Lavoie c. Rénovation Jocelyn Paré inc. | 2023 QCCS 4699 |
COUR SUPÉRIEURE | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | JOLIETTE | ||||
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N° : | 705-17-009243-195 | ||||
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DATE : | Le 11 décembre 2023 | ||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : | L’HONORABLE | CHRISTIAN J. BROSSARD, J.C.S. | |||
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LOUISE LAVOIE JOSÉ METTHÉ GAÉTANE RÉGNIER | |||||
Demandeurs | |||||
c.
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RÉNOVATION JOCELYN PARÉ INC. | |||||
Défenderesse | |||||
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JUGEMENT (Contrat de construction) | |||||
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Une table des matières suit le jugement.
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[1] Louise Lavoie et José Metthé (les Lavoie/Metthé), propriétaires de la maison qu’ils habitent à Lanoraie, entreprennent en 2018 un projet d’agrandissement de celle-ci. Ils entendent en faire une maison intergénérationnelle et y accueillir la mère de Mme Lavoie, Gaétane Régnier, qui assumera les coûts du projet. Celui-ci implique la construction d’un deuxième étage sur une partie de la bâtisse (la partie à agrandir ou la partie agrandie, selon le contexte), ainsi que des travaux de modification et de reconstruction de ce qui deviendra le rez-de-chaussée de la partie à agrandir.
[2] Aux fins de la réalisation de leur projet, les demandeurs retiennent les services de la défenderesse, Rénovation Jocelyn Paré inc. (la défenderesse ou Rénovation Paré), par l’entremise de son actionnaire unique, Jocelyn Paré.
[3] Au cours du mois de juillet, Paré[1] donne aux demandeurs, verbalement, une estimation de 70 000 $ pour le coût des travaux qui lui seraient confiés. S’ensuit un contrat verbal entre les parties.
* *
[4] Présentement, les demandeurs réclament de la défenderesse des dommages-intérêts totalisant 116 770 $, tandis que la défenderesse demande l’annulation de leur contrat, sans cependant qu’elle soit tenue de restituer les 78 704,35 $ que lui ont versés les demandeurs.
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[5] En définitive, les demandeurs auront droit à une indemnisation totale de 61 671,22 $ de la défenderesse, dont la demande en annulation du contrat sera rejetée.
[6] Quel est exactement l’objet du contrat conclu entre les parties ou, dit autrement, que couvre l’estimation ou le prix estimé de 70 000 $? Uniquement les travaux de charpente, comme l’affirme la défenderesse? Ou plutôt la réalisation complète des travaux, jusqu’aux « joints tirés » sur les panneaux de placoplâtre (gypse), excluant seulement les travaux de démolition intérieure dans la partie à agrandir, les travaux de finition intérieure et le revêtement extérieur, comme le soutiennent les demandeurs? Voilà le premier point de discorde entre les parties.
[7] Quant à l’estimation de 70 000 $ comme telle, inclut-elle ou non les taxes applicables, soit la taxe sur les produits et services ou TPS et la taxe de vente du Québec ou TVQ (les taxes applicables)? Voilà le second point de divergence entre les positions respectives.
[8] La résolution de ces deux différends amènera la réponse à la première question principale en litige, à savoir : Sachant que les demandeurs ont payé à la défenderesse et à des fournisseurs ou entreprises de matériaux, composants ou éléments de la construction respectivement 78 704,35 $ et 22 753,94 $, soit un total de 101 458,29 $, ont-ils droit au remboursement par la défenderesse d’un trop-perçu par rapport au prix du contrat, que les demandeurs établissent donc à 31 458,29 $ (avant même de parler de travaux non réalisés ou non complétés ou de malfaçons)?
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[9] Pour enchaîner sur la dernière remarque, si la défenderesse a omis de réaliser ou de compléter des travaux dont elle avait la charge, ou de corriger des malfaçons dans ceux exécutés, c’est, dit-elle, parce que, le 23 février 2019, Lavoie, celle qui, au nom des demandeurs, interagit avec Paré représentant la défenderesse, met fin aux interventions de cette dernière.
[10] Du point de vue des demandeurs, s’ils entreprennent de mettre fin au contrat avec la défenderesse, c’est en raison des délais dans la réalisation de ses travaux, qui ne cessent de s’allonger et dont la fin est sans cesse repoussée, malgré les montants importants et excédentaires qu’ils ont jusqu’alors déboursés, et parce qu’ils ont perdu toute confiance en Paré. Suivra la réalisation d’une inspection par un ingénieur, dont le rapport des constats mènera à une mise en demeure des demandeurs de corriger et compléter les travaux, à laquelle la défenderesse n’obtempèrera pas.
[11] Bref, la seconde question que doit résoudre le Tribunal est la suivante : Les demandeurs étaient-ils en droit de résilier le contrat pour cause de manquements contractuels de la défenderesse?
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[12] Voilà qui nous amène à la troisième question en litige, celle qui porte sur les malfaçons qui, selon les demandeurs, affectaient les travaux réalisés par la défenderesse, et sur les coûts qu’ils disent avoir encourus pour corriger ceux-ci, incluant à la suite d’infiltrations d’eau, ainsi que pour compléter les travaux. Les demandeurs réclament un total de 42 178,87 $ à ce titre, ainsi que 1 121,01 $ dépensés pour l’évaluation de la qualité de l'air déclenchée par les infiltrations d’eau.
[13] En lien avec l’identification des malfaçons et travaux à compléter, les demandeurs demandent également à être indemnisés de leurs frais d’expertise de 2 012,06 $.
* *
[14] Une quatrième question à régler concerne la réclamation de 40 000 $ des Lavoie/Metthé à titre de dommages-intérêts non pécuniaires, pour leurs stress, ennuis, inconvénients et perte de jouissance de leur domicile.
* *
[15] Quant à la demande en annulation du contrat que formule la défenderesse, par une demande reconventionnelle qu’elle introduit au terme de l’enquête, la question en litige – la cinquième donc –, à deux volets, est la suivante : Y’a-t-il lieu à annulation du contrat au motif que les parties auraient contrevenu à l’ordre public, en éludant les taxes de vente applicables au moyen de certains paiements en argent comptant? Dans l’affirmative, la défenderesse peut-elle être dispensée de l’obligation de restituer aux demandeurs les 78 704,35 $ qu’ils lui ont versés, conséquence juridique habituelle de la déclaration de nullité qu’elle recherche, au motif que les demandeurs ont bénéficié de son travail, qu’ils ne peuvent bien sûr eux-mêmes restituer?
* *
[16] Bref, les questions en litige ciblent :
1. l’appréciation du droit des demandeurs au remboursement d’un trop-perçu de la défenderesse, eu égard à :
1.1. l’objet du contrat couvert par le prix estimé de 70 000 $; et
1.2. l’inclusion ou non des taxes applicables sur le montant de 70 000 $;
2. l’appréciation du droit des demandeurs de résilier le contrat en raison de manquements contractuels de la défenderesse;
3. l’existence ou non de travaux à compléter par la défenderesse et de malfaçons dans ceux exécutés par elle, et leurs coûts;
4. la réclamation des Lavoie/Metthé en dommages-intérêts non pécuniaires; et
5. la nullité ou non du contrat intervenu entre les parties et, le cas échéant, la restitution ou non par la défenderesse des sommes perçues des demandeurs.
[17] Pour les motifs exposés plus loin, le contrat entre les parties ne sera pas annulé comme le demande la défenderesse. Le Tribunal répond plutôt ainsi aux questions en litige, pour ensuite conclure à une condamnation de la défenderesse à payer un total de 61 671,22 $ aux demandeurs :
1. Concernant le droit au remboursement d’un trop-perçu,
1.1. l’objet du contrat allait bien au-delà des seuls travaux de charpente et comprenait, comme devant être couverts par le prix sur estimation de 70 000 $, notamment les travaux, matériaux, composants ou éléments pour lesquels les demandeurs ont versé des montants à des tiers; et
1.2. l’estimation de 70 000 $ ne comprenait toutefois pas les taxes applicables, lesquelles s’ajoutaient donc au prix estimé,
de sorte que, en définitive, les demandeurs ont droit au remboursement d’un trop-perçu de 20 975,79 $, un excédent que ne justifie pas la défenderesse, d’autant que certains travaux restaient à être réalisés par elle;
2. Les demandeurs étaient en droit de résilier le contrat, en raison des délais d’exécution accumulés par la défenderesse, des dépassements de coûts importants, et du bris du lien de confiance par la défenderesse, auxquels s’ajoutait la découverte de malfaçons dans les travaux réalisés par la défenderesse;
3. Des travaux restaient à être complétés par la défenderesse et ceux réalisés étaient affectés de malfaçons, quoique pas à la mesure avancée par les demandeurs, pour lesquels ceux-ci ont droit à une indemnisation de 33 695,43 $. Celle-ci n’inclut toutefois pas les coûts reliés à des infiltrations d’eau ou pour l’évaluation de la qualité de l’air, mais comprend en revanche les frais d’expertise de 2 012,06 $ déboursés par les demandeurs;
4. À titre de dommages-intérêts non pécuniaires, Lavoie a droit à 6 000 $, Metthé à 1 000 $; et
5. La preuve ne mène pas à une conclusion de nullité du contrat.
[18] Voici les raisons qui expliquent que la défenderesse doit rembourser aux demandeurs un trop-perçu de 20 975,79 $.
[19] Le Tribunal a déjà énoncé la position générale des parties sur cette première question.
[21] Ces derniers travaux, ceux complétés par Construction Brisebois, seront traités plus particulièrement au chapitre 3 du présent jugement.
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[22] Comme on le verra, les parties n’ont pas consigné leur contrat ou les modalités de leur entente par écrit.
[23] Dans ce contexte, la ou les réponses aux questions à résoudre se trouvent en premier lieu dans les témoignages opposés des parties, dont la crédibilité et la fiabilité doivent être appréciées, notamment sous l’éclairage quelque peu voilé des textos échangés entre Lavoie et Paré[6].
[24] En revanche, la preuve qui sera tirée de cette analyse devra également être considérée à la lumière, limpide cette fois, de certains principes du droit applicable aux contrats d’entreprise ou de service, incluant à un contrat dont le prix des travaux ou des services a fait l’objet d’une estimation, pour ensuite dégager de cette analyse les droits et obligations de l’une et l’autre parties. Pour l’essentiel, il suffira de référer aux dispositions applicables du Code civil du Québec (C.c.Q.).
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[28] Le projet des demandeurs sera la première expérience des Lavoie/Metthé avec un entrepreneur en construction.
[29] Il s’agit en fait de leur première réalisation de travaux de rénovation ou de construction, sauf pour le remplacement des fenêtres de leur ancien domicile par un manufacturier de fenêtres, dans les années 2000. Les seuls travaux qu’ils ont effectués sont de petits travaux comme de la peinture, la pose d’un revêtement de plancher ou l’installation d’un plancher flottant au sous-sol, réalisés par Metthé et son frère ou son gendre, selon le cas.
[30] Pour leur projet d’agrandissement, les demandeurs rencontrent un premier entrepreneur, mais semble-t-il que le projet n’est pas dans ses cordes. Le gendre des Lavoie/Metthé les dirige alors vers son ancien employeur, en l’occurrence la défenderesse, via Paré.
[31] Après un premier contact par téléphone, initié par Lavoie, le12 juillet 2018 celle-ci écrit à Paré un texto qui se présente ainsi[7] :
Salut Jocelyn pour être
sur qu’ont cé ce
comprenne pour
l’agrandissement j’ai
besoin du squelette
fermer divisions isolation
fenêtres et porte
placoplâtre les joints fait
plomberie et électricité le
recouvrement extérieur y
compris le toit c’est nous
ainsi que la finition
intérieure comme ça tu
va avoir plus une idée
pour ton estimation merci
et bonne journée Louise
[32] Selon ce qu’il dit en témoignage, Paré y voit là les intentions de Lavoie sur ce qu’elle attendait et sur l’estimation qu’elle souhaitait obtenir de lui.
[33] Faute de réponse de Paré, après une relance le 15 juillet, le 18 Lavoie lui demande par texto s’il a « vraiment l’intention de me faire une soumission » ou s’il n’a « vraiment pas le temps » de prendre le contrat, ce qu’elle dit pouvoir comprendre. Effectivement, lors de son interrogatoire préalable à l’instruction (l’interrogatoire préalable de Paré), Paré dira qu’il avait alors « trop d’ouvrage » pour se rendre chez les Lavoie/Metthé[8].
* *
[34] Le 21 juillet, la rencontre a lieu. Les demandeurs sont tous trois présents. Ils disent à Paré ce qu’ils souhaitent faire, le montrant d’abord sur des plans qu’ils ont fait préparer par une connaissance (les plans P-3), puis en faisant le tour de la maison. Jusqu’ici, les témoignages de Lavoie, de Metthé et de Paré concordent. Paré ajoute que, les plans étant dépourvus d’un sceau d’ingénieur (ou d’architecte), ils font le tour pour voir ce que veulent les demandeurs, pour voir « tout ce qui n’apparaissait pas sur le plan ».
[35] Selon Lavoie, les attentes des demandeurs qu’ils exposent à Paré sont pour l’exécution complète de leur projet d’agrandissement, jusqu’aux « joints tirés » sur les panneaux de gypse, mais excluant les travaux de finition intérieure, tout comme la pose du revêtement extérieur (ils s’occuperont également préalablement de la démolition de la cuisine, qui occupe présentement une portion de la partie à agrandir, et de l’enlèvement du revêtement de briques extérieur). Les demandeurs précisent en témoignage que cette exécution complète inclut notamment la toiture, les fenêtres, l’électricité et la plomberie, tout donc, « sur joints finis ».
[36] Pour Lavoie et Metthé, cela comprenait également nécessairement les fermes de toit et les poutres et poutrelles, lesquelles sont aujourd'hui parmi les matériaux ou composants en litige.
[37] Selon Paré, il dit aux demandeurs qu’il peut aider avec le « rough », mais pas la finition, puisqu’il ne connaît pas leurs choix.
[38] De son point de vue, comme il l’expose lors de l’instruction, mais également lors de son interrogatoire préalable, le rough, c’est la coquille de l’agrandissement, la structure de bois, les divisions, l’isolation, incluant la laine isolante, le polyéthylène pare-vapeur, les forences, et la toiture, dont le revêtement.
[39] Quant à la finition exclue de ses travaux, toujours du point de vue de Paré tel qu’il l’expose en témoignage, elle comprend par exemple les fermes de toit (ou « truss »[9]), les marches et contre-marches d’escalier, l’achat et la pose des fenêtres et des portes, incluant celles extérieures, l’électricité, la plomberie, et le gypse (quoiqu’il convient de livrer les panneaux de gypse).
* *
[40] Sur le plan monétaire, selon Lavoie, Paré leur dit « pas de problème, je vous sors ça à 70 000 $ », et son conjoint, sa mère et elle lui donnent alors leur accord. De l’ensemble de son témoignage, on saisit bien que Lavoie considère le montant de 70 000 $ comme étant un prix estimé, même si son conjoint, Metthé, témoigne d’un « prix convenu de 70 000 $ ».
[41] Cela dit, Lavoie souligne qu’elle a souvent demandé à Paré qu’il leur donne une estimation écrite, mais qu’elle ne l’a jamais reçue. Dans un texto du 26 septembre, elle écrira : « Au [fait] Jocelyn j’ai jamais eu ta soumission mais je te fais entièrement confiance tu es une bonne personne et ça parait merci d’être là pour nous ».
[42] De son côté, Paré explique qu’après que Lavoie lui eut mentionné avoir un budget ne dépassant pas 100 000 $ il lui dit qu’il doit se protéger, pour prévoir la gestion de ses contracteurs, des corps de métier, dont il ne connaît pas les prix. En témoignage, il commente que « je ne sais pas ce qu’il y a derrière les prix », au contraire du temps de sa propre main d'œuvre – « mon métier à moi, c’est seulement la charpente »[10]. Ainsi, il fait un calcul à partir « de ce que je connais », soit le nombre de pieds carrés, et le temps et le prix pour faire le rough, auquel calcul approximatif il ajoute « une couple » de milliers de dollars « au cas où Lavoie serait déçue et parce que ça dépend des prix ». Le résultat est le prix de 70 000 $ approximatif, qui comprend temps et matériaux.
[43] Selon Paré, Lavoie lui demande si les fenêtres « sont comprises là-dedans », ce à quoi il répond « Je ne sais pas, je ne connais pas ton prix, je ne connais pas ton goût de fenêtres, je ne peux pas le savoir. ». Lavoie lui aurait aussi demandé si les truss étaient compris, générant pour réponse de sa part à lui : « Je ne sais pas, je ne connais pas le prix des truss. Je ne connais pas l’ampleur de ta grosseur de ta maison. ». Bref, « La première journée, je ne peux pas lui donner un prix puis je ne peux pas le savoir parce que je ne suis pas là-dedans. Je suis seulement dans le prix du rough, qui m’appartient à moi. ». C’est à la suite de cette rencontre, dit-il, qu’il donne un prix approximatif de 70 000 $ pour le rough[11] (ce qui nous ramène à sa description ci-dessus de ce qui constitue le rough, par opposition à la finition).
[44] Paré confirme par ailleurs que les demandeurs voulaient une soumission, mais il n’avait « pas le temps de le faire »[12].
[45] Comme indiqué en introduction au présent jugement, c’est la demanderesse Régnier qui assumera les coûts du projet d’agrandissement de la maison de sa fille et de son gendre. Pour financer ces coûts, elle emploiera le produit de la vente de sa propre maison à son fils, le frère de Lavoie, de sorte que les demandeurs doivent attendre que le fils et la mère passent contrat devant notaire[13].
[46] Le samedi 25 août, Lavoie informe Paré que sa mère et son frère doivent passer chez le notaire au cours de la semaine qui vient, ce qui lui permettra d’avancer à la défenderesse 20 % du prix du contrat. Malheureusement, le 29, la vente devant notaire est retardée en raison de documents manquants. Le vendredi 7 septembre, Lavoie est informée, et relaie l'information à Paré, que la transaction chez le notaire doit se faire au cours de la prochaine semaine[14]. En témoignage, Lavoie réitère que les fonds qui viendront de la vente de la maison de sa mère sont la seule source de financement de leur projet et sont nécessaires notamment au premier versement, de 20 %, à Rénovation Paré.
[47] La vente devant notaire est apparemment reportée de nouveau, puisque, le jeudi 27 septembre, Lavoie avise Paré que les demandeurs pourront lui verser le 20 % convenu le mardi suivant, 2 octobre. L’argent est effectivement disponible à cette date[15].
[48] À cette même date du 2 octobre, Lavoie demande à Paré quand il pense commencer ses travaux, ce à quoi il répond qu’il est occupé, mais que ça ne sera pas trop long.
[49] C’est finalement le 24 octobre que Paré se présente sur ce que le Tribunal appellera désormais le chantier, accompagné d’ouvriers[16].
[50] Il s’est donc écoulé trois mois depuis que les parties ont conclu leur contrat verbal, mais trois semaines depuis que les demandeurs ont confirmé la disponibilité des fonds nécessaires à la réalisation du projet.
[51] Entretemps cependant, outre les travaux de démolition préparatoires sous la responsabilité des demandeurs, des démarches ont été accomplies et des étapes franchies, de la manière et dans les circonstances décrites ci-après.
[52] Ainsi, le 6 août, environ deux semaines donc après la rencontre du 21 juillet, mais bien avant que les demandeurs ne disposent des fonds nécessaires au financement de leur projet, Lavoie demande à Paré quand il pense venir finaliser les derniers détails et quand « à peu près » il croit débuter le projet[17]. En témoignage, elle explique que les « derniers détails » réfèrent à ceci : la partie à agrandir devait être rallongée un peu en façade, avançant ainsi sur ce qui est alors la dalle du patio et nécessitant l’ajout sous celle-ci d’une poutre d’acier et de pieux, en somme, comme l’explique Paré à son tour lors de l’instruction, une fondation comportant une capacité de charge appropriée. Selon ce dernier, il dit à Lavoie à l’époque qu’elle doit vérifier « ses choses ».
[53] Lavoie ajoute dans son texto du 6 août qu’elle est allée voir « le gars pour les trusts [fermes de toit] et poutrelles » et que celui-ci veut la dimension du solage, mais « il est tellement fait bizarre que je ne voudrais pas me tromper en lui donnant les dimensions[. Q]uand tu vas venir pourrais tu me mesurer ça svp ».
[54] Paré ira effectivement chez les Lavoie/Metthé, et Lavoie et lui discuteront de la poutre d’acier, des fermes de toit et des poutrelles. Paré témoigne avoir donné les réponses à ses questions à Lavoie.
[55] Également lors de cette rencontre, ou peut-être lors d’une troisième rencontre qui suivrait, Paré regarde avec Lavoie les plans P-3 déjà montrés le 21 juillet. Il commente les dimensions des fenêtres (« pas d'allure ») et donne à Lavoie les dimensions agrandies qu’elles devraient avoir, et celle-ci annote les plans en conséquence[18].
[56] Le 10 août, Lavoie écrit ceci à Paré :
Salut Jocelyn tout mes devoirs sont fait il vienne la semaine prochaine pour la dale de béton. Nous avons choisis les fenêtres il ne reste que les [fermes de toit] mais comme je t’ai écrit j'aimerais mieux que ce sois toi qui mesure le solage car il veut la dimension et je ne veux pas me tromper la balle est dans ton camp
[57] Le 16 août, Lavoie et Paré s’échangent les textos suivants, le premier venant le Lavoie :
Salut Jocelyn la poutre de métal est installé
mardi [le 21 août] je vais pour l’urbanisme pour mon permis 😃
Super tiens-moi au courant
Je voulais te dire que sans l’installation des fenêtres le délai de livraison est de 3 à 4 semaines alors tu me diras quand les commander
Si tu penses de commencer plus vite tu peux les commander maintenant
Comme ça ils vont les avoir en stock
Juste à lui dire que tu veux commencer plus tôt possible
👍
Good
Je te dis quand je vais avoir le permis […]
[58] La poutre de métal dont parle Lavoie est la poutre d’acier qui vient renforcer la dalle du patio, à laquelle s’ajoutent notamment des pieux, lesquels sont fournis et installés par Vistech. C’est Lavoie qui paie la facture de cette dernière, qui lui est adressée[19] (la facture de Vistech), au montant de 2 039,40 $. Ce montant fait partie du total de 22 753,94 $ versé par les demandeurs à trois fournisseurs ou entreprises, annoncé au début du présent chapitre 1[20].
[59] Le 25 août, lorsque Lavoie écrit à Paré au sujet des fonds à venir de la transaction immobilière en voie de réalisation entre sa mère et son frère[21], elle note avoir besoin de ces fonds pour « partir la commande des [fermes de toit] et la commande des fenêtres ».
[60] Selon ce qu’affirme Paré en témoignage[22], ni la commande des fermes de toit ni celle des fenêtres (ou leur installation) n’entraient dans ses tâches, pas plus que ce qui concerne le renforcement de la dalle du patio.
[61] De son côté, Lavoie explique plutôt que, faute de temps disponible à ce moment, incluant pour passer la commande des fenêtres, Paré lui donnait des « devoirs » à faire, qu’elle accomplissait même si elle trouvait cela « particulier ».
[62] Paré confirme qu’il n’avait pas le temps de s’occuper de toutes ces commandes, mais ajoute que ce n’est pas à sa demande que Lavoie procèdera aux achats. C’est plutôt celle-ci qui prend les devants, craignant que les livraisons ne se fassent pas à temps pour la réalisation des travaux[23]. En revanche, le 7 septembre, il lui demandera si elle a commandé les fermes de toit parce que « le temps disponible rapetisse »[24].
[63] Au sujet des fenêtres, Lavoie précise lors de l’instruction que c’est Metthé et elle qui prennent les mesures et c’est elle qui passe la commande, après que Paré lui eut dit « C’est facile, vous n’avez qu’à mesurer les fenêtres ».
[64] Le 29 août, découragée par le report de la conclusion de la vente de la maison de sa mère et se disant stressée, Lavoie écrit à Paré qu’elle ne veut pas « te perdre comme contracteur ». Ce dernier l’assure qu’il sera là quand elle aura besoin de lui.
[65] Le 4 septembre, Lavoie obtient le permis de construction requis de la municipalité[25], mais elle n’a toujours pas les sommes nécessaires au versement de l’avance convenue avec la défenderesse, pas plus que pour la commande des fermes de toit, comme elle le répète en réponse à un texto du 7 septembre de Paré, qui lui demande si elle a passé la commande.
[66] Entretemps, les démarches pour avancer la réalisation du projet, en anticipation de l’arrivée des fonds, se poursuivent.
[67] Ainsi, du 12 au 17 septembre, Lavoie et Paré échangent des textos au sujet des délais de livraison des fermes de toit avancés par des fournisseurs approchés par Lavoie, dont au moins un lui est identifié par Paré après qu’elle lui eut demandé « Je fais quoi? ». Découragée à la fois par les délais d’obtention de soumissions et par les délais de livraison annoncés, Lavoie passera finalement la commande auprès de Ferjan, le 26 septembre.
[68] Tout au long de ces échanges de textos, Lavoie s’enquiert également auprès de Paré pour l’obtention des informations qui lui sont demandées par les fournisseurs contactés :
[…] Ferjan […] es supposé te contacter pour quelques petit détails avant de me donner la soumission […]
[Fermetec] veux savoir quel sorte de poutrelle?
Ajouré ou ???
[…] non des poutrelles en i
Fermetec me dit peux rien faire avec les plans
il lui faut une pente et la dimension des faîte par rapport à l’avant ou à l’arrière
Salut Jocelyn je veux bien faire avancer les choses mais il me demande toute le degré des pentes et la dimensions des faîte à rapport à l’avant ou l’arrière de la maison ?????? 😳😳😳
Fermetec dit pas le temps de parler à Jocelyn […]
[69] À la suggestion de Paré, c’est Metthé qui prend finalement la mesure du degré des pentes. Selon Lavoie, Paré les valide.
[70] Tout ça, dira Lavoie en témoignage, parce que Paré lui a demandé de s’en occuper, ajoutant qu’elle doit constamment se référer à celui-ci puisqu’elle ne connait rien en la matière.
[71] Le 26 septembre, Lavoie informe Paré de la commande passée auprès de Ferjan. Paré lui répond « Merci beaucoup ».
[72] À la même époque, le 17 septembre, Lavoie demande à Paré si elle doit passer la commande des fenêtres, ce qu’elle fera le 27 septembre[26].
[73] Comme déjà exposé, le 2 octobre, Lavoie dispose finalement des fonds requis provenant de la vente de la maison de sa mère et, le 24 octobre, Paré et ses ouvriers entreprennent la réalisation de leurs travaux.
[74] Entretemps, le 17 octobre, les poutrelles de plancher sont livrées par Ferjan[27]. Suivront les fermes de toit le 30 octobre[28]. La facture totale de 6 174,16 $ sera adressée à Lavoie, qui en fera le paiement[29] (la facture de Ferjan). Le montant fait partie du total de 22 753,94 $ mentionné plus tôt[30].
[75] Pour ce qui est des fenêtres, tout comme les portes extérieures, c’est Paré qui, le 9 novembre[31] et après en avoir convenu avec Lavoie, en prend livraison auprès du fournisseur, Vitrerie. C’est toutefois Lavoie qui paie les factures totalisant 14 540,38 $[32], qui lui sont adressées[33] (les factures de Vitrerie). Il s’agit là du dernier montant inclus à la somme de 22 753,94 $.
[76] Lors de son interrogatoire préalable, Paré assure que ce sont les demandeurs qui devaient voir à la pose des fenêtres et portes extérieures, mais qu’il s’en est finalement chargé à leur suggestion, au motif que la pose par Vitrerie leur aurait coûté trop cher[34].
[77] Le 14 novembre, Lavoie fait un chèque à la défenderesse, qu’elle remet à Paré, relativement à une facture de Babin de 2 414,48 $ pour « Finition de joints »[35] (la facture de Babin), que Paré lui présente.
[78] Du point de vue de Lavoie, qu’il s’agisse des fenêtres et portes extérieures ou de la poutre d’acier, des pieux et autres composants et matériaux vendus ou installés par Vistech, ou encore des fermes de toit, poutrelles de plancher, poutres et autres solives de rive fournis par Ferjan, tout comme le tirage des joints sur les panneaux de gypse par Babin, tout cela est inclus dans le prix estimé de 70 000 $ du contrat confié à la défenderesse.
[79] Lavoie ajoute en témoignage que, si elle ne demande pas remboursement des montants versés aux trois fournisseurs, après avoir montré les factures à Paré, c’est justement parce qu’elle considère que cela est inclus à l’estimation de 70 000 $ de la défenderesse. En somme, la facturation éventuelle de cette dernière pour les travaux à venir reflèteront ces paiements déjà effectués par les demandeurs, directement aux fournisseurs.
[80] Pour appuyer sa position selon laquelle elle ne s’est engagée que pour les travaux de charpente, la défenderesse avance que les demandeurs agissaient comme « auto-constructeurs » et prenaient en charge « plusieurs travaux », en sus des travaux de finition intérieure (et de revêtement extérieur)[36], que le métier de Paré c’est la charpente et que la seule licence de la Régie du bâtiment du Québec (la RBQ) qu’il détient (en réalité, la défenderesse) est celle de charpentier-menuisier, qu’il ne connait pas les prix des autres corps de métier ni ceux de composants comme les fermes de toit, pas plus que ceux des éléments ou composants sur lesquels les demandeurs n’ont pas encore arrêté leurs choix, par exemple les fenêtres ou les fermes de toit, et qu’il ne s’est engagé que pour la réalisation du rough.
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[81] Premièrement, considérant l’absence d’expérience des demandeurs en matière de projets de construction, il n’est pas vraisemblable qu’ils aient voulu prendre à leur charge, ou qu’ils aient été prêts à prendre à leur charge, en « autoconstruction », la réalisation de tous les travaux ne relevant pas de la finition, autres que la seule charpente.
[82] Le Tribunal retient plutôt des témoignages de Lavoie et de Metthé qu’ils entendaient confier pour l’essentiel la réalisation de leur projet à un entrepreneur en construction, en l’occurrence à la défenderesse. Il est plus vraisemblable qu’ils aient voulu laisser à un spécialiste le soin de cette réalisation, en ne se gardant que ce dont ils savaient qu’ils pourraient s’occuper eux-mêmes, à savoir la démolition intérieure, l’enlèvement du revêtement extérieur, la finition intérieure et la pose d’un nouveau revêtement.
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[83] Deuxièmement, le fait que Paré ait personnellement pour métier la charpenterie-menuiserie n’est pas incompatible avec la prise en charge de l’ensemble du projet par la défenderesse, qui peut avoir à son emploi ou à son service des ouvriers d’autres corps de métier, détenant les certificats de compétences requis[37], ou qui peut agir comme entrepreneur général en recourant à des sous-traitants, le tout dans la mesure où elle est titulaire d’une licence de la RBQ pour les catégories ou sous-catégories de travaux appropriées.
[84] Or, la défenderesse est justement titulaire d’une licence de la RBQ l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter à titre d’entrepreneur spécialisé, non seulement des travaux de charpenterie, mais également des travaux de « Pieux et fondations spéciales », des travaux d’« Ouvrages métalliques » et ceux qui concernent les portes et fenêtres, parmi plusieurs autres catégories de travaux, d'une part, et, d'autre part, à agir à titre d’entrepreneur général[38].
[85] À cette enseigne, la description de la licence RBQ de la défenderesse, tirée du Registre des détenteurs de licence RBQ[39], contredit franchement l’affirmation de Paré, pourtant faite sous serment, qu’il n’est pas titulaire d’une licence d’entrepreneur général.
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[86] Troisièmement, le fait que le contrat de la défenderesse puisse inclure des corps de métier et des composants ou éléments de la construction dont Paré dit qu’il ignorait les prix ou ce qui est « derrière les prix » n’est ni déterminant ni concluant, s’agissant d’un contrat à prix estimé, d’un prix approximatif, établi suivant un calcul approximatif et en ajoutant une couple de milliers de dollars « parce que ça dépend des prix ».
[87] La remarque vaut également pour les éléments dont le coût peut dépendre des choix que feront les demandeurs. Ne s’agissant pas d’un contrat à prix forfaitaire, rien n’empêche que le prix estimé soit établi en fonction d’un coût de base et qu’il puisse devoir être augmenté pour tenir compte de choix que feraient les clients, pour des éléments plus dispendieux que ce qui avait été envisagé par les parties au moment de conclure le contrat.
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[88] Quatrièmement, considérant l’absence d’expérience des demandeurs et leur budget, il est peu vraisemblable qu’ils aient choisi de se lancer à l’aveuglette dans leur projet, en se satisfaisant d’un contrat pour uniquement la charpente, qui plus est pour un prix estimé plutôt que forfaitaire, et en laissant tous les autres travaux (autres que ceux qu’ils pouvaient réaliser eux-mêmes) à l’aventure.
[89] Le Tribunal a eu l’occasion d’entendre Lavoie témoigner pendant plus de quatre heures, incluant une heure trente en contre-interrogatoire, et Paré pendant plus de deux heures, et de lire les portions de l’interrogatoire préalable de ce dernier englobant les extraits auxquels il fut référé en plaidoiries.
[90] Le moment est opportun pour souligner ce qui suit au sujet de la crédibilité de Paré, mise à mal à plus d’une reprise.
[91] Par exemple, confronté au registre de la RBQ mentionné plus tôt, Paré se campe dans sa position et persiste à soutenir le contraire de ce qu’établit ce registre. Il s’acharne à déclarer qu’il n’a pas de licence d’entrepreneur général et que cette catégorie n’est pas incluse à sa licence, affirmant que c’est plutôt une licence d’entrepreneur spécialisé en rénovations qu’il détient (quoiqu’en rénovations « de tous les genres »).
[92] La crédibilité de Paré est sérieusement minée par cette position qu’il défend, mais également par l’explication alambiquée, confuse, qu’il s’évertue à avancer pour tenter de s’extirper de cette posture insoutenable qu’il a adoptée, une explication qu’il serait inutile et très difficile, pour ne pas dire impossible, de résumer.
[93] La crédibilité de Paré est également érodée par la manière dont il cherche à légitimer, par une tentative de justification encore ici alambiquée, le fait, selon ses dires, qu’il convienne avec Lavoie qu’elle paie pour le temps de ses ouvriers en argent comptant afin d’éviter le paiement de taxes – sujet d’une prochaine rubrique au présent jugement.
[94] En outre, à maintes occasions, les réponses de Paré sont dirigées par des questions suggestives de son avocat, plus particulièrement sur des sujets d’importance pour lesquels les versions contradictoires des parties doivent être départagées, par exemple au sujet de l’évitement du paiement des taxes.
[95] C’est donc avec circonspection que le Tribunal considère le témoignage de Paré.
[96] De son côté, Lavoie témoigne de façon habituellement claire, avec une franchise apparente et sans chercher à éluder les questions, et elle a paru sincère au Tribunal.
[97] Quant aux démarches faites par Lavoie avant que la défenderesse n’entreprenne sur le chantier ses propres travaux avec sa main d'œuvre, aux tâches réalisées par Metthé et elle, et aux paiements des factures de Vistech, de Ferjean et de Vitrerie par les demandeurs, les explications que donne Lavoie, et qui traduisent notamment un transfert insoucieux de ses tâches par la défenderesse et une déresponsabilisation de sa part, sont raisonnables et vraisemblables, même si elles dénotent une certaine naïveté et imprudence de la part de Lavoie. Dans les circonstances, si effectivement les matériaux, composants, éléments et travaux couverts par ces factures étaient inclus au contrat de la défenderesse, il était légitime que les demandeurs s’attendent à ce que les montants soient appliqués sur le prix du contrat, en réduction de factures à venir pour les travaux de Rénovation Paré, et donc logique que Lavoie n’en exige pas immédiatement le remboursement auprès de Paré.
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[98] En définitive, selon la preuve présentée, il est plus probable que les parties aient convenu que la défenderesse réalise l’exécution complète du projet d’agrandissement, jusqu’aux « joints tirés » sur les panneaux de gypse pour reprendre les termes de Lavoie et de Metthé, incluant « tout ce qui n’apparaissait pas sur le plan » pour citer cette fois Paré, sauf pour ce qu’ils ont explicitement exclu, plutôt que d’avoir convenu que la défenderesse ne prenne charge que de la charpente, de la coquille ou du rough tel que défini par Paré.
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[99] En outre, si un doute subsiste, il doit profiter aux demandeurs, eu égard aux obligations de la défenderesse, plus particulièrement à son devoir d’information relativement à la nature de la tâche qu’elle s’engageait à effectuer et aux biens nécessaires à cette fin[40].
[100] Vistech fournit et installe la poutre d’acier, les pieux et les autres composantes nécessaires au renforcement de la dalle sous le patio, dont une portion allait désormais recevoir, à la connaissance de la défenderesse, un rallongement en façade de la partie à agrandir. On parle ici de travaux nécessaires à l’exécution du contrat d’agrandissement de la maison.
[101] Il s’agit-là de l’accomplissement de ce dont Paré et Lavoie discutent à la suite du texto du 6 août de cette dernière, ainsi que des « devoirs » que le premier a confiés à la seconde, selon le témoignage de cette dernière.
[102] Cette preuve testimoniale et documentaire contredit d’ailleurs l’affirmation que fait Paré en témoignage selon laquelle il n’était « même pas au courant » de la démarche de Lavoie pour la pose de la poutre.
[103] Dans ces circonstances, le témoignage de Paré selon lequel il dit à Lavoie qu’il revenait à celle-ci de « vérifier ses choses », au sujet de la fondation, ne suffit pas, eu égard à son obligation d’information, à conclure que celle-ci est avisée et qu’elle convient que la fourniture et l’installation de la poutre et autres composantes en lien avec le renforcement de la dalle de béton ne font pas partie du contrat de la défenderesse.
[104] Par conséquent, les 2 039,40 $ payés à Vistech par les demandeurs doivent être appliqués en paiement partiel sur le prix du contrat de la défenderesse.
[105] La facture de Ferjean est pour la fourniture des fermes de toit, des poutrelles de plancher, de poutres, de solives de rive et murets, et de matériaux afférents.
[106] Paré n’explique pas en quoi – et ne convainc pas le Tribunal que cela soit vraisemblable – des fermes de toit, poutres et solives de rive seraient des éléments de finition et ne seraient pas des composants nécessaires à la construction de la structure ou de la toiture.
[107] Pour ce qui est de l’affirmation de Paré voulant que Lavoie lui a demandé spécifiquement si les fermes de toit étaient comprises dans son estimation de 70 000 $, elle n’est nullement crédible. Considérant l’absence d’expérience de Lavoie en matière de construction et qu’elle ne connait rien au sujet des fermes de toit[41], il est invraisemblable qu’elle ait demandé précisément à Paré si ces composants spécifiques étaient inclus dans le prix estimé par celui-ci. À tout le moins, l’existence d’une telle question de Lavoie est certainement moins probable que l’inverse.
[108] Ainsi, les 6 174,16 $ payés par les demandeurs à Ferjean doivent aussi être appliqués en paiement partiel sur le prix du contrat de la défenderesse.
[109] Comme déjà mentionné, les factures de Vitrerie sont pour les portes extérieures et les fenêtres.
[110] Le texto du 12 juillet 2018 de Lavoie à Paré montre l’intention des demandeurs au sujet de l’inclusion des fenêtres et des portes (extérieures) dans le contrat de la défenderesse[42].
[111] Les parties en ont-elles convenu autrement lors de leur rencontre du 21 juillet ou par la suite?
[112] C’est en répondant à la même question – « Est-ce qu’elle vous a posé des questions sur autre chose? » – que Paré affirme que Lavoie lui a demandé si les fenêtres étaient comprises dans son prix estimé, puis si les fermes de toit l’étaient[43]. Le Tribunal ne peut accorder plus de crédibilité à l’ensemble de la réponse, incluant donc pour ce qui est des fenêtres, qu’il ne le fait pour les fermes de toit, tel que discuté plus tôt.
[113] Paré ne convainc pas non plus que les fenêtres et les portes extérieures seraient des éléments de finition, exclus donc du contrat. D’ailleurs, les commentaires de Paré sur les dimensions des fenêtres lors d’une rencontre avec Lavoie dans la première partie du mois d’août 2018 et les textos échangés par la suite à leur sujet ne pointent pas dans cette direction.
[114] Finalement, la défenderesse ne fait pas la preuve que les demandeurs auraient fait un choix de fenêtres ou de portes plus dispendieux que ce qu’elle pouvait prévoir au moment où les parties concluent le contrat.
[115] Bref, les 14 540,38 $ remis à Vitrerie pour l’achat des portes extérieures et des fenêtres doivent également être appliqués en paiement partiel sur le prix du contrat de la défenderesse.
[116] Étant désormais établi que le contrat de la défenderesse comprenait jusqu’au tirage des joints sur les panneaux de gypse, les 2 414,48 $ que lui ont payés les demandeurs pour la facture de Babin doivent être considérés comme un paiement sur le prix de leur contrat.
[117] C’est la défenderesse qui a raison lorsqu'elle fait valoir que son prix estimé de 70 000 $ n’inclut pas les taxes applicables, qui doivent donc y être ajoutées.
[118] Dès lors que le contrat est silencieux sur la question des taxes applicables, comme c’est le cas ici – les témoignages des parties ne sont pas particulièrement éloquents, et peu probants sur le sujet de l’inclusion ou non des taxes dans le prix estimé –, les lois applicables prévoient que ces taxes ne sont pas incluses dans le prix stipulé[44].
[119] Le prix estimé du contrat conclu par les parties était donc de 80 482,50 $.
[120] Outre les 22 753,94 $ payés à Vistech, à Ferjean et à Vitrerie, les demandeurs ont remis un total de 78 704,35 $ à la défenderesse, en paiement de la facture de Babin pour 2 414,48 $, d’une facture de 21 621,05 $ de la défenderesse pour « Travaux d’agrandissement » (Paré dira en témoignage qu’il s’agit de « matériaux », avec factures des fournisseurs à l’appui), d’un autre 27 277,82 $, encore pour des matériaux selon Paré, et du temps-hommes pour Paré et les ouvriers de la défenderesse, soit 13 226 $ en novembre 2018 et 14 165 $ en janvier 2019.
[121] Si l’on s’en tient ainsi pour l’instant aux montants versés à la défenderesse et aux paiements faits aux trois fournisseurs ou entrepreneurs, soit un total de 101 458,29 $, les demandeurs auraient payé sur le prix du contrat un excédent de 20 975,79 $.
[122] À quoi est dû cet excédent? Les paiements faits aux fournisseurs se sont-ils avérés plus élevés qu’anticipé? La défenderesse a-t-elle consacré plus d’heures que prévues à ses propres travaux ou encourus des dépenses plus élevées pour ses matériaux? La preuve n’amène pas de réponse à ces questions, sauf pour quelques mentions de travaux qui ne seraient pas inclus au contrat, effectués par la défenderesse, sans que, sauf exception et alors bien approximativement, Paré ne quantifie le temps consacré ou un coût correspondant.
[123] En somme, la défenderesse ne se décharge pas de son fardeau d’établir que l’augmentation résulte de travaux ou de dépenses qu’elle ne pouvait prévoir au moment où elle donne son prix aux demandeurs[45]. Ces derniers n’étaient donc pas tenus de payer l’excédent. Si Lavoie le fait en janvier 2019, c’est qu’elle n’a pas le choix en raison de l’état du chantier[46].
[124] Pour terminer, les demandeurs ont droit au remboursement d’un trop-perçu de 20 975,79 $.
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[125] La défenderesse doit-elle également indemniser les demandeurs pour des malfaçons en lien avec les travaux réalisés avant l’interruption du contrat ou pour le coût des travaux qui restaient alors à être complétés? Cette question sera traitée plus loin, une fois établi si les demandeurs étaient en droit de résilier le contrat pour cause de faute contractuelle.
[126] Les demandeurs étaient en droit de résilier leur contrat avec la défenderesse, en raison des délais d’exécution accumulés par celle-ci, des dépassements de coûts importants, du bris du lien de confiance par la défenderesse et, après mise en demeure par les demandeurs, du défaut de la défenderesse de corriger les malfaçons affectant ses travaux et de compléter ceux-ci.
[127] Voici pourquoi.
[128] On l’a vu, l’entrepreneur doit d’agir au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence, et il doit exécuter son contrat dans le respect des modalités convenues[47]. Il en résulte une obligation d’exécution « sans retard », dans le respect du délai de réalisation convenu, le cas échéant[48].
[129] Précisons que l’entrepreneur doit, avant la conclusion du contrat, dans la mesure où les circonstances le permettent, fournir à son client toute information utile relativement notamment au temps nécessaire à la réalisation de la tâche qu’il s’engage à effectuer[49].
[130] Si l’entrepreneur, sans justification, contrevient à ses obligations contractuelles, et qu’il est en demeure – soit par une demande écrite du client requérant qu’il respecte ses obligations à l’intérieur d’un délai raisonnable, soit, pour ce qui intéresse la présente affaire, parce qu'il néglige de s’acquitter de ses obligations de manière répétée –, le client peut alors résilier le contrat pour cause de défaut de l’entrepreneur[50].
[131] Selon Lavoie et Metthé, au moment où les parties concluent le contrat, Paré leur parle d’un délai d’exécution de quatre à six semaines. Aucune date n’est cependant arrêtée pour le début, le financement du projet étant tributaire de la vente de la maison de la mère de Lavoie, la codemanderesse Régnier.
[132] Paré dit plutôt avoir donné un délai d’exécution d’en moyenne six semaines, peut-être deux mois au maximum, en y travaillant à temps plein[51]. Il affirme également avoir avisé les demandeurs qu’il faisait du travail de déneigement l’hiver.
[133] Lavoie nie que Paré les eut informés qu’il faisait du déneigement.
[134] Comme cela a été mentionné plus tôt, c’est le 4 septembre que les demandeurs obtiennent le permis de construction requis et le 2 octobre qu’ils ont accès aux fonds nécessaires à la mobilisation au chantier de la défenderesse.
[135] En ce début d’octobre, la défenderesse ne peut immédiatement se lancer dans ses travaux, devant alors terminer un autre projet. Le délai de trois semaines qui suit s’explique dans les circonstances. On comprendra en effet que la défenderesse n’ait pas renoncé à d’autres contrats pendant les deux mois et demi qui suivent la rencontre du 21 juillet en attendant que les demandeurs obtiennent leur permis et leur financement.
[136] En principe donc, c’est à compter du 24 octobre, date d’arrivée au chantier de Paré et de son équipe, que l’on peut projeter la durée anticipée des travaux de quatre à huit semaines, selon que l’on retient le témoignage de Lavoie et de Metthé ou celui de Paré, ce qui mènerait entre le 21 novembre et le 19 décembre. En revanche, il convient de rappeler, comme cela a été établi plus tôt au jugement, que des démarches ont été accomplies et des étapes franchies entretemps, permettant d’avancer la réalisation du projet et de prévenir des délais de livraison de composants ou d’éléments de l’ouvrage, qui relevaient de la responsabilité de la défenderesse, incluant les travaux en lien avec le renforcement de la dalle de béton et la livraison des poutrelles de plancher.
[137] Un relevé manuscrit préparé par la conjointe de Paré montre, pour chaque jour de travail au cours des semaines du 22 octobre, du 29 octobre et du 5 novembre, le nombre d’ouvriers de la défenderesse présents au chantier, le total d’heures dépensées et la valeur totale de ces heures pour la journée[52] (le relevé manuscrit du temps d’hommes).
[138] Comme on l’a vu, c’est le 30 octobre que les fermes de toit sont livrées au chantier et c’est le 9 novembre que les fenêtres et les portes extérieures sont disponibles.
[139] Le 14 novembre, Lavoie fait deux paiements à la défenderesse, l’un de 13 226 $ selon le relevé manuscrit du temps d’hommes, l’autre de 21 621,05 $ selon une facture de la défenderesse pour « Travaux d’agrandissement »[53]. Paré déclare en témoignage qu’il s’agit-là d’une facture pour des matériaux et qu’il présente à Lavoie les factures de ses fournisseurs. Lavoie le nie, ajoutant en contre-interrogatoire que c’est justement pour cela qu’elle demande à Paré qu’il lui transmette les factures. Effectivement, le 16 décembre par exemple, elle lui enverra un texto de rappel sur le sujet :
[…] Et oublie pas Jocelyn j’aurais besoin des factures des matériaux pour mes impôts nous en avions parler te souviens-tu je sais qu’il en reste encore à acheter mais c’est pour que tu en oublie pas merci (Soulignement ajouté.)
[140] Paré n’y donnera pas suite.
[141] En date du 14 novembre, les demandeurs ont donc déboursé un total de 57 601 $, payés à la défenderesse et aux entreprises Vistech, Ferjean et Vitrerie.
[142] Le 21 novembre, quatre semaines se sont écoulées depuis l’arrivée au chantier de Paré et des ouvriers de la défenderesse. Au 5 décembre, cela fait six semaines.
[143] Le 16 décembre, à huit semaines presque révolues depuis le début des travaux de la défenderesse au chantier, Lavoie écrit à Paré : « Bon ça donne tu un bon coup cette semaine? ».
[145] En témoignage, Lavoie résume ainsi : « toujours de belles paroles, l’argent avance, mais pas les travaux ».
[146] Lavoie a ensuite une discussion avec Paré, au cours de laquelle elle se plaint que beaucoup d’argent lui a été versé, mais que les travaux n’avancent pas. Elle insiste pour que « ça bouge »[54]. En témoignage, elle décrit ainsi l’assiduité de Paré : « Il venait, ne venait pas, venait, venait pas. »
[147] Les travaux ne sont pas terminés en décembre, ils se poursuivent en janvier 2019.
[149] Le 10 janvier, « on est encore sur la neige », écrit Paré, qui informe Lavoie qu’ils seront chez elle le lendemain. En témoignage, il précise que Rénovation Paré utilise ses ouvriers pour ses contrats de déneigement.
[150] Le 11 janvier, Lavoie fait un chèque de 27 277,42 $ à la défenderesse, pour les matériaux selon ce que dit Paré en témoignage. Lavoie assure que ce dernier ne lui montre ni ne lui remet de facture. En contre-interrogatoire, elle persiste, deux fois plutôt qu’une : il ne lui explique pas le montant, ce pour quoi elle demande justement les factures.
[151] De son côté, Paré affirme avoir remis à Lavoie tant sa facture que celles des fournisseurs de matériaux à son soutien.
[152] La défenderesse ne dépose toutefois pas en preuve les factures évoquées. Et, plutôt que de les communiquer, ou de les recommuniquer selon ses dires, comme l’exigent les demandeurs par mise en demeure de leur avocate en juin 2019[55], la défenderesse s’en tient à leur répondre, par l’entremise de ses avocats, que Paré leur a remis « l’ensemble des factures »[56]. Pourquoi Paré n’a-t-il pas simplement communiqué de nouveau les factures, dans la mesure où elles existent? Parce qu’il ne l’a pas jugé nécessaire ou important, répond-il en contre-interrogatoire. Les demandeurs persévèrent et, par l’entremise de leur avocate, obtiennent de Paré, lors de son interrogatoire préalable, – après qu’il eut déclaré qu’« [i]l est supposé d’y en avoir une autre [facture, autre que celle de novembre 2018] », qu’« [i]l devrait y en avoir une autre, je pense » –, qu’il s’engage, sous serment donc, à fournir copie de « toute facture émise par la défenderesse aux demandeurs »[57]. Ni Paré ni la défenderesse n’y donneront suite. Pourquoi? Parce que, selon Paré, il aurait été compliqué de sortir les factures et qu’il n’en voyait pas l’importance.
[153] Bien que l’on pourrait tout simplement voir, dans ce refus de la défenderesse d’obtempérer à la mise en demeure exigeant les factures et dans le non-respect, par elle et par Paré, de leur engagement pris sous serment, une attitude désinvolte, de la négligence, une insouciance hasardeuse ou même une certaine arrogance, il est plus probable que Paré ait été incapable de produire les factures parce qu'elles n’existent pas, ou parce qu'il ne les retrouve pas et ne peut confirmer qu’elles aient existé, ce dont il n’est d’ailleurs pas convaincu lorsqu’il témoigne préalablement à l’instruction.
[154] Cela dit, et alors que les demandeurs ont déjà engagé quelque 57 601 $ en novembre, auxquels s’ajoutent maintenant les 27 277,42 $ versés à la défenderesse et la facture de 2 414,48 $ de Babin[58], pour un total de près de 87 293 $, le 14 janvier, Lavoie écrit ceci à Paré :
Arrête toute Jocelyn j’ai fait les compte tantôt pis là il reste juste 20 milles à ma mère et elle ne c’est même pas meublé chu pue capable je dors pue je sais même pas comment lui annoncer ça
[155] Elle est dans tous ses états, elle ne dort plus, ajoute Lavoie en témoignage, alors qu’elle faisait confiance à Paré. Les coûts prévus sont dépassés, elle gère l’argent de sa mère et le voit s’envoler, alors que les travaux n’avancent pas, qu’il en reste beaucoup à faire, que le logement de sa mère n’est pas prêt.
[156] Le lendemain, Lavoie et Paré ont une discussion. Les coûts encourus dépassent ce qui était prévu, lui dit-elle, ce n’était pas l’entente prévue. On va s’arranger, lui répond-il[59]. Selon ce dernier, il dit à Lavoie que, pour ce qui est des travaux de la défenderesse elle-même, il peut lui « donner un coup de main pour essayer de compléter », qu’il va l’« amener jusqu’où je peux t’amener », jusqu’au gypse, « d’ici environ deux semaines ».
[157] Lavoie convient que Paré termine les travaux et poursuive ainsi pour ce qu’elle croit être quelques jours. Et elle accepte de remettre à Paré, le jour même, 14 165 $ pour ce qui serait le temps des ouvriers de la défenderesse depuis le 12 novembre, montant le total des sommes engagées par les demandeurs à 101 458 $ (au contraire du temps des ouvriers jusqu’au 12 novembre, aucun relevé, manuscrit ou autre, n’est déposé en preuve ou mentionné par les témoins (quoique Paré dit avoir présenté le temps-hommes à Lavoie)).
[159] Paré affirme qu’il travaille ensuite pendant deux semaines consécutives. Pourtant et alors qu’aucune précision et aucun document n’est offert en preuve au sujet du nombre d’ouvriers, des journées travaillées et des heures investies pour le reste du projet (tout comme depuis la mi-novembre), on sait à tout le moins que Paré et ses ouvriers ne sont pas au chantier à partir du 23 janvier[60] et jusqu’à une date que la preuve ne précise pas. Lavoie dira que certaines semaines, à partir de la mi-janvier, Paré vient une journée ou deux, puis il ne vient pas pendant une ou deux semaines.
Tu me laisse tu tomber pis tu sais pas comment me le dire quoi tu me disais qu’il te restais 4 jours d’ouvrage ici à faire pis tu répond pas je crois que je ne t’achale pas trop je veux juste savoir à quoi m’en tenir merci
[161] La « réponse » de Paré surprend – un euphémisme – dans les circonstances : « Bizarre comme message 🤔 ». Certainement rien pour rassurer Lavoie.
[162] Lavoie précise donc sa pensée :
Ben non José [Metthé, son conjoint] me pose la question ma mère est inquiète elle a hâte d’être chez elle je ne sais quoi dire ni penser là je suis à bout je crois mais loin de moi de te déplaire avec mon message juste savoir 😊
[163] La réponse de Paré? Celle-ci :
Ça fait depuis dimanche [le 27 janvier] que je suis sur la neige et je n’arrête pas cinq minutes donc hier j’étais très occupé et j’ai fini à 11 heures hier soir et je viens de me réveiller il n’arrête pas de neiger à chaque jour donc je suis vraiment débordé
Aussitôt que j’ai de la disponibilité c’est toi que j’ai fini en premier je ne fais aucune autre rénovations dans ce temps ci car il y a beaucoup de neige
[164] Si les circonstances ne suffisaient pas déjà à l’expliquer, le ton navré, complaisant, réticent, pour ne pas dire effarouché, que traduit la teneur des textos de Lavoie, et qui dénotent la circonspection, l’appréhension et un certain désespoir, s’explique plus clairement encore dans le texto suivant de Lavoie : « Ben oui […] je comprend ça j’avais juste peur je crois que tu me laisse tomber oublie ça je ne voulais pas être désagréable excuse moi encore ».
[166] Une semaine plus tard, le 7 février, la défenderesse n’a toujours pas complété ses travaux. Lavoie écrit à Paré au sujet de son assurance habitation : « La Jocelyn j’ai un maudit problème pas capable de m’assurer tant que les travaux ne sont pas terminés je fais quoi moi ».
[167] Des textos déposés, on comprend que ni Paré ni des ouvriers de la défenderesse ne sont au chantier à tout le moins les 11 et 12 février. En réponse aux textos de Lavoie concernant cette seconde journée, Paré écrit qu’il doit chercher une pièce pour son tracteur et qu’il doit le préparer – on comprend de l’ensemble de la preuve qu’il s’agit d’un tracteur pour le déneigement.
[168] Le dimanche 17 février, Lavoie écrit : « J’espère avoir de bonnes chances de vous voir chez nous cet semaine? », puis plus tard : « Je veux pas te déranger mais puis-je avoir une réponse svp ». La réponse de Paré fait bien voir que la défenderesse, à tout le moins depuis un certain temps, ne se consacre que sporadiquement et accessoirement au projet des demandeurs, tout en montrant la nonchalance de Paré dans l’exécution du contrat : « Alu Louise tu veux aller t’acheter 1/6/49 je vais être chez toi demain sept heures ». Le texto suivant de Lavoie confirme combien la défenderesse est peu présente au chantier et, surtout, que la confiance de Lavoie envers Paré est au plus bas et que son espoir de voir les travaux se terminer est bien précaire : « Oui je crois que je vais y aller [acheter un billet de loterie 6/49] je suis sans mots je crois que je vais m’évanouir ». Paré ne fait apparemment pas grand cas de la désillusion et de la raillerie de Lavoie : « Good à demain ».
[169] Lors de l’instruction, Lavoie se décrit à l’époque comme étant dans un état de stress, dans l’incapacité de faire quoi que ce soit.
[170] Six jours plus tard, le 23 février, les travaux de la défenderesse ne sont toujours pas terminés, la partie agrandie est toujours un chantier et n’est pas habitable, la mère de Lavoie ne peut toujours pas emménager[61]. En témoignage, Lavoie se dit à bout, tout comme sa mère de 80 ans. « Un beau projet qui s’écroulait », dit-elle.
[171] Ce jour-là, à la demande de Lavoie, Paré l’appelle. À bout, donc, elle lui dit que c’est fini, qu’elle ne veut pas qu’il revienne. Lors de l’instruction, Paré dit qu’il était surpris parce qu'il avait presque fini. Il répond à Lavoie qu’il « pensais peut-être te donner deux-trois jours », ce à quoi celle-ci rétorque qu’elle n’en veut pas de ses deux-trois jours.
[172] Cette décision, d’ainsi mettre fin aux travaux de la défenderesse, est prise par les Lavoie/Metthé ensemble. Metthé l’explique par les dépassements de coûts et l’avancement des travaux : « On lui [à Paré] pompait (sic) de l’argent et rien n’avançait », « c’était ridicule de continuer ».
[173] Après avoir fait appel à une avocate, les Lavoie/Metthé mandatent l’ingénieur Stéphane Bossus, de l’entreprise Le Centre d’Expertises Légales en Bâtiments inc., pour inspecter les travaux réalisés et donner son opinion sur les défauts et malfaçons qui, selon ses constats, affecteraient ceux-ci, sur les travaux incomplets en regard du contrat intervenu entre les demandeurs et la défenderesse, et sur les dommages qui auraient été causés à l’immeuble lors des travaux, ainsi que pour proposer des travaux correctifs, le cas échéant[62].
[174] C’est le 28 mars 2019 que Bossus procède à sa visite des lieux. Depuis la terminaison du contrat de la défenderesse, aucuns travaux n’ont été effectués.
[175] Le rapport de Bossus, aujourd'hui déposé en preuve à titre de rapport d'expertise, est rendu le 14 mai[63] (le rapport Bossus). Il fait état de constats de malfaçons et autres déficiences affectant les travaux réalisés dans le cadre du projet d’agrandissement des demandeurs, montrant des manquements aux règles de l'art applicables, ainsi que de travaux incomplets eu égard aux informations obtenues[64].
[176] Par lettre du 28 juin de leur avocate, les demandeurs communiquent le rapport Bossus à la défenderesse[65]. Celle-ci est mise en demeure d’aviser l’avocate, dans les 10 jours, de son intention de réaliser les travaux requis ou d’en payer le coût, alors établi à un peu plus de 57 800 $, en sus des quelque 67 500 $ que réclament les demandeurs en remboursement d’un trop-perçu par la défenderesse et pour leurs dommages moraux et les frais qu’ils ont dû encourir. À défaut, annonce la mise en demeure, les travaux pourront être effectués et les procédures judiciaires, en recouvrement des sommes, entreprises par les demandeurs contre la défenderesse.
[177] Le 18 juillet, par l’entremise de ses avocats, la défenderesse répond notamment avoir réalisé ses travaux conformément aux règles de l'art, tout en commentant les prétentions des demandeurs au sujet de travaux non complétés. Elle considère présentement la possibilité, se donnant jusqu’au 12 août pour en décider, de faire faire sa propre expertise au sujet des malfaçons alléguées. La suite des choses montre que la défenderesse n’ira pas de l’avant avec une telle contre-expertise et qu’elle choisira de s’en remettre au témoignage de Paré et aux contre-interrogatoires de Lavoie, de Metthé et de l’entrepreneur Denis Brisebois, qui (via Construction Brisebois) réalisera éventuellement les travaux correctifs et autres travaux menant le projet à terme, ainsi que, bien sûr, aux arguments eu égard à la teneur du contrat conclu entre les parties.
[178] Pour certains des travaux ou tâches identifiés par les demandeurs ou par le rapport Bossus comme étant « non complétés », la défenderesse répond, via la lettre de ses avocats ou par l’entremise de Paré en témoignage, que la défenderesse n’avait pas fini ses travaux, n’était pas rendue à cette tâche et voulait compléter les travaux, lorsque les demandeurs ont mis fin à son contrat, le 23 février.
[179] Pourtant, contre-interrogé sur la raison pour laquelle la défenderesse n’a pas réagi à la mise en demeure en acceptant de réaliser les travaux incomplets, Paré prétexte que Lavoie ne voulait pas qu’il retourne au chantier; puis, confronté au texte de la mise en demeure qui lui donne la possibilité de le faire, il est incapable de répondre, dit ne pas s’en souvenir; pour ensuite louvoyer entre Lavoie qui, le 23 février, ne voulait pas qu’il revienne et son propre malaise.
[180] C’est à l’été 2020 que les demandeurs feront réaliser les travaux correctifs et compléter l’ouvrage, par Construction Brisebois.
[181] Entretemps, en décembre 2019, les demandeurs ont introduit la présente instance.
[182] Voici donc pourquoi les demandeurs étaient justifiés et en droit de résilier le contrat de la défenderesse.
* *
[183] Lorsque les parties concluent leur contrat, c’est en fonction d’une durée de réalisation d’environ six semaines, qui ne devrait pas excéder un maximum de huit semaines, selon le témoignage de Paré (quatre à six semaines, selon les témoignages de Lavoie et de Metthé).
[184] En principe donc, si l’on s’en tient au délai d’exécution dénoncé selon Paré, et que l’on accepte que celui-ci ne peut entreprendre l’exécution des travaux avant le 24 octobre, sans qu’on puisse lui en faire reproche, les demandeurs sont en droit de s’attendre à ce que le tout soit complété, et à ce que la demanderesse Régnier puisse emménager, entre le 5 et le 20 décembre, et ce, sans même considérer les démarches accomplies par Lavoie avant le 24 octobre.
[185] À ce sujet, la preuve ne révèle pas qu’à l’époque Paré se serait dédit concernant la durée d’exécution de son contrat, en invoquant le délai écoulé depuis la conclusion du contrat, en juillet, ou parce qu’il aurait été empêché de débuter plus tôt, ou encore qu’il aurait avisé les demandeurs ou Lavoie d’un délai d’exécution anticipé qui serait désormais plus long, parce qu’on tombe dans la période où Paré prépare ses tracteurs pour ses activités de déneigement[66]. On se rappellera que la défenderesse a l’obligation d’informer ses clients quant au temps nécessaire à la réalisation de son contrat, notamment en lui fournissant toute information utile à cet égard. Bref, le délai d’exécution convenu n’est jamais modifié, il tient toujours.
* *
[186] Lorsqu'arrivent le 5 décembre, puis le 20 décembre, les travaux de la défenderesse ne sont pas terminés, elle n’a pas fini l’exécution de son contrat. Le 16 décembre, Lavoie demande à Paré s’il « donne […] un bon coup cet[te] semaine ».
[187] Or, la défenderesse ne fait pas la preuve de causes de retard imputables aux demandeurs, ou qui seraient autrement hors de son contrôle, et qui justifieraient et permettraient d’excuser le retard dans la livraison de son ouvrage. En outre, ni les témoignages ni la preuve documentaire contemporaine, en l’occurrence les textos échangés entre Lavoie et Paré, ne relèvent des communications de ce dernier informant les demandeurs de telles causes de retard ni même de retards dans l’exécution de son contrat.
[188] La seule affirmation générale de Paré, en témoignage, qu’à l’époque il est « occupé » à monter ses tracteurs pour le déneigement et qu’il y a eu des « intempéries », sans autres précisions ou démonstration de l’impact sur le temps consacré au contrat, et sans quantification aucune à cet égard, ne saurait suffire à excuser ni même expliquer le retard de la défenderesse (un retard que l’on sait être important considérant que, deux mois plus tard, elle n’aura toujours pas terminé) ou encore à lui éviter d’avoir à au moins démontrer qu’elle a fait preuve de diligence et a pris les moyens requis pour respecter le délai d’exécution prévu.
[189] Sur ce dernier point, la preuve tend plutôt à établir le contraire.
[190] Ainsi, on sait à tout le moins ceci :
190.1. Selon le relevé manuscrit du temps d’hommes pour les trois semaines allant du 22 octobre au 11 novembre, la défenderesse n’envoie des ouvriers au chantier (incluant Paré) que trois jours durant la semaine du 29 octobre et trois jours la semaine suivante;
190.2. Durant ces journées de travail, alors que la défenderesse dispose de quatre à six ouvriers pour l’exécution de ses travaux, en sus de Paré[67], et que, selon ce dernier, elle ne réalise qu’un projet à la fois, seuls deux ou trois hommes sont à l’œuvre au chantier pendant la première semaine, trois, quatre ou six selon la journée pendant la deuxième, et quatre ou six par jour de travail la troisième;
190.3. Aucun relevé de temps n’est déposé en preuve pour le projet après le 11 novembre, qui permettrait de voir combien d’ouvriers sont assignés au projet sur une base quotidienne et quels jours ils travaillent;
190.4. En revanche, les textos échangés entre Lavoie et Paré indiquent des absences au chantier de ce dernier ou d’ouvriers de la défenderesse à tout le moins le 29 novembre, parce que deux ouvriers sont malades et que Paré doit chercher des pièces pour un tracteur (de déneigement), le 5 décembre, sans que Paré n’explique pourquoi, le 6 décembre, parce qu'« on a pas terminé à Montréal », sans autre explication, et le 10 décembre, parce que Paré ne se sent pas bien et parce qu'il doit régler un problème de souris chez sa voisine, sans compter les divers textos de Lavoie demandant à Paré « si tu viens » ou s’il y’a « du monde qui viennent » ce jour-là, le lendemain ou la semaine suivante, démontrant que les travaux ne sont pas faits en continu et avec assiduité;
190.5. Ces textos contemporains corroborent le témoignage de Lavoie selon lequel, parlant de Paré et de son équipe, « Il venait, ne venait pas, venait, venait pas ».
[191] Précisons que jamais à l’époque, pendant la période où des épisodes de neige peuvent survenir selon les années, Paré ne dit à Lavoie avoir dû se consacrer à du travail de déneigement pour expliquer son absence ou celle de ses ouvriers (comme il le fera à l’occasion en janvier ou février).
* *
[192] Faisant voir son insatisfaction, alors qu’elle est en perte de confiance envers Paré, Lavoie insiste pour que « ça bouge »[68].
[193] Malgré cela, deux semaines et demie plus tard (si l’on retranche une semaine pour tenir compte de la période des Fêtes), les travaux de la défenderesse ne sont pas encore terminés.
[194] En revanche, et malgré le retard, les demandeurs paient la défenderesse pour les matériaux qu’elle aurait acquis pour la réalisation de ses travaux depuis novembre (27 277,42 $) et pour la facture de Babin (2 414,48 $). Ils en sont alors à un déboursé total de 87 293 $.
[195] Dans ce contexte, dans lequel Lavoie voit fondre les fonds de sa mère, la demanderesse Mme Régnier, sans que les travaux de la défenderesse avancent à un rythme conséquent, et alors qu’il reste apparemment beaucoup de travaux à faire avant que le logement de sa mère puisse être habité, il est compréhensible que Lavoie n’en dorme plus et il est tout-à-fait légitime qu’elle enjoigne à Paré de tout arrêter, pour avoir une franche discussion avec celui-ci.
[196] Mais, Paré se fait rassurant et, selon son témoignage, parle d’un autre deux semaines environ pour finir. Lavoie, ainsi que son conjoint et sa mère, qu’elle représente également dans ses échanges avec Paré, sont en quelque sorte acculés au mur : ils veulent voir la fin des travaux et que Mme Régnier puisse s’installer dans son domicile aussitôt que possible, alors que Paré n’en aurait que pour quelques jours encore, selon ce que Lavoie comprend de ce dernier.
[197] Les demandeurs, par l’entremise de Lavoie, choisissent donc, si tant est que l’on puisse parler d’un choix véritable, de laisser la défenderesse terminer et de la payer pour le temps de ses hommes consacré au projet depuis le 12 novembre. Paré établit la valeur de ce temps à 14 165 $, majorant ainsi le total dépensé par les demandeurs à 101 458 $.
* *
[198] Il est à propos de s’arrêter un instant sur les heures mises de l’avant par Paré qui totalisent ces 14 165 $. On se souviendra qu’en novembre celui-ci présente un relevé des heures-hommes dont la valeur totalise 13 226 $ pour trois semaines de travail, plus précisément pour 10 jours de présence au chantier, une moyenne donc de 1 323 $ par jour de travail, et ce, avec un nombre d’ouvriers moindre que la main-d'œuvre dont dispose la défenderesse. Présumant que la défenderesse envoie par la suite le même nombre moyen d’ouvriers chaque jour, maintenant ainsi le même coût moyen, les 14 165 $ présentés par Paré à Lavoie, comme représentant le temps travaillé depuis le 12 novembre, traduisent un nombre de jours travaillés de seulement 11 jours sur quelque 13 semaines (en soustrayant une semaine pour la période des Fêtes), à peine 1 journée de plus que pendant les 3 premières semaines d’octobre et novembre, période durant laquelle la défenderesse ne travaillait déjà pas tous les jours au chantier[69].
[199] Voilà qui traduit un manque, pour ne pas dire une absence, d’empressement, de hâte et d’investissement de temps sérieux de la défenderesse dans la réalisation de son contrat, bref de diligence, et de tout effort véritable et de toute volonté sincère et sérieuse pour terminer promptement ses travaux. Clairement, la défenderesse n’agit pas au mieux des intérêts de ses clients.
[200] Ajoutons que, durant la période du 16 décembre au 15 janvier, la preuve soumise – les textos entre les parties et le témoignage de Paré[70] – ne fait voir que deux journées, les 9 et 10 janvier, où Paré est « sur la neige ». À tout événement, en eut-il été autrement que la défenderesse ne pourrait en prendre excuse pour justifier ses retards, puisqu’elle n’aurait pas eu à faire face à ces conflits de disponibilités si elle avait terminé ses travaux dans les temps, c'est-à-dire au plus tard entre le début de décembre et le 20 décembre.
* *
[201] Deux autres semaines s’écoulent et les travaux de la défenderesse ne sont toujours pas finis.
[202] La preuve ne permet pas de savoir quels jours Paré et ses ouvriers sont au travail. En revanche, et contrairement au témoignage de Paré, qui dit avoir travaillé pendant deux semaines consécutives à compter de la mi-janvier, on sait à tout le moins que personne n’est au chantier à partir du 23 janvier, que ce soit en raison des activités de déneigement de la défenderesse – mais, la seule preuve à ce sujet est un texto du 30 janvier de Paré qui dit être « sur la neige » depuis le dimanche précédent, le 27 – ou pour d’autres raisons qui ne sont pas précisées.
[203] On a vu que Lavoie, découragée et désespérée de la possibilité que la défenderesse ne termine pas le projet, paraît sans moyens devant la réaction qu’adopte Paré lorsque, le 30 janvier, elle cherche à connaître ses intentions et lui exprime ses appréhensions[71]. Paré ne donne plus aucune indication du temps dont la défenderesse a encore besoin pour compléter l’ouvrage et il ne se compromet plus sur une quelconque forme d’échéancier ni même sur le moment où des ouvriers ou lui seront de retour au chantier : « je suis vraiment débordé [par le déneigement », « aussitôt que j’ai de la disponibilité ».
[204] Une autre semaine passe. Le 7 février, Lavoie lance ce qui apparaît comme un cri du cœur devant son incapacité à obtenir une nouvelle assurance habitation tant que les travaux ne sont pas terminés : « je fais quoi moi ». Apparemment aucune réaction de Paré.
[205] On ignore quand la défenderesse a renvoyé des ouvriers au chantier (ou même Paré) après le 30 janvier, ni quels jours, combien d’ouvriers et combien d’heures ils ont travaillé, mais on sait que personne n’est présent à tout le moins les 11 et 12 février et que, une semaine plus tard, la défenderesse n’a toujours pas complété l’exécution de son contrat.
[206] Ainsi, plus de deux semaines après l’échange de textos du 30 janvier vient celui du 17 février, qui assimile la disponibilité ou l’assiduité de la défenderesse à la participation à une loterie. Comme le Tribunal en a déjà fait la remarque, il est apparent que la confiance de Lavoie envers Paré est au plus bas et que son espoir de voir les travaux se terminer est bien précaire.
* *
[207] Malheureusement, le manque de confiance de Lavoie s’avère fondé : six jours plus tard, le 23 février, sa maison est toujours en chantier, les travaux de la défenderesse ne sont toujours pas terminés, le domicile de Mme Régnier n’est pas encore habitable.
[208] Dans ces circonstances, les demandeurs sont pleinement justifiés de ne plus croire Paré lorsqu'il parle à Lavoie d’encore deux ou trois jours.
* *
[209] En définitive, non seulement la défenderesse n’a-t-elle pas réalisé son contrat dans les délais convenus, sans pouvoir s’en justifier par des causes juridiquement excusables, mais encore, lorsque l’on considère le portrait d’ensemble depuis que Paré et les ouvriers de la défenderesse ont mis les pieds au chantier pour la première fois, le 24 octobre, force est de constater qu’elle ne démontre pas avoir employé les moyens nécessaires pour chercher à exécuter ses travaux sans retard, et qu’elle ne s’acquitte pas de ses obligations d’agir avec diligence et au mieux des intérêts de ses clients, les demandeurs.
[210] Devant cette situation de défauts à répétition de la défenderesse, les demandeurs étaient en droit de la considérer comme étant en demeure de plein droit et de résilier le contrat[72]. Dans ces circonstances, la défenderesse ne peut faire reproche aux demandeurs de ne pas lui avoir accordé un délai additionnel, même de quelques jours selon ses dires.
[211] Qui plus est, la suite des choses fait voir qu’il aurait été vain de consentir un nouveau délai à la défenderesse.
* *
[212] Avant de confier la suite des travaux à un autre entrepreneur pour qu’il les complète, les demandeurs font preuve de prudence en faisant inspecter par un professionnel ceux déjà réalisés. C’est l’ingénieur Bossus qui s’en charge, peu après l’arrêt des travaux. L’ouvrage qu’il inspecte est tel qu’il était au 23 février.
[213] Selon le rapport Bossus, les travaux réalisés sont affectés de malfaçons qui, à la lecture du rapport, sont pour plusieurs d’entre elles importantes. Comme on le verra au chapitre suivant, nombre de ces malfaçons relèvent de manquements de la défenderesse aux règles de l'art. en définitive, sa responsabilité contractuelle est en jeu.
[214] Le rapport en question est dûment communiqué à la défenderesse, qui est mise en demeure d’exécuter les travaux requis pour corriger les malfaçons et compléter ses travaux.
[215] Tout en assurant avoir réalisé ses travaux selon les règles de l'art, la défenderesse, par lettre du 18 juillet 2019 de ses avocats, déclare qu’elle « procède à l’analyse » du rapport Bossus, de telle sorte que ceux-ci « vous reviendron[t] d’ici le 12 août 2019 ». Entretemps, par la même lettre, la défenderesse souligne notamment qu’elle voulait compléter ou faire compléter, selon le cas, l’installation des conduits de renvoi de l’évier d’une salle de bain[73], le platelage du plancher, les travaux d’électricité, ceux de plomberie et le tirage des joints sur les panneaux de gypse, mais qu’elle n’a pu le faire parce que les demandeurs lui ont demandé de quitter les lieux le 20 février.
[216] Or, la défenderesse ne donne pas suite à cette lettre, elle ne répond pas au rapport Bossus, pas plus qu’elle ne soumet de contre-expertise comme elle disait l’envisager dans la lettre de ses avocats, et à aucun moment elle n’offre ou n’annonce une intention de corriger ou de compléter ses travaux.
[217] Les demandeurs étaient donc en droit de considérer le contrat de la défenderesse comme résilié, et d’aller de l’avant avec l’exécution des travaux correctifs et de parachèvement par l’entremise d’un autre entrepreneur.
[218] Soumission et factures à l’appui[74], lesquelles factures ont été payées par les demandeurs[75], ceux-ci réclament de la défenderesse 41 480,24 $, pour ce qu’il leur en a coûté auprès de Construction Brisebois pour, disent-ils, corriger les malfaçons et compléter les travaux de Rénovation Paré[76]. S’y ajoutent 390,92 $ pour la location d’un conteneur à rebus, afin d’évacuer les détritus laissés par les travaux de cette dernière[77], 307,95 $ en dédommagement du coût de la céramique que Metthé avait achetée et posée dans une salle de bain en décembre 2018[78], mais qui a dû être arrachée pour procéder à des travaux correctifs attribuables à Rénovation Paré, et 1 121,01 $ dépensés pour l’évaluation de la qualité de l'air en raison d’infiltrations d’eau[79], pour un total de 42 178,87 $.
[219] D’entrée de jeu, réglons la question du conteneur. Étant en droit de résilier le contrat pour cause de défaut de Rénovation Paré, les demandeurs sont également en droit d’obtenir compensation pour le conteneur loué aux fins de nettoyage de son chantier à son départ, soit la somme de 390,92 $.
[220] Plus généralement maintenant, se déchargeant de leur fardeau de preuve, les demandeurs établissent que des travaux exécutés par Rénovation Paré, et dont elle avait la responsabilité contractuelle, étaient affectés de malfaçons ou restaient à compléter, et que les coûts afférents à leur correction ou pour les parachever totalisent 31 292,45 $. Ils ont donc droit d’en être indemnisés par la défenderesse, tout comme pour ce qu’il leur en a coûté pour faire inspecter les travaux et obtenir le rapport Bossus, soit 2 012,06 $. Il en va autrement pour les frais d’évaluation de la qualité de l’air, que les demandeurs ne démontrent pas être en droit de se faire rembourser par Rénovation Paré.
[221] Le tout totalise 33 695,43 $, en incluant la location du conteneur.
[222] Les demandeurs déposent en preuve le rapport Bossus, pour tenir lieu de témoignage de son auteur, en conformité avec l’article 293 du Code de procédure civile. Le curriculum vitae de Bossus accompagne son rapport. Ingénieur de formation, il a notamment réalisé plusieurs milliers d’expertises de bâtiments.
[223] Soulignons dès maintenant pourquoi les demandeurs ont droit au remboursement de leurs frais de 2 012,06 $, encourus pour l’inspection et le rapport de Bossus[80] :
223.1. D’abord, il était tout-à-fait à propos, dans la situation incertaine dans laquelle se retrouvaient les demandeurs, de faire inspecter les travaux réalisés par Rénovation Paré, avant d’en confier la suite à un autre entrepreneur, et d’en obtenir un rapport alors transmis à Rénovation Paré pour, dans un premier temps, donner l’opportunité à celle-ci de réagir en procédant aux travaux correctifs requis et pour compléter ses travaux.
223.2. Ensuite, non seulement le rapport Bossus a été utile aux demandeurs, nécessaire en fait, aux fins de vérification des travaux réalisés par Rénovation Paré[81], mais il a également été d’une utilité évidente pour le Tribunal, pour identifier les malfaçons dans ces travaux, tout comme ceux non terminés. Certes, il revient au Tribunal de conclure sur l’inclusion ou non de tels ou tels travaux dans le contrat de la défenderesse et sur sa responsabilité. En outre, l’expert a été induit en erreur par les demandeurs sur la nature de leur contrat, en le lui présentant comme un contrat à forfait, et il s’en remet à eux pour ce qui devait être accompli par Rénovation Paré. Mais, cela s’avère sans conséquence sur ce qui doit être décidé par le Tribunal.
223.3. Enfin, le montant de la facture pour le rapport Bossus est raisonnable.
[224] L’entrepreneur Brisebois, qui œuvre en construction depuis 24 ans, témoigne au sujet des travaux réalisés par Construction Brisebois et de leur prix facturé aux demandeurs, et il est notamment contre-interrogé par l’avocat de Rénovation Paré. Si les demandeurs lui ont montré le rapport Bossus, il fait ses propres constats aux fins de la préparation de sa soumission. Il reste que son interrogatoire en chef fait le pont entre les points soulevés au rapport Bossus et les travaux réalisés par Construction Brisebois, incluant des travaux ou correctifs qui ne sont pas tous nommément ou distinctement identifiés à la soumission de cette dernière (mais qui n'ajoutent pas au prix facturé selon la soumission).
[225] Précisons ici que les demandeurs ne réclament pas de la défenderesse pour certains des travaux compris dans le prix payé à Construction Brisebois, qui n’étaient pas inclus au contrat de Rénovation Paré, en l’occurrence pour la démolition et la reconstruction d’un escalier (2 000 $), la fourniture et l’installation de plinthes (530 $), et la fourniture et l’installation d’un luminaire extérieur (980 $)[82].
[226] Paré répond aux reproches de malfaçons et de travaux non complétés par son propre témoignage, soit en soulignant qu’une tâche ne relevait pas de son contrat, soit en expliquant pourquoi il a réalisé un travail d’une certaine façon, en réponse à un reproche au rapport Bossus, soit en soulignant qu’il n’était pas rendu à la tâche discutée au moment où Lavoie lui dit de ne plus revenir au chantier.
[227] En résumé, de cette preuve, le Tribunal retient et conclut que Rénovation Paré doit assumer la responsabilité pour les coûts de travaux correctifs ou de parachèvement en lien avec les travaux, composants et éléments suivants apparaissant à la soumission de Construction Brisebois :
[228] Ces divers travaux, plus le frais pour un conteneur de 550 $ également facturé par Construction Brisebois (dont la nécessité s’infère de la seule réalisation des travaux décrits), totalisent 24 499 $.
[229] Construction Brisebois facture aux demandeurs un profit de 10 %. L’inclusion d’un profit s’ajoutant aux coûts de l’entrepreneur est évidemment justifié et raisonnable. Rénovation Paré pouvait prévoir que si elle faisait défaut d’exécuter ses obligations, obligeant ainsi les demandeurs à faire appel à un autre entrepreneur, le prix que ceux-ci auraient alors à payer comprendrait un facteur de profit, lequel est par ailleurs une suite immédiate et directe de l’inexécution de son contrat par Rénovation Paré.
[230] Il en va différemment pour le frais d’administration de 5 % facturé par Construction Brisebois. S’il est également une suite immédiate et directe du défaut de Rénovation Paré, et bien qu’il n’y a pas lieu d’en critiqué la légitimité, les demandeurs n’établissent pas que Rénovation Paré pouvait prévoir un tel frais d’administration[83].
[231] Ainsi, pour les travaux réalisés par Construction Brisebois, les demandeurs ont droit, de la part de Rénovation Paré, à un total de 26 948,90 $, plus les taxes applicables, soit un total de 30 984,50 $.
[232] À cela s’ajoutent 307,95 $ pour la céramique achetée et posée par Metthé en 2018 pour la douche de la salle de bain au rez-de-chaussée, qui a dû être arrachée pour en refaire la douche.
[233] D’où le total de 31 292,45 $ annoncé au début du présent chapitre 3.
* *
[234] Avant de développer sur chaque élément, il importe de relever que les demandeurs ont selon toute apparence mitigé les coûts, si l’on considère que les soumissions qu’ils avaient obtenues à la suite des recommandations du rapport Bossus, et qu’ils avaient communiquées à la défenderesse avec leur mise en demeure, s’élevaient à un total de près de 58 000 $. À titre d’exemple, Brisebois dit avoir résolu les problèmes afférents à la porte patio sans avoir eu à remplacer celle-ci par une nouvelle, solution mise de l’avant au rapport Bossus.
[235] Comme cela a été établi précédemment au présent jugement, la fourniture et l’installation des fenêtres et des portes extérieures faisaient partie du contrat de Rénovation Paré, contrairement à ce qu’avance celle-ci. Et, dans les faits, c’est effectivement elle qui les installe.
[236] Le rapport Bossus fait état de malfaçons en lien notamment avec la profondeur de la porte patio, avec un décrochement latéral de son cadre, tout comme avec celui de la porte avant, les deux portes ayant été installées par Rénovation Paré, ainsi qu’avec les profondeurs des diverses fenêtres également installées par elle, eu égard entre autres au revêtement de maçonnerie extérieur choisi par les demandeurs et porté à la connaissance de Paré au moment de conclure le contrat, et avec un décrochement latéral du cadre de diverses fenêtres.
[237] Brisebois fait lui aussi le constat des correctifs requis et Construction Brisebois fait les travaux de correction nécessaires, incluant le remplacement de trois des fenêtres, sans toutefois qu’il ait à remplacer l’intégralité des nouvelles fenêtres ou les portes, malgré ce que recommandait Bossus pour ce qui est des fenêtres et de la porte-patio. En définitive, seuls les postes « Fenêtre » et « Extra » à la soumission de Construction Brisebois couvrent explicitement l’un ou l’autre élément, pour des montants respectifs de 1 650 $ et de 5 105 $.
[238] Tout en reconnaissant que la profondeur de la porte-patio est trop courte, eu égard à l’épaisseur du mur, et s’en être aperçu au moment de l’installer, Paré dit l’avoir mentionné à Lavoie à l’époque. Que ce soit pour cette porte ou pour les fenêtres, la défenderesse cherche à se déresponsabiliser en faisant porter le blâme sur la prise des mesures par Metthé et sur la commande passée par Lavoie auprès du fournisseur.
[239] Or, la fourniture et l’installation des portes extérieures et des fenêtres relevaient de Rénovation Paré, à qui incombait donc la prise des mesures nécessaires et adéquates et la commande auprès du fournisseur. Qu’elle s’en soit déchargé, prétextant un manque de temps, sur les épaules de Metthé pour les mesures et sur celles de Lavoie pour la commande, traduisant un manque de diligence de sa part et une prudence déficiente, faisant fi du meilleur intérêt de ses clients, bref faisant preuve de négligence, ne saurait lui permettre de se soustraire à ses obligations et ne l’autorise pas à se déresponsabiliser comme elle cherche à le faire.
[240] Ajoutons qu’à titre d’entrepreneur, Rénovation Paré, tout comme Paré lui-même d’ailleurs, sont les spécialistes. Dans les circonstances, quel que soit le cas de figure – instruction pour les mesures communiquée à Metthé ou à Lavoie erronée, mal expliquée ou mal comprise, ou encore prise de mesures mal exécutée par Metthé –, Rénovation Paré ne peut en prendre prétexte pour se décharger de sa responsabilité envers ses clients.
[241] Qui plus est, même si la fourniture, les mesures ou la commande n’avaient pas relevé de ses obligations contractuelles, dès lors que Paré constate que les portes ou fenêtres livrées sont « manifestement impropres » à leur utilisation prévue[84], Rénovation Paré devait s’abstenir de les installer. Choisissant d’aller de l’avant, il assumait désormais les conséquences d’une installation contraire aux règles de l'art.
[242] Les demandeurs ont donc droit d’être indemnisés pour les correctifs afférents aux fenêtres, soit un total de 6 755 $.
[243] Lavoie reconnaît que le remplacement des portes intérieures ne faisait pas partie du contrat de Rénovation Paré, mais bien des travaux de finition des demandeurs.
[244] En revanche, c’est bel et bien Rénovation Paré qui devait faire les nouveaux cadrages[85], lesquels restent à faire lorsqu’il est mis fin au contrat. Comme on l’a vu, Rénovation Paré ne donne pas suite à la mise en demeure qui lui donne la possibilité de compléter ses travaux.
[245] Cela dit, seule une portion du poste « Porte Int » à la soumission de Construction Brisebois concerne les cadrages, que le Tribunal arbitre à 10 % du montant, soit 269 $, pour lequel les demandeurs doivent être compensés.
[246] Les photos au rapport Bossus montrent ce que l’expert appelle une structure temporaire, notamment sans marches ni contre-marches, au surplus incomplète et construite en contravention des règles de l'art, ajoute le rapport. Bien plus qu’un ouvrage pas encore terminé, comme le prétend Paré, il doit être reconstruit. C’est ce que fait Construction Brisebois[86].
[247] Ajoutons que, si même la structure elle-même n’avait pas eu à être reconstruite, dans le respect des règles de l'art, et que seules les marches et contre-marches étaient restées à être posées, Paré semble avoir une notion de « travaux de finition » très large. Sans autres explications, le seul fait que les clients doivent faire des choix de matériaux ne peut suffire à définir le concept, comme un automatisme. Selon la preuve, incluant celle issue du rapport Bossus et celle provenant de Brisebois, tout en considérant le témoignage de Paré, il est plus probable que ces travaux, même avec une structure qui aurait été adéquate, allaient au-delà de seuls travaux de finition. À tout le moins, il eut fallu que Paré en informe plus clairement ses clients au moment de conclure le contrat, dans l’accomplissement de son obligation d’information.
[248] Cela dit, les travaux réalisés par Construction Brisebois comprennent la finition véritable, non incluse au contrat de Rénovation Paré, et un coût correspondant doit donc être retranché du poste « escalier » à la soumission de Construction Brisebois, pouvant être arbitré à 10 %. Cela laisse 9 180 $ pour lesquels les demandeurs ont droit à pleine indemnisation, auxquels s’ajoutent 720 $ pour les travaux afférents à la cage d’escalier et la pose de contreplaqué pour refermer le plancher (décrits sous le poste « Rough » de la soumission). Ce contreplaqué correspond au platelage relevant de la responsabilité contractuelle de Rénovation Paré, comme le reconnaît Paré, que celle-ci n’avait pas complété au moment où il est mis fin à son contrat[87].
[249] Les plans P-3 montrent un balcon à l’étage de la partie à agrandir et la preuve n’indique pas que Paré l’aurait exclu de son contrat ou du prix estimé de 70 000$. C’est finalement Construction Brisebois qui le construira.
[250] En revanche, l’escalier que Construction Brisebois bâtit également pour ce balcon, parce que nécessaire selon Brisebois pour une construction bigénérationnelle (il ne témoigne cependant pas comme témoin expert), n’apparaît pas aux plans P-3. Lavoie le reconnaît d’ailleurs, ajoutant que c’est ultérieurement que Paré et elle se sont entendus sur l’ajout d’un escalier. En fin de compte, le résultat est le même : l’escalier n’est pas compris dans le prix estimé de 70 000 $ du contrat de Rénovation Paré.
[251] Prenant appui sur la description que fait Brisebois du balcon et de l’escalier, et de certaines précisions qu’il donne quant au travail requis, il convient de retrancher 80 % du coût apparaissant au poste en question, ainsi que les frais de matériel supplémentaire de 450 $ pour le renfort du balcon, laissant un montant de 740 $ à être indemnisé par la défenderesse.
[252] L’agrandissement de la maison implique la réalisation de travaux touchant la salle de bain de la partie principale, incluant l’installation par Rénovation Paré d’une base de douche et de la plomberie de la douche. Paré explique et défend la manière dont il a procédé et les matériaux qu’il a employés.
[253] Or, le rapport Bossus fait état de fuites d’eau au pourtour de la plomberie, dont il identifie la cause comme étant une pose de membrane déficiente. Selon l’expert, le cabinet de la douche doit être refait, ce qui nécessite de retirer le carrelage de la douche. Il s’avère qu’il s’agit-là de la céramique achetée et posée par Metthé en décembre 2018.
[254] Le Tribunal retient cette preuve d’expert.
[255] Brisebois confirme que Construction Brisebois a refait la douche et la réinstallation de plomberie.
[256] Les postes pertinents à la soumission de Construction Brisebois sont le poste « Démolition », pour 560 $, et le poste « Plombier », pour 2 100 $.
[257] Ce second poste couvre plus cependant, en l’occurrence également « Condamner la plomberie dans le mur du corridor et le drainage dans le corridor de l’étage » et le déplacement « du drain et de l’eau de la laveuse à linge ».
[258] Dans le premier cas, cela relève de la responsabilité de Rénovation Paré. Même si, selon Paré, la plomberie ne faisait pas partie du contrat, en cours de route il a proposé de le faire et, dans les faits, c’est effectivement Rénovation Paré qui s’en est chargée.
[259] Bossus explique les éléments de plomberie restant à compléter, dont la description permet de faire le lien avec la soumission de Construction Brisebois. Celle-ci a effectivement réalisé les travaux requis.
[260] Paré de son côté ne traite pas de la question, mais la position générale que Rénovation Paré adopte, en réponse à la mise en demeure des demandeurs, est qu’elle comptait finir les travaux de plomberie, mais que son contrat a été terminé par les demandeurs.
[261] Rénovation Paré est donc responsable des coûts encourus par les demandeurs pour compléter ces travaux.
[262] En revanche, dans le second cas, celui en lien avec le déplacement de la laveuse, le travail aux fins de ce déplacement a été réalisé par Construction Brisebois à la demande de Lavoie, sans que la preuve n’amène à expliquer ce déplacement par une quelconque faute de Rénovation Paré.
[263] Le Tribunal arbitre au tiers du montant total le coût afférent au changement d’emplacement de la laveuse, laissant 1 400 $ dont Rénovation Paré est responsable, plus les 560 $ pour la démolition de la douche posée par elle, soit un total de 1 960 $.
[264] Devront ensuite être ajoutés 307,95 $ en dédommagement pour la céramique arrachée, antérieurement achetée et posée par Metthé.
[265] Lors de son inspection, Bossus constate dans le plafond de la cuisine la présence d’un joint de gypse gonflé et de têtes de vis apparentes, signes qu’une infiltration d’eau s’est produite, très probablement, selon lui, durant la réalisation des travaux, sans que ces dommages soient ensuite réparés.
[266] Compte tenu de cette infiltration d’eau et compte tenu des fuites d’eau dans la salle de bain, mentionnées ci-dessus, Bossus recommande dans son rapport la réalisation d’une étude de la qualité de l’air dans l’immeuble.
[267] Lavoie commande effectivement une telle étude, qui est réalisée par une technicienne en environnement et hygiène, Marie-Ève Kerr, T.Sc.A., de l’entreprise ExpertBâtiment.ca. Celle-ci produira un rapport sur la qualité de l’air dans l’immeuble des Lavoie/Metthé[88]. C’est pour la réalisation de cette étude que les demandeurs réclament remboursement par Rénovation Paré d’une facture de 1 121,01 $ d’ExpertBâtiment.ca[89].
[268] Les analyses conduites par Kerr l’amènent à conclure que la maison des Lavoie/Metthé souffre d’un problème de salubrité fongique, nécessitant des travaux de décontamination et un nettoyage fin. Une nouvelle prise d’échantillons d’air devrait ensuite suivre.
* *
[269] Voici pourquoi les demandeurs ne peuvent prétendre à une indemnisation de Rénovation Paré pour la facture d’ExpertBâtiment.ca.
[270] D’abord, la source exacte de la probable infiltration d’eau dans le plafond de la cuisine ne sera jamais établie.
[271] Paré affirme ne pas avoir fait les constats décrits au rapport Bossus avant que l’on mette fin à son contrat. Bien que Lavoie ait apparemment offert certaines informations à Bossus et à Kerr, son témoignage ne les reprend pas. Les seules informations qu’elle donne sous serment sur le sujet sont qu’au moment de poser un luminaire, peu après la cessation des travaux de Rénovation Paré, en passant sa main dans le trou, elle a senti au toucher que c’était mouillé. Brisebois de son côté s’en tient à expliquer les travaux de réparation qu’il a réalisés.
[272] Même si un entrepreneur en construction doit en moult circonstances renverser des présomptions de malfaçon, de faute et de responsabilité lorsque l’ouvrage qu’il a réalisé présente des déficiences, la preuve ci-dessus ne suffit pas à attribuer à Rénovation Paré la responsabilité pour des infiltrations dans le plafond de la cuisine.
[273] Certes, Rénovation Paré est néanmoins responsable des fuites d’eau de la douche de la salle de bain. Poursuivons donc.
[274] Ensuite, la preuve permet de conclure que les demandeurs ne donnent pas suite aux recommandations de Kerr, s’en tenant aux réparations faites par Construction Brisebois.
[275] Force est de conclure que l’étude de Kerr s’est avérée inutile du point de vue des demandeurs. Bossus leur recommande une étude de la qualité de l’air pour qu’ensuite, si contamination il y a, ils mettent en œuvre le protocole de décontamination issu de l’étude; puis, Kerr conclut effectivement à une contamination et à la nécessité de décontaminer. Les demandeurs choisissent apparemment d’ignorer les recommandations de Kerr. Dans ces circonstances, ils ne peuvent exiger de Rénovation Paré qu’elle paie pour une dépense qu’ils ont engagée inutilement.
[276] La conclusion serait-elle la même si les Lavoie/Metthé étaient allés de l’avant avec les travaux de décontamination? Le prochain point amène une réponse affirmative.
[277] Enfin, en 2017, les Lavoie/Metthé ont subi un dégât d’eau important, voyant leur sous-sol inondé à hauteur d’environ la moitié. Il leur revenait de démontrer que la contamination relevée par Kerr résultait des fuites d’eau par la robinetterie de la salle de bain ou par l’infiltration d’eau dans le plafond de la cuisine, si tant est, dans ce dernier cas, que la source en soit identifiée.
[278] Aux pages 47 à 52 de son rapport, Bossus décrit l’état du filage électrique en date de sa visite, et donc en date du 23 février 2019, tout en soulignant les malfaçons dans le passage des fils dans les colombages, sans plaques de protection.
[279] Le Tribunal retient ce témoignage écrit de Bossus, d’autant que Paré ne discute pas de cette section spécifique en témoignage.
[280] Bossus résume le tout ainsi en page 65 de son rapport :
Toutes les boîtes de jonction installées devront être accessibles tel que le dicte le Code électrique à savoir, le chapitre 5 du Code de construction du Québec.
Au surplus, le filage électrique devra passer au travers des colombages, soit vers leur partie centrale. À défaut, des plaques homologuées à ces fins devront être posées à la devanture des colombages, et ce avant la pose du gypse.
La prise électrique de comptoir de la cuisine devra être remplacée par une prise DDFT à la droite de l’évier.
Le soussigné est d’opinion que les installations électriques se doivent d’être revues en entier par un électricien licencié lequel, au terme de ces travaux de vérification et de correction, devra vous délivrer un certificat de conformité des installations électriques avant la fermeture des finitions.
[281] Il importe d’abord de relever de ce qui précède que les travaux d’électricité, qui soit contreviennent aux normes et sont déficients, soit sont inachevés, vont clairement au-delà de la seule finition. Paré ne démontre certes pas le contraire : rien dans son témoignage, incluant dans son interrogatoire préalable, n’amène à croire que, par exemple, les travaux de filage ou d’installation de boîtes de jonction avant la pose des murs, relèveraient de la finition, plutôt que du « rough » de l’électricité que fait son électricien et qui, selon ce qu’on comprend de son témoignage, inclut le filage, ou étaient autrement exclus du contrat de Rénovation Paré, et ce, peu importe que Paré n’ait pas su, au moment de conclure le contrat, par exemple le nombre de prises électriques que les demandeurs souhaiteraient voir installées et où.
[282] Ensuite, et quoi qu’il en soit, le fait demeure qu’à tout le moins en cours d’exécution Paré a offert à Lavoie de faire l’électricité et, peu importe en réalité les circonstances, qu’il en a effectivement pris charge (on ne parle pas ici de la finition)[90]. Rénovation Paré le reconnaît d’ailleurs tant dans sa réponse par ses avocats à la mise en demeure des demandeurs qu’en plaidoirie, tout comme via le témoignage de Paré.
[283] Si donc malfaçons il y a – et c’est le cas, selon la preuve d’expertise – Rénovation Paré doit en assumer la responsabilité.
[284] Par ailleurs, la remarque de Bossus concernant l’appel à un électricien licencié prend un sens accru sachant que Rénovation Paré a retenu les services, pour la réalisation des travaux d’électricité – encore une fois, il s’agit ici de filage électrique et autres travaux de « rough » d’électricité –, à un ancien électricien retraité, n’ayant plus ses cartes de compétence requises, sous prétexte, explique Paré, qu’il coûterait moins cher qu’un « vrai électricien, avec un permis »[91] et que Lavoie voulait économiser. Paré explique avoir dit à Lavoie « J’en ai un [un électricien], moi, qui a de l’expérience puis il pourrait venir vous le faire pas cher »[92], et lui avoir offert de faire « la plomberie puis l’électricité pour sauver de l’argent[.] Je connais du monde. », complétant cette explication en interrogatoire par : « Pour mon électricien, j’ai sauvé de l’argent parce que ce n’est pas le même prix qu’un vrai électricien »[93].
[285] Il n’apparaît pas nettement de la preuve que Paré ait informé Lavoie du fait que son électricien ou l’électricien qu’il propose ne possède pas ses cartes de compétence. Peu importe qu’il l’ait fait ou non, ou que Lavoie ait ou non effectivement accepté que Paré fasse appel à cet ancien électricien, il reste que c’est Rénovation Paré et Paré, à titre d’entrepreneurs, qui sont les spécialistes et à qui incombe un devoir de conseiller leurs clients et de les informer adéquatement des conséquences possibles. Rénovation Paré ne peut se décharger de ses responsabilités sous prétexte que les demandeurs, via Lavoie, ont accepté sa recommandation mal avisée.
[286] Quoi qu’il en soit, et peu importe que l’embauche d’un ancien électricien ne détenant plus les cartes de compétence requises explique ou non, ou ait contribué ou non, aux malfaçons dans la réalisation des travaux, il reste que ces travaux, sous la responsabilité de Rénovation Paré, ont mal été exécutés.
[287] Construction Brisebois a effectué tous les travaux correctifs nécessaires et tous les travaux requis pour compléter ce qui concerne l’électricité.
* *
[288] Cela dit, le poste de 3 750 $ pour les travaux d’électricité à la soumission de Construction Brisebois comprend le remplacement d’une prise électrique par une autre rencontrant les normes applicables eu égard à sa distance de l’évier de cuisine, une prise qui n’a pas été installée par l’électricien de Rénovation Paré[94], mais plutôt sous la gouverne des demandeurs, et plus généralement la finition électrique, qui ne relevait pas du contrat de Rénovation Paré. Il inclut également le déplacement de la sécheuse, mais Paré reconnait que, s’il avait terminé les travaux, c’est lui qui devait s’en charger. Pour la même raison, il faut ajouter l’installation d’un tuyau rigide de sécheuse avec sortie, pour 250 $, au poste « Ventilation ».
[289] Un autre montant s’ajoute à la soumission, à savoir « corriger lumière de la cuisine », pour 120 $, mais, faute d’explication, la description est trop vague pour exclure qu’il puisse s’agir d’un travail de finition.
[290] Prenant en compte ces remarques, et considérant la nature des travaux à corriger et en quoi consiste la finition, par exemple la pose de prises ou de luminaires, il est raisonnable d’arbitrer à 10 % du montant la portion à déduire aux fins d’établissement de l’indemnisation à laquelle les demandeurs ont droit de la part de Rénovation Paré, pour une indemnisation de 3 375 $, plus les 250 $ pour la tuyauterie afférente à la sécheuse.
[291] Du point de vue de Rénovation Paré, si elle a convenu de fournir le gypse pour que les demandeurs profitent d’un meilleur prix, elle ne devait pas pour autant l’installer, étant, selon Paré, du travail de finition[95]. Dans les faits, dit ce dernier, il en a entrepris l’installation à la demande de Lavoie, jusqu’à ce que celle-ci mette fin à ses travaux.
[292] Le Tribunal a déjà conclu, selon son appréciation de la preuve, que le contrat de Rénovation Paré incluait l’installation des panneaux de gypse et le tirage des joints. Dans les faits, comme le reconnait Paré, c’est effectivement Rénovation Paré qui la prend en charge.
[293] Or, Rénovation Paré n’a pas terminé ce travail au moment où, à défaut de s’engager à compléter ses travaux en réponse à la mise en demeure des demandeurs, le contrat est résilié[96]. En outre, le rapport Bossus[97] établit que les panneaux de gypse n’étaient pas les seules composantes manquantes, par exemple un pare-vapeur, et que l’installation des panneaux contrevenait aux règles de l'art.
[294] En revanche, le travail de correction ou d’ajout d’une couche de plâtre par Construction Brisebois, outre qu’il est réalisé dans la partie d’origine de la maison, se présente à première vue comme du travail de finition, sans que la preuve amène à croire qu’il serait plus probable qu’il ait fait partie du contrat de Rénovation Paré.
[295] Ainsi, les demandeurs établissent leur droit à une indemnisation de Rénovation Paré pour les 700 $ inclus à la soumission de Construction Brisebois sous le poste « Gypse », mais pas aux 2 300 $ sous celui du plâtre.
[296] Les Lavoie/Metthé réclament solidairement 40 000 $ pour « stress, ennuis, inconvénients et perte de jouissance de leur immeuble ».
[297] Lavoie a droit à 6 000 $, Metthé à 1 000 $.
[298] En voici la raison.
* *
[299] Les Lavoie/Metthé s’attendent à ce que les travaux soient terminés avant la fin de l’automne et à ce que la mère de Lavoie puisse alors emménager dans leur nouvelle maison intergénérationnelle, le tout à l’intérieur d’un certain budget.
[300] En raison du défaut de Rénovation Paré de respecter ses obligations, les demandeurs voient les travaux se prolonger bien au-delà, traversant la période des Fêtes et les amenant jusque vers la fin du mois de février, tout en étant confrontés à un accroissement des coûts au-delà de ce qu’ils avaient pu prévoir et de ce qui était budgété. Et même alors les travaux ne sont pas complétés et les Lavoie/Metthé doivent eux-mêmes nettoyer le chantier. Pour les raisons déjà exposées, il ne peut leur être reproché d’avoir mis fin au contrat de Rénovation Paré dans les circonstances.
[301] Devant continuer à vivre dans un chantier bien au-delà de la période prévue, Lavoie explique que le stress, l’angoisse, l’anxiété, « ça n’a pas de mots ». Ces « mots », on les retrouve néanmoins à la fois dans ses textos contemporains aux événements et tout au long de son témoignage[98], qui corroborent le préjudice bien réel et concret que lui fait subir Rénovation Paré : « pue capable », « ne dort plus », « dans tous ses états », « désespérée », « découragée », problème d’assurance habitation, « état de stress », « incapacité de faire quoi que ce soit », « à bout ». Des conséquences que peut certes prévoir un entrepreneur qui s’engage à livrer à l’intérieur d’un certain délai un logement habitable, devant au surplus accueillir une nouvelle résidente au sein d’une maison intergénérationnelle.
[302] En revanche, le report d’un an et demi de l’achèvement du projet, à l’été 2020, et ses conséquences pour les demandeurs, ne pouvaient être prévus comme préjudice pouvant résulter d’un défaut d’exécution de Rénovation Paré, au moment de conclure le contrat. En outre, on peut plus difficilement y voir là une suite directe et immédiate de l’inexécution par la défenderesse.
[303] Le tout étant considéré, le Tribunal mesure à 6 000 $ le préjudice pour Lavoie des conséquences des fautes de Rénovation Paré au cours de l’hiver 2018-2019, et pour une période de quelques mois par la suite, qui tient compte des délais d’obtention d’une expertise, de mise en demeure, de délai raisonnable pour que Rénovation Paré réagisse à celle-ci, et de délai réaliste pour l’octroi d’un contrat à un autre entrepreneur.
[304] Il en va différemment pour Metthé, qui, selon ce qui est convenu avec Lavoie – lui travaille à l’extérieur du domicile, elle est en congé maladie –, n’est pas celui qui gère le chantier, traite avec Paré et cherche en vain à contrôler les délais et les coûts. Il reste qu’il réfère lui-aussi au fait de vivre dans un chantier et qu’il témoigne d’un « gros stress », de « grosse anxiété » et de difficultés à trouver le financement pour achever les travaux.
[305] Dans ces circonstances, 1 000 $ paraissent à propos et juste pour indemniser Metthé de son préjudice non pécuniaire.
[306] Paré assure que Lavoie et lui ont convenu qu’elle paierait pour le temps des ouvriers de Rénovation Paré en argent comptant, de manière qu’elle puisse sauver de l’argent en évitant le paiement des taxes applicables. Il s’ensuit, plaide la défenderesse, que le contrat entre les demandeurs et elle doit être annulé parce que contrevenant aux lois fiscales et, par le fait même, à l’ordre public.
[307] Pour les motifs qui suivent, la demande reconventionnelle de la défenderesse visant l’annulation du contrat est rejetée.
* *
[308] D’abord, la prépondérance de la preuve amène à croire, compte tenu des probabilités, que, si Rénovation Paré a voulu escamoter les taxes applicables en réduisant en conséquence les montants qu’elle exigeait de Lavoie, celle-ci n’a pas elle-même eu l’intention d’éluder les taxes en question.
[309] Lavoie contredit le témoignage de Paré au sujet d’une entente pour le paiement comptant du temps des ouvriers. S’il est vrai qu’elle accepte de le payer ainsi en cours de projet, ce n’est pas pour éviter le paiement des taxes. Le fait est qu’elle demande des factures à Paré, qui est celui qui jusqu’à la fin négligera de les lui transmettre, même lorsque mis en demeure de s’exécuter. Nécessairement, si factures il y a, comme le requiert Lavoie, les taxes applicables y apparaitront[99].
[310] Ensuite, le Tribunal a déjà commenté la crédibilité chancelante de Paré, notamment au sujet justement de la manière dont il essaie d’expliquer et cherche à justifier qu’il évite de facturer les taxes applicables et donc de les remettre aux gouvernements. Selon ce qu’on peut tirer de ses explications alambiquées, Paré prétend que, ce faisant, en réalité il coupe dans son profit et remet plutôt l’argent dans la compagnie.
[311] C’est donc avec prudence que le Tribunal considère le témoignage de Paré.
[312] Paré témoigne que, selon ses discussions avec Lavoie, le prix estimé de 70 000 $ comprenait le paiement du temps de ses ouvriers en argent comptant. Il l’explique ainsi : Il lui dit qu’il peut l’aider à respecter son budget, en lui sauvant des sous; que si elle paie en argent, il va charger moins cher et ils pourront faire plus de travaux, une option qu’elle accepte.
[313] C’est ensuite en réponse à une question suggestive de son avocat, à savoir si Lavoie et lui avaient des discussions au sujet des taxes pour le temps-hommes, que Paré répond qu’ils parlaient de charger le temps-hommes en argent, pour ne pas payer des taxes et des coûts plus élevés en frais.
[314] C’est alors qu’en réponse à une question du Tribunal, sur l’illégalité ou le caractère frauduleux de la manœuvre proposée, que Paré enchaine avec une longue explication nébuleuse pour chercher à convaincre de la légitimité de sa manière d’opérer.
[315] L’avocat de la défenderesse revient alors à la charge avec une nouvelle « question » suggestive : « Donc, je comprends qu’il était convenu entre vous et Mme Lavoie qu’il n’y avait pas de taxes sur le temps-hommes », ce que Paré confirme alors.
[316] Ajoutons ce qui suit. Lorsque les parties s’entendent sur le prix estimé de 70 000 $, et concluent donc verbalement le contrat, ce n’est pas seulement Lavoie qui est présente, mais bien les trois demandeurs. Paré, qui s’en tient à référer à une ou des discussions avec Lavoie, ne prétend donc pas qu’au moment de conclure le contrat les demandeurs auraient acquiescé à un paiement en argent comptant (pour le temps des ouvriers).
[317] Enfin, si même les demandeurs avaient voulu éluder une partie des taxes applicables, ce que le Tribunal ne conclut pas, la nullité du contrat n’en résulterait pas pour autant. L’objet de l’obligation, la prestation donc, soit le paiement pour les travaux pris en charge par Rénovation Paré en vertu du contrat de construction, n’est ni prohibé par la loi ni contraire à l’ordre public[100], pas plus que la cause de ce contrat[101].
[318] Par conséquent, si entente sur la non-facturation et le non-paiement des taxes applicables il y avait eu, elle serait effectivement nulle, mais elle n’invaliderait pas pour autant le contrat lui-même[102].
[319] Si annulation du contrat il y avait eu, le Tribunal aurait ordonné à la défenderesse de restituer aux demandeurs le trop-perçu de 20 975,79 $ par rapport aux prix estimé de leur contrat, ainsi que les 33 695,43 $ pour corriger les malfaçons et compléter les travaux de Rénovation Paré.
* *
[320] La règle générale veut que, lorsque le contrat est frappé de nullité, chacune des parties est tenue de restituer à l’autre les prestations qu’elle a reçues[103]. Lorsque la restitution en nature ne peut avoir lieu, elle se fait alors par équivalent[104].
[321] De manière exceptionnelle, le tribunal peut refuser la restitution lorsqu’elle aurait pour effet d’accorder à l’une des parties un avantage indu, à moins qu’il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l’étendue ou les modalités de la restitution[105].
* *
[322] Dans le cas sous étude, la situation est en réalité la suivante : La nullité du contrat obligerait Rénovation Paré à restituer les prestations reçues des demandeurs, tandis que ceux-ci, faute évidemment de pouvoir restituer les travaux réalisés par Rénovation Paré, se verraient tenus à une restitution par équivalent, qui pourrait correspondre à la valeur des travaux réalisés. C’est en quelque sorte le résultat que recherche la défenderesse en demandant de plutôt elle-même être dispensée de restituer les montants qu’elle a perçus des demandeurs.
* *
[323] Le pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal de refuser la restitution à une partie est « un pouvoir d’équité qui doit être exercé dans le but d’atteindre un équilibre entre les parties » et dont l’opportunité d’y recourir doit être évaluée au cas par cas[106].
[324] Dans le cas sous examen, priver les demandeurs de la restitution par Rénovation Paré des sommes déboursées (ou, présenté autrement, les obliger, en contrepartie à une telle restitution, à eux-mêmes restituer par équivalent la valeur des travaux réalisés et matériaux, composants ou éléments de l’ouvrage fournis) créerait une iniquité, un avantage indu en faveur de Rénovation Paré.
[325] En effet, en supposant que les demandeurs récupèrent de Rénovation Paré les 33 695,43 $ auxquels les travaux incomplets de celle-ci et les malfaçons dans ceux réalisés leur donnent droit, ils auront néanmoins engagé plus de 101 000 $ pour un contrat qui devait leur en coûter 80 000 $, et ce, en raison des défauts de Rénovation Paré de respecter ses obligations contractuelles à leur égard.
[326] La situation serait d’autant plus inéquitable que, même si l’annulation du contrat résultait d’une participation des demandeurs, ou de Lavoie, à une entente contrevenant à l’ordre public, pour ce qui est d’une partie des taxes applicables, Rénovation Paré en est l’initiatrice, tout comme la principale responsable, à titre de mandataire du gouvernement chargé de percevoir et remettre les taxes à l’État, et comme entreprise pleinement au fait des exigences fiscales. Elle ne saurait pouvoir en tirer bénéfice en se voyant exonérée de toute responsabilité à l’égard des demandeurs dans la réalisation de son contrat.
ACCUEILLE partiellement la demande introductive d'instance des demandeurs, Louise Lavoie, José Metthé et Gaétane Régnier;
REJETTE la demande reconventionnelle de la défenderesse, Rénovation Jocelyn Paré inc.;
CONDAMNE la défenderesse à payer aux demandeurs 54 671,22 $, plus l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec sur la somme, à compter du 28 juin 2019;
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse Louise Lavoie 6 000 $, plus l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec sur la somme, à compter du 28 juin 2019;
CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur José Metthé 1 000 $, plus l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec sur la somme, à compter du 28 juin 2019;
LE TOUT avec les frais de justice en faveur des demandeurs.
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| __________________________________ CHRISTIAN J. BROSSARD, J.C.S. | |
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Me Lydia Coulombe M. Justin Beaudry, stagiaire en droit | ||
LCA Avocats | ||
Avocats des demandeurs | ||
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Me Jean-François Lambert | ||
Ratelle, Ratelle & Associés | ||
Avocat de la défenderesse | ||
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Date d’audience : | Le 13 décembre 2022 | |
A. APERÇU................................................................1
Introduction..............................................................1
Questions en litige........................................................2
Décision.................................................................4
B. ANALYSE...............................................................5
1. Remboursement d’un trop-perçu...........................................5
1.1. Objet du contrat.....................................................5
a. Droit applicable.....................................................6
b. Faits en preuve.....................................................7
Recherche d’un entrepreneur par les Lavoie/Metthé........................7
Conclusion d’un contrat verbal entre les parties............................7
Financement et début des travaux par la défenderesse......................9
Démarches précédant l’obtention du permis de construction de la municipalité.10
Démarches suivant l’obtention du permis de construction, mais précédant celle des fonds nécessaires.......12
Paiement des factures de fournisseurs et entrepreneurs....................14
c. Discussion........................................................14
i. Travaux visés par le contrat........................................14
ii. Matériaux, composants, éléments et travaux payés par les demandeurs...17
Facture de Vistech...................................................17
Facture de Ferjean...................................................18
Factures de Vitrerie..................................................18
Facture de Babin....................................................19
1.2. Taxes applicables au prix estimé du contrat............................19
1.3. Conclusion sur le remboursement d’un trop-perçu.......................19
2. Résiliation du contrat...................................................20
a. Droit applicable....................................................20
b. Faits en preuve....................................................21
À la conclusion du contrat.............................................21
Début de l’exécution du contrat.........................................21
Exécution du contrat et paiements – 24 octobre au 19 décembre.............22
Exécution du contrat et paiements – 19 décembre au 15 janvier.............23
Exécution et arrêt des travaux – 15 janvier au 23 février....................24
Suites à l’arrêt des travaux............................................26
c. Discussion........................................................27
3. Travaux incomplets et malfaçons.........................................33
a. Moyens de preuve.................................................34
b. Discussion........................................................35
i. Fenêtres et portes extérieures......................................36
ii. Portes intérieures................................................37
iii. Escalier et platelage..............................................37
iv. Balcon.........................................................38
v. Douche au rez-de-chaussée et plomberie............................39
vi. Contamination fongique...........................................40
vii. Électricité et ventilation.........................................41
viii. Gypse et plâtre................................................43
4. Dommages-intérêts non pécuniaires......................................44
5. Annulation du contrat...................................................45
5.1. Nullité............................................................45
5.2. Restitution........................................................46
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :...........................................48
TABLE DES MATIÈRES......................................................49
[1] L’emploi des seuls noms de famille dans la suite du jugement a pour but d’alléger le texte. On voudra bien ne pas y voir un manque de courtoisie à l’égard des personnes concernées.
[2] Les factures sont déposées sous les cotes P-7 et P-9.
[3] 5 000 $ + 9 827,82 $ - 287,44 $ (pièce P-7).
[4] Pièce P-11.
[5] Pièce P-8.
[6] Pièce D-1.
[7] Tous les textos sont déposés comme pièce D-1. Les citations de textos au présent jugement reproduisent leur texte tel quel, incluant dans son apparence à la pièce déposée lorsque pertinent.
[8] Notes sténographiques de l’interrogatoire préalable de Paré, 7 décembre 2020 (pièce P-18) (l’interrogatoire préalable de Paré), p. 22-23.
[9] Dans les textos D-1, Lavoie et Paré l’épelle habituellement erronément « trust », une épellation également employée dans la transcription de l’interrogatoire préalable de Paré.
[10] Interrogatoire préalable de Paré, p. 25.
[11] Id., p. 29-30.
[12] Id., p. 36-37.
[13] Témoignage de Lavoie.
[14] Pièce D-1.
[15] Id.
[16] Pièces D-1 et P-11.
[17] Pièce D-1.
[18] Témoignage de Lavoie; plans P-3.
[19] Pièce P-9.
[20] Supra, par. [20].
[21] Supra, par. [46].
[22] Tant lors de son interrogatoire préalable qu’à l’instruction.
[23] Interrogatoire préalable de Paré, p. 49-50.
[24] Témoignage de Paré; pièce D-1.
[25] Pièce P-4.
[26] Pièces D-1 et P-7.
[27] Pièce D-1.
[28] Pièces D-1 et P-9.
[29] Pièce P-9.
[30] Supra, par. [58].
[31] Pièce D-1.
[32] 5 000 $ + 9 827,82 $ - 287,44 $.
[33] Pièce P-7.
[34] P. 47-48 et 60.
[35] Pièce P-11.
[36] Moyens de défense orale de la défenderesse, par. 2-3.
[37] Émis par la Commission de la construction du Québec.
[38] Pièce P-2.
[39] Id.
[40] Supra, par. [25].
[41] Témoignage de Lavoie.
[42] Supra, par. [31].
[43] Interrogatoire préalable de Paré, p. 29.
[44] Lauber c. Reid, 2016 QCCA 1587, par. 13; Loi sur la taxe d'accise, LRC 1985, c E-15, s.-par. 223(1)b; Loi sur la taxe de vente du Québec, RLRQ c T-0.1, art. 425 al. 1 s.-par. 1.
[45] Supra, par. [26]-[27].
[46] Infra, par. [148]-[158].
[47] Supra, par. [25].
[48] C.c.Q., art. 1590 al. 1.
[49] Supra, par. [25].
[50] C.c.Q., art. 1590 al. 2, 1594, al. 2, 1595, 1597 al. 2, 1604 et 1605.
[51] Interrogatoire préalable, p. 31; témoignage de Paré.
[52] Pièce P-11.
[53] Id.
[54] Témoignage de Lavoie.
[55] Pièce P-17.
[56] Pièce D-2.
[57] P. 81-82.
[58] Selon la date de la facture et celle du chèque, et sachant que Paré est au chantier le 11 janvier, on comprend que c’est à ce moment qu’il remet à Lavoie copie de la facture de Babin.
[59] Témoignage de Lavoie.
[60] Pièce D-1
[61] Témoignages de Lavoie et de Metthé.
[62] Pièce P-5, p. 3.
[63] Id.
[64] Id., p. 71.
[65] Pièce P-12.
[66] Interrogatoire préalable de Paré, p. 31.
[67] Témoignage de Paré.
[68] Supra, par. [144]-[146].
[69] On comprendra que si à l’hiver 2019 la défenderesse a assigné plus d’hommes au projet, pour un coût par jour plus élevé qu’à l’automne 2018, pour la même valeur de 14 165 $, le nombre de jours travaillés en serait réduit en conséquence.
[70] Incluant des déclarations générales et imprécises sur le sujet du déneigement lors de l’interrogatoire préalable de Paré (p. 71, 91-93, 100-101, et 107-108).
[71] Supra, par. [160]-[165].
[72] C.c.Q., art. 1597 al. 2 et 1604 al. 2.
[73] Témoignage de Paré.
[74] Pièce P-8.
[75] Témoignages de Lavoie et de Brisebois.
[76] En excluant certains travaux qui n’étaient pas inclus au contrat de la défenderesse.
[77] Pièce P-16.
[78] Pièce P-15.
[79] Pièce P-13.
[80] Pièce P-6; témoignage de Lavoie.
[81] Et ce, peu importe que Brisebois ait fait ses propres constats aux fins d’établissement de sa soumission.
[82] Pièce P-8; témoignage de Lavoie.
[83] C.c.Q., art. 1613.
[84] C.c.Q., art. 2104.
[85] Témoignage de Lavoie, non contredit par Paré.
[86] Témoignage de Brisebois.
[87] Rapport Bossus, p. 45-46; témoignage de Brisebois; témoignage de Paré.
[88] Pièce P-12.
[89] Pièce P-13.
[90] Interrogatoire préalable de Paré, p. 92.
[91] Id., p. 62.
[92] Id., p. 61.
[93] Id., p. 92.
[94] Témoignage de Paré.
[95] Interrogatoire préalable de Paré, p. 34-36.
[96] Rapport Bossus, p. 53-55.
[97] P. 34-37 et 39-41.
[98] Supra, par. [154]-[170].
[99] Supra, note 44.
[100] C.c.Q., art. 1373.
[101] Id., art. 1411.
[102] Id., art. 1438 al. 1 : « La clause qui est nulle ne rend pas le contrat invalide quant au reste, à moins qu’il n’apparaisse que le contrat doive être considéré comme un tout indivisible. ». Voir également Sperandio c. 3095-9571 Québec inc., 2005 CanLII 22056 (QC CS), par. 122.
[103] C.c.Q., art. 1422. Voir également l’article 1699 al. 1 C.c.Q.
[104] C.c.Q., art. 1700 al. 1.
[105] Id., art. 1699 al. 2.
[106] Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, [2019] 4 R.C.S. 138, par. 45.
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