Lespérance et Centre d'hébergement Champlain

2025 QCTAT 883

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

1285701-62C-2207

Dossier CNESST :

511705188

 

 

Salaberry-de-Valleyfield,

le 27 février 2025

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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Sonia Sylvestre

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Martine Lespérance

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Centre d’hébergement Champlain

 

Partie mise en cause

 

 

 

et

 

 

 

Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

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DÉCISION

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L’APERÇU

  1.                 Madame Martine Lespérance est préposée aux bénéficiaires au Centre d’hébergement Champlain. Le 26 février 2022, elle contracte une infection à la COVID19, ce qui est reconnu à titre de lésion professionnelle par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.
  2.                 Le 6 mars 2022, alors qu’elle est toujours en arrêt en raison de cette infection, la travailleuse consulte à l’urgence d’un centre hospitalier en raison de douleurs lombaires et d’irradiations dans les membres inférieurs. Une tomodensitométrie du rachis lombaire, réalisée le même jour, révèle la présence d’une condition dégénérative importante.
  3.                 L’arrêt de travail de la travailleuse est alors prolongé en raison de sa condition lombaire. S’ensuit une prise en charge par la docteure Valentia Alikaj, omnipraticienne, qui élabore un plan de traitements composé d’une médication, de traitements de physiothérapie et d’ergothérapie ainsi que de blocs facettaires. Le 10 mai 2022, celle-ci produit un premier rapport médical sur le formulaire prescrit par la Commission dans lequel elle retient les diagnostics de hernie discale au dos à plusieurs niveaux, d’arthrose et de sténose foraminale L5-S1. À titre de date d’événement initial, elle réfère au 26 février 2022.
  4.                 La travailleuse dépose une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation puisqu’elle attribue sa condition lombaire à la toux importante secondaire à son infection à la COVID-19. Cette réclamation est refusée. Dans la décision qu’elle rend à la suite d’une révision administrative, la Commission retient que la lésion professionnelle n’a pas occasionné de séquelles permanentes, puisque la travailleuse n’a plus eu de suivi médical en lien avec le diagnostic d’infection à la COVID-19 et que celle-ci présente une condition préexistante évolutive dont l’origine n’est pas professionnelle[1]. Elle refuse donc de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation au 21 mars 2022, date à laquelle un examen radiologique aurait été réalisé. La travailleuse conteste cette décision, d’où le présent litige.
  5.                 Le représentant de la travailleuse demande au Tribunal de reconnaître que celleci a subi une récidive, rechute ou aggravation le ou vers le 6 mars 2022, et non le 21 mars, puisque les conséquences de son infection à la COVID-19, à savoir une toux excessive, a rendu symptomatique une condition personnelle dégénérative de hernies discales lombaires, d’arthrose et de sténose foraminale L5-S1 à cette date. Il réfère le Tribunal à l’expertise médicale réalisée par la docteure Catherine Browman, chirurgienne orthopédiste, à l’appui de ses prétentions.
  6.                 La procureure de la Commission plaide que la preuve ne supporte pas de manière prépondérante que la manifestation symptomatique de la condition personnelle préexistante, s’il en est, soit en relation avec les conséquences de la lésion professionnelle. Elle estime que l’opinion de la docteure Browman comporte des lacunes qui affectent sa valeur probante.
  7.                 Le procureur de l’employeur s’en remet à l’appréciation du Tribunal.
  8.                 La principale question en litige est de déterminer si la manifestation symptomatique de la condition lombaire de la travailleuse ayant nécessité une visite médicale le 6 mars 2022 est reliée à la lésion professionnelle du 26 février 2022 et/ou à ses conséquences.
  9.                 Le Tribunal répond positivement à cette question et conclut que la condition dégénérative de la travailleuse au rachis lombaire, qui était jusqu’alors silencieuse, a été rendue symptomatique par la toux excessive secondaire à son infection à la COVID-19.

L’ANALYSE

  1.            Le Tribunal doit déterminer si la manifestation symptomatique de la condition personnelle préexistante de la travailleuse au niveau lombaire, que la professionnelle de la santé qui a charge associe aux diagnostics de hernies discales, arthrose et sténose foraminale L5-S1, est en relation avec la lésion professionnelle.
  2.            La Commission a traité le tout sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation en retenant erronément la date du 21 mars 2022 comme étant celle où un examen radiologique, en l’occurrence une tomodensitométrie, confirme la présence d’une dégénérescence discale. Or, bien que le rapport de la tomodensitométrie soit confirmé le 21 mars 2022, celle-ci est réalisée le 6 mars 2022, lors d’une visite médicale tenue le même jour.
  3.            Au 6 mars 2022, la travailleuse était toujours dans la période des 14 premiers jours d’arrêt de travail, payés par l’employeur. Il appert en effet de la décision d’admissibilité de la lésion professionnelle[2] que la Commission a remboursé à l’employeur les sommes versées du 27 au 6 mars 2022. Aussi, puisqu’il n’y a pas de rapport final au dossier, il faut en conclure que l’infection à la COVID-19 a été consolidée sans atteinte permanente au terme de cette période[3]. D’ailleurs, selon le résumé de dossier consigné dans une note évolutive du 17 mai 2022, la Commission considère que la lésion professionnelle a été consolidée sans séquelles permanentes le 7 mars 2022.
  4.            C’est donc dire qu’au 6 mars 2022, soit lors de la première visite médicale en lien avec une condition lombaire, la lésion professionnelle n’était pas consolidée. Conséquemment, il n’y a pas lieu d’analyser la demande de la travailleuse sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation, mais plutôt sous celui de la relation causale entre cette condition lombaire et la lésion professionnelle. Bien que la qualification de la question en litige n’ait pas été soulevée à l’audience, l’essence des débats a porté sur la relation causale et les parties ont été pleinement entendues sur ce point.
  5.            À cette fin, la travailleuse dépose une expertise réalisée par la docteure Browman qui conclut comme suit :

Il s’agit d’une dame de 58 ans qui était asymptomatique de tout problème lombaire avant de tomber malade avec la COVID- 19. L’importance de son atteinte, avec la toux excessive et prolongée, a provoqué chez Madame des symptômes de lombosciatalgie bilatérale suivant un territoire radiculaire de L5 et S1.

 

Madame a subi un CT scan lombaire le 6 mars 2022. Les résultats ont décrit une dégénérescence discale en L4-L5 avec une arthrose facettaire bilatérale et une sténose du récessus latérale droite avec possible irritation de la racine L5 droite. En L5-S1, on a décrit une dégénérescence discale avec une sténose foraminale gauche plus que droite provoquant une irritation possible de la racine L5 gauche. Ces conditions doivent être retenues comme des conditions personnelles préexistantes, qui était, cependant, asymptomatique chez Madame. 

 

Une résonance magnétique du rachis lombaire fait le 19 septembre 2022 a décrit des changements dégénératifs sans sténose centrale ou foraminale critique.

 

Madame reste avec une ankylose du rachis lombaire, avec, à l’examen neurologique, une hypoesthésie suivant les territoires radiculaires de L5 et S1 bilatéralement, sans atteinte de la force musculaire dans les mêmes distributions, et sans signe de tension radiculaire bilatéralement.

 

On doit alors maintenir que les symptômes de toux excessive et persistante en lien avec la COVID-19 ont rendu symptomatiques les conditions personnelles de madame de dégénérescence discale et de sténose foraminale lombaire.

 

 [Nos soulignements et transcription textuelle]

  1.            Pour les motifs qui suivent, le Tribunal estime qu’il y a lieu de retenir cette opinion.
  2.            Du témoignage crédible de la travailleuse, le Tribunal conclut que hormis une entorse lombaire survenue à la suite d’un accident de motoneige il y a plusieurs années et suivant lequel elle avait complètement récupéré, la travailleuse n’a pas d’antécédents pertinents au niveau lombaire ni n’a éprouvé de douleurs lombaires de manière contemporaine à la lésion professionnelle. D’ailleurs, celle-ci occupe depuis plusieurs années l’emploi de préposée aux bénéficiaires auprès d’une clientèle handicapée, ce qui est exigeant physiquement.
  3.            Aussi, bien que la travailleuse présente des antécédents de bronchite pour laquelle elle utilise parfois des pompes, celle-ci est complètement rétablie de son dernier épisode survenu en janvier 2022. Elle est de retour au travail depuis deux à trois semaines suivant cette bronchite au moment où elle contracte la COVID-19.
  4.            Le 25 février 2022, à son arrivée au travail, la travailleuse a des maux de tête et de l’écoulement nasal. Son gestionnaire l’invite à passer un test de dépistage pour la COVID-19 qui s’avère positif. La travailleuse, qui est vaccinée comme il se doit, contracte cette infection pour la première fois.
  5.            Au début, ses symptômes se limitent à des maux de tête et de l’écoulement nasal. Quelques jours plus tard, elle développe une toux intense et prolongée. Celle-ci empire de jour en jour et se manifeste autant le jour que la nuit. La travailleuse explique que les quintes de toux sont si intenses qu’elle en vomit, ce qui ne lui ai jamais arrivé auparavant. Elle affirme que la toux sévère et excessive qu’elle a eue à la suite de son infection à la COVID-19 n’est pas comparable à celle qu’elle a déjà eue dans le passé.
  6.            Après quelques jours de toux excessive et persistante, soit vers le 3 mars 2022, la travailleuse commence à ressentir des douleurs dans le bas du dos. Quelques jours plus tard, la douleur au dos devient intolérable et elle ressent des engourdissements dans les cuisses jusqu’aux genoux faisant en sorte qu’elle a de la difficulté à marcher. Face à cette condition invalidante, elle décide de consulter à l’urgence d’un centre hospitalier le 6 mars 2022. Les notes du triage confirment la trame factuelle dont témoigne la travailleuse en ce qui a trait à l’apparition de douleurs graduelles au dos, sans traumatisme particulier.
  7.            La représentante de la Commission souligne qu’il n’est fait aucune mention de toux excessive lors de la consultation du 6 mars 2022. De l’avis du Tribunal, dans la mesure où la travailleuse consulte en urgence en raison de la gravité de sa condition lombaire, cela n’est pas en soi surprenant et de nature à remettre en doute son témoignage. D’ailleurs, les notes cliniques de la docteure Alikaj, qui suit la travailleuse à compter du 9 mars 2022, font état de « toux +++ » et relatent la même trame factuelle quant au développement de douleurs lombaires et d’engourdissements.
  8.            De cette trame factuelle, le Tribunal retient l’existence d’un lien temporel entre les quintes de toux excessives et l’apparition de douleurs lombaires et d’engourdissements aux membres inférieurs, ce qui est un élément qui milite vers l’établissement d’une relation causale.
  9.            Les examens radiologiques confirment l’existence d’une condition personnelle de nature dégénérative importante. La tomodensitométrie réalisée le 6 mars 2022 fait état de changements dégénératifs en L4-L5 avec de l’arthrose facettaire bilatérale et une sténose du récessus latérale droite avec possible irritation de la racine L5. Il y a également une dégénérescence discale en L5-S1 avec sténose foraminale gauche provocant une possible irritation de la racine L5 gauche. Quant à l’imagerie par résonance magnétique effectuée le 19 septembre 2022, elle confirme l’existence de changements dégénératifs sans sténose centrale ou foraminale critique.
  10.            La preuve médicale démontre également que c’est cette condition personnelle de nature dégénérative, jusqu’alors silencieuse, qui se manifeste de manière concomitante et postérieurement aux quintes de toux. Outre la symptomatologie rapportée de manière constante par la travailleuse qui est compatible avec une manifestation symptomatique de dégénérescence discale, les examens réalisés par la docteure Alikaj lors de son suivi médical régulier[4] confirment des pertes d’amplitudes articulaires du rachis lombaire avec des manœuvres de Tripode et de Lasègue positives. Il s’agit de signes rachidiens et dure-mériens qui sont aussi évocateurs de la manifestation clinique de cette condition dégénérative.
  11.            La procureure de la Commission soulève que les examens neurologiques sont équivoques en ce qu’il n’y a pas de signe franc d’atteinte radiculaire.
    À preuve, dans tous les examens de la docteure Alikaj de même qu’à l’examen réalisé par la docteure Browman, la force musculaire est préservée et la sensibilité est toujours rapportée comme étant normale. Il n’y a donc pas, selon elle, de corrélation clinique et dès lors, il y a lieu de conclure que le diagnostic de hernie discale en est un uniquement radiologique. Or, il a maintes fois été reconnu[5] que l’absence d’une atteinte radiculaire n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’une hernie discale lorsque d’autres signes rachidiens ou dure-mériens sont présents de manière constante, comme c’est le cas en l’instance.
  12.            Le Tribunal retient également que la manifestation clinique de la dégénérescence discale dans le cas présent est plutôt atypique, puisque la manifestation naturelle d’une condition personnelle de cette nature se fait généralement de manière progressive sur une longue période. Sa présentation clinique aiguë en l’espace de quelques jours milite vers l’existence d’un élément déclencheur. Aussi, considérant l’absence de tout traumatisme au niveau lombaire et l’apparition de symptômes de manière concomitante à la toux excessive, force est de conclure que c’est cette dernière qui constitue l’élément déclencheur.
  13.            Le fait que la condition de la travailleuse continue de se détériorer dans les mois qui suivent, alors que l’infection à la COVID-19 est résolue, n’est pas un élément incongru. Une fois que le fragile équilibre est rompu et que la condition personnelle devient symptomatique, il n’est pas surprenant qu’elle continue d’évoluer et de s’aggraver. Dans le cas présent, cette détérioration graduelle peut aussi s’expliquer par le fait que les traitements ont dû être interrompus en raison d’une chirurgie subie par la travailleuse en avril 2022, pour une condition totalement étrangère à la lésion professionnelle.
  14.            La procureure de la Commission souligne que la docteure Browman tient pour acquis que la toux excessive est uniquement attribuable à l’infection de COVID-19, en faisant fi des antécédents de bronchite, ce qui amoindrit la valeur probante de son opinion.  Avec respect, le Tribunal ne peut retenir cet argument puisqu’au moment de son infection à la COVID-19, la travailleuse n’a plus de bronchite active. Certes, elle était peut-être plus encline à développer des symptômes sévères d’infection à la COVID-19 en raison d’une certaine fragilité bronchique. Il reste que selon le témoignage de la travailleuse, les quintes de toux secondaires à la COVID-19 ne sont d’aucune commune mesure à celles qu’elle a eues auparavant. À preuve, elle affirme n’avoir jamais vomi ni ressenti de douleurs lombaires lors de ses épisodes de bronchite antérieurs.
  15.            La représentante de la Commission soulève également que la docteure Browman ne précise aucunement en quoi une toux excessive peut rendre symptomatique une condition dégénérative au niveau lombaire. Elle l’affirme, sans l’expliquer. Le Tribunal convient que l’expertise de la docteure Browman est lacunaire sur ce point. Toutefois, par sa connaissance spécialisée, le Tribunal n’est pas sans savoir que la toux, tout comme l’éternuement ou l’effort à la défécation, est associée à la manœuvre de Valsalva. Il s’agit d’une manœuvre spécifique afin de valider l’existence d’une atteinte dure-mérienne dont la cause peut être une hernie discale.
  16.            Dans l’ouvrage Pathologie médicale de l’appareil locomoteur[6] qui est une source de référence abondamment citée dans la jurisprudence, les auteurs définissent cette manœuvre comme suit :

Manœuvre de Valsalva

 

La manœuvre de Valsalva (Antonio Maria Valsalva), anatomiste italien, 1666-1723) est décrite comme un effort d’expiration forcée qui augmente la pression intrathoracique et, par le fait même, diminue le retour veineux68. L’exemple le plus classique en est l’effort de défécation. Certains gestes de la vie quotidienne, la toux, l’éternuement, le rire et la respiration profonde soutenue partagent le même mécanisme physiologique, de même que l’effort de la miction lorsqu’il a obstruction, l’effort de vomissement et même certains efforts physiques comme l’haltérophilie.

 

[…]

 

[…] Cette manœuvre reproduit la symptomatologie habituelle soit une lombalgie, une sciatalgie ou la lombo-sciatalgie habituelle. La manœuvre de Valsalva peut exacerber les symptômes d’une hernie discale si l’irritation du nef sinuvertébral ou de la dure-mère est suffisante.

 

[…]

 

L’augmentation de la pression varie évidemment selon le geste ou l’activité; ainsi un épisode de vomissement soutenu et un effort de défécation en cas de constipation opiniâtre auront des répercussions cliniques plus importantes qu’une toux modérée.

 

[Nos soulignements et note omise]

  1.            Plus loin dans le chapitre, les auteurs précisent ce qui suit[7] :

La lombalgie augmentée par les diverses formes de la manœuvre de Valsalva demeure un élément sémiologique témoignant de l’influence de l’augmentation de la pression intradiscale et intrathécale sur la symptomtalogique83. La lombalgie provoquée ou augmentée par la manœuvre de Valsalva oriente le clinicien vers le diagnostic d’une atteinte dure-mérienne dont la cause la plus fréquente est la hernie discale. Toutefois, la lombalgie secondaire à une hernie discale n’est pas toujours modifiée par la manœuvre de Valsava.

 

[Nos soulignements et note omise]

  1.            Ainsi, les efforts déployés lors d’une toux, et même lors de vomissements, engendrent physiologiquement une pression dure-mérienne et intradiscale qui peuvent provoquer ou augmenter une symptomatologie lombaire d’origine discale.
  2.            Considérant que le rachis lombaire de la travailleuse présentait une fragilité en raison d’une dégénérescence discale préexistante qui était cependant asymptomatique; considérant que la lésion professionnelle a engendré une toux excessive, intense et persistante avec des vomissements secondaires; considérant que de tels symptômes sont physiologiquement de nature à provoquer ou augmenter une lombalgie ou une lombosciatalgie associées à une hernie discale et, de l’avis du Tribunal à une dégénérescence discale; considérant la concomitance entre les épisodes de toux intense et la manifestation de symptômes associés à la dégénérescence discale, le Tribunal conclut à l’existence d’une relation causale entre ceux-ci.
  3.            Certes, la toux n’a pas causé les hernies discales, l’arthrose et la sténose foraminale L5-S1, mais a rendu symptomatique ces conditions personnelles préexistantes. Aussi, en vertu de l’article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[8], la Loi, et de la théorie du crâne fragile, la travailleuse a droit à la réparation intégrale de la lésion professionnelle, même si les conséquences de celle-ci sont plus considérables étant donné sa précarité antérieure au rachis lombaire. Conséquemment, elle a droit aux prestations prévues à la Loi en ce qui a trait à l’aggravation, d’un point de vue symptomatique, de sa condition personnelle au niveau lombaire.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la contestation de la travailleuse, madame Martine Lespérance;

INFIRME la décision rendue par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail le 5 juillet 2022 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il y a une relation entre la manifestation symptomatique de la condition personnelle de hernies discales lombaires, d’arthrose et de sténose foraminale L5-S1 et la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 26 février 2022.

 

 

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Sonia Sylvestre

 

 

M. François Massie

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX

Pour la partie demanderesse

 

Me Sylvain Lallier

CONTENTIEUX DU CIUSSS DU CENTRE-SUD-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL

Pour la partie mise en cause

 

Me Laurence St-Martin Derouin

LAROCHE AVOCATS CNESST

Pour la partie intervenante

 

Date de la mise en délibéré : 12 décembre 2024

 


[1]  Décision rendue le 5 juillet 2022.

[2]  Décision rendue le 30 mars 2022.

[3]  L’article 203 de la Loi prévoit que c’est seulement dans le cas où une lésion professionnelle est consolidée dans les 14 jours ET qu’elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique que le professionnel de la santé qui a charge doit produire un rapport médical final.

[4]  Selon les notes cliniques des 9 janvier, 9 et 21 mars, 11 avril, 9 juin, 27 juillet et 12 septembre 2022.

[5]  Isolation Algon (2000) inc. et Fontaine, C.L.P. 392706-71-0910, 23 décembre 2010, M.-A. Roiseux; Lemieux et CHUM, Pavillon Mailloux, 2011 QCCLP 8230; Recycle City inc. et Bouffard, 2012 QCCLP 2574; Aliments Dare et Jacques, 2015 QCCLP 6873; Latulippe et Hôpital Général du Lakeshore, 2023 QCTAT 3206.

[6]  Yves BERGERON et al.,chap. 9 : « Rachis lombaire, sacrum et coccyx », dans Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE (dir.), Pathologie médicale de l'appareil locomoteur,2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 2008, pp. 359-552.

[7]  Id., page 442.

[8]  RLRQ, c. A-3.100.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.