 32.32 et 32.33 (je joins lextrait au courriel).

32.32 Quant à la défense, elle peut présenter une demande de réouverture à tout moment avant le prononcé de la peine 109. Cela étant, rouvrir le procès après linscription du verdict est « une façon de procéder [qui] est très inhabituelle et [qui] nest pas souhaitable 110 ». En principe, une cour ne sy aventurera que dans les cas les plus clairs 111. Malgré cela, on peut néanmoins comprendre que face à une preuve importante quant à lissue ultime, le juge devrait permettre la réouverture denquête 112. Après le prononcé de la peine, le juge est functus officio, de sorte que lappel est le seul recours possible 113. Si le verdict na pas été rendu, le juge doit, si les intérêts de laccusé le justifient et que la poursuite nen subit pas de préjudice, accorder la réouverture denquête, peu importe le stade où sont rendues les procédures 114.

32.33 Si le verdict a été rendu, la cour devra appliquer des critères plus stricts et similaires à ceux définis par la Cour suprême en matière dadmissibilité de la preuve en appel 115 et sassurer quil ne sagit pas dune tentative décarter les effets dune décision tactique prise lors de laudition 116. De plus, le juge peut, sil le croit à propos, décréter un avortement de procès 117. Dans le cas dun verdict rendu par un jury, une telle demande est irrecevable dès que le juge a consigné le verdict 118.

À la lumière de ce qui précède, je vous confirme quau moment décrire ces lignes je suis davis quil est dans lintérêt de monsieur de rouvrir la preuve;

il ne sagit pas dune tentative décarter les effets dune décision tactique prise lors de laudition. Au moment des représentations sur la peine, je navais aucun indice me permettant de croire que létat mental de monsieur allait être perturbé.

jai attendu longtemps avant de prendre la décision de vous écrire, car je voulais massurer dêtre dans la catégorie des « cas les plus clairs ».

Restant à votre entière disposition pour tout autre renseignement ou précision, je vous remercie et je vous prie de recevoir lexpression de mes salutations les meilleures.

Me Félix-Antoine T. Doyon[9]

[Reproduis intégralement, caractères gras et soulignements conformes à l’original]

[20]           L’avocat de l’appelant sollicite donc une ouverture d’enquête sur la base de son « intime conviction que l’état mental de monsieur doit être évalué »[10] compte tenu de la dégradation progressive de sa condition mentale depuis la mise en délibéré de la détermination de la peine le 14 décembre 2021. Cette demande vise ultimement à obtenir une ordonnance d’évaluation de l’aptitude de l’appelant à recevoir sa peine. Pour ce faire, il est suggéré à la juge d’adapter les articles 672.11a) et 672.23(1) C.cr. à la situation de l’espèce, de sorte à garantir le respect des droits fondamentaux de l’appelant dans le cadre du processus de détermination de la peine.

[21]           Le courriel du 11 avril est accompagné de notes détaillées de la conjointe de l’appelant, L... Co..., dans lesquelles elle relate ses conversations téléphoniques avec ce dernier alors qu’il était détenu[11]. Elle constate chez lui des manifestations préoccupantes comme la conviction d’être le centre d’intérêt médiatique, l’objet d’une persécution à grande échelle assortie de complots de toutes sortes, sans compter des idées grandioses et fantasmagoriques. Une des notes de L... Co... se termine par cet appel à l’aide :

On m’informe à B.C. que mon mari n’est plus là, on ne peut plus le soigner, pas assez d’effectif pour le surveiller 24 h sur 24 h, il est à Orsainville. À Orsainville, ils ne veulent pas me parler, seulement mon avocat, ils m’avertiront seulement si mon mari est décédé.

Je reste sans voix, incapable de parler, je ne fais que pleurer.

J’essaie de le faire soigner depuis presque 2 mois, où est la justice. Dans quel monde de fou vivons-nous. 16 mars - plus aucun téléphone de mon mari.[12]

[Soulignement ajouté]

[22]           Les observations de l’avocat inspirées de ses discussions avec l’appelant relèvent de la même dynamique que celle constatée par L... Co....

[23]           Au moment de plaider sa requête informelle[13], l’avocat a soutenu que l’article 7 de la Charte[14] autorisait la juge à faire déterminer l’aptitude de son client, et ce, même si les procédures judiciaires étaient rendues au stade de la peine. Il avançait que les règles inhérentes à l’équité procédurale, à la common law et au pouvoir résiduel du tribunal conféraient à la juge ce pouvoir.

[24]           L’avocat y est allé aussi de cette affirmation :

Maintenant, si on se fonde uniquement sur l’article 7, ce que j’ai compris de la jurisprudence, c’est que je devrai vous présenter une requête en inconstitutionnalité de l’article 2 ainsi que de 672.23.

[…]

S’il faut que j’aille à la Cour supérieure, je pourrai y aller pour … (inaudible) – si ça peut éviter un débat constitutionnel, je vais m’adresser à la Cour supérieure.[15]

[Soulignements ajoutés]

[25]           En première instance, la contestation de cette requête par le poursuivant reposait essentiellement sur un argument de texte selon lequel toute demande d’évaluation de l’état mental d’un inculpé devait nécessairement survenir avant le verdict. Le poursuivant a aussi plaidé qu’en l’espèce, toutes les procédures sur la peine étaient terminées. Selon lui, même si la juge conservait un doute sur l’aptitude de l’appelant, au stade du prononcé de la peine, cette question ne se posait plus « [puisqu’]il n’y a pas plus de possibilité pour lui – le dossier est terminé, en fait, pratiquement terminé »[16].

[26]           En appel, les arguments des avocats sur le pouvoir de la juge de rendre une ordonnance pour faire déterminer l’aptitude de l’appelant à la veille du prononcé de la peine sont demeurés sensiblement les mêmes.

C) L’analyse

[27]           L’enjeu de ce pourvoi oblige à sortir des sentiers battus et nécessite d’adopter une approche créative de sorte à assurer la protection des droits fondamentaux d’un inculpé atteint de troubles mentaux au stade de la détermination de la peine[17].

[28]           Au départ, je crois utile de revenir sur le régime législatif applicable aux accusés affligés de troubles mentaux, pour ensuite discuter de certaines des étapes propres à sa mise en œuvre et revoir l’étendue des pouvoirs d’un tribunal statutaire au regard de chacune d’elles.

i)       Le régime législatif

[29]           En 1992, le Parlement dotait le Code criminel d’un régime complexe et exhaustif pour les accusés atteints de troubles mentaux[18]. Ce cadre législatif comporte des étapes et des mécanismes intégrés les uns aux autres dont la finalité ne peut être comprise que dans une perspective globale. Bien que la loi prévoie différents scénarios mettant en cause l’état mental d’un accusé[19], je me limiterai à celui soulevant son aptitude à subir son procès.

[30]           Pour ce cas de figure, le juge peut d’office ou à la demande d’une partie ordonner avant le verdict que l’aptitude de l’accusé soit déterminée. Si l’accusé est déclaré apte, il devra subir son procès. Si la question de l’aptitude se pose durant le procès et entraîne la même conclusion, celui-ci devra se continuer.

[31]           En cas d’inaptitude, s’enclenche alors un mécanisme institutionnel de soin et de garde. Celui-ci va ultimement ramener l’accusé devant le tribunal selon un échéancier ne pouvant dépasser deux ans de sorte à vérifier son état et décider, le cas échéant, si les procédures criminelles peuvent se continuer contre lui (art. 672.33(1) C.cr.). Cette étape peut même conduire à son acquittement (art. 672.33(6) C.cr.).

[32]           Je reproduis maintenant les dispositions du Code criminel plus immédiatement touchées par ce pourvoi :

Définitions

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[…]

 

« inaptitude à subir son procès » Incapacité de l’accusé en raison de troubles mentaux d’assumer sa défense, ou de donner des instructions à un avocat à cet effet, à toute étape des procédures, avant que le verdict ne soit rendu, et plus particulièrement incapacité de :

 

a)      comprendre la nature ou l’objet des poursuites;

b) comprendre les conséquences éventuelles des poursuites;

 

 

b)      communiquer avec son avocat. ("unfit to stand trial")

 

 

Évaluation

672.11 Le tribunal qui a compétence à l’égard d’un accusé peut rendre une ordonnance portant évaluation de l’état mental de l’accusé s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant son état mental est nécessaire pour :

 

a) déterminer l’aptitude de l’accusé à subir son procès;

 

[…]

 

Troubles mentaux durant les procédures

672.23 (1) Le tribunal qui a, à toute étape des procédures avant que le verdict ne soit rendu, des motifs raisonnables de croire que l’accusé est inapte à subir son procès peut, d’office ou à la demande de l’accusé ou du poursuivant, ordonner que cette aptitude soit déterminée.

 

[…]

Definitions

2. In this Act,

 

 

[…]

 

“unfit to stand trial” means unable on account of mental disorder to conduct a defence at any stage of the proceedings before a verdict is rendered or to instruct counsel to do so, and, in particular, unable on account of mental disorder to

 

 

 

(a)   understand the nature or object of the proceedings,

(b) understand the possible consequences of the proceedings, or

 

(b)   communicate with counsel;  inaptitude à subir son procès »)

 

Assessment order

672.11 A court having jurisdiction over an accused in respect of an offence may order an assessment of the mental condition of the accused, if it has reasonable grounds to believe that such evidence is necessary to determine

 

(a)   whether the accused is unfit to stand trial;

 

[…]

 

Court may direct issue to be tried

672.23 (1) Where the court has reasonable grounds, at any stage of the proceedings before a verdict is rendered, to believe that the accused is unfit to stand trial, the court may direct, of its own motion or on application of the accused or the prosecutor, that the issue of fitness of the accused be tried.

 

[…]

[33]           À l’époque de l’adoption de ces dispositions, un comité parlementaire (le « Comité ») s’est inquiété que le régime se limite seulement à l’état de l’accusé. Y voyant une possible disparité avec la situation du délinquant affligé d’un problème de santé mentale au stade de la peine, le Comité a présenté une proposition de modification visant à étendre le régime à cette étape des procédures criminelles :

[…]

La définition de l’inaptitude à subir son procès est énoncée à l’article 2 du Code criminel. Le libellé actuel vise les poursuites pénales à toutes les étapes jusqu’au prononcé de la sentence. Le Code ne prévoit cependant pas de dispositions à l’égard d’un accusé apte au moment de sa condamnation, mais qui devient inapte entre la date de cette condamnation et celle de l’imposition de la sentence par le tribunal compétent. Le tribunal ne peut exiger une évaluation de l’aptitude aux termes de l’article 672.11 du Code et la commission d’examen n’est pas habilitée à assumer une responsabilité à l’égard de l’accusé reconnu coupable à cette étape de la poursuite en vertu de l’article 672.38 du Code.

Dans un tel cas, la personne inapte ne peut participer véritablement au processus préalable à la sentence et a peu de chances de pouvoir donner des instructions appropriées à un avocat. Des personnes qui siégeaient aux audiences et qui ont déjà été les témoins directs de ce genre de situation ont dit au Comité que la loi dans sa forme actuelle offre le choix suivant aux juges : imposer une sentence à une personne inapte reconnue coupable ou dénaturer la loi pour éviter cette solution. Le juge chargé de déterminer la peine est ainsi mis dans une situation intenable.

Le Comité est d’avis qu’il faut corriger cette lacune dans la loi actuelle, ce qui peut aisément être fait. Il conviendrait d’ajouter « et à se voir infliger une peine » au titre de la définition de « inaptitude à subir son procès » donnée à l’article 2, ainsi que les mots « ou la sentence imposée » après « que le verdict ne soit rendu ». Cette modification de la définition de l’inaptitude à subir son procès devra être accompagnée de modifications à l’article 672.11a) du Code criminel, qui autorise le tribunal à exiger que l’accusé reconnu coupable soit évalué après sa condamnation et avant le prononcé de la sentence. Il faudra aussi modifier le paragraphe 672.38(1), qui confère à la commission d’examen la compétence à l’égard d’une personne déclarée inapte avant le prononcé de la sentence.[20]

[Soulignements ajoutés]

[34]           Le gouvernement ne s’est pas montré empressé à accueillir cette proposition de modification sans, au préalable, pouvoir en évaluer toutes les incidences possibles :

La dernière partie de la recommandation du Comité propose que les délinquants condamnés et jugés « inaptes à se voir infliger une peine » soient pris en charge par les commissions dexamen. Comme cela est indiqué ci-dessus, le gouvernement nestime pas que la solution proposée soit faisable. La commission dexamen est responsable des accusés inaptes (qui nont pas subi leur procès) et des accusés jugés non responsables pénalement pour cause de troubles mentaux. Les pouvoirs des commissions dexamen et les dispositions procédurales exposées dans la partie XX.1 ont été conçus pour sappliquer à ce groupe et non pas aux délinquants condamnés. Par exemple, la gamme des décisions prévues, qui comprennent la libération inconditionnelle et la libération sous condition, et qui ne comprennent pas un traitement, ne conviendrait pas aux délinquants condamnés et jugés « inaptes » à se voir infliger une peine. En outre, selon les critères applicables au pouvoir des tribunaux et des commissions dexamen, le tribunal doit ordonner la libération conditionnelle, à moins que laccusé ne représente un risque important pour la sécurité du public. Le pouvoir dordonner une telle libération usurperait le rôle du tribunal chargé de prononcer la peine. Il faudrait également procéder à dautres réformes importantes si lon retenait la notion daptitude à se voir infliger une peine et si on élargissait les pouvoirs de la commission dexamen. Par exemple, la nature de laudience de révision, les dispositions relatives au transfèrement, à lappel et à lexécution des décisions devraient faire lobjet dun examen approfondi et être modifiées pour sappliquer à une nouvelle catégorie de contrevenants ayant des caractéristiques très différentes.

En résumé, les questions que soulèvent les trois parties au sujet de la recommandation du Comité en matière daptitude au moment du prononcé de la peine sont complexes et méritent un examen plus approfondi. Le gouvernement propose que le ministre de la Justice explore ces aspects avec les procureurs généraux provinciaux et territoriaux, en consultation avec les groupes de travail fédéraux, provinciaux et territoriaux en matière de peines et de troubles mentaux.[21]

[Soulignement ajouté]

[35]           La porte n’était toutefois pas complètement fermée à une modification de la loi, comme en fait foi cet échange survenu en 2004 entre les participants à un comité parlementaire sur la Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant dautres lois en conséquence (L.C. 2005, ch. 22) :

Mme Catherine Kane (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci.

 Cet amendement et dautres visent les personnes qui sont inaptes à se voir imposer une peine. Le comité a fait cette recommandation en 2002 et, à lépoque, le gouvernement a répondu en indiquant quil y avait de nombreuses répercussions sur les lois en matière dimposition des peines, les dispositions sur les troubles mentaux, le rôle et les pouvoirs des commissions dexamen, les critères qui devraient sappliquer quand cette nouvelle catégorie de personnes « inaptes à subir leur procès ou à se voir imposer une peine » devrait faire lobjet dune décision quelconque. Il y a de nombreuses répercussions, et nous les avons examinées, ainsi que les solutions possibles à cette question daptitude à se voir imposer une peine.

 […]

 Nous avons demandé au professeur Allan Manson, de lUniversité Queen, de faire une recherche. Il a aussi comparu devant ce comité il y a quelques semaines, et il fait des travaux denvergure sur limposition des peines et le système correctionnel. Il a examiné les lois sur laptitude et il a aussi recommandé que nous nous penchions sur la question de laptitude à recevoir une sentence. Il a proposé dautres solutions qui posent problème dans la pratique, mais son rapport a permis au gouvernement de faire avancer la discussion avec les provinces et les territoires.

 Le gouvernement serait peut-être en mesure de déposer un projet de loi que le comité pourrait examiner plus tard au printemps afin de voir sil répond adéquatement aux questions et sil règle toutes les difficultés, si nous devons apporter des modifications aussi importantes à la loi.

[…]

M. Richard Marceau: Monsieur le président, si le ministère sengageait à revenir devant le comité dici au printemps sur cet enjeu spécifique, je serais prêt à retirer mon amendement pour quon reparle de ce sujet de façon plus détaillée. Cela ne me pose aucun problème.

Le président: Monsieur Macklin, êtes-vous en mesure de prendre un tel engagement?

Lhon. Paul Harold Macklin: Ce que je peux faire de mieux, cest mengager à réexposer notre position à ce moment-là, parce que nous naurons peut-être pas encore de solution. Cest probablement le mieux que nous pourrons faire.

De plus, cette question pourrait être soumise à un groupe de travail permanent FPT chargé de ce dossier. Il se réunit quatre fois lan. Il pourrait soccuper de cette question. Je pourrais certainement la lui soumettre et voir si nous pouvons obtenir une solution.

Quand il sagit de positions négociées, il est très difficile de dire que nous allons certainement revenir avec une solution. Je préfère être prudent.

Mais jaimerais certainement essayer de faire tout cela—autrement dit, porter la question à lattention du groupe de travail et, dici le printemps, revenir avec au moins un rapport intérimaire, sinon une solution.[22]

[Soulignements ajoutés]

[36]           Malheureusement, l’intérêt des parlementaires pour cette question semble s’être dissipé avec le temps.

[37]           Dans l’état actuel des choses, la définition de « [l’]inaptitude » contenue à l’article 2 C.cr. et le libellé des articles 672.11a) et 672.23(1) C.cr. ne laissent guère place à interprétation. Au sens de la loi, le régime ne vise que la situation de l’accusé dont l’aptitude est mise en cause avant le verdict.

[38]           La présente affaire illustre de façon éloquente la préoccupation légitime du Comité selon laquelle « [l]e juge chargé de déterminer la peine est ainsi mis dans une situation intenable » lorsqu’un problème de santé mentale se soulève au stade de la peine. Toutefois, le silence de la loi ne saurait diminuer les garanties constitutionnelles conférées à un inculpé à toutes les étapes des procédures criminelles.

ii)     L’évaluation de l’aptitude d’un délinquant et les garanties constitutionnelles qui l’accompagnent

-         Vue d’ensemble

[39]           Il importe de distinguer l’étape de l’enquête visant à établir les « motifs raisonnables de croire » qu’une preuve est nécessaire pour déterminer l’aptitude d’un inculpé de l’étape de l’ordonnance d’évaluation proprement dite.

[40]           Comme je m’apprête à l’expliquer, la première ne repose pas uniquement sur le droit codifié. Elle se fonde également sur les principes de justice fondamentale qui obligent tout tribunal à garantir le respect des intérêts vitaux d’un inculpé. Parmi ceux-ci, il y a le droit à une défense pleine et entière au stade de la peine et celle de ne pas être soumis à une procédure inéquitable en raison de l’absence de connaissance directe, de la part du délinquant, des procédures qui se déroulent devant lui[23].

[41]           Quant au pouvoir d’ordonner une évaluation au stade de la peine, j’estime que larticle 721 et le paragraphe 723(3) C.cr. permettent à un tribunal d’obtenir un rapport d’un agent de probation comportant un volet principal sur l’état de santé mental du délinquant de la nature d’une évaluation psychiatrique aux fins de déterminer s’il est apte à recevoir sa peine.

[42]           Advenant une conclusion d’inaptitude autre que passagère, je propose la suspension de l’instance. Il appartiendra au régime civil en matière de soins de la personne de prendre le relais. Je m’explique.

-         Principes fondamentaux et sous-jacents à l’analyse

[43]           D’importants principes fondamentaux sous-tendent la suite de l’analyse. Même si le Code criminel n’envisage pas la situation de la personne inapte au stade de la peine, l’arrêt Whittle[24] de la Cour suprême enseignait déjà en 1994 que les mêmes normes relatives à la capacité cognitive de l’accusé s’appliquaient tout au long des procédures judiciaires[25], ce qui inclut nécessairement le stade de la peine.

[44]           Notre Cour, dans l’arrêt R.L. a repris ce principe de façon on ne peut plus claire :

[27]  The same may be said for sentencing. While not part of the trial, it would be unfair and contrary to the interests of justice to require a person who was fit during the trial but who subsequently became unfit to participate in a sentence hearing: see R. v. Nehass, 2017 YKSC 4, par. 23. Indeed as a matter of constitutional law, the deprivation of liberty, that may result from sentencing of an unfit person is unlikely to accord with the principles of fundamental justice.[26]

[Soulignement ajouté]

[45]           La doctrine[27] et la jurisprudence canadienne[28] appuient fermement cette position. Elles reconnaissent l’importance pour l’accusé et le délinquant d’être présent à toutes les étapes des procédures criminelles, non seulement physiquement, mais aussi mentalement.

[46]           On peut donc affirmer, sans risque de se tromper, que les garanties constitutionnelles dont jouit l’accusé, notamment celles conférées par l’article 7 de la Charte, ne cessent pas de s’appliquer du fait qu’il est en attente d’une peine[29], car, dans les faits, il demeure toujours un inculpé[30]. Notamment, dans l’arrêt Walker[31], la Cour d’appel de l’Ontario écrit :

[44] Proceeding against a person who is not mentally present at the proceedings is akin to proceeding against a person who is not physically present at the proceedings. It has the effect of excluding that person from the proceedings. While courtroom efficiency is a laudable goal, it is not to be achieved at all costs. Where fitness concerns arise, they must be addressed. There is nothing irresponsible about halting proceedings to take steps to ensure that the subject of those proceedings is present in mind.

[…]

[56] Individuals have as much right to be present in mind at proceedings determining their liberty as they have a right to be present in mind at proceedings determining their culpability. The dignity and fairness of our justice system requires that to be so.

[Soulignements ajoutés; renvoi omis]

[47]           Le fait que le régime législatif se contente de couvrir uniquement les procédures en amont du verdict n’y change rien. Sans pour autant s’ingérer dans la stratégie de la défense, le juge de la peine demeure tenu de s’assurer que toutes les procédures se déroulent devant un délinquant présent mentalement, capable de participer efficacement au débat tout en étant en mesure de communiquer avec son avocat[32]. C’est pourquoi un auteur écrit :

There does not appear to be any reason why an accused who has been found unfit at a point in the prosecution beyond the verdict should be treated any differently than an accused found to be unfit prior to the verdict.[33]

[48]           Le poursuivant a toutefois prétendu que les droits fondamentaux de l’appelant n’étaient pas susceptibles d’être compromis puisque la juge était rendue au prononcé de la peine. Je n’accepte pas cette proposition.

[49]           L’infliction de la peine demeure une étape cruciale pour un accusé. J’emprunte ici au juge Dickson cette citation faite dans l’arrêt Gardiner[34] qui lui-même la tenait de Sir James Fitzjames Stephen qui l’avait écrite en 1863 [TRADUCTION] : « la sentence constitue l’essence même de la procédure. Elle est au procès ce que le boulet est à la poudre. » Selon le juge Dickson, cet énoncé était encore vrai en 1982 et, à mon avis, il le demeure en 2023.

[50]           L’objectif de dissuasion spécifique et générale – poursuivi par le prononcé d’une peine serait sérieusement compromis devant un délinquant inapte, incapable de comprendre les procédures qui se déroulent devant lui. Je ne saurais mieux dire sur cette question que l’auteur Schneider ne l’a fait dans son article intitulé « Fitness to be Sentenced », auquel j’ai fait référence précédemment, pour expliquer l’importance de la pleine lucidité de l’accusé au stade de l’infliction de la peine :

[] Indeed, to proceed with sentencing in respect of an unfit accused would be to ignore the objective of specific deterrence – an acknowledged principle of sentencing. Specific deterrence is that aspect of sentencing which is designed to bring home to a particular accused the probable consequences of re-offending. Similarly, the general deterrence objective of deterring other “like-minded” accused would appear to be lost if an unfit accused were to be sentenced. Furthermore, a court could not expect an accused who does not have a minimal appreciation of the sentencing process to comply with or be governed by any of the terms the court may impose in its sentence. Finally, an unfit accused who did fail to comply with the terms of the sentence imposed while unfit would inevitably have a defence to any charges laid as a result.[35]

-         Les motifs raisonnables de croire

[51]           Au sens du régime énoncé aux articles 672.1 et suivants du Code criminel, le poursuivant ou l’accusé lui-même peut demander à un juge de se pencher sur son aptitude à subir son procès. Le juge peut même d’office soulever la question.

[52]           Dans le premier cas, la demande prendra habituellement la forme d’une requête tranchée à la suite d’une audition sommaire en vue de déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une preuve est nécessaire pour déterminer l’aptitude de l’accusé. Dans le second cas, ce sera souvent l’attitude même de l’accusé lors du procès qui fera naître un soupçon dans l’esprit du juge l’incitant à pousser plus loin son enquête sur cette question.

[53]           Au stade de la peine, l’accusé, maintenant appelé délinquant, jouit du même droit de voir déterminer l’existence de motifs raisonnables de croire que son aptitude est en jeu. Il me semble ne faire aucun doute en droit canadien que l’État ne peut procéder contre un accusé dépourvu de faculté mentale suffisante pour comprendre les procédures engagées contre lui[36], incluant la détermination de la peine[37].

[54]           Je ne puis voir comment le système de justice ne serait pas déconsidéré aux yeux d’un observateur objectif et raisonnablement informé sachant, par exemple, qu’au moment d’assortir la peine d’une ordonnance de probation et désirant s’acquitter de ses obligations légales, le tribunal 1) fait remettre une copie de l’ordonnance au délinquant (732.1(5)a) C.cr.); 2) lui explique les conditions qu’elle contient (732.1(5)b) C.cr.); 3) veille à ce que les demandes de modifications de conditions facultatives lui soient expliquées (732.1(5)c) C.cr.); et 4) « prend les mesures voulues pour s’assurer qu’il comprend l’ordonnance elle-même et les explications qui lui sont fournies » (732.1(4)d) C.cr.), et ce, tout en ayant des motifs raisonnables de croire qu’une preuve est nécessaire pour vérifier son aptitude à comprendre une telle ordonnance.

[55]           Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le juge possède les pouvoirs nécessaires pour vérifier si les droits fondamentaux d’un délinquant sont compromis.

[56]           Encore tout récemment, la Cour suprême discutait en ces termes de l’étendue des pouvoirs résiduels du juge du procès :

[32] Toutefois, l’art. 669.2 ne retire pas au juge son pouvoir discrétionnaire résiduel (voir, par analogie, R. c. R.V.,2019 CSC 41, [2019] 3 R.C.S. 237, par. 75). En tant que gardien de l’équité du procès, le juge conserve toujours le pouvoir de faire enquête, de son propre chef, même si celle-ci n’est pas requise par la loi ou la common law. Lorsque certains indices portent à croire que le consentement de l’accusé pourrait être vicié, le tribunal devrait user de sa discrétion résiduelle et investiguer davantage afin d’assurer que le consentement de l’accusé à la procédure est libre et éclairé (Gauthier; Jetté).[38]

[57]           Par analogie, j’estime que ces enseignements s’appliquent dans les cas où le juge est appelé à s’interroger sur l’aptitude du délinquant au stade de la peine. Ce pouvoir d’enquête repose sur le pouvoir discrétionnaire résiduel du juge d’assurer une audition équitable dans le respect des droits fondamentaux d’un inculpé, et ce, à toutes les étapes des procédures criminelles, y compris celle de la détermination de la peine[39].

[58]           Dans l’arrêt Société Radio-Canada c. Manitoba, le juge Kasirer écrit :

[62] […] Outre les pouvoirs qui leur sont explicitement conférés, les tribunaux d’origine législative et les cours d’appel ont la maîtrise implicite de leur propre procédure et d’autres pouvoirs qui sont de fait nécessaires à l’exercice du rôle que la loi leur confie […].[40]

[Renvois omis]

[59]           En somme, si la question de l’aptitude du délinquant se pose au stade de la peine, il faut y répondre à la première étape selon la norme « des motifs raisonnables de croire ».

[60]           Le juge aura alors deux possibilités. La première et elle ne souffre d’aucune controverse réside dans la conclusion selon laquelle il n’y a pas de motif raisonnable de croire que l’aptitude du délinquant nécessite d’être examinée. Les procédures inhérentes à la détermination de la peine suivront alors leur cours sans autre forme de vérification. Dans le cas contraire, se soulèvera alors la question de l’ordonnance d’évaluation proprement dite.

-                      L’ordonnance pour déterminer l’aptitude du délinquant au stade de la peine

[61]           Au stade de la peine, l’ordonnance qui vise à déterminer l’aptitude d’un délinquant n’est pas prévue par la loi. L’avocat de l’appelant soutient tout de même que la juge possédait le pouvoir d’assujettir son client au régime de la Partie XX.1 du Code criminel (art. 672.1 et ss. C.cr.). Il plaide notamment que :

a)     le Code criminel, à son article 672.12(1), permet l’évaluation de l’aptitude de l’accusé « à toute étape des procédures »;

b)     la common law reconnaît aux tribunaux le pouvoir de considérer l’état mental de l’accusé après le verdict de culpabilité;

c)     l’article 7 de la Charte permet de déclarer inconstitutionnels les articles 2, 672.11 et 672.23(1) C.cr.

[62]           Avec égards, je suis d’avis qu’aucune de ses prétentions ne conférait à la juge le pouvoir d’inclure la situation de l’appelant dans le régime restreint et défini prévu au Code criminel pour les cas de troubles mentaux.

a)                 Le paragraphe 672.12(1) C.cr.

[63]           L’article 672.12(1) C.cr. est ainsi rédigé :

Pouvoir du tribunal

672.12. (1) Le tribunal peut rendre une ordonnance d’évaluation à toute étape des procédures intentées contre l’accusé, d’office, à la demande de l’accusé ou, sous réserve des paragraphes (2) et (3), à la demande du poursuivant.

 

[…]

 

 

1991, ch. 43, art. 4;

Where court may order assessment

672.12. (1) The court may make an assessment order at any stage of proceedings against the accused of its own motion, on application of the accused or, subject to subsections (2) and (3), on application of the prosecutor.

 

[…]

 

1991, c. 43, s. 4;

[64]           J’estime que la proposition de l’appelant selon laquelle l’article 672.12(1) C.cr. autorise un juge à rendre une ordonnance d’évaluation à toutes les étapes des procédures, y compris celles propres à la détermination de la peine, repose sur une lecture compartimentée de la loi et isole cette disposition de son ensemble au point de la dénaturer.

[65]           La définition de ce qu’est « [l’]inaptitude à subir son procès » contenue à l’article 2 du Code criminel limite précisément l’appréciation de cette condition « à toute étape des procédures, avant que le verdict soit rendu » [soulignement ajouté].

[66]           De plus, une lecture combinée des articles 2 et 672.11a) C.cr. ne laisse planer aucun doute sur l’interprétation à réserver à l’article 672.12(1) C.cr. Cette disposition concerne nécessairement lévaluation mentionnée à larticle 672.11 C.cr., soit celle visant à déterminer l’aptitude de l’accusé à subir son procès. Or, le procès de l’appelant est terminé depuis le 22 juillet 2021.

[67]           La même logique s’applique à l’égard de l’article 672.23(1) C.cr. qui prévoit la possibilité de déterminer l’aptitude de l’accusé à subir son procès « à toute étape des procédures avant que le verdict ne soit rendu » [soulignement ajouté].

[68]           Quant à l’article 672.38(1) C.cr., cette disposition prévoit que la Commission dexamen des troubles mentaux du Québec est chargée « de rendre ou de réviser des décisions concernant les accusés qui font l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ou qui ont été déclarés inaptes à subir leur procès » [soulignement ajouté].

[69]           Chacune des étapes et procédures prévues au régime élaboré à la Partie XX.1 du Code criminel (art. 672.1 et ss. C.cr.) forme un tout indissociable et senchâsse dans une suite logique voulue par le législateur pour ne s’appliquer qu’aux procédures criminelles antérieures au verdict. On ne saurait donc les subdiviser à la pièce pour ensuite contredire l’esprit même du régime.

[70]           Enfin, la réponse du gouvernement[41] à la proposition de modification du Comité ne milite pas pour une interprétation extensive du régime[42].

b)                 La common law

[71]           L’appelant s’appuie sur des précédents provenant des autres provinces pour affirmer que la juge détenait le pouvoir en vertu de la common law de rendre l’ordonnance sollicitée en vertu de la Partie XX.1 du Code criminel (art. 672.1 et ss. C.cr.). Je ne partage pas ce point de vue.

[72]           Tout d’abord, l’appelant n’est pas en mesure de citer un seul précédent conférant à la Cour du Québec le pouvoir de rendre une ordonnance d’évaluation au stade de la peine en vertu de la Partie XX.1. Ensuite, la totalité de la jurisprudence[43] invoquée par l’appelant émane de tribunaux de droit commun, détenteurs d’une compétence résiduelle[44] assortie du pouvoir inhérent de déclarer l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un règlement[45].

[73]           Pour sa part, en dépit de la vaste étendue de sa compétence, la Cour du Québec ne possède que celle spécifiquement attribuée par les lois habilitantes[46]. La common law ne peut suppléer à une compétence que le législateur n’a pas expressément ou implicitement confiée à un tribunal statutaire[47].

[74]           Il importe toutefois de ne pas confondre le pouvoir résiduaire d’une cour supérieure l’autorisant à ordonner une réparation non prévue dans la loi et le pouvoir discrétionnaire résiduaire du juge du procès nécessaire à assurer la protection d’un droit fondamental[48]. En ce sens, je ne doute pas que le pouvoir d’enquête visant à vérifier les « motifs raisonnables de croire » est inclus dans cette seconde catégorie.

c)                 L’avenue constitutionnelle

[75]           La question de la constitutionnalité de l’article 2 (déf. : « inaptitude à subir son procès »), de l’alinéa 672.11a) et du paragraphe 672.23(1) C.cr. se présente sous deux angles différents. Elle peut soit être envisagée sous l’angle d’une déclaration rendant inopérantes ces dispositions (par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982) à l’égard de la partie dont les droits fondamentaux sont compromis, soit découler d’une déclaration d’inconstitutionnalité déjà prononcée par une cour supérieure.

[76]           Dans le premier cas, il ne fait aucun doute qu’une cour provinciale n’est pas tenue d’appliquer une loi invalide[49]. En conséquence, elle peut refuser d’appliquer toute disposition incompatible avec la Charte bien que la disposition litigieuse demeure toujours opérante[50].

[77]           Toutefois, pour l’appelant, le problème demeure entier. Le pouvoir d’un juge de la Cour du Québec de suspendre l’application de certaines dispositions jugées inconstitutionnelles n’inclut pas celui de créer un droit positif en guise de réparation. La juge a donc eu raison de conclure qu’elle n’avait pas le pouvoir de créer un droit de toute pièce en faveur de l’appelant de sorte à l’intégrer dans un régime duquel il est exclu.

[78]           Ensuite, l’appelant propose de s’inspirer de la jurisprudence provenant des autres provinces et territoires pour l’appliquer à sa situation. En guise de précédent, l’appelant invoque le jugement Balliram rendu par la Cour supérieure de l’Ontario en 2003[51]. Balliram a été reconnu coupable de voies de fait armées, d’agression sexuelle causant des lésions et de séquestration à l’égard de sa conjointe et de leurs deux enfants. Il est demeuré en détention depuis son arrestation et est devenu inapte à subir les procédures criminelles seulement après le verdict de culpabilité.

[79]           Dans cette affaire, le juge a d’abord tiré la conclusion selon laquelle « evidence led on the application that supports a finding that [Balliram] cannot communicate with and instruct his lawyer »[52]. Il s’est toutefois buté aux limites statutaires l’autorisant à ordonner l’évaluation de l’accusé au stade de la peine[53]. L’avocat de Balliram désigné par le Tribunal a alors soulevé l’inconstitutionnalité des articles 2 et 672.23(1) C.cr. Ayant déjà en main des motifs raisonnables de croire en la nécessité d’une preuve pour déterminer l’aptitude de Balliram, le juge a fait droit à cette requête en recourant à la technique du « reading in » (interprétation large) pour ordonner la détermination de l’aptitude de Balliram au stade de la peine.

[80]           Je note au passage qu’aux fins du « reading in », le juge de la Cour supérieure de l’Ontario s’est largement inspiré de la suggestion du Comité faite en juin 2002.

[81]           Plusieurs décisions canadiennes ont ensuite discuté – avec ou sans approbation – du jugement Balliram, dont notamment les affaires Bharwani, C.W.W., Crossley, Walker, R.M.P., Nehass, Morrison et Jaser[54].

[82]           Par exemple, en Saskatchewan, dans l’affaire Morrison, les articles 2 et 672.23 C.cr. ont été déclarés inopérants en application de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, bien que cette décision survienne dans un contexte de délinquant dangereux à contrôler. La technique du « reading in » fut celle retenue pour conclure à l’application du régime à la situation du délinquant. Le juge écrit :

[37] […] Whether the s. 7 protection is a “more limited scope” as described by the Supreme Court of Canada, or what I describe as a “different scope”, it is still a protection that is guaranteed by s. 7 of the Charter throughout the entire trial process from beginning to end. There is no suggestion that postverdict s. 7 protection should be identical to pretrial s. 7 protection. It cannot be, as the processes are completely different, but one is not necessarily more important than the other. In situations such as Mr. Morrison is presently in, the postverdict situation can be just as critical as the situation before the verdict was rendered. The dangerous offender sentencing process certainly is as complicated as the jury trial for entirely different reasons – but not more or less important reasons. While Crown counsel is of the opinion that Justice McWatt in Balliram “reached his conclusion rather swiftly and did so largely on the basis that sentencing is part of the trial process”, this Court totally disagrees with that suggestion. Everyone’s s. 7 rights are to be protected throughout the entire trial both before and after conviction.

[83]           Dans l’affaire Nehass, la Cour supérieure du Yukon a estimé avoir la compétence nécessaire pour ordonner une évaluation de l’aptitude de l’accusé à se voir infliger une peine en se fondant sur la common law ainsi que sur ses pouvoirs inhérents[55].

[84]           Pour sa part, la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Walker précédemment cité n’a ni confirmé ni infirmé la démarche suivie dans Balliram. Dans un premier temps, la Cour d’appel établit que le droit d’être apte au stade de la détermination de la peine existe bel et bien en droit canadien[56]. Ensuite, sans toutefois se prononcer formellement sur l’assise juridique sur laquelle repose le droit de Walker de faire déterminer son aptitude au stade de la peine, la juge Fairburn, au nom de la Cour, résout cette question en ces termes :

[57] I am satisfied that, even if the Criminal Code provisions are not available for a fitness hearing after a finding of guilt has been made, a proposition that I should not be taken as endorsing, there are sufficient jurisdictional alternatives in place that would have permitted the issue to be explored.[57]

[85]           Malheureusement pour l’appelant, aucun de ces précédents n’était en mesure de lui venir en aide devant la Cour du Québec. Depuis l’arrêt R. c. Sullivan[58], il n’est plus permis de douter que les déclarations d’inconstitutionnalité prononcées en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne peuvent lier les tribunaux des autres provinces :

[62] Le fédéralisme empêche qu’une déclaration faite en application du par. 52(1) dans une province lie les tribunaux partout au Canada : en effet, permettre qu’une déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par une cour supérieure de la ColombieBritannique lie une cour supérieure, ou même une cour d’appel du Québec ou de l’Alberta serait tout à fait incompatible avec notre structure constitutionnelle. Il est impossible que la disposition consacrant la primauté de la Constitution commande ce résultat, par la simple application du par. 52(1). […]

[63] Il est plus juste de penser que l’art. 33.1 n’est pas nul et non avenu, mais inopérant en raison d’une décision rendue par un juge sur un point de droit. Une telle décision fait autorité dans la province, sauf s’il y a une raison valable de l’écarter. L’accusé est libre d’avancer cet argument, et un tribunal de juridiction équivalente n’est pas irrémédiablement lié par la décision antérieure qui a été rendue dans la province. Il va sans dire que la déclaration d’inconstitutionnalité faite par une cour supérieure dans une province peut être suivie dans une autre province en raison de sa force persuasive. Par conséquent, je rejette les arguments de M. Sullivan et des intervenants selon lesquels la déclaration faite en application du par. 52(1) a un caractère juridique si unique que, une fois prononcée n’importe où au pays, elle a pour effet que la disposition contestée [traduction] « disparaît du système » d’un océan à l’autre. Une déclaration faite en application du par. 52(1) est plutôt le résultat final de la capacité d’un juge de résoudre des questions de droit, et elle doit être respectée par les tribunaux de juridiction équivalente dans la province en raison de la règle du stare decisis, ni plus ni moins.

[Soulignements ajoutés]

[86]           L’effet véritable de la décision judiciaire prononçant l’inconstitutionnalité d’une disposition légale est donc nécessairement restreint à la compétence territoriale du tribunal dont cette décision émane et limité en fonction de l’ascendant conféré par la règle du stare decisis et par le principe de la courtoisie judiciaire.

[87]           Comme il n’existe aucune décision québécoise ayant appliqué la solution préconisée dans Balliram (le « reading in ») aux articles 2, 672.11a) et 672.23(1) C.cr., cette option conduit donc à un cul-de-sac.

[88]           J’ajoute que depuis l’arrêt R. c. Bissonnette rendu récemment par la Cour suprême, le recours au « reading in » ne serait pas à l’abri de toute critique si, par cette technique, une cour supérieure se trouvait à empiéter de façon injustifiée sur le domaine législatif[59].

[89]           Finalement, le recours à l’article 24(1) de la Charte ne me semble pas être le bon véhicule pour compléter utilement le régime en cause. L’utilisation de cette disposition constituerait ni plus ni moins une façon indirecte de faire un « reading in »[60], sans compter le fait de mettre à mal la présomption de constitutionnalité des dispositions en cause.

[90]           Cela dit, il est vrai qu’au paragraphe 23 de l’arrêt R.L.[61], la Cour écrit que l’aptitude d’un accusé à subir son procès s’étend également aux procédures de détermination de la peine. Si ce droit ne saurait faire de doute, en revanche, je ne suis pas prêt à convenir que l’arrêt de notre Cour reconnaît, même implicitement, le droit d’un accusé, au stade de la peine, d’avoir accès au régime prévu à la Partie XX.1 du Code criminel pour les troubles mentaux.

iii)   Une évaluation psychiatrique et la suspension de l’instance

[91]           Pour les raisons déjà expliquées, j’estime que, si un juge de la Cour du Québec possède des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental du délinquant est nécessaire pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine, les articles 721 et 723(3) C.cr. lui confèrent le pouvoir de requérir un rapport comportant un volet principal sur son état de santé mental de la nature d’une évaluation psychiatrique. En ce sens, je suis d’accord avec une certaine jurisprudence de la Cour du Québec qui a déjà retenu cette solution[62].

[92]           Sur cette question, je me permets d’ajouter que la doctrine de la compétence par déduction nécessaire[63] et les pouvoirs implicites d’un tribunal statutaire, indispensables pour s’acquitter du rôle que lui confie la loi[64], constituent des fondements sérieux au soutien de sa capacité de rendre une ordonnance de cette nature, à la condition toutefois de détenir des motifs raisonnables de croire qu’une preuve s’impose concernant l’état mental du délinquant.

[93]           Si l’évaluation psychiatrique conclut à l’inaptitude du délinquant, la seule solution alors envisageable me semble être la suspension de l’instance puisque, d’une part, le principal intéressé n’a pas accès au régime prévu à la Partie XX.1 du Code criminel et, d’autre part, les procédures portant sur la détermination de la peine ne pourraient pas se poursuivre sans enfreindre ses droits constitutionnels.

[94]           La suspension de l’instance devrait intervenir seulement si la preuve au dossier autorise le juge à conclure que l’inaptitude du délinquant ne pourra pas se résorber à l’intérieur d’un délai raisonnable apprécié selon les attentes du système de justice en matière d’efficacité.

[95]           Si l’inaptitude du délinquant ne s’avérait que passagère, le prononcé de la peine devrait être reporté, le temps pour lui de recouvrer dans un délai raisonnable un état de santé mental suffisant pour lui permettre de recevoir sa peine.

[96]           On pourrait aussi se demander ce qu’il adviendra du délinquant après la suspension de l’instance. Je me contenterai de dire sur cette question qu’une telle ordonnance découle nécessairement d’un problème de santé mentale chez le délinquant. En pareille situation, il appartiendra au régime civil en matière de soins de la personne d’intervenir le cas échéant. C’est d’ailleurs cette idée que le juge LeBel a énoncé dans l’arrêt R. c. Demers :

[…]  En conséquence, c’est par l’exercice de la compétence des provinces en matière de santé qu’il convient de répondre au besoin de protection de la communauté face aux accusés inaptes de façon permanente qui présentent un risque important pour la sécurité du public.[65]

[97]           Pour la sécurité du public en général et pour celle du délinquant en particulier, je suggère que l’ordonnance de suspension des procédures soit notifiée au Curateur public dont un aspect vital de la mission est de veiller à la protection des personnes inaptes[66], au Procureur général du Québec en raison de ses responsabilités générales confiées par la Loi sur le ministère de la Justice[67] et au Tribunal administratif du Québec comme le prévoit l’article 397 C.p.c.

iv)   L’application à la situation de l’espèce

[98]           La juge a refusé à l’avocat de l’appelant sa demande de réouverture d’enquête pour établir l’existence de motifs raisonnables de croire que l’aptitude de son client était en jeu.

[99]           Cette demande a été rejetée pour les raisons déjà indiquées dans mes motifs. Avec égards, je suis d’avis qu’aucune d’elles ne s’avère fondée. J’estime plutôt que la juge aurait dû rouvrir l’enquête pour permettre une audition formelle, de sorte à vérifier les allégations de l’avocat à propos de l’inaptitude de son client.

[100]      Il faut cependant reconnaître que la procédure de l’avocat (courriel du 11 avril) était embrouillée et à la limite mal ciblée. Bref, la portée véritable de sa demande en première instance ne sautait pas aux yeux. De plus, la tâche de la juge était particulièrement difficile comme le fait voir ma propre analyse du dossier.

[101]      Cela dit, j’écarte d’emblée le motif retenu par la juge sur l’absence de mandat donné à l’avocat. On ne s’attend pas d’un inculpé inapte qu’il soit capable de communiquer efficacement avec son avocat aux fins de lui confier un mandat de cette nature. C’est pourquoi la déclaration d’un officier de justice chargé de protéger les droits fondamentaux de son client et de toujours agir dans l’intérêt de la justice est une considération lourde de sens au moment de se pencher sur une requête de la nature de celle dont était saisie la juge. De toute façon, l’obligation impartie à la juge de voir au respect des droits fondamentaux de l’appelant rendait inutile de s’interroger plus avant sur le mandat de son avocat, la question de l’aptitude pouvant de toute façon être soulevée d’office.

[102]      La juge estime aussi que la correspondance « officieuse » de madame Co... ne pouvait conduire à une ordonnance d’évaluation. Cette détermination est exacte, mais ne permettait pas pour autant de rejeter la demande pour ouvrir l’enquête à nouveau. Ce que la note de madame Co... révèle était suffisant pour soulever un doute au point de vérifier si ce doute pouvait se transformer en motifs raisonnables de croire que l’aptitude de l’appelant devait être déterminée.

[103]      Il y avait également les constatations de l’avocat relatées dans son courriel du 11 avril et reprises lors de l’audition du 20 juin 2022. Celles-ci étaient suffisantes pour vérifier la valeur de ses allégations, comme l’écrit la Cour d’appel de l’Alberta aux prises avec une situation similaire à la nôtre :

[9]  Any declaration made by counsel that a client is unable to instruct counsel raises an issue which calls for close scrutiny. This Court so held in R. v. Budic (1977), 35 C.C.C. (2nd) 272 at 278 (Alta. C.A.). Section 672.23(1) requires the Court to have “reasonable grounds” to believe that the accused is unfit to stand trial. “Mere suspicion” will not suffice. While the representation of trial counsel may not have been sufficient to allow the trial judge to conclude that the accused was unfit to stand trial, there was sufficient evidence to require a more thorough inquiry so as to ensure that there would be no miscarriage of justice. In our view, based on the representations of Mr. Lister and the now acknowledged mental illness of the Appellant, a more thorough inquiry was absolutely essential in this case. The verdict, accordingly, is unsafe and cannot stand. The appeal must be allowed, the conviction quashed, and a new trial ordered.[68]

[Soulignements ajoutés]

[104]      De plus, la juge ne pouvait présumer de l’exhaustivité de la preuve au soutien de la position de l’avocat sur l’inaptitude de son client. Elle devait donc trancher cette question dans le cadre d’une audition équitable.

[105]      Comme la juge a considéré ne pas avoir le pouvoir de remédier à une situation soulevant l’inaptitude de l’appelant, elle a choisi de ne pas tenir d’enquête, une étape pourtant cruciale aux fins de protéger les droits fondamentaux d’un inculpé. Il s’agit d’une erreur de droit qui justifie l’intervention de la Cour.

[106]      Quant au motif selon lequel l’appelant est apparu apte aux yeux de la juge lors de la preuve sur la peine tenue le 14 décembre 2021, l’obligation de veiller au respect de ses droits fondamentaux n’était pas disparue pour autant le 20 juin 2022 avant le prononcé de la peine.

[107]      La juge a cru ne pas avoir eu compétence pour enquêter sur l’état mental de l’appelant. Dans ces conditions, le besoin d’établir l’existence de motifs raisonnables de croire qu’une preuve est nécessaire pour déterminer son aptitude demeure. Pour cette raison, je propose de retourner le dossier devant la Cour du Québec pour que la juge puisse enquêter sommairement de sorte à vérifier si de tels motifs existent.

[108]      Si au terme de cette enquête, la juge n’a pas de motifs raisonnables de croire que l’aptitude de l’appelant est en cause, la peine infligée le 20 juin 2022 devra l’être de nouveau après avoir considéré le temps déjà passé sous garde, de même que les ordonnances accessoires.

[109]      Si la preuve milite pour l’obtention d’un rapport comportant une évaluation psychiatrique et que celle-ci conclut à l’inaptitude de l’appelant, la juge devra alors reporter le prononcé de la peine à une autre date s’il est permis de prévoir un retour à la santé du principal intéressé dans un délai raisonnable. Dans le cas contraire, une ordonnance suspendant l’instance devra être prononcée.

[110]      Ce qui précède rend inutile le besoin de se pencher sur la faisabilité des mesures recherchées par l’appelant devant notre Cour, comme cela a été discuté dans l’arrêt Fruitier c. R.[69].

v)     L’ordonnance d’interdiction de contact avec L... Co...

[111]      La juge a ordonné à l’appelant de s’abstenir de communiquer directement ou indirectement avec les membres de la famille de la victime, y compris sa conjointe L... Co.... Cette ordonnance a été rendue en vertu de l’article 742.21 C.cr.

[112]      L’appelant, et d’après ce que j’en comprends, L... Co... également, demandent à la Cour de lever cette interdiction à l’égard de cette dernière. Le poursuivant ne conteste pas cette demande.

[113]      Compte tenu de ma proposition d’annuler la peine prononcée en première instance et toutes les ordonnances incidentes qui l’accompagnent, cette question pourra à nouveau être discutée devant la juge lors du retour du dossier en Cour du Québec.

D)  La conclusion

[114]      Je suggère d’accueillir la requête en autorisation d’appel, d’accueillir l’appel en partie et de revoir la décision interlocutoire qui refuse à l’appelant la réouverture de l’enquête au stade de la peine, d’infirmer la peine et d’ordonner le retour du dossier à la Cour du Québec pour entendre la preuve inhérente à l’établissement de motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine et, le cas échéant, pour prononcer une ordonnance suspendant l’instance si son état mental l’exige.

[115]      Je me permets d’ajouter un dernier commentaire après ces trop longs motifs. La situation de l’appelant n’est pas aussi inusitée qu’elle y paraît. Il semble exister d’autres affaires pendantes devant la Cour du Québec dans lesquelles la question de l’évaluation de l’état mental d’un accusé au stade de la peine se pose encore. Depuis la mise en place d’un régime législatif pour les personnes atteintes de troubles mentaux, différents tribunaux canadiens ont dû intervenir d’une façon ou d’une autre pour protéger les droits fondamentaux des délinquants en attente d’une peine. Les préoccupations du Comité présentées en 2002 demeurent d’actualité et je formule le souhait qu’elles soient à nouveau considérées par le Parlement dans les meilleurs délais, et ce, au nom de la protection des droits fondamentaux de toutes les personnes qui doivent composer avec ce vide juridique.

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 


[1]  R. v. Leys (1910), 17 C.C.C. 198 (C.A. Ont.). Voir, au même effet : R. v. Dyson (1831), 7 Car. & P. 303-305, 173 E.R. 135, p. 306-7 (R.-U.).

[2] R. c. A.C., n° 200-01-205552-163, Bouillon, j.c.q., 20 juin 2022 [Peine].

[3] R. c. A.C., n° 200-01-205552-163, Bouillon, j.c.q., 22 juillet 2021 [Verdict].

[4] A.C. c. R., n° 200-01-205552-163, Bouillon, j.c.q., 20 juin 2022 [Décision sur voir-dire]. En première instance, l’avocat de l’appelant a reconnu ne pas avoir de mandat spécifique de son client pour présenter une requête visant à faire déterminer son aptitude. Il s’est autorisé toutefois de sa qualité d’officier de justice pour soutenir un intérêt juridique dans cette demande.

[5]  Décision sur voir-dire, 20 juin 2022, p. 139 de la transcription.

[6]  Id., p. 140-141 de la transcription.

[7]  A.C. c. R., 2020 QCCA 628.

[8]  Courriel du 7 avril 2022 (7 h 46) de Me Félix-Antoine T. Doyon à Steffanie Perron, adjointe de la juge Hélène Bouillon.

[9]  Courriel du 11 avril 2022 (22 h 02) de Me Félix-Antoine T. Doyon à Steffanie Perron, adjointe de la juge Hélène Bouillon, avec copie à la juge Bouillon et à Me Mélanie Dufour, avocate pour le ministère public.

[10]  Ibid.

[11]  Il s’agit de la correspondance dite « officieuse » dont parle la juge dans la Décision sur voir-dire.

[12]  Note de la conjointe de l’appelant, L... Co..., jointe au courriel du 11 avril 2022 de Me Félix-Antoine T. Doyon.

[13]  La juge a demandé à l’avocat de l’appelant de déposer une requête formelle avant le 20 mai 2022, ce qui n’a pas été fait. La juge a tout de même accepté de trancher la demande de l’avocat sur la base de son courriel du 11 avril 2022, comme le démontre la décision interlocutoire du 20 juin 2022.

[14]   Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

[15]  Audition du 20 juin 2022.

[16]  Observation du poursuivant, notes sténographiques du 20 juin 2022, p. 72, lignes 10-11.

[17]  Dans l’arrêt R. c. J.F., 2022 CSC 17, paragr. 23, le juge en chef Wagner explique qu’un accusé ou un délinquant demeure toujours un « inculpé » à toutes les étapes des procédures criminelles, y compris celle de la détermination de la peine.

[18]  Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant en conséquence la Loi sur la défense nationale et la Loi sur les jeunes contrevenants, L.C. 1991, ch. 43. On notera toutefois que le régime a été revu et modifié à la suite de l’arrêt R. c. Demers, 2004 CSC 46.

[19]  Voir : art. 672.11a), b), c), d), d.1) et e). C.cr.

[20]  Comité permanent de la justice et des droits de la personne, 14e rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne : « Examen des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux », Ottawa, Gouvernement du Canada, juin 2002.

[21]  Canada, Chambre des communes, « Réponse au 14e rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne : Examen des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux », Ottawa, Gouvernement du Canada, novembre 2002.

[22]  Chambre des communes, Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, Réunion, 38e lég., 1ère sess., n° 013, 8 décembre 2004, en
ligne : https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/38-1/JUST/reunion-13/temoignages (page consultée le 14 mars 2023).

[23]   Sur l’importance que le délinquant soit présent, mentalement et cognitivement, durant les procédures judiciaires, incluant au stade de la peine : R. v. Hertrich, [1982] O.J. No. 496 (Q.L.), 7 W.C.B. 478, 67 C.C.C. (2d) 510, paragr. 46-51 (C.A. Ont.); R. v. Taylor, [1992] O.J. No. 2394 (Q.L.), 13 C.R.R. (2d) 346 (C.A. Ont.); R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951; R. v. Morrissey, 2007 ONCA 770, paragr. 36; R. v. Walker, 2019 ONCA 765, paragr. 44 et 56.

[24]   R. c. Whittle, [1994] 2 R.C.S. 914.

[25]  Richard D. Schneider, « Fitness to be Sentenced », (1999) 41 C.L.Q. 261, p. 266-268.

[26]  R. c. R.L., 2017 QCCA 933, paragr. 27. Voir aussi : R. v. Walker, 2019 ONCA 765, paragr. 54.

[27]  Martin Vauclair et Tristan Desjardins, Traité général de preuve et de procédure pénales, 29e éd. Montréal, Yvon Blais, 2022, no° 9.49-9.58. Voir aussi : Joann Barrett et Riun Shandler, Mental Disorder in Canadian Criminal Law, Toronto, Thomson Reuters/Carswell, 2022 (feuilles mobiles, mise à jour no° 4, novembre 2022), § 3:41, p. 3-96–3-105; Richard D. Schneider et Hy Bloom, Fitness to Stand Trial : Fairness First and Foremost, Toronto, Irwin Law, 2018, p. 46-57.

[28]  Canada (Attorney General) v. Balliram, [2003] O.J. No. 784 (Q.L.), 103 C.R.R. (2d) 359 (C.S. Ont.); R. v. Jaser, 2015 ONSC 4729, paragr. 50-51; R. v. Morrison, 2016 SKQB 259, paragr. 35-44; R. v. Nehass, 2016 YKSC 63, paragr. 27-40; R. v. R.M.P., 2019 ONSC 1416, paragr. 16-21; R. v. Walker, 2019 ONCA 765, paragr. 44 et 56; R. v. C.W.W., 2023 BCPC 17, paragr. 33-65. Voir aussi : R. c. Steele, [1991] AQ No 240, JE 91-519 (C.A.); R. v. Roberts, [1975] 3 W.W.R. 742, 24 C.C.C. (2d) 539; R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, p. 965, citant R. c. Lee Kun, [1916] 1 K.B. 337 (R.-U.).

[29]  Je souligne au passage que la Cour provinciale de la Colombie-Britannique a récemment reconnu que le droit d’être apte à subir les procédures sur la peine est en soi un principe de justice fondamentale : R. v. C.W.W., 2023 BCPC 17, paragr. 58-65, citant Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486, Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76 et R. v. Walker, 2019 ONCA 765.

[30]   R. c. J.F., 2022 CSC 17, paragr. 23.

[31]   R. v. Walker, supra, note 23.

[32]  R. c. J.D., 2022 CSC 15, paragr. 32; R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, p. 981.

[33]  Richard D. Schneider, « Fitness to be Sentenced », (1999) 41 C.L.Q. 261, p. 268.

[34]  R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, p. 413.

[35]  Richard D. Schneider, « Fitness to be Sentenced », (1999) 41 C.L.Q. 261, p. 268.

[36]  Supra, note 23.

[37]  Supra, note 26.

[38]  R. c. J.D., 2022 CSC 15, paragr. 32.

[39]  Ibid., citant Gauthier c. R., 2020 QCCA 751 et Jetté c. R., 2020 QCCA 750.

[40]  Société Radio-Canada c. Manitoba, 2021 CSC 33, paragr. 62.

[41]  Supra, paragr.34 et 35.

[42]  Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd., Montréal, Thémis, 2021, paragr. 1470-1480.

[43]  Canada (Attorney General) v. Balliram, [2003] O.J. No. 784 (Q.L.), 103 C.R.R. (2d) 359 (C.S. Ont.); R. v. Nehass, 2016 YKSC 63; R. v. Walker, 2019 ONCA 765; R. v. Morrison, 2016 SKQB 259. Voir aussi : R. v. Newborn, 2017 ABQB 635, paragr. 29-32; R. v. Lam, 2021 ABQB 394, paragr. 57.

[44]  Nicole Duplé, Droit constitutionnel : principes fondamentaux, 7e éd. revue et augm., Montréal, Wilson & Lafleur, 2018, p. 256-257.

[45]  Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, paragr. X.72 et X.74; R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, paragr. 15 : « Un juge d’une cour provinciale n’est pas habilité à faire une déclaration formelle selon laquelle une règle de droit est inopérante en application du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Seul possède ce pouvoir un juge d’une cour supérieure ayant une compétence inhérente ou d’un tribunal qui en est légalement investi. ».

[46]  R. c. 974649 Ontario Inc., [2001] 3 R.C.S. 575, 2001 CSC 81, paragr. 26.

[47]  Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, paragr. X.72 et X.75.

[48]  Pour exemple, voir : R. c. J.D., 2022 CSC 15, paragr. 32.

[49]   R. c. Lloyd, [2016] 1 R.C.S. 130, paragr. 19.

[50]  Ibid.; Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38, paragr. 88.

[51]  Canada (Attorney General) v. Balliram, [2003] OJ No 784 (QL), 103 CRR (2d) 359 (C.S. Ont.).

[52]  Id., paragr. 2. D’ailleurs, le poursuivant avait reconnu l’inaptitude de Balliram : id., paragr. 7.

[53]  Id., paragr. 2-3.

[54]  R. v. Bharwani, 2023 ONCA 203. R. v. C.W.W., 2023 BCPC 17. R. v. Crossley, 2021 ONSC 7327. R. v. Walker, 2019 ONCA 765. R. v. R.M.P., 2019 ONSC 1416. R. v. Nehass, 2017 YKSC 13; R. v. Nehass, 2016 YKSC 63. R. v. Morrison, 2016 SKQB 259. R. v. Jaser, 2015 ONSC 4729.

[55]  R. v. Nehass, 2016 YKSC 63, paragr. 27-41, s’appuyant notamment sur R. c. Cunningham, 2010 CSC 10, paragr. 18.

[56]  R. v. Walker, 2019 ONCA 765, paragr. 54.

[57]  Id., paragr. 57.

[58]  R. c. Sullivan, 2022 CSC 19, paragr. 53.

[59]   R. c. Bissonnette, 2022 CSC 23, paragr. 128 et 133.

[60]  Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, paragr. XII-4.61.

[61]  R. c. R.L., 2017 QCCA 933, paragr. 23.

[62]  R. c. J.L., 2009 QCCQ 14013. D’ailleurs, d’autres juridictions canadiennes ont également suivi des approches relativement similaires : R. v. Quintal, 2003 ABPC 79; R. v. Blackwell, 2007 BCSC 1486; R. v. Gibbons, 2009 NUCJ 30; R. v. Goldberg, 2011 BCSC 1926; R. v. MB, 2014 ABQB 683; R. v. Swaby, 2016 BCPC 478, paragr. 8; R. v. Duyck, 2019 BCPC 330.

[63]   ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, paragr. 51; R. c. Cunningham, [2010] 1 R.C.S. 331, paragr. 19.

[64]  Société Radio-Canada c. Manitoba, 2021 CSC 33, paragr. 62; R. c. 974649 Ontario Inc., [2001] 3 R.C.S. 575, 2001 CSC 81, paragr. 26 et 70-71. Voir : Jack I.H. Jacob, « The Inherent Jurisdiction of the Court », (1970) 23 Curr. Legal Probs. 23, p. 51, cité et approuvé dans Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43, [2013] 3 R.C.S. 3, paragr. 20, R. c. Caron, 2011 CSC 5, [2011] 1 R.C.S. 78, paragr. 24 et MacMillan Bloedel Ltd. v. Simpson, [1995] 4 S.C.R. 725, paragr. 29-31.

[65] R. c. Demers [2004] 2 R.C.S., 489, paragr. 92.

[66]  Loi sur le curateur public, RLRQ, c. C-81, art.1.

[67]   Loi sur le ministère de la Justice, RLRQ, c. M-19, notamment les articles 3 c.1) et 4 c).

[68]  R. v. Gero, 2000 ABCA 227, paragr. 9, repéré dans Jean-Guy Boillard, Manuel de preuve pénale, Montréal, Yvon Blais, 1991 (feuilles mobiles, mise à jour du 21 novembre 2022), paragr. 0.289. Voir aussi : R. v. Szostak, 2012 ONCA 503, paragr. 69-72.

[69]  Fruitier c. R., 2022 QCCA 1225.

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